De la Régénération.
DOCTRINE DE LA
CHARITE
PAR EMMANUEL SWEDENBORG
EXTRAITE DES ARCANES CELESTES
TRADUITE DU LATIN PAR J.-F.-E. LE BOIS DES GUAYS
1885
SWEDENBORG
Celui qui ne reçoit pas la vie spirituelle, c'est-à-dire,
qui 'n'est pas engendré de nouveau par le Seigneur, ne peut venir
dans le ciel ; le Seigneur l'enseigne dans Jean : " En vérité,
en vérité, je te dis : Si quelqu'un n'est engendré
de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu."-III.3.
L'homme par ses parents ne naît pas dans la vie spirituelle, mais
il naît dans la vie naturelle : la vie spirituelle c'est aimer Dieu
par-dessus toutes choses, aimer le prochain comme soi-même ; et cela,
selon les préceptes de la loi que le Seigneur a enseigné,
dans sa Parole ; mais la vie naturelle, c'est s'aimer et aimer le monde
plus que le prochain, et même plus que Dieu.
Chaque homme par ses parents nait dans les maux de l'amour de soi et du
monde : tout mal qui par habitude a contracté une sorte de nature
est dérivé dans les enfants, ainsi successivement du père
et de la mère, aÔeuls et des aÔeux, en remontant dans
une longue série ; de là, la dérivation du mal devient
enfin si grande que le tout de la vie propre de l'homme n'est absolument
que le mal. Ce dérivé continu n'est brisé et changé
que par la vie de la foi et de la charité procédant du Seigneur.
Ce que l'homme tire de l'héréditaire penche continuellement,
vers cet héréditaire et y tombe ; par suite il confirme lui-même
ce mal chez lui, et il ajoute aussi de lui-même, plusieurs maux.
Ces maux sont absolument opposés à la vie spirituelle, ils
la détruisent ; si donc, quant à la vie spirituelle, l'homme
n'est pas par le Seigneur conçu de nouveau, s'il ne naît pas
de nouveau et n'est pas de nouveau élevé, c'est-à-dire,
s'il n'est pas créé de nouveau, il est damné, car il
ne veut rien autre chose, et par suite ne pense rien autre chose, que ce
qui est de l'enfer.
Quand l'homme esttel, l'ordre de la vie est chez lui renversé ; ce
qui doit dominer sert, et ce qui doit servir, domine ; cet ordre chez l'homme
doit être complètement retourné pour qu'il puisse être
sauvé : cela est fait par le Seigneur au moyen de la régénération.
XVIII.
De la Vie du régénéré.
Personne ne peut être régénéré, à
moins de savoir les choses qui appartiennent à la vie nouvelle, c'est-à-dire,
à la vie spirituelle ; car l'homme est introduit dans celle vie par
la régénération : les choses qui appartiennent à
la vie nouvelle, ou à la vie spirituelle, sont les vrais qu'il faut
croire, et les biens qu'il faut faire ; ceux-là appartiennent à
la foi, et ceux-ci à la charité.
Personne ne peut les savoir par soi-même, car l'homme ne saisit que
ce qui est venu au devant de ses sens ; c'est par là qu'il s'acquiert
la lumière, qu'on appelle lumière naturelle; par cette lumière
il voit seulement les choses qui appartiennent au monde et celles qui lui
appartiennent, mais non celles qui appartiennent au ciel ni celles qui appartiennent
à Dieu ; celles-ci, il doit les apprendre d'après la révélation.
Ainsi, il doit apprendre que le Seigneur, qui de toute éternité
est Dieu, est venu dans le monde pour sauver le genre humain ; qu'à
Lui appartient tout pouvoir dans le ciel et sur terre ; que tout ce qui
est de la foi et tout ce qui est de la charité, et par conséquent
tout vrai et tout bien viennent de Lui ; qu'il y a un ciel et qu'il y a
un enfer ; que l'homme doit vivre éternellement ; dans le ciel s'il
a bien agi ; dans l'enfer, s'il a mal agi.
Ces vérités et plusieurs autres sont des vrais de la foi,
que l'homme, qui doit être régénéré, doit
savoir : car celui qui les sait peut les penser, ensuite les vouloir et
enfin les faire, et ainsi avoir une vie nouvelle.
Par exemple, celui qui ne sait pas que le Seigneur est le Sauveur du genre
humain, ne peut avoir la foi en lui, ni l'adorer, ni l'aimer, ni par conséquent
faire le bien, à cause de Lui : celui qui ne sait pas que tout bien
vient de Lui ne peut pas penser que sa justice et son salut viennent de
Lui ni à plus forte raison vouloir que cela soit ainsi, par conséquent
il ne peut pas vivre par
Lui : celui qui ne sait pas qu'il y a un enfer, qu'il y a un ciel, qu'il
y a une vie éternelle, ne peut pas même penser à la
vie du ciel, ni s'appliquer à la recevoir ; de même pour le
reste.
D'après cela on peut voir quelle est la vie du régénéré,
et que c'est la vie de la foi : puis on peut voir qu'elle ne peut exister
chez l'homme, avant qu'il soit dans un état à pouvoir reconnaître
les vrais de la foi, et, en tant qu'il les reconnait, les vouloir.
XIX.
De la Régénération de l'homme interne et de l'homme
externe.
Il y a chez chacun un homme interne et un homme externe ; l'Interne est
celui qui est appelé homme spirituel, et l'Externe celui qui est
appelé homme naturel : l'un et l'autre doit être régénéré,
afin que l'homme soit régénéré.
Chez l'homme qui n'a pas été régénéré,
l'homme externe ou naturel commande, et l'homme interne ou spirituel sert
; mais chez l'homme qui a été régénéré,
l'homme interne ou spirituel commande, et l'homme externe ou naturel sert.
Ce renversement ne peut jamais exister que par la régénération
opérée par le Seigneur.
Lorsque l'homme externe n'a pas été régénéré,
il place tout bien dans ce qui lui est agréable, dans le lucre, dans
le faste, et il brûle de haine et de vengeance contre ceux qui s'opposent
à lui ; et alors l'homme interne non seulement consent, mais encore
fournit des raisons qui confirment et poussent en avant ; ainsi l'homme
interne sert, et l'homme externe commande.
Mais lorsque l'homme externe a été régénéré,
l'homme interne place tout bien à penser avantageusement du prochain
et à lui vouloir du bien, et l'homme externe place tout bien à
parler avantageusement du prochain et à bien agir à son égard
; et enfin l'un et l'autre a pour fin d'aimer le prochain et d'aimer le
Seigneur, et non comme auparavant de s'aimer soi-même et d'aimer le
monde; alors l'homme externe ou naturel sert, et l'homme interne ou spirituel
commande.
L'homme interne est d'abord régénéré parle Seigneur,
et ensuite l'homme externe, et celui-ci est régénéré
au moyen de celui-là; l'homme interne est régénéré
par penser les choses qui appartiennent à la foi, et les vouloir,
et l'homme externe est régénéré par la vie selon
ces choses : la Vie de la foi est la Charité.
L'homme qui a été régénéré est,
quant à son homme interne, dans le ciel; et il y est Ange avec les
anges parmi lesquels aussi il vient après la mort; alors il peutvivre
de la vie du ciel, aimer le Seigneur, aimer le prochain, comprendre le vrai,
savourer le bien, et percevoir la béatitude qui en procède.
C'est là cequi constitue la félicité de la vie éternelle.