Maître Ecossais de Saint-André
1. - L'écossisme.
a ) Le grade de Maître Ecossais de Saint-André ( Rite Ecossais Rectifié ), sous ce nom et sous ceux d' Ecossais et de Maître Ecossais ) qui le désignent aussi, ainsi que le grade de Mâître Parfait de Saint-André qui le dédouble parfois et celui d'Ecossais Vert auquel il a succédé, appartiennent à la famille des grades dits écossais. Famille immense et turbulente, où les avortons, les mort-nés et les stériles abondent, mais dont plusieurs dizaines de membres ont survécu, avec des fortunes diverses, certains s'illustrant; tous issus, sur le continent. du Scotch Mason attesté à Londres en 1733 ( où il engendrera le Royal Arch ) et débarqué en France à la fin de 1743. ( Leur floraison anarchique ne commencera pas avant 1760. )
b ) La documentation se trouve principalement à la bibliothèque municipale de Lyon ( fonds Willermoz ); parmi les nombreux compléments qui nous sont parvenus, citons ceux que conserve la bibliothèque du Grand Orient à La Haye. Très généralement, Cf les bibliographies du Rite Ecossais Rectifié établies par Robert Amadou ( Bibliographie du Rite Ecossais Rectifié , hors commerce ) et Jean Saunier ( Eléments de bibliographie , Le Symbolisme, octobre-décembre 1968, pp. 56-68 ) et surtout la bibliographie à paraître que ces deux auteurs ont compilée er. collaboration. Dès maintenant, il faut signaler, d'un intérêt exceptionnel, par Jean Saunier, Introduction à l'hude du grade de Mâître Ecossais de SaintAndré )) ( J. Saunier et B. Guillermain, Rite Ecossais Rectifié..., [ Paris ]. Chancellerie de l'Ordre ~ 1971 ], pp. 9-55 ). La fervente étude de Charles Montchal, Loge de Saint-André... Origine, histoire, rituels, symboles, Genève, imp. d'Albert Kundig, 1913, tirée à 100 ex. h.c., procure maint renseignement et surtout mainte réflexion utile, mais la critique historique doit s y appliquer.
c ) Le thème général, commun à la plupart de ces grades et où des thèmes adventices furent rattachés avec plus ou moins d'adresse, est celui de la destruction du premier Temple et de sa reconstruction, de l'exil à Babylone et du retour sous Cyrus.
d ) Dans le labyrinthe signalons une fausse piste: I'Ecossais de Saint-André d'Ecosse composé par le baron de Tschoudy en 1765 appartient à la famille écossaise, mais il ne possède pas de rappon direct avec le grade en question.
e ) Autre erreur à dénoncer: les liens déclarés de l'Ecossais Vert et du Maître Ecossais de Saint-André avec l'Ordre de Saint-André du Chardon, où Robert Bruce, en Ecosse géographique cette fois, aurait admis des Templiers réfugiés et, particulièrement, avec la résurgence stuardiste de cet Ordre, peuvent revêtir un fort beau symbolisme, mais ils manquent de fondement historique.
2. - La Stricte ObservanceTempliere.
La Stricte Observance Templière possédait au moins deux grades écossais. L'un d'eux, I'Ecossais Vert, constituait le quatrième grade et ouvrait le deuxième degré des grades du système; il appartenait donc à l'Ordre intérieur, tandis que les trois premiers grades, constituant le premier degré , étaient les grades symboliques qu'on dirait anglais ( Un rituel de ce grade a été publié par Ostabat, Le Symbolisme , juillet-octobre 1971, pp. 226-244. )
La présence de grades écossais dans la Stricte Observance Templière répondrait, selon Alice Joly, à un compromis entre les usages des loges allemandes tels que les avait modifiés l'admission dans l'Ordre des Chevaliers Templiers de Starck et Raven, et ceux des Frères de Strasbourg, attachés à cultiver les Hauts Grades français .
3. - La réforme lyonnaise.
a ) En tout
état de cause, la présence de l'Ecossais Vert, guère
templariste en effet, étonna les Frères Iyonnais.
En août 1774, ils demandèrent à Weiler, qui venait les
rectifer en leur apportant la Stricte Observance Templière, si l'Ecossais
Vert relevait bien de l'Ordre intérieur. La réponse fut confirmative.
b ) Au mois
de mars 1777, Lut7elbourg proposait que le grade fût ôté
de l'Ordre intérieur pour venir couronner le premier degré
. Le 28 mars 1777, le Chapitre de Lyon y fit droit; il pratiquera désormais
quatre grades symboliques: Apprenti, Compagnon, Mâître et Ecossais
Vert.
