Allocution
Prononcée Par Sédir
A La Séance Inaugurale
Des Amitiés Spirituelles
Le 19 Septembre 1920
Mesdames, Messieurs, mes Amis,
Je vous ai
priés de venir pour nous entendre ensemble au sujet d'une mise en
commun de nos énergies éparses et d'une coordination de nos
efforts individuels.
Vous connaissez déjà mes théories; vous savez que je
cherche à réunir l'idéalisme le plus libre et le réalisme
le plus volontaire, et que, par suite, la vie pratique la plus active doit,
à mon avis, être constamment saturée de la présence
divine. A mes yeux, les aspirations très nobles, les méditations
sublimes ne prennent leur force entière que si elles sont conduites
jusqu'à des actes où elles se corporisent. Je ne vous surprendrai
donc pas en vous conviant aujourd'hui à examiner un programme de
réalisations.
*
Le genre humain monte, lentement, sans doute, mais avec continuité,
vers des cimes bien plus belles encore que ne le croient les réformateurs.
Les guerres, les épidémies, les famines, les cataclysmes ne
sont des reculs qu'en surface. Engendrées toujours par les fautes
antérieures des peuples, ces immenses souffrances sont les immenses
élans de la collectivité vers l'idéal. Prenez un homme
passionné qui ne puisse atteindre l'objet de son amour; il gémit,
il pleure, il s'étiole; voilà ce que l'on voit; ce que l'on
ne voit pas, c'est l'énorme nombre de cellules qui, par la violence
de son désir, souffrent dans son corps et meurent. Les victimes des
grandes catastrophes mondiales sont comme ces cellules; elles souffrent,
elles meurent aussi; tout paraît perdu; mais, de même que le
passionné voit plus tard, par sa passion précisément,
des perspectives nouvelles s'ouvrir devant ses pas et des énergies
inconnues se lever dans son être, le peuple décimé voit
au siècle suivant sa grandeur croître ou sa richesse et des
merveilles fleurir dans son sein.
Aucun sombre horizon ne doit faire douter de l'avenir; aucun excès
du Mal triomphant ne doit faire douter du Bien. C'est juste avant l'aurore
que la nuit semble la plus noire. Et puis, Dieu triomphera quand Il voudra,
demain s'il Lui plaît. C'est Lui qui a organisé l'univers,
mais si ce que nous appelons le Mal y semble maître, c'est parce que
nous aidons les méchantes plantes à pousser et il dépend
de nous que le Bien sorte au plus vite de tout ce gâchis.
Si vous acceptez ces prémisses, vous ne concevrez plus de haine ni
de mépris pour aucun sectaire, si forcené soit-il; vous le
plaindrez seulement et, sans vouloir le convertir, ce qui le rendrait plus
furieux encore, vous panserez les blessures qu'il fait, vous protégerez
même, au péril de votre vie, ceux contre lesquels vous le verrez
prêt à tourner sa violence.
*
Aujourd'hui la mode est à l'union. On la prêche entre les partis,
les églises, les sectes et les écoles; mais on ne la réalise
pas, parce qu'on veut la fonder sur des éléments qui appartiennent
au principe de la multiplicité, sur des éléments de
désunion : sur le nombre d'adhérents, sur l'argent, sur la
conformité des opinions mentales. On oublie que l'unité, dans
l'homme et dans la mature, ne peut être qu'intérieure; les
plantes ne sont unes que par une certaine flamme vitale commune à
tous les organismes végétaux; les hommes ne sont uns que par
leur principe central, par leur conscience, de qui les mobiles impriment
aux actes la qualité spirituelle correspondante. Toutes les formes
de la vie ont droit à la vie; nul mouvement social, nul système
philosophique, nul élan religieux ne devrait être jugulé
par la violence. Qu'on empêche un mal évident de nuire, c'est
nécessaire; mais qu'on tyrannise les consciences, personne n'en a
le droit. Dieu même nous laisse libres, après nous avoir avertis.
