Si,
grâce aux archives de l'Ordre, le Président du Suprême
Conseil de l'Ordre Martiniste a pu reconstituer la vie et les oeuvres réelles
de Martinès de Pasqually, initié direct de Swedenborg, à
l'aide de ces mêmes archives et des lettres de Louis-Claude de Saint-Martin,
il a pu montrer la véritable place de ce dernier, faire comprendre
le mobile réel de ses actions, en éclaircissant la Voie d'Initiation
suivie par lui.
Aussi cet ouvrage sur la vie de Saint-Martin est-il infiniment précieux
pour les Martinistes, non seulement parce qu'elle leur fait connaître
un de leurs grands prédécesseurs et Maîtres, mais parce
que plusieurs chapitres de Papus constituent un guide précieux dans
la Voie du Martinisme pratique. Le livre est divisé en quatre parties:
1° La Vie de Saint-Martin. Son initiation. L'influence de Martinès.
Sa rencontre avec Willermoz. L'influence de Jacob Boehme. La Vie de Saint-Martin
pendant la Révolution. Sa mort;
2° Des commentaires sur la vie de Saint-Martin donnant lieu à ces
études de Mystique Expérimentale ...: la Voie Mystique. Les
Communications actives. L'Initié et les lois sociales. Les Nombres.
La Mort de l'Initié;
3° Cinquante lettres inédites de Saint-Martin dans lesquelles se
reflète une âme divine;
4° Enfin l'oeuvre de Saint-Martin comportant une analyse courte, mais
substantielle, de chacun des ouvrages de ce Maître.
Dans ces deux livres, ainsi que dans les belles préfaces au Tableau
Naturel de Saint Martin, aux Études tentatives de Zhora, aux Lettres
Magiques de Sédir, à l'Esquisse du Tout Universel de Jacob,
enfin dans les articles de l'Initiation, on lira d'admirables pages dans lesquelles
toute la Doctrine Mystique est étudiée et expliquée.
- Voici comment Papus en signale les débuts: Quand l'Esprit a atteint
le développement presque complet de ses organes rationnels localisés
dans le cerveau, il prend tout à coup conscience d'une autre série
d'organes complémentaires des premiers, localisés dans les centres
sympathiques.... Autant la Magie développe la Volonté Personnelle
et l'Orgueil, autant la Mystique tue l'orgueil pour développer l'humilité
et remplacer les ordres donnés aux Esprits de l'Astral par la Prière
et l'appel aux Anges du Plan Divin.
Mais cette Voie du coeur s'enseigne encore bien plus par l'exemple que par
la parole et les oeuvres écrites. Aussi Papus, s'il a beaucoup écrit
a encore plus agi, et si quelques-uns ont pu le suivre, faire leurs premiers
pas dans ce chemin dont la porte est si basse qu'ils ne la voyaient pas, c'est
qu'il leur a prêché d'exemple, les guidant, les soutenant, les
attendant même pour ne pas les laisser seuls au milieu des ronces et
des pierres du chemin.
C'est pour cela qu'il a recréé et adapté le Martinisme,
dont je dois dire maintenant ce qu'il est possible d'en dire en public.
Le Martinisme a été pour plusieurs d'entre nous un port de salut,
une cuirasse, un manteau mystérieux et épais dont beaucoup se
sont enveloppés dans le danger. - Ses réunions ont fini par
créer dans le visible et surtout dans l'Invisible une chaîne
nombreuse et forte. - Ses Maîtres sont chrétiens, et le Martinisme
se rattache au Christ qu'il reconnaît, comme la seule Puissance sur
la terre et dans les Cieux. Il constitue donc le premier anneau de la grande
chaîne qui reconnaît le Verbe venu en chair, et à ce titre,
il doit être respecté et aimé. Dans ses côtés
extérieurs, il a été parfaitement étudié
par Papus (Martinisme, Martinésisme et Villermozisme) qui fait bien
ressortir ce qui différencie une société d'Illuminés
comme le Martinisme de la Maçonnerie Athée.