Le 25 avril de la même année, le Grand Directoire d'Auvergne
déférant aux intentions du Sérénissime Frère
Grand Supérieur de l'Ordre, notifiées par le Très Révérend
Frère de l'Arc, Commissaire Général, le 4 avril et
à l'invitation du Très Révérend ~rand Chapitre
Provincial de Bourgogne d'adhérer à sa délibération
du 18 mars dernier, et vue la cessation des motifs qui ont empêché
jusqu'à présent les provinces de France de s'assimiler à
celles d'Allemagne et autres de l'Ordre concernant le grade d'Ecossais Vert,
a confirmé unanimement ses délibérations précédentes
faites en Directoire Ecossais et notamment celle du 28 mars à ce
sujet.
En conséquence, il a arrêté qu'à compter de ce jour le grade d'Ecossais Vert serait rendu ostensible dans toutes les loges réunies du district sous la simple dénomination d'Ecossais ainsi que le tablier, ruban et bijou affectés à ce grade; qu'il serait joint aux trois premiers grades et ferait le complément de la maçonnerie symbolique; que néanmoins il ne serait jamais conféré que par le Directoire ou avec sa permission par écrit aux Frères de son district, ou a~ec la permission par écrit de celui auquel ils appartiendront, en se corformant à la délibération et aux règlements qui y sont joints, détaillés dans le protocole de ce jour aux registres du Directoire Ecossais séant à Lyon, dont copie sera envoyée au T.R.F. de l'Arc ainsi que du tableau ostensible des membres du Directoire qui suit ladite délibération .( Registre des délibérations du Grand Directoire, B.M. Lyon mss 5 481, p. 8 ).
c ) Lors de la 8e séance du Convent des Gaules, le 5 décembre 1778, Willermoz ayant fait savoir combien le grade d'Ecossais Vert, moitié symbolique, moitié appartenant à l'Ordre intérieur, avait été juqu'ici peu satisfaisant, le Convent, en le détachant des Hauts Grades, le déclara quatrième grade symbolique et a approuvé le plan de réforme proposé par ce Frère, qui a été exhorté à le rédiger sur cet aperçu, et à présenter son travail, lors de la rectification des grades symboliques.
En conséquence de quoi, I'Ecossais ( Vert ) fut rebaptisé et, déplacé, son rituel fut modifié et le Code maçonnique des Loges réunies et rectifiées de France, de 1778, édicta au Chapitre X: La maçonnerie rectifiée ne reconnait que quatre grades, savoir: ceux d'Apprenti, de Compagnon, de Maître et de Maître Ecossais. Tous les autres grades, sous quelque dénomination qu'ils soient connus, principalement toute espèce d'élu, de chevalier KS [ sc. Kadosch ] et des grades qui leur ressemblent, sont expressément défendus dans toutes les loges réunies, sous les peines les plus graves, comme dangereux et contraires au but et à l'esprit de la FrancMaçonnerie.
4. - A Wilhelmsbad.
Ce point, comme tant d'autres, fut entériné au niveau du Régime par le Convent de Wilhelmsbad en 1782, dont le recès porte, chapitre IV: Et comme dans presque tous les Régimes, il se trouve une classe écossaise, dont les rituels contiennent le complément des symboles maçonniques, nous avons jugé utile [sur son exemplaire imprimé, conservé à la B.M. de Lyon, Willermoz a porté ici la correction manuscrite: ou nécessaire ] d'en conserver une dans la nôtre, intermédiaire entre l'Ordre symbolique et intérieur; avons approuvé les matériaux fournis par le comité des rituels et chargé le R $ F $ ab Eremo ( Willermoz ) . [ W. a d'abord ajouté après ce dernier mot: aîné, puis il a biffé son titre, son nom d'Ordre et son patronyme et écrit en place: I'un de ses membres ] d'en faire rédaction. ( Ex. imprimé, annoté à la main par Willermoz, B.M. Lyon, mss 5 458, pièce 2bis, p. 5 ).
Willermoz ne faillit point à la tâche.
II. - ORGANISATION.
1. - Ainsi le Maître Ecossais de Saint-André, qui s'appela d'abord Maître Ecossais sans autre, est, dans le Rite Ecossais Rectifié, et n'importe ses origines et ses apparentements historiques, un grade symbolique ( puisqu'il est maçonnique stricto sensu ); mais un grade vert et non pas bleu . Il complète, parfait le grade de Maître Maçon ( à l'instar du Royal Arch sur une branche collatérale du Scotch Mason ancestral ).
2. - Entre la Maîtrise et la réception du quatrième grade, un délai d'un an est requis. Le Maître Maçon qui souhaite, toutes conditions étant remplies d'ailleurs, accéder au dit grade, en fera la demande au Député-Maître de la Loge Ecossaise.