Ainsi l'enchaînement des circonstances m'a entraîné autrefois
à dire mes opinions personnelles sur les choses de l'Esprit. Les
lecteurs sont venus; quelques-uns m'ont honoré de leur sympathie;
peu à peu, ils se sont appliqués à la réalisation
des principes qui étaient devenus les leurs; et aujourd'hui nous
nous voyons amenés, par les demandes mêmes de ceux qui ne nous
connaissent que de loin, à rendre plus largement publiques nos tentatives
de mysticisme vrai. Nous ne sommes pas des convertisseurs; nous ne visons
qu'à soulager les souffrances environnantes, quelles qu'en soient
les causes, quelles qu'en soient les victimes.
Respectant les opinions et les libertés d'autrui, nous avons droit
à l'indépendance; nous ne sommes à la suite de personne;
derrière nos associés, il n'y a que moi et derrière
moi il n'y a, il n'y aura Jamais que le Christ. Voilà pourquoi je
tiens tant à notre liberté.
L'idéal pour lequel on vit communique aux oeuvres sa lumière
et sa vie propres. Si les intentions diffèrent, les actes diffèrent.
Voici trois dames dans la rue qui, chacune, donnent une pièce de
monnaie à un pauvre. Les trois gestes sont identiques. Mais la première
donne parce qu'on la regarde; la seconde donne par devoir; la troisième
donne parce que derrière cet infirme elle aperçoit Jésus.
L'effluve du premier geste ira dans le royaume de l'amour-propre; celui
du second ira dans le royaume de la philanthropie; celui du troisième
ira seul au royaume éternel de l'Amour où habite Celui en
l'honneur de qui il a été fait.
Voilà notre but. Nous admirons les savants, les philosophes, les
artistes, les chercheurs de mystères, les hommes d'action; nous les
respectons, nous nous instruisons de leurs recherches et de leurs exemples;
mais ce n'est pas la science, ce n'est pas la pensée, ce n'est pas
l'esthétique ni la volonté ni les choses secrètes ni
les rites qui rendent l'homme capable de rentrer dans l'éternel;
toutes ces choses sont relatives, elles ne peuvent pas ouvrir l'Absolu;
ce sont des chemins qui mènent à la Voie étroite, la
seule où Se tienne le Christ en personne. Partout ailleurs il n'y
a que des images de Lui ou de Ses envoyés.
Les chemins latéraux sont utiles; le chemin étroit seul est
nécessaire. Tout être, quelle que soit son intelligence, sa
culture ou sa puissance, a besoin de mourir à la volonté propre
pour renaître au Christ; ou, en termes plus simples, le plus grand
savant, le plus génial artiste, le meneur le plus fort toit, pour
se sauver, aimer les autres comme lui-même et implorer le secours
du Père. Et le plus fruste des hommes peut entrer au Ciel s'il aide
ses compagnons de misère et s'il élève vers Dieu son
pauvre coeur à peine dégrossi.
Telle est notre foi. Nous sommes certains que le Christ seul peut faire
passer les êtres du relatif dans l'Absolu. Qu'on veuille bien nous
permettre de ne pas contracter alliance avec ceux qui ne croient pas comme
nous. Nous ne pouvons pas nous dire d'accord avec ceux qui ne voient en
Jésus qu'un symbole, un mythe ou un homme semblable à nous.
Leurs efforts et nos efforts ne vont pas dans le même soleil. Séparés
dans l'Invisible, pourquoi se réunir dans le Visible ? Et se sentir
puissants parce qu'on est nombreux, ce ne serait pas du spiritualisme, ce
serait du matérialisme.
De la croyance au Christ, Sauveur unique, dépend le flux et le reflux
du progrès réel. La civilisation monte en spirale entre des
cadres opposés qui s'appellent la religion et la philosophie, l'art
et la science, la tradition et la révolution. Comme aux époques
analogues, notre temps d'analyse et de matérialisme remplace le surnaturel
par le merveilleux. Les foules, en allant vers les idoles, prétendent
aller à Dieu. Nous, nous croyons qu'il faut toujours se hâter
d'aller à Dieu par le plus court chemin, et je vous ai réunis
maintenant pour que ceux d'entre vous qui pensent de même se joignent
tout de suite à nous.
