SYMBOLISME
DES PLANÈTES
Joachim de Flore
Extrait du Livre de la Concordance
(Trad. Emmanuel Aegerter éd. Rieder 1928)
Cette page est curieuse dans l'oeuvre de Joachim. Elle montre, en effet,
comment son goût du symbole s'étendait à tout l'univers
et comment les choses, pour les hommes de son temps, n'étaient que
des signes.
Ici commence de l'ange d'Éphèse. écris a l'ange d'Éphèse
: voici ce dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite,
celui qui marche au milieu des sept chandeliers d'or (Ap. 2.1).
Il convient d'en venir maintenant à la contemplation spirituelle
de ces sept étoiles, et nous ne devons pas négliger cette
opinion des philosophes qu'il fallut, dans l'innombrable multitude des étoiles,
discerner sept signes célestes. Pour moi, j'estime qu'il s'agit là
des sept planètes, de ces sept astres sur lesquels les philosophes
de ce bas monde ont émis tant de théories corrompues, que
les chrétiens peuvent trouver illicite de parler d'eux. Mais je dis
que le soleil, la lune, et les étoiles sont de bonnes créatures
produites utilement par un bon créateur pour le service des hommes,
et qu'ils n'ont pas pour seul office de leur dispenser la lumière
en brillant au-dessus de la terre, mais encore, et bien mieux, de symboliser
pour eux la grande lumière invisible et le mystère infini...
On dit que la planète Saturne est de nature glacée et trace
avec lenteur dans le ciel sa longue orbite. Nous avons, nous, dans le ciel
qui se révèle plus au regard de l'esprit qu'aux yeux du corps,
notre père commun Adam, dont les Écritures nous apprennent
qu'il s'est lentement glacé dans le Paradis terrestre, et aussi qu'il
a vécu sept fois plus longtemps que nous, modernes, semblable en
cela à d'autres hommes du premier état qui vécurent
autant et parfois davantage.
On dit également que la planète Vénus a des qualités
de mesure ; nous pouvons donc estimer qu'elle correspond à Noé,
qui fut doué d'un grand esprit de mesure et de justice, et qui fut
sauvé de l'eau du Déluge, avec le souci de réparer
dans l'asile de l'arche la perte de l'universelle chair.
La planète Jupiter fut placée je ne sais par quelle erreur
avant toutes les autres (et selon moi il convient de ne pas la placer ailleurs
qu'au rang où je la place). Nous voyons en elle Abraham, père
de tous les croyants. En effet c'est de lui que sortit toute la race des
patriarches, de lui qu'est née la chair des prophètes et des
apôtres, et du Fils unique de Dieu. Et l'apôtre fidèle
a pu dire : " Si vous êtes à Christ, vous êtes donc
de la postérité d'Abraham170. "
Je ne sais pourquoi l'on attribue à la planète Mercure l'autorité
de la science ; mais, en ce cas, nous croyons qu'elle correspond symboliquement
à saint Moïse, que nous estimons avoir été un
vase de science, puisque nous disons couramment qu'il a transmis au peuple
juif ta science de la Loi.
Quant à la planète Mars, on lui accorde l'art militaire et
nous nous jugeons qu'il n'est pas absurde de croire qu'elle symbolise le
roi David, belliqueux entre tous.