3. - Les marques distinctives des Maîtres Ecossais sont: ler un Tablier de peau blanche, coupé en carré, long en travers, ainsi que la bavette, qui sera doublée de taffetas vert, la bavette rebordée couleur de feu; 2è un cordon vert à gros grains moiré de la largeur de deux pouces et demi, avec une rebordure de trois lignes en couleur de feu, sur le bord extérieur seulement, avec une petite rosette aussi couleur de feu au bas; 3è le bijou du grade en vermeil, qui sera suspendu sur la poitrine par le cordon passé au col en sautoir, et qui y sera attaché par un petit ruban couleur de feu. Ce bijou sera une étoile flamboyante à six pointes, formant un double Triangle avec le lettre H au milieu entre le Compas et l'Equerre sur un fond en couleur de feu. Cette étoile sera entourée d'un cercle surmonté d'une couronne. ( Code ... de 1778, Article X. Sur son exemplaire imprimé, Willermoz avait note en marge: Ce bijou sera changé dans le nouveau rituel du quatrième grade. B.M. Lyon mss 5 458, pièce 2 ).
4. - La Loge Saint-André n'est point permanente ni délibérante;
elle n'a point de caisse propre à elle, elle n'existe que temporairement
et seulement pour des cas de réception, de scrutin et d'instruction
de nouveaux reçus. Elle est placée sous la dépendance
d'une Préfecture ( c'està-dire de l'Ordre intérieur
) ou d'une Commanderie désignée par le Directoire, ou sous
la dépendance immédiate de celui-ci ( c'est-à-dire,
d'une façon ou d'une autre, sous la dépendance de l'Ordre
intérieur ).
Le Député-Mâître est un dignitaire inamovible
de l'Ordre nommé par la Grande Loge Ecossaise dont il reçoit
ses provisions et instructions.
5. - Au Rite Ecossais Rectifié, le conseil d'administration de la loge n'est pas constitué par le Collège des Officiers mais par le Comité Ecossais, c'est-à-dire l'ensemble des Maitres Ecossais de la loge, qu'ils en soient ou n'en soient pas officiers, siégeant sous la présidence du Vénérable Mâître, lequel doit obligatoirement être Maître Ecossais.
III. - RlTUELS.
1. - Au Convent des Gaules.
a ) En 1778,
affirmera Willermoz, trois ans plus tard, ( lettre à Charles de Hesse-Cassel,
du 12 octobre 1781 ), on jugea qu'il conviendrait de conserver dans le quatrieme
grade les principaux traits caractéristiques des divers écossismes
de la Maçonnerie française pour servir un jour de point de
rapprochement avec elle. Et il est vrai que le thème commun aux grades
écossais sous son aspect particulier d' exploration des ruines du
Temple par les Croisés Ecossais portant l'épée d'une
main et la truelle de l'autre ( Le Forestier ), ce thème ainsi particularisé
s'y retrouve. La juxtaposition de la truelle et de l'épée
correspond parfaitement à un grade qui annonce le passage de la Maçonnerie
symbolique ( par définition ) à l'Ordre intérieur,
à l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte proprement
dit ( quoique la Maçonnerie symbolique, à quatre grades, et
les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte constituent ensemble
le Rite Ecossais Rectifié, la Maçonnerie Ecossaise Rectifiée
au sens large ).
Le mot sacré et le mot de passe restèrent ceux de l'Ecossais
Vert. Ils le sont encore.
b ) - Le Convent des Gaules dans sa 17è séance, le 9 décembre 1778, approuva le rituel et les instructions des grades symboliques de Compagnon, de Maître et de Maître Ecossais, dont Willermoz avait fait lecture.
2. - Au Convent de Wilhelmsbad.
Au Convent de Wilhelmsbad, Willermoz présenta l'esquisse d'une autre version qui fut adoptée, le 26 août 1782, en même temps que le texte des trois premiers grades.
3. - Après Wilbelmsbad.
a ) Le reste de l'histoire a été racontée par Willermoz lui-même dans sa lettre du 10 septembre 1810 au prince Charles de Hesse-Cassel. L'affaire a été si embrouillée et elle importe tant, que mieux vaut en citer tout du long les fragments pertinents. ( Cette lettre a été publiée in extenso ap. Steel-Maret, ps. Bouchet et Boccard, Archives secrètes de la Franc-Maçonnerie. Collège métropolitain de France à Lyon. IIè province dite d'Auvergne 1765-1852, Lyon, Librairie de la Préfecture, 1893, pp. 3-15; rééd. augmentée, par Amadou et Saunier, à paraitre ).