*
S'unir n'est pas se décerner mutuellement des éloges; c'est
d'abord ne pas se croire plus intelligent que le voisin. S'unir, ce n'est
pas s'entendre sur des terminologies, c'est reconnaître qu'on ne peut
rien savoir que des apparences et des approximations. S'unir n'est pas mettre
des budgets en commun, c'est donner sans cesse, à mesure que l'argent
rentre. S'unir, ce n'est pas suivre des rites à heures fixes, c'est
vivre toutes les minutes pour le même idéal. S'unir, ce n'est
pas soulager tel malheureux parce qu'il pense comme nous, c'est aider tous
les malheureux parce que chacun représente l'une des innombrables
douleurs de Jésus.
S'unir enfin demande mieux qu'un vague déisme. Aucun travail n'exige
plus de précision que le travail spirituel. De même que les
démagogues et les mauvais rois exploitent les instincts généreux
du peuple au profit de leurs ambitions, de même des corrupteurs invisibles
détournent habilement nos religiosités imprécises vers
les marécages où s'embourbent nos âmes. Veillez, a dit
le Christ; cela veut dire : soyez éveillés. Soyons simples,
certes, comme les colombes, mais soyons aussi prudents comme les serpents.
Pour cela, il faut voir clair et passer toute chose au crible.
Quel terrain d'entente trouver entre les diverses opinions ? Sans doute
le désir commun à tous les êtres, le désir du
bonheur. On le place en mille objets aussi décevants ou aussi peu
accessibles les uns que les autres. Or, le bonheur, c'est l'expansion la
plus harmonieuse du plus grand nombre possible de nos puissances. Il nous
paraît donc que Dieu seul, somme de toutes les grandeurs et de toutes
les beautés, trésor sans fond de tout l'inconcevable, peut
nous donner ce bonheur définitif qui étanchera la soif inextinguible
de nos âmes. Dieu seul dilate notre être par-delà les
limites et le libère.
Ainsi l'union vraie ne tend que vers Dieu manifesté eh Jésus,
Son Fils unique. Et, pour nous, le travail manuel, l'étude, la conduite
des affaires, tout ne sera que par le Christ et pour le Christ.
Les veilles du savant, les angoisses de l'artiste, les désespoirs
du coeur trahi, les inquiétudes de tout le monde ne sont rien autre
que les meurtrissures fatidiques des chaînes dont chacun se forge
à chaque faute nouvelle et rive à ses chevilles un maillon
nouveau. Le Christ a est l'unique briseur, parce que Lui seul possède
le pouvoir d'illuminer notre conscience sans toucher à notre libre
arbitre.
Ce Dieu unique est notre seul Maître; Lui seul nous apprend nos devoirs
et nous confère nos privilèges; Lui seul nous indique la méthode
pour la conquête de nous-mêmes et nous apprend ce qu'il faut
dire aux affligés, ce qu'il faut faire aux malheureux.
*
Ces préliminaires acceptés, je pense que vous accepterez aussi
les buts de notre groupement.
D'abord reconnaître et faire connaître le Christ Jésus,
Fils unique de Dieu, Verbe éternel incarné, puis ressuscité,
seul Maître et seul Sauveur. Ceci, afin que les fruits de nos oeuvres,
transportés par les anges jusque devant la face du Père, retombent
ensuite sur ce monde comme les semences de la Vie éternelle.
Secondement, réveiller cette lumière dans les coeurs où
la recouvrent les cendres des idolâtries, surtout en priant pour eux.
Enfin montrer le Christ à tous : où Il Se trouve dans les
phénomènes; où, dans la Beauté; où, dans
la Pensée; où, parmi les peuples et les religions; où,
parmi les morales et parmi les oeuvres.