Voici deux citations de Papus qui feront bien comprendre la question: Le Martinisme
dérive directement de l'Illuminisme chrétien, et il en a adopté
les principes. - Il s'y rattache par ses chefs. - L'ordre, dans son ensemble,
est surtout une école de chevalerie morale, s'efforçant de développer
la spiritualité de ses membres par l'Étude du Monde Invisible
et de ses Lois, par l'exercice du dévouement et de l'assistance intellectuelle,
par la création, dans chaque esprit, d'une foi d'autant plus solide
qu'elle est basée sur l'observation et la Science. Le Martinisme constitue
donc une chevalerie de l'Altruisme, opposée à la ligne égoïste
des appétits matériels, une école où l'on apprend
à ramener l'argent à sa juste valeur de rang social, et à
ne pas le considérer comme un influx divin; enfin un centre où
l'on apprend à rester impassible devant les tourbillons positifs ou
négatifs qui bouleversent la société. - Formant le noyau
réel de cette Université vivante qui refera un jour le mariage
de la Science sans division avec la Foi, sans épithète, le Martinisme
s'efforce de se rendre digne de son nom en établissant des écoles
supérieures de Sciences métaphysiques et physiogoniques, dédaigneusement
écartées de l'enseignement classique, sous prétexte qu'elles
sont occultes .....
Notre époque de scepticisme, d'adoration de la forme matérielle
et d'athéisme, avait si nécessairement besoin d'une réaction
franchement chrétienne, indépendante de tous les clergés,
que dans tous les pays où il a pénétré, le Martinisme
a sauvé du doute, du désespoir ou du suicide bien des âmes:
il a ramené à la compréhension du Christ bien des Esprits
que les manoeuvres cléricales et leur but de bas intérêt
matériel avaient éloignés de toute foi.
Ces deux citations suffiront à donner une petite idée du Martinisme
et de l'Idéal qu'il s'est fixé. Son extension rapide, le nombre
réellement considérable de ses membres, recrutés sans
cotisation, sans tronc de la Veuve, prouvent son origine réellement
élevée et les protections des Maîtres qui veillent sur
lui.
C'est là, l'oeuvre la plus importante de Papus. C'est dans les tenues
de loges martinistes qu'il a commencé à enseigner cette Voie
du coeur à laquelle il était parvenu lui-même, puissamment
aidé par Celui qu'il appelait " Son Maître ". - J'ai
été autorisé à dire, avec prudence, quelques mots
sur l'école de Théurgie où Papus a reçu l'Initiation,
et où il a conduit à son tour quelques-uns de ses élèves
et amis. - Je profiterai discrètement de cette autorisation.
Ces écoles sont rares sur terre, aussi rares que les Vrais Maîtres.
Seuls, ceux qui sont sur le chemin de l'Humilité pourront reconnaître
leur Maître dans cet homme vêtu simplement, et qui passera un
jour près d'eux, un jour béni entre tous. Je ne veux pas dire
que ces disciples sont plus que leurs frères; mais, puisque Dieu nous
aime, combien plus ne mettra-t-il pas sur notre route, à un moment
donné, Celui qui seul peut nous aider et nous mettre à même
d'aider les autres ?
Si l'Esprit de quelques-uns a accompli peut-être un petit travail personnel
pour reconnaître l'Etre qui venait à eux, qu'il soit cependant
mille fois béni en notre Père, celui qui a bien voulu ouvrir
la porte de son coeur et laisser briller un peu de sa lumière, celui
qui, d'un regard, changea la vie de ceux qui furent envoyés vers lui.
C'est cette lumière qui a conduit Papus vers la connaissance du Verbe
Divin, du Réparateur. C'est cette Lumière, enfermée en
son coeur, qu'à son tour, depuis tant d'années, il répand
sans se lasser sur nous tous. Je ne puis résister au plaisir de reproduire
ici la belle page où, dans sa reconnaissance, Papus essaie de faire
comprendre l'élévation de Celui qu'il appelle le Maître
Spirituel. Tous ceux qui la connaissent la reliront, j'en suis sûr,
avec une joie intime. Pour ceux qui l'ignorent, elle sera peut-être
une consolation, une illumination.