A Wilhelmsbad,
les bases du 4è grade furent aussi arrêtées, et Votre
Altesse me confia personnellement les instructions et l'esquisse du tableau
figurant la nouvelle Jérusalem et la Montagne de Sion surmontée
de l'Agneau triomphant, le tout écrit de sa propre main et adopté
par le Convent pour me diriger dans cette partie du travail. Les rituels
français de Novices et de Chevaliers furent aussi pris pour base
de la révision de cette classe.
Cette Commission [ sc.Ia Commission spéciale pour la rédaction
des rituels prise dans le sein de l'Assemblée parmi les Frères
d'Auvergne et de Bourgogne ] divisée en deux sections à cent
lieues de distance l'une de l'autre, reconnut dès la première
année de 1783 que les communications par correspondance de chaque
parcelle du travail prolongeraient son ensemble pour bien des années,
on chercha donc les moyens de parer à cet inconvénient. Les
Frères de Bourgogne pleins de confiance envers ceux d'Auvergne, qui
offraient à Lyon un plus grand nombre d'hommes capables qu'à
Strasbourg, engagèrent ceux-ci à se charger de l'ensemble
de l'ouvrage; sauf la communication à leur donner de chaque partie
avant qu'elle Mt définitivement arrêtée; c'est sur ce
plan que tout le travail fut exécuté [...]
Quoi qu'il en soit, après la révision des trois premiers grades
symboliques il paraissait convenable de faire du 4è, ce qui aurait
complété cette classe et en aurait accéléré
la publication.
Mais la Commission se rappelant que le Convent avait considéré
ce 4è comme intermédiaire entre le symbolique et l'intérieur,
comme le complément du premier et préparatoire au second,
enfin comme le point de liaison des deux classes, crut devoir en suspendre
la révision, et faire auparavent celles des deux rituels de noviciat
et de chevalerie; ces derniers n'exigeant point un travail ni long, ni difficile
et n'ayant plus besoin que d'être perfectionnés. Ceux-ci étant
finis, la commission entreprit le travail du 4è dans les vues qui
avaient été apportées de Wilhelmsbad, elle s'en occupa
longtemps avec une grande attention, sentant toute l'importance du travail
qui lui était confié. Il était très avancé
et presque fini lorsque les états généraux de France
furent convoqués. Plusieurs membres de cette commission jouissant
d'une réputation distinguée, et appartenant aux trois Ordres
politiques, furent élus pour se rendre à cette assemblée;
leur départ faisant un grand vide dans la commission, fit suspendre
le travail jusqu'à un temps plus favorable pour le reprendre et ce
temps n'est plus revenu. Elle remit entre mes mains tout ce qu'elle avait
fait ainsi que tous les renseignements, instructions et tableaux qui avaient
été fournis par le Convent et par Votre Altesse, et j'en suis
resté constamment dépositaire jusqu'à ce jour.
Les provinces informées que l'ouvrage était très avancé
et qu'il laissait une grande lacune dans la rectification générale
qui avait été annoncée, ne cessèrent de réclamer
la confection et l'envoi de ce 4è, mais il ne fut pas possible de
les satisfaire; car la divergence des opinions politiques ne tarda pas bien
longtemps à diviser partout les esprits. Celui de discorde vint bientôt
souffler son poison dans les loges comme partout ailleurs; celles du régime
rectifié, plus fermes dans les principes, résistèrent
plus longtemps que les autres, mais furent ensuite entrâînées
par le torrent. Les Frères Grands Profès disséminés
çà et là réunirent leurs forces, soutinrent
courageusement les chocs et firent tête à l'orage le plus longtemps
qu'il fut possible; mais à leur tour, ils furent accablés.[...]
J'ai annoncé plus haut à Votre Altesse que le travail de rédaction
presque fini au 4è grade de Mâître Ecossais, avait été
forcément suspendu en 1789; que la Commission qui en avait été
chargée avait remis alors entre mes mains, en se séparant,
tout ce qui était nécessaire pour l'achever, et que cette
lacune dans la totalité de la révision générale
avait donné lieu à beaucoup d'instances faites de tous côtés,
que je n'avais pu satisfaire, n'osant prendre sur moi seul de compléter
ce travail. Vingt années se sont écoulées en cet état;
mais l'année dernière après la grande maladie que j'essuyai,
me voyant rester seul de tous ceux qui avaient participé à
cet ouvrage, effrayé du danger que je venais de courir et sentant
vivement toutes les conséquences fâcheuses qui en résulteraient
si cette lacune dans le Régime Rectifié n'était pas
remplie avant ma mort, j'osai entreprendre de le faire. Il ne restait qu'à
lier les différentes parties du rituel et à mettre la dernière
main aux explications des tableaux et aux instructions de ce grade. Ce rituel
a été publié dans les loges réunies de France
vers la fin de 1809; et il a été accueilli partout avec la
plus grande satisfaction; je regrette seulement que le défaut de
copistes ne m'ait pas permis de le communiquer encore à tous les
établissements maçonniques qui le demandent.
b ) En outre, des versions provisoires furent mises en circulation, dès après le Convent de Wilhelmsbad et ainsi se rencontre un rituel de 1784-1785, dit de 1785.
c ) La liste des principaux rituels connus du Mâître Ecossais de Saint-André s'établit donc comme suit:
- Rituel du Convent des Gaules ( 1778 ); grade de Mâître Ecossais, trois tableaux seulement ( Saint-André est absent du titre comme du rituel où, postérieurement, il figurera sur un quatrième tableau ).
- Rituels postérieurs à Wilhelmsbad: I'un de 1785, I'autre, version révisée de celui-ci, de 1809-1810, tous deux ne comportant qu'un grade, celui de Maître Ecossais de Saint-André ( je souligne ) et quatre tableaux ( Saint-André apparaît et apporte le baptême, la confirmation et l'homélie...).
- Rituel du Grand Orient de France ( 1911 ): encore un seul grade, celui de Maître Ecossais de Saint-André; le quatrième tableau devient un tapis d'Ordre et après la christianisation, c'est la déchristianisation.
- Rituel de Genève ( 1893-1894 ): le 29 novembre 1893, il dédouble le grade de Mâître Ecossais de Saint-André et Mâître Parfait de Saint-André; quatre tableaux; le texte de l'instruction est altéré. Les deux grades se donnent en deux parties. Celles-ci constituèrent de 1894 à 1899 deux cérémonies distinctes. Depuis 1899, elles se succèdent au cours d'une seule cérémonie.
- Rituel de Zurich: comme les rituels d'Allemagne, il n'a qu'un seul grade, celui de Maître Ecossais de Saint-André, avec les quatres tableaux: c'est le rituel de Wilhelmsbad.
- Rituel du Grand Prieuré des Gaules, préparé sous la direction de Camille Savoire en 1935; comprend deux grades: Maître Ecossais et Maître de Saint-André, qui sont conférés au cours d'une seule cérémonie.
A quoi l'on
joindra, pour mémoire, des rédactions intermédiaires.
On doit considérer comme définitif, ce semble, le rituel de
1809-1810 et de le désigner ainsi que "le rituel de Wilhelmsbad"
( un exemplaire en est conservé à la B.M. de Lyon, ms. 5 922.
IV. - DOCTRINE.
Le sens rituel
est clair, il signifie le passage de l'ancienne loi à la nouvelle
loi, de l'Ancien Testament au Nouveau, il prépare au passage des
symboles à la réalité, de la Maçonnerie ( symbolique
) à l'Ordre intérieur qui est un Ordre équestre. Il
est écossais et prétemplier, je veux dire précurseur
du templarisme de l'Ecuyer Novice ( certain côté de l'écossisme
coïncidant avec ce deuxième caractère ).
Aussi, pour commencer, le candidat, dans la chambre de préparation,
est placé en face d'une Bible ouverte aux chaptires 40 et 41 d'Ezéchiel
et des neuf maximes qui lui ont été données, trois
par trois, lorsqu'il fut reçu aux grades d'Apprenti, de Compagnon
et de Maûtre. Voici ces maximes:
1. L'homme est l'image immortelle de Dieu, mais qui pourra reconnaître la beauté de cette image, si l'homme la défigure lui-même ?
2. Celui qui rougit de la religion, de la vertu et de ses Frères, est indigne de l'estime et de l'amitié des Maçons.
3. Le Maçon dont le coeur ne s'ouvre pas aux besoins et aux malheurs des autres est un monstre dans la société de ses Frères.
4. L'amour de l'argent, lorsqu'il s'empare de l'homme, dessèche son coeur et fait tarir en lui la source des plus nobles aspirations. La satisfaction de nos besoins et de nos appétits matériels serait-elle l'unique but de notre travail ici-bas ? L'insensé voyage toute sa vie sans savoir où il va et d'où il vient, ni ce qu'il doit faire. Mais le sage se rend compte de tous ses pas parce qu'il en connaît l'importance et le but.
5. L'homme est naturellement bon, juste et compatissant. Pourquoi est-il souvent en contradiction avec lui-même ? Cherchez sérieusement la cause. Elle est importante à discerner.
6. L'égoïsme est comme la rouille, elle détruit ce qu'il y a de plus beau et de plus pur dans le coeur de l'homme.
7. Celui qui voyage en terre étrangère n'est jamais plus près de s'égarer que lorsqu'il renvoie son guide, croyant savoir son chemin.
8. Heureux celui qui, s'étant bien étudié lui-meme,a pu connâître ses défauts, apercevoir son ignorance et sentir qu'il a besoin de secours, car il a déjà fait son premier pas vers la lumière.
9. Chercher avec un coeur droit, demander avec résignation et discernement, frapper avec confiance et persévérance, c'est la science du sage.
L'on avertit
le condidat que le grade qu'il va recevoir lui apprendra, mais encore caché
sous des symboles, le vrai but de l'Ordre.
Le rituel de la réception même retrace et met en action toutes
les grandes époques survenues au Temple de Salomon, après
qu'il eut été construit. Le personnage d'Hiram n'est jamais
perdu de vue. Ces objets sont figurés par quatre tableaux dont le
dernier, qui n'existait pas en 1778, représente le passage mentionné
plus haut de la loi ancienne à la loi nouvelle; le grade a été
christianisé afin de correspondre à sa situation et de s'accorder
à la vocation du Rite Ecossais Rectifié tout entier.
L'ancienne instruction du grade ne laisse place à aucune ambiguïté:
"L'Ordre vous montre aujourd'hui, sans mystère, quoiqu'encore sous le voile léger d'une allégorie, qui s'explique bien facilement, le but et le terme général des ses travaux. Tout ce que vous avez vu jusqu'à présent dans nos loges, a eu pour base unique l'Ancien Testament et pour type général le Temple célèbre de Salomon, à Jérusalem, qui fut et sera toujours un emblème universel. Mais, ici, vous voyez une enceinte de muraille percée de douze portes, telle que l'enceinte de la Nouvelle Jérusalem est décrite par saint Jean l'Evangéliste. Vous voyez au milieu de cette enceinte la montagne de la Nouvelle Sion et sur le sommet l'Agneau de Dieu triompha, avec l'étendard de la Toute-Puissance, qu'il a acquise par son immolation volontaire et réparatrice, Ce tableau figure pour les Maçons le passage de l'Ancienne Loi, qui a cessé, à la Nouvelle Loi, apportée aux hommes par le Christ et qu'il a volontairement scellée de Son Sang, pour la rendre à jamais ineffaçable et universelle.
La Croix de Saint-André, que vous voyez au bas du même tableau, figure aussi le passage maçonnique de l'Ancien au Nouveau Testament, confirmé par l'Apôtre Saint André qui, d'abord disciple de Saint Jean-Baptiste, né et prêchant sous l'ancienne Loi, pour préparer les coeurs à la Nouvelle, abandonna son premier mâître, pour suivre, sans partage, Jésus Christ, et scella ensuite de son sang son Amour et sa Foi pour son Vrai Mâître. C'est cette circonstance particulière qui a fait adopter, pour ce grade, dans l'intérieur de nos Loges, la dénomination de Maître Ecossais de Saint-André.
C'est pourquoi, depuis bien des siècles, depuis l'époque incertaine où les anciens initiés du Temple de Jérusalem, ayant été éclairés par la lumière de l'Evangile, purent avec son secours perfectionner leurs connaissances et leurs travaux, tous les engagements maçonniques~ dans toutes les parties du monde où l'Institution s'est successivement répandue, sont contractés sur l'Evangile et spécialement sur le premier chapitre de celui de Saint Jean, dans lequel le disciple bien-aimé a établi, avec tant de sublimité, la Divinié du Verbe Incarné. C'est sur ce Livre Saint que, depuis votre premier pas dans l'Ordre, vous avez contracté tous les vôtres. "
( Ap. Jean Saunier, ~ Le caractère chrétien de la Masonnerie Ecossaise Rectifiée au XVIIIè siècle )), Le Symbolisme, octobre-décembre 1968, pp. 27-28 ).
Le bijou du grade récapitule cette leçon.
La devise, sur quoi la cérémonie s'achève à peu près, confirme que bientôt, c'est-à-dire dans l'Ordre intérieur, se lèvera le voile des symboles; Meliora praesumo, ( Ce qui, en 1778, signifiait certainement aussi, dans l'esprit de Willermoz qu'il y avait mieux à trouver dans le Rite Ecossais Rectifié que le projet insensé de restaurer l'Ordre du Temple. )
V. - PROBLEMES.
1. - Le caractère chrétien.
Le caractère chrétien du grade, et de la Maçonnerie Rectifié en général, n'a pas été sans soulever des difficultés. On s'est interrogé sur la manière de concilier cette exigence avec la tolérance andersonienne.
a ) Le rituel
de 1785 déclare: Oui, mon Frère, I'Ordre est chrétien;
il est le point de ralliement de toutes les confessions chrétiennes;
ses instructions découlent de celles du Christ, et il conduit à
la foi en ce divin Maître.
1809 prend quelques précautions: Oui, I'Ordre est chrétien;
il doit l'être, et il ne peut admettre dans son sein que des chrétiens
ou des hommes bien disposés à le devenir de bonne foi, à
profiter des conseils fraternels par lesquels il peut les conduire à
ce terme.
Genève marque un retrait ( ou un progrès ? ) plus accusé:
Oui, mon Frère, I'Ordre est chrétien, mais dans le sens le
plus large et le plus élevé. Il regarde comme tels et cherche
à rallier à ses travaux tous ceux, quelles que soient leur
confession et leur croyance, qui travaillent sans arrière-pensée
à la réalisation de la formule chrétienne: Gloire à
Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre et bienveillance parmi les
hommes.
Une autre version parle encore du plus pur esprit du christianisme primitif
. C'est ambigu et moderne.
L'interprétation du caractère chrétien de l'Ordre templier
( selon une désignation officieuse du Rite Ecossais Rectifié
) va, comme on voit, de ce que j'oserais appeler la Stricte Observance (
Cf l'article de Jean Saunier, Le caractère chrétien de la
Maçonnerie Ecossaise Rectifiée au XVIIIe siècle , art.
cit. ), à une late ") Observance.
b ) Une déclaration solonnelle de 1970 sera citée ici car elle est exemplaire:
Le Grand Chapitre
du Grand Prieuré des Gaules dit à nouveau sa fidélité
aux traditions conjointes de l'Ordre maçonnique et aux principes
propres au Rite Rectifié.
Considère que ce dernier possède dans son patrimoine un appel
à la tradition chrétienne et à l'exploration de son
ésotérisme qu'expriment entre autres le texte des prières
et la prestation de serment sur l'Evangile de Saint Jean.
Déclare ces formes intangibles.
Dit que tous ceux qui, libres et de bonnes moeurs , voudraient appartenir
au Rite doivent s'y soumettre. Nécessaires, elles sont suffisantes
à constater les engagements. Les justifications d'un autre Ordre
ayant trait à l'état civil ou à l'apport confessionnel
ne sauraient leur être substituées.
c ) Mais il
est absurde d'avoir en certains rituels corrigé le texte de la deuxième
maxime au grade de Compagnon, reprise à celui de Mâître
Ecossais de Saint-André: Celui qui rougit de la religion, de la vertu
et de ses Frères... en Celui qui rougit de la vertu de ses Frères...
!
( Le problème soulevé par l'affirmation du caractère
chrétien du R.E.R. se pose de même au niveau des trois premiers
grades symboliques, dits bleus - le quatrième est un grade symbolique,
dit vert. Cf. Jean Granger, "Le Rite Ecossais Rectifié",
ap. La Formation des maçons, Cahier N 1, Grande Loge Nationale Française,
province de Rouvray, avril 1976, pp. 1-20.)
2. - Administration.
Un problème d'Ordre administratif et non plus doctrinal, mais également lié à la nature particulière et, corollairement, à la structure particulière du Rite Ecossais Rectifié, tient à l'administration des Loges de Saint-André.
a ) D'une part le Régime Ecossais Rectifié en tant que tel n'existe plus. La structure très cohérente de l'Ordre a été brisée, à commencer par l'abolition de la Grande Maîtrise générale qui garantissait le caractère international de l'Ordre.
D'autre part, la Maçonnerie Rectifiée a refusé l'isolement, fut-il splendide. Des nécessités sociales non moins que la volonté de respecter ce Landmark de la Maçonnerie universelle, selon lequel les Loges symboliques doivent être autonomes et non point être soumises au gouvernement d'une institution maçonnique différente et réputée supérieure, mais aussi le désir de conserver au quatrième grade son originalité essentielle ont fait avancer plusieurs solutions propres à assurer l'organisation et la direction des Loges Ecossaises. Leur principe commun résulte d'un compromis: les loges écossaises ne relèvent pas de l'Ordre intérieur, mais elles ne dépendent pas non plus de la Grande Loge( où les Loges bleues du Rite Ecossais Rectifie se sont groupées afin de suivre le même Landmark ).
b ) D'où
un Grand Collège Ecossais Rectifié, à la Grande Loge
Nationale Française-Opéra, un Directoire des Loges Ecossaises
autonomes des Gaules à la Loge Nationale Française, etc.
A la Grande Loge Nationale française et à la Grande Loge suisse
Alpina aussi des solutions ont dû être ménagées
que Jean Baylot parvient à résumer en ce peu de lignes: La
Loge de Saint-André est, en droit règlementaire, la Loge de
Saint-Jean siégeant en Maître de Saint-André. Pour des
raisons touchant aux relations internationales, nous avons à nouveau
inclus dans notre organisation priorale ces Loges de Saint-André
qui furent pour un temps, plus directement rattachées à la
Maçonnerie bleue, sous la conduite d'un Directoire specialisé.
Une évolution séculaire, commandée par la recherche
de l'unité des grades symboliques dans la Grande Loge Alpina et par
les exigences de la vie en commun avec le Suprême Conseil du Rite
Ecossais Ancien et Accepté, avait conduit nos Frères suisses
à l'intégration des Loges de Saint-André dans leur
Prieuré. Nos relations sont plus aisées avec des structures
comparables.
Voilà pourquoi, en 1965, par un nouveau traité daté du 21 octobre, conclu avec la Grande Loge Nationale Française, nous avons repris la direction complète des Loges de Saint-André. L'histoire et la tradition s'assurent parfois des revanches. Il s'est dessiné l'an dernier, dans la Préfecture de Neustrie, une tendance de certaines loges travaillant au Rite Rectifié à former une Loge de Saint-André sous le titre de la Loge de Saint-Jean, travaillant et recrutant dans cette dernière, suivant les dispositions du Code de Lyon de 1778. Il n'y avait aucune contradiction à souscrire à leur voeu d'où il sortit l'installation de trois nouvelles Loges de SaintAndré dans la Préfecture de Neustrie. Cette formulecombine les avantages des deux conceptions. ( J. Baylot et J. Granger, Le Rite Ecossais Rectifié..., Neuilly, Chancellerie de l'Ordre, [ 1968 ], pp. 18-19 ).
Que les loges du quatrième grade soient régies par une instance propre, et donc indépendantes de la Grande Loge comme de l'Ordre intérieur, ou bien que ce dernier les administre "les deux traits fondamentaux de la structure de 1778 [ maintenus, ajouterai-je, en 1782], la continuité et l'ambiguité sont aujourd'hui impossibles, dans la lettre maçonnique. Que celleci demeure donc anglo-saxonne. Mais il reste l'esprit [ ... ] "( Eques a Latomia universa. "La double structure administrative et hiérarchique du Régime Ecossais Rectifié en 1778", Renaissance traditionnelle, juillet 1977, N 31, pp. 188-196; Cf. p. 195.)
La Franc-Maçonnerie rectifiée s'est codifiée tout net comme composée de quatre grades. La Maçonnerie Universelle, reprenant la formule anglaise de l'acte d'union, en 1813, affirme ne consister qu'en "trois degrés et pas davantage". Mais c'est à savoir, poursuit le texte, "à savoir ceux d'Apprenti, de Compagnon et de Maître, y compris l'Ordre suprême de la Sainte Arche royale". La contradiction entre les deux formules ne pourrait-elle être réduite, de même que la Grande Loge unie d'Angleterre a prévenu la contradiction dont menaçait la reconnaissance de l'Arche royale ?
3. - Equivalences.
Troisieme problème du quatrième grade, lié à la nature particulière du Rite Ecossais Rectifié; les rapports avec les autres rites.
a ) Le Code
de 1778, à l'article XIX, prévoyait: Le grade de Maître
Ecossais est exclusivement affecté au Régime Rectifié.
C'est pour cette raison que lorsqu'on le confère ou qu'on tient loge
d'instruction de ce grade on n'ose y faire assister aucun visiteur d'un
autre régime, quelque grade qu'il ait. )"
Et l'on sait que la réception et l'instruction sont, avec le scrutin,
les seules occasions où la Loge Ecossaise se réunit.
b ) Mais, afin de faciliter ses relations avec d'autres rites, et notamment avec le Rite Ecossais Ancien Accepté, des équivalences de grades ont éte calculées: Maître Ecossais de Saint-André et 18è degré du Rite Ecossais Ancien Accepté; Ecuyer Novice et Chevalerie Kadosch; Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte et 33è degré du Rite Ecossais Ancien Accepté. Ce système fut adopté en 1896 par le Grand Prieuré Indépendant d'Helvétie pour le Rite Ecossais Rectifié et le Suprême Conseil de Suisse pour le Rite Ecossais Ancien Accepté, et c'est en vertu de cet accord que trois Maçons français titulaires du plus haut grade Ecossais Ancien Accepté ( Ribaucourt, Savoire et Bastard ) furent, en 1910, armés Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte à Genève. Le réveil du Rite Ecossais Rectifié en France allait s'ensuivre.
c ) La question d'une équivalence entre le quatrième grade du R.E.R. et l'Arche royale du Rite Emulation est, de même, inéluctabl