Et, pour tout dire en un mot, nous nous proposons de donner aux autres tout
ce que mous avons reçu : nos forces physiques et morales, notre intelligence,
notre pouvoir d'aimer, notre temps, notre argent et jusqu'à notre
bonheur. Car nous savons que rien de ce qui paraît être à
nous ne nous appartient; nous avons reçu tout. Le serviteur du Christ,
auquel nous essayons de ressembler, se charge de tous les devoirs et ne
se reconnaît aucun droit; à la patrie il donne son sang; à
la cité, ses talents; à sa famille, sa tendresse fidèle;
aux autres hommes, sa charité; à Dieu, sa prière.
A nos yeux, tout comporte du bien, tout est utile; nous n'attaquerons donc
ni les nouveautés, ni les audaces, ni les conservatismes, ni les
timidités; notre voeu ne va ni vers l'avenir ni vers le passé,
mais se concentre sur la minute présente où brille, selon
la parole du Christ, le feu éblouissant de l'Éternité.
*
Voilà notre tache. Elle est immense, elle est humainement impossible,
nous l'entreprenons cependant, car notre Maître Se charge de l'impossible
pourvu que nous, nous fassions notre possible.
Depuis plusieurs années nous y travaillons à quelques-uns.
Qu'il me soit permis de rendre un hommage public au zèle caché
de ces hommes qui m'ont fait l'honneur de collaborer avec moi. Vieux compagnons
de ma jeunesse et vous, enrôlés plus tard : les uns comme les
autres serviteurs du même Maître, les uns comme les autres mes
Amis très chers, vous tous revenus des pays étranges vers
les campagnes natales et des songes décevants vers les divines réalités,
recevez ma fraternelle gratitude.
Quand vous vous êtes offerts, je vous ai répondu en vous demandant
l'impossible. Je vous ai voulus enflammes d'une foi identique; je vous ai
voulus las de toutes enquêtes, réfugiés dans le seul
Évangile et ne voyant plus à vivre d'autres raisons que la
nécessité de la prière et l'urgence du don de soi-même.
Je vous ai voulus aveugles à toute clarté sauf à celle
de Dieu, insensibles à toute beauté sauf à la gloire
éternelle. Je vous ai laissés dans le monde, sans ermitage
ni cloître, sans règle minutieuse; je vous ai demandé
de vivre dans vos villes, dans vos familles, parmi les foules, en y gardant
cette solitude mystique où passent seules les cohortes des anges
et les nuées resplendissantes de la Présence indicible. Je
vous ai demandé de prendre les mêmes soucis que les autres
hommes, de gagner le pain des vôtres, de gouverner vos familles, de
vous harasser dans vos professions, autant que les pères, les époux
et les travailleurs ordinaires; et, en plus, je vous ai demandé te
secourir le pauvre qui passe, de consoler le chagrin de l'inconnu, de garder
la sereine confiance quand le destin vous accable. Je vous ai demandé
vos distractions et vos plaisirs, vos jours et vos veilles.
D'ordinaire, on ne noue les liens sacrés de l'amitié qu'après
l'établissement solide d'une estime mutuelle. Or je vous ai cherchés
dans les milieux les plus différents et, inconnus les uns des autres,
vous avez bien voulu, dès le premier jour de votre agrégation,
vous traiter comme des frères, enfants du même Père,
unis par l'affection la plus profonde, uniquement parce que chacun savait
que tous les autres servaient le même Maître.
Vous avez accepté tout cela, mes Amis; un Autre que moi vous en remerciera.
La guerre est venue. Neuf d'entre vous y ont succombé; plusieurs
autres n'en sont sortis qu'avec la souffrance comme compagne perpétuelle.
Vous, les morts, nos frères toujours présents, vous avez accepté
la mort; et vous autres, invalides glorieux, vous soutenez sans plainte
votre peine incurable; aucun de vous tous par surcroît ne redoute
ces épreuves de la vie dont les anciennes épreuves initiatiques
n'étaient que les symboles artificiels. Pour cela aussi, le juste
Juge vous récompensera.