Le Maître Spirituel
" Le Maître Spirituel sait tout, et il enseigne à descendre,
non à monter. Il enseigne à acquérir la certitude que
l'homme qui sait qu'il ne sait rien commence seulement à comprendre
la Science... que celui qui ne possède qu'un grabat et qui le prête
à qui n'en possède pas est plus riche que tous les riches. Le
Maître Spirituel, quand il veut enseigner, peut soit parler, ce qui
est rare, soit faire voir, ce, qui est plus commun pour lui. Possesseur de
biens physiques qui lui permettraient de vivre en oisif, le Maître consacre
toute sa vie à la guérison des pauvres et des affligés.
Et ces guérisons même indiquent au plus aveugle de quel plan
descend l'Esprit qui commande à la Maladie et à la Mort elle-même.
Dans les rues de la Ville qu'il habite, on le voit passer humble entre les
humbles, aussi les pauvres seuls le bénissent et le connaissent. Cet
ouvrier qui le salue avec respect lui doit sa jambe qu'on allait couper, et
qui fut guérie en une heure. Cette femme du peuple, qui accourt à
son passage, vint le trouver alors que son enfant râlait et le Maître
dit: Femme, vous êtes plus riche, de par votre dévouement incessant
et votre courage devant les épreuves, que les Riches de la terre. Allez,
votre enfant est guérie. Et, rentrée chez elle, la Mère
constate le miracle qui déconcerte et irrite les médecins. Cette
famille d'artisans courut à lui, alors que, depuis dix-huit heures,
leur fille unique était morte. Il vint et, devant dix témoins,
la morte sourit et ouvrit de nouveau les yeux à la lumière.
Demandez à tous ces gens le nom de cet homme, ils vous diront: "
C'est le Père des Pauvres. "
Interrogez-le. Demandez-lui qui il est, d'où il tient ces pouvoirs
étranges et terribles, il vous répondra: Je suis moins qu'une
pierre. Il y a tant d'êtres sur cette terre qui sont quelque chose,
que je suis heureux de n'être rien. J'ai un ami qui est, lui, quelque
chose. Soyez bon, patient dans les épreuves, soumis aux lois sociales
et religieuses de votre pays, partagez et donnez ce que vous avez, si vous
trouvez des frères qui ont besoin, et mon ami vous aimera. Quant à
moi, pauvre envoyé, j'écris sur le Livre Évident de mon
mieux et je prie le Père, comme jadis le fit Notre Sauveur le Christ,
qui rayonne en gloire sur la terre et dans les Cieux, et au coeur duquel on
parvient par la grâce de la Vierge de Lumière Mariah dont le
nom soit béni.
Je ne terminerai pas ces pages, que ma reconnaissance rend si douces, par
le rappel des injures et des sarcasmes dont les savants, les satisfaits, les
critiques, accablent le Maître. Il les ignore, leur pardonne et prie
pour eux. Cela suffit.
J'ai toujours trouvé que ces quelques lignes, écrites avec le
coeur, portaient en elles une force et une lumière; chaque fois que
je me suis senti triste et découragé je les ai relues, méditées
et j'y ai puisé la consolation. C'est pourquoi j'ai été
heureux d'en faire profiter ceux qui les liront dans le même Esprit.
...
On comprend combien le docteur Papus a rapporté de souvenirs brûlants
des années passées dans ce centre si hautement initiatique,
auprès d'un vrai Maître. L'enseignement qu'il y reçut
et qu'il nous transmet, depuis pas mal d'années déjà,
a transformé plusieurs d'entre nous, parce qu'il est réellement
vivant. Par lui, les mystérieuses profondeurs de l'Évangile
sont peu à peu éclairées et il nous apprend à
vivre, en un mot, alors que précédemment nous n'avions aucune
lumière vraie pour nous guider dans le chemin de l'Initiation, dont
l'entrée est si étroite, si obscure et passe si facilement inaperçue.
Car, à côté, bien visibles, se trouvent d'autres portes
majestueuses et attrayantes... mais qui ne conduisent à rien.
Dessin de Papus
publié dans " Les Hommes d'Aujourd'hui ", N° 410, 8e
vol., Année ?