Lettre de Bacon de la Chevalerie à JB Willermoz(1775)



Je ne sais, Monsieur, ce que l'on a pu vous répéter. d'alarmant pour l'Ordre des Elus Coëns et particulièrement pour ma gloire - il est vrai, j'ai parlé de la science de Martines et de sa friponnerie, mais des secrets de l'Ordre je n'ai rien révélé, il s'en trouve beaucoup plus d'écrit dans l'Encyclopédie à l'article Rose-Croix que je n'en ai dit aux personnes à qui j'en ai parlé.
Je ne suis ni enthousiaste, ni parjure, j'ai été effrontément trompé par un fripon, insulté par d'honnêtes gens, sur la foi de ce même fripon, connu d'eux pour tel : j'ai voué mon indignation au premier, il l'a emportée au tombeau, et ma pitié aux derniers.
Il me reste un profond mépris. En outre, pour tout ce qui était illusoire dans ce qui m'a été montré quoique je conserve une pente à croire qu'en effet il existe quelque réalité dans la science dont ce coquin de Martines s'était établi professeur et cette entreprise ne rendait qu'à l'orgueil humain.
Quant aux serments qu'on a exigés de moi sans connaissance de cause, j'ai été forcé de les apprécier par le mépris que Martines en a fait lui-même par celui que vous et les autres R. + en avez fait.
Mais je n'ai point à me reprocher d'y avoir manqué. J'en ai cent fois moins dit que Martines en une seule conversation n'en a dit à des profanes, à des femmes, entre autres à Mme la Comtesse de Lusignan.
J'ai pu parler des invocations, mais n'ai prononcé ni aucun mot de puissance, ni aucun de nos formes. Je n'ai fait aucun usage de l'autorité qui m'a été confiée, que je conserve parce que nulle créature humaine peut me la ravir ; que des hommes aveugles et livrés à un instant d'inconséquences ont crû trop légèrement, que j'avais perdue. J'ai souffert sans aigreur et sans murmure les effets de leur faiblesse, mais je ne souffrirais pas de même que l'on me taxât de manquer à mes engagements. Ceci exige un long commentaire. Je ne réponds à votre lettre que sommairement, mais quand vous le voudrez, nous donnerons toute l'extension lit ma réponse dont elle est susceptible.
J'aime, je reconnais, et je respecte la franchise avec laquelle vous m'avez parlé, mais je plains l'aveuglement qui vous a rendu ainsi que les autres injuste envers moi.
Je vous embrasse mon cher Willermoz, de tout mon cœur.

ADDITIF sur la succession de Martinez de Pasqualy :
Selon M. René Philipon , Bacon de La Chevalerie fut destitué par Martines, en 1772, peu avant son embarquement et fut remplacé par De Serre. Une information toute différente est donnée par. le Prince Chrétien de Hesse-Darmstadt (in ordine Christianus Eques a Cedro Libani), dans son carnet de notes autographes où il reproduit une note qu'il avait écrite le 12 janvier 1782 dont voici la traduction de la partie se rapportant à ce fait :
"Ayant décidé un voyage, il (Martines) élut pour son successeur un nommé Bacon de La Chevalerie et au-dessous de lui cinq autres.
1. Saint-Martin, qui est devenu célèbre par le livre Des Erreurs et de la Vérité. Il vit à Paris, près de la marquise de La Croix qui le maltraite assez durement, ce qu'il subit avec patience pour pouvoir toucher sa pension du Roi.
2. Willermoz est le second. Il vit à Lyon et a une bonne tête, mais il se tourmente le jour et la nuit pour augmenter ses revenus : il ne possède plus de proches parents et ne compte pas parmi les marchands vendant bon marché. En outre, il a un esprit très despotique, mais il est d'une vertu stricte. Il a introduit l'ordre de Martines dans la Franc-maçonnerie et en a caché l'origine réelle.
3. Desert ou Deserre, officier d'artillerie est le troisième, il vit à part. Il a eu dans sa jeunesse des querelles avec son frère cadet et, à cause de ces différents, préfère distribuer sa fortune à ses amis, plutôt que de la laisser à ses neveux.
4. Du Roi d'Auterive est le quatrième. Celui-ci a (dit-on) prétendu le 10 pour cent (c'est-à-dire qu'il pratiqua l'usure). Mais ce fait n'est pas complètement prouvé. Il vit, du reste, honnêtement et est toujours jovial. Il donne beaucoup aux pauvres, et sans faire montre d'une vertu austère, il est profondément pieux.
5. Le cinquième (de Lusignan) ne m'est pas encore connu d'une façon certaine pour que je puisse en parler.
Ces cinq personnages n'ont pas voulu reconnaître Bacon de La Chevalerie comme chef, parce qu'il est encore très inconstant dans la vraie discipline de la vie .
Le Prince poursuit :
Le fils de Pasqualis est à peu près dans sa quinzième année ; on l'élève de façon à ce qu'il puisse être un jour le successeur de son père. L'abbé Fournié qui reçoit une pension de la Loge des Amis réunis, est son instituteur.
D'où le Prince Chrétien a-t-il tiré ces informations ?
Il le dit lui-même dans une lettre, rédigée en français, au Grand Profès Metzler, sénateur de Francfort-sur-le-Main :
Dans une conférence que j'eus avec le Marquis de Chef de Bien d'Armissan, eques a capite galeato 1753- 1814, à Strasbourg, au mois de janvier 1782, j'appris que Don Martines Pasqualis était le Chef de cette secte ; qu'elle avait un tout autre but que la Franche Maçonnerie et qu'elle y avait été entée par l'inconsidération d'un des chefs de cette secte. Pasqualis prétendait que ses connaissances venaient d'Orient, mais il était à présumer qu'il les avait reçues de l'Afrique. Avant de quitter la France, Pasqualis institua pour son successeur Bacon de La Chevalerie et sous lui cinq supérieurs. (Suivent les cinq noms rapportés dans le carnet de notes.)
Dans les communications du marquis de Chef de Bien transpire son animosité contre tout ce que l'on peut appeler "Martinisme ". Cela peut même être considéré comme une preuve de la vérité du récit. Enfin, la façon d'écrire les noms s'accorde bien avec le fait qu'ils ont été communiqués de vive voix.
Il se pourrait fort bien que Martines n'ait pas du tout destitué son substitut général Bacon de La Chevalerie, mais qu'avant de s'embarquer, il ait renforcé son Tribunal Souverai
n.

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