Parallèlement à cette phalange de travailleurs mystiques,
s'efforcent en silence quelques Marthes et quelques Maries. Elles ne s'adonnent
pas non plus aux oeuvres extraordinaires, contentes si leurs jours de femmes,
d'épouses et de mères s'ornent des sacrifices secrets que
le Christ aime les voir accomplir en souriant. Éducatrices, conseillères,
consolatrices, charitables, elles ajoutent de la grâce à la
bienfaisance et donnent à la Lumière qu'elles servent une
douceur plus attrayante.
*
Les seuls liens de ces groupements concentriques sont la force de leur Idéal
et la ferveur des participants. A une époque où les plus merveilleux
triomphes sur la matière portent l'homme à s'asseoir parmi
les dieux, il faut que quelques-uns proclament la souveraineté de
l'Esprit. Notre Maître nous a promis tout ce que nous Lui demanderions;
si nous sommes de vrais, de parfaits disciples, nous voilà tout-puissants.
La méthode la plus sûre pour atteindre cet état, c'est
de se sacrifier à autrui sans espoir de récompense. Tel est
notre travail, tour à tour intérieur puis extérieur,
tour à tour violent et doux, mais toujours le plus noble, le plus
beau, le plus nécessaire.
Ce n'est pas une adhésion nominale aux " Amitiés spirituelles
" que j'attends de vous, Mesdames et Messieurs; c'est vos coeurs dont
j'ai besoin, des coeurs ardents, des flammes pures et bien droites et qui
montent jusqu'aux cieux et qui allument tout autour d'elles.
Qu'est-ce qui fait la force d'un organisme, sinon sa cohésion ? Qu'est-ce
qui rend celle-ci homogène, inviolable, souple, vivante, sinon la
sublimité, la vitalité de son principe ? Or, notre principe,
le Christ, c'est la Vie elle-même, le sommet du monde. Le seul fait
que nous appartenons au Christ confère à notre groupe cette
indissoluble cohésion; mais il s'agit de bien Lui appartenir; tout
est dans l'appartenance.
Voilà pourquoi aux anciens, aux nouveaux, à ceux et à
celles qui tout à l'heure vont s'inscrire, à tous, je vous
demande de donner vos coeurs. Notre idéal est vivant là-haut;
que chacun de vos gestes désormais, chacune de vos paroles et de
vos pensées soient des pas à Sa rencontre; ce n'est qu'en
montant vers Lui qu'Il descendra vers vous. Dans toutes vos heures encadrez
une image de Lui où vos frères puissent Le reconnaître.
Plusieurs d'entre vous vivent seuls, dans une ville ou dans un hameau :
qu'ils tiennent bon; la solitude donne la solidité; elle nous dépouille
du superflu, elle fait des muscles souples à l'énergie, elle
nous intériorise. Accueillez-la, écoutez attentivement sa
voix, écho des grandeurs disparues et mère des grandeurs futures.
Elle vous oblige à ne rien attendre que de Dieu, et votre foi qu'elle
recuit et qu'elle trempe devient l'armature résistante et flexible
du groupement tout entier.
Cependant, si d'autres, plus heureux, peuvent se réunir à
quelques-uns, qu'ils reconnaissent leur chance en utilisant au mieux ces
conciliabules.
Les psychologues disent que l'âme collective d'une assemblée
n'atteint jamais la moyenne des mentalités individuelles qui la composent.
C'est parce que l'on ne s'assemble guère que pour des fins d'égoïsme
matériel ou psychique. Mais vos réunions, à vous autres,
où le but ne sera que de bienfaisance et d'amitié, vos coeurs
s'y exalteront dans la prière, ils se verseront tout entiers dans
ces entretiens fraternels et, les souffles de l'Esprit descendant à
la suite du Christ, une vie mystérieuse vous animera par la force
de laquelle vous rayonnerez toujours davantage la Lumière dont vous
êtes élus à devenir les porteurs.
Ne négligez rien; le moindre effort est gros de résultats
incalculables, car les anges, jardiniers de l'Esprit, sont toujours présents.
Les jours ordinaires, appelez Jésus par vos oeuvres; les jours de
réunion, appelez-Le par une prière vraiment commune, par une
véritable communion spirituelle. D'une façon générale,
quoi que ce soit que vous fassiez, faites-le de toutes vos forces, de toute
votre âme; mettez-y tout vous-mêmes. Je n'attends pas de vous
l'activité prodigieuse que déploient les grands hommes d'affaires;
je vous demande plutôt du travail en profondeur; c'est par le dedans
que les êtres les plus éloignés, les objets les plus
disparates, les ancêtres et les plus lointains futurs se rejoignent.
*
Combien de choses n'aurais-je pas encore à dire aux membres nouveaux
des " Amitiés spirituelles " ! Conversations, causeries,
lectures, correspondances, articles, visites aux pauvres, aux prisonniers,
aux incurables, soins aux malades, tout le monde peut faire cela et le faire
de mieux en mieux, avec plus de douceur, de force, de flamme, avec plus
de compréhension, de mesure, de persévérance : avec
plus de Lumière. Combattez sans arrêt l'égoïsme
en vous et l'inertie; priez : l'Esprit alors vous enseignera tout d'une
manière ineffable et vous guidera quand vous ne trouverez plus votre
chemin.
Mais il faut que je termine.
Je voudrais vous mener tous au bonheur éternel des enfants du Père
sans qu'il vous en coûte. Cela ne se peut. Jésus lui-même
S'est condamné, par amour pour nous, à ne nous offrir que
la possibilité du salut; il faut que nous la saisissions nous-mêmes;
la réalité de notre salut, c'est à chacun de nous personnellement
qu'elle incombe, parce que nous sommes des êtres libres et que la
perfection de notre liberté constitue le principe même de ce
salut bienheureux.
En vous disant tout ce qui m'a été dit, en vous donnant peu
à peu tout ce qui m'a été donné, je vous laisse
tout de même la plus grande partie de l'effort. Gardez cependant vos
courages intacts; des sollicitudes bien plus puissantes que la mienne vous
veillent et vous aident. C'est à vous à les conserver par
vos efforts. Vous reconnaissez dès ici-bas le Christ comme votre
Seigneur; Il vous reconnaîtra comme Ses amis, au dernier jour, devant
l'univers assemblé. D'ici là Ses anges ne vous quitteront
plus parce que, où que votre devoir vous mène, votre coeur
ne quittera plus Son coeur.
Demain vous serez de nouveau à vos besognes; que le sentiment de
notre fraternité vivante vous les allège ! Chacun de vous
peut être assuré que tous les autres pensent à lui,
l'aiment et prient pour lui; songez à la magnificence de notre oeuvre,
aux fruits qu'elle peut rendre, à tout le bonheur qu'elle contient;
nous travaillons désormais les uns pour les autres dans la mesure
où nous travaillons pour toutes les misères; nous sommes tous,
dans ce service universel, au service les uns des autres; et tout cela ensemble,
c'est le service de Jésus, parce que Jésus est la force même
de l'unification et de l'harmonie. Vous tous donc, les hommes, les femmes,
les membres des " Amitiés " et ceux qui travaillent plus
intensément encore, devenez unis, demeurez unis, attachez-vous à
notre Christ et Il vous fera participer aux trésors de Son Père.
Enfin, vous qui marchez avec moi depuis longtemps, vous qui allez bientôt
vous joindre au petit groupe ancien, je veux vous dire que je sens le prix
de votre confiance, qu'elle me touche, que je lui serai fidèle et
que tout mon pauvre possible est à vous. Trop heureux serai-je si
de temps à autre il m'est donné de vous servir.