Les origines de la "doctrine" de Martinès de Pasqually.
Plus qu'une
doctrine d'origine kabbalistique, intellectuelle, il semblerait qu'il s'agisse
plutôt d'une tradition orale et familiale. Nous devons nous interroger
sur le sens qu'il faut accorder au mot " famille ".
L'idée de la réintégration se retrouve déjà
exprimée au XVIe siècle par l'aspect novateur de la kabbale
de Rabbi Isaac Louria. Suite à l'exode des juifs d'Espagne en 1492,
déjà en 1391, suites aux persécutions des juifs d'Espagne,
apparaît le judaïsme marrane. Cet exode changera d'une façon
radicale l'aspect extérieur de la kabbale, sinon son contenu intérieur.
L'année 1492 est déterminée par la numérologie,
car longtemps avant 1490 quelques écrivains kabbalistes déclarèrent
que cette année catastrophique était l'année de la
rédemption. L'expulsion donna naissance aux théories messianiques
de la " Fin ". Il fallait mobiliser toutes les forces capables
de précipiter la " Fin ".
La nouvelle
kabbale qui se constitua, en se transformant et en se refondant dans la
" Communauté des Dévots " à Safed garda les
marques durables de l'événement auquel elle devait son origine.
Elle débuta donc vers 1530 - 1535 à Safed. Les deux plus fameux
kabbalistes en étaient : Moïse ben Cordovero et Isaac Louria.
Ils diffèrent autant l'un de l'autre qu'ils sont intimement liés
l'un à l'autre.
Dans la première moitié du XIXe siècle, l'historien
maçonnique, Claude-Antoine Thory, repéra trois sources de
Martinès : le Calendarium Naturale Magicum Perpetuum, de Tycho-Brahé,
gravé en 1582, l'Umbra Idealis Sapientiae Generalis d'Esprit Sabbathier,
en 1679, et la Carte Philosophique et Mathématique Accompagnée
du Calendrier Magique et Perpétuel, par l'occultiste contemporain
Touzay-Duchanteau. La similitude de ces trois ouvrages avec certains éléments
de la théurgie des élus coëns est frappante, en effet,
quoique ces tables combinatoires ne soient pas alléguées dans
les textes coëns. Du même genre sont la Virga Aurea, la Stéganographie
de Trithème et la Philosophie Occulte de Corneille Agrippa, plus
rédigée et encore que ce dernier favorise davantage le perfectionnement
personnel, que le soin du cosmos confié aux élus coêns
avec celui de leur réconciliation individuelle et corrélative
(R. Amadou).
Moïse
ben Cordovero
Moïse ben Cordovero (1522-1570) est essentiellement un penseur systématique,
son but est de donner à la fois une nouvelle interprétation
et une description précise de l'héritage mystique de l'ancienne
kabbale, particulièrement du Zohar.
Rabbi Isaac de Louria, dit Ari
Isaac Louria, dit Ari, le Lion, d'origine allemande ou polonaise est né
à Jérusalem en 1534 et mort à Safed en 1572. Il était,
selon G. Scholem, plus un philosophe mystique qu'un mystique, bien qu'il
ait manqué en aucune façon d'expérience mystique. Il
se forma en Egypte. Mais il ne laissa aucun écrit quand il mourut
à l'âge de 38 ans. Il ne resta que 3 ans à Safed.
Louria ne fit qu'une tentative pour mettre ses pensées dans un livre
: Kithve Ha-Ari (" Les Ecrits du Lion "). Ce livre était
un commentaire de la Sifra Di-Tsenutia[1] " Le Livre de l'Arcane ",
une des parties les plus difficiles du Zohar.
Ses disciples
Son compagnon le plus important fut Hayim Vital (1543-1620) auteur de plusieurs
versions du système de Louria, dont la plus élaborée
remplit cinq volumes in folio, appelée les " Huit Portes "
(Shemonah Shearim), dans cet ouvrage, il a introduit l'uvre de sa
vie : Ets Hayim (L'Arbre de Vie). Les autres parties portent des titres
séparés pour chaque volume : Sepher Ha-Gilgulim, Peri Ets
Haym, Chaar Ha-Yikhudim, Sepher Likkute Tora. Un autre disciple fit une
présentation plus compacte du côté théosophique
de son système : Rabbi Joseph ibn Tabul, celui qui a le plus d'autorité
parmi les disciples après Vital. Son livre fut publié sous
le titre Sepher Hephsti Ba, que l'on attribue à tort à Vital.
Vital conserva jalousement les enseignements de Louria, dont il systématisa
la pensée dès la mort de ce dernier. Il ne fit que très
peu d'édition et elles devaient toutes avoir son accord. Elles ne
commencèrent à circuler que vers 1587. Par contre ibn Tabul
fut plus actif en enseignant la doctrine de Louria à Safed. Il s'opposa
avec Vital dont il devint le rival.
C'est Israël Sarug qui, entre 1592 et 1598, mena une propagande active
en faveur de la nouvelle école, parmi les kabbalistes d'Italie. Mais
il enrichit d'idées spéculatives de son crû, la doctrine
de Louria. Il publia un livre Limmude Atsiluth " Doctrine sur l'Emanation
". Un des propres compagnons de Sarug mit sur pied un système
kabbalistique qui représente un curieux mélange éclectique
de néoplatonisme et de doctrine de Louria selon l'interprétation
de Sarug. Ce fut Abraham Cohen Herrera de Florence (mort à Amsterdam
en 1635 ou 1639), le descendant d'une famille marrane et le seul kabbaliste
qui écrivit en espagnol : La Puerta del Cielo. Les disciples de Sarug
eurent une influence en Italie, en Hollande, en Allemagne et en Pologne.
En 1648, Naphtali ben Jacob Bacharach, de Francforts-sur-le-Main, publia
Emek ha-Melekh, " les Profondeurs Mystiques du roi " ou "
Vallée du Roi ". Ce livre important repose entièrement
sur l'interprétation de Louria par Sarug.