Une véritable énigme
Jean Law
Martinès de Pasqually,
cest encore une véritable énigme !
« Un ange perdu une âme errante sur la terre de mélancolie »
Jai oublié la source de cette citation, elle peut tout à fait coller à des personnages comme Jacob Boehm, Louis Claude de Saint Martin, le comte de Saint Germain, Cagliostro, Swedenborg, Weishaupt, Martinès de Pasqually et à dautres « missionnés » qui ont joui dune connaissance profonde des choses reposant sur une illumination spirituelle. Nous navons de notre énigmatique personnage encore à désigner, aucun portrait, aucun croquis, ce qui est très curieux, nous allons tenter den donner la raison! Il existe bien une gravure du personnage, mais elle ne semble pas si je puis dire lui appartenir ! Ce portrait que nous avons ici, sous les yeux, que vous avez reconnu est tiré dun ouvrage dArthur Edward Waite paru en 1911 : « The Secret Tradition in Free-Masonery ». Sajoute à cela une date de naissance incertaine, 1727, controversée à 10 ans près. Lieu de naissance Grenoble, ou dans ses environs et encore ! La famille Martinés de Pasqually est très probablement dorigine juive, marrane, demi marrane, venue dEspagne, ou du Portugal, ou dItalie ! Chaque historien détient sa vérité! Lévolution spirituelle de notre personnage demeure mal connue, et risque de rester toujours obscure! On ignore à peu près tout de ses antécédents, la traçabilité de sa filiation initiatique se perd en suppositions. Son état civil est sujet à caution ! Adoptons au milieu de tous les patronymes quil sest octroyé, ils sont nombreux, celui de : Jacques de Livron Joachim de la Tour de la Casa Martinès de Pasqually. Délaissant ses activités profanes, (militaire) il apparaît tout à coup vers (« vers ! » Encore une incertitude !), vers 1754, sur la scène maçonnique. Il dit avoir beaucoup voyagé, séjourné en Chine entre autre Référons-nous pour donner les trois coups de son entrée sur la scène maçonnique, dans le ciel de lIlluminisme, à cette citation : « Il commence alors une carrière de thaumaturge, surtout de théurgie, et simpose comme un théosophe considérable, un mage disposant de pouvoirs prodigieux ». Louis-Claude de Saint Martin et labbé Fournié confirment.
Je pense spontanément ici à ce personnage du temps du Christ
: Simon le Magicien ! Ce quon sait cest quil sexprimait
en français avec un fort accent, quil maîtrisait très
mal notre langue, son orthographe était phonétique. Ses études
paraissent donc avoir été très approximatives. Il avait
de la Bible une grande connaissance, cest certain. Il répète
souvent sans que lui soit posée la question, quil est baptisé,
quil est catholique romain, il insiste même !
Dun mariage il aura deux fils dont on perdra la trace après
les évènements de la Révolution, lun deux
aurait été commissaire de police à Toulouse et compromis
dans « des affaires », ou décédé tout jeune
! « Sa postérité semble sêtre engloutie
avec lui dans un tombeau inconnu ». Daprès Brimont, en
1772 il embarque à Bordeaux sur le « Duc de Duras » à
destination de Léogane, île de Saint Domingue. Il serait mort
là bas le 20 septembre 1774, il devait pense t-on régler une
affaire de succession « sucrière » suite au décès
de son frère
ou dun parent, ou fuyait-il un procès
nébuleux qui devait se tenir à Bordeaux ? Il semble quil
avait des amitiés en Guyane
A noter le rôle considérable
joué par les juifs séfarades dans le développement
de lindustrie sucrière aux Antilles puis ensuite dans la commercialisation
de ce sucre. Notons que Grenoble était en étroites relations
commerciales avec Port au Prince, et nétait pas étrangère
au trafic négrier ! Jai dis mort douteuse de notre personnage
des témoins tout à fait dignes de foi affirment lavoir
vu, reconnu sans la moindre hésitation en France après 1774,
mais sans pouvoir laborder. Si vraiment décédé,
la cause ? Enigme, encore énigme! On a dit quil avait peut-être
succombé suite à des pratiques vaudou
ll nexiste
aucune trace de sa sépulture, malgré les recherches.
Mon propos nest pas de faire une synthèse approximative de
la vie de ce personnage mais de tenter de voir pourquoi nous navons
de lui aucun portrait. Cette absence ne semble pas avoir intrigué
les historiens du moins, pas à ma connaissance, aussi vais-je tenter
une explication ! Il nous faut avant jeter un « coup il »
sur un aspect peu connu du Siècle des Lumières, son antisémitisme.
Clément XII (1652-1740) et Benoît XIV (1675-1758) codifient
des lois antijuives, Pie VI (1717-1799) : « Les juifs des deux sexes
doivent porter un signalement de couleur jaune, qui les distinguera des
autres, et cela en tout temps et en tous lieux, au sein du ghetto et au
dehors ». La Révolution marque une pause dans les persécutions
menées contre les juifs, dans les faits, oui; labbé
Grégoire a fait voter la loi démancipation des Juifs,
loi, qui, à loccasion des guerres de la Révolution est
largement appliquée en Europe, mais cet apaisement na pas deffets
dans les esprits !
Si originaire du grand Sud, il est fort probable que Martinès de
Pasqually avait hérité dune peau basanée
accentuant certains traits appartenant à des « cliches »
révélant des origines juives, levantines ! Robert Amadou écrit,
ce qui en fâcha certains que Martinès était un «
métèque juif espagnol » : (Saint Martin Edition Le Griffon
dor 1946). Les seuls renseignements que nous ayons sur son apparence
physique sont ceux qui figurent sur un certificat de catholicité
daté du 29 avril 1772 où on peut lire: « Moyenne taille,
cheveux noirs, portant perruque ». Sources: Van Rijnberk: «
Un thaumaturge au XVIIIe siècle, Martines de Pasqually, sa vie, son
uvre, son ordre, Lyon, P. Derain-L. Raclet, 1938, p.8 ; Bulletin de
la Société Martinès de Pasqually, Bordeaux. Alors létrange
est là
Pas de portrait à mettre sur un chevalet alors quil avait comme
ami un portraitiste célèbre appartenant à une lignée
non moins célèbre de peintres et de portraitistes : les Van-Loo.
En loccurrence ici il sagit de Louis Michel Van-Loo, né
à Toulon en 1707 et décédé à Paris le
20 mars 1771, reçu Franc Maçon en 1736 et qui aida en 1768
Martinès de Pasqually à installer son rite des Elus Coens
à Versailles. Il est plus quimprobable que Van-Loo nest
pas « croqué » son ami ! Il faut se rappeler que le XVIIIe
siècle est lâge dor du portrait, il apporte en
sus de la ressemblance quasiment « photographique » une approche
psychologique des individus. Alors jinterroge: où sont passés
ces portraits, ces esquisses ? Martinès les a-t-il détruits
par crainte dafficher à trop de regards ses caractéristiques
physiques, révélatrices de ses origines ? Refus de poser ?
Refus de pouvoir être reconnu après sa « disparition
» ?