LA
PRÉSENTATION AU TEMPLE
Sedir
Vous savez
que, quarante jours après la Nativité, la Vierge et l'Enfant
se rendirent au Temple pour accomplir les formalités de la Loi mosaïque:
la purification et la présentation.
Dans le Lévitique, le Talmud, la Kabbale, vous trouverez, si vous
êtes curieux d'herméneutique, une énorme quantité
de ces rites, d'un symbolisme plus ou moins profond. Mais nous laisserons
de côté les arcanes de l'ésotérisme.
Nous découvrirons dans le fait même de la Présentation,
dont l'aspect extérieur seul frappe les exégètes, et
dont l'ésotérisme des rites seul retient les cumulateurs de
mystères, que le Christ s'est, toute Sa vie, soumis aux lois et aux
coutumes de Son pays.
D'abord Il y a, dans la Présentation, l'application des édits
de Moïse. Tous les premiers-nés d'Israël devaient être
consacrés au Seigneur. Moïse savait que, dans la famille, le
premier-né est l'entrée d'un élément nouveau.
Les familles sont des organismes complets par eux-mêmes. Elles existent
de l'autre côté du voile avant de pouvoir exister de ce côté-ci.
Le groupe des parents, des enfants, des collatéraux, des ascendants,
des descendants est formé comme il l'est pour de très hautes
raisons. Ce n'est nullement par hasard qu'un être vient au monde dans
une famille plutôt que dans une autre. Une providence merveilleuse
place côte à côte les êtres qui ont l'un envers
l'autre des devoirs à remplir ou une école à suivre.
Il y a un état civil ici, mais il y en a un aussi de l'autre côté.
En vertu de ce Grand Livre invisible s'opèrent les mouvements que
nous nous croyons libres de réaliser, les mariages, les naissances.
Une famille, c'est un groupe de personnes désignées pour travailler
ensemble pendant un certain laps de temps. Le chemin que ce groupe fait
dans l'Invisible s'exprime, sur la terre, par tous les phénomènes
biologiques ou sociaux qui constituent la vie familiale.
Dans une équipe d'ouvriers, il est utile de temps en temps que les
vieux soient remplacés par des jeunes apportant plus d'entrain et
des méthodes nouvelles. Dans les foyers le premier-né, c'est
le nouveau venu envoyé pour introduire des éléments
nouveaux dans un groupe déjà ancien.
Tout est transformé et reformé perpétuellement dans
le monde. Ce que nous voyons dans le petit noyau organique de la famille
se retrouve dans la vie des peuples et des races.
Moïse, sachant que l'aîné est un signe providentiel, a
trouvé de toute justice que les parents offrent quelque chose au
Seigneur, en retour de cette faveur, de ce don et cela sous une forme rituelle.
L'offrande désignée par la loi mosaïque en l'honneur
du premier-né, est un agneau pour les riches et deux colombes pour
les pauvres. Ces deux animaux étalent les hiéroglyphes matériels
des deux aspects de l'Absolu que nous nommons le Verbe et l'Esprit. La famille
de Jésus, étant pauvre, ne peut offrir que des colombes.
Dans cette scène de la Présentation, si nous essayons de nous
l'imaginer, nous voyons un homme et une femme fort modestes, un enfant,
des prêtres; parmi eux Siméon et son épouse, la prophétesse
Anne, le personnel subalterne du Temple, les lévites, des femmes
attachées aussi au Temple, qui ont connu la Vierge enfant quand elle-même
était consacrée au service du Temple.
Remarquons que dans cette assistance se trouvent représentées
les deux faces du culte mosaïque. Dans tout organisme terrestre, qu'il
soit politique, social ou religieux, il y a deux faces également:
une organisation que tous voient, qui gouverne en fait, au vu et au su de
tout le monde, qui récolte les honneurs, la reconnaissance et aussi
les ingratitudes. Mais, dans les coulisses, il y a un autre organisme de
l'existence duquel on n'est jamais bien sûr, parce qu'Il n'est mentionné
nulle part de façon bien probante; mais il a pourtant un certain
rôle puisqu'il existe. Rien n'existe sans la permission de Dieu qui
a Ses desseins providentiels en toutes choses.
Les rares documents qu'on peut consulter donnent à cet organisme
une importance remarquable parce que ses membres agissent comme un conseil
des premiers.
Cette dualité dans le sacerdoce antique existe aussi dans le sacerdoce
juif. A côté des prêtres officiels, il y a ceux qui,
d'un voeu libre, servent le Seigneur par des méthodes spéciales.
Ce deuxième sacerdoce s'occupe particulièrement de rechercher,
dans le texte de la Thora, des sens inconnus au peuple, des lumières
dont Il ne pourrait pas supporter l'éclat.
Ces recherches ont été appelées d'un nom inexact: la
Kabbale. Il s'ensuit qu'on s'est fait une fausse idée de l'ancienne
Kabbale juive.
Dans les ouvrages de Salomon Reinach, d'Adolphe Franck, de Clarke, etc.,
vous trouverez une erreur totale au sujet de la Kabbale. Ces auteurs la
donnent comme un ensemble, un système de superstitions ayant pour
but de mettre en rapport l'étudiant avec le monde de la magie. La
plupart des chercheurs qui étudient ces choses sans recourir aux
sources véritables n'ont rien aperçu de réel les concernant.
La vraie Kabbale, même les théologiens les plus graves en sont
loin; tous se contentent de reproduire les déclarations erronées
de Reinach et de Franck.
La vraie tradition secrète des Hébreux, c'est la tradition
d'un Rédempteur et d'une Vierge, mère de ce futur Rédempteur.
Cette tradition, enveloppée par les vieux rabbins de voiles compliqués,
est devenue inintelligible pour quiconque n'est pas muni de la clef qui
permet de découvrir ces mystères.
A la Présentation il y avait donc le sacerdoce officiel; l'autre
était représenté par Siméon, de condition subalterne
il est vrai, mais qui possédait des lumières précieuses
du fait de sa foi.
Ces lumières apparaissent dans son Cantique; vous y verrez résumés
les enseignements spirituels formant la tradition qui a nourri l'espoir
d'Israël, de Moïse au Christ.
Le second caractère de cette cérémonie, c'est sa simplicité.
Nous regardons la vie avec ce préjugé que quelque chose d'extraordinaire
doit forcément être profond et beau. Ce n'est pas toujours
exact. Si, pour la contempler, nous pouvions nous défaire de nos
préjugés, de nos habitudes acquises, pour la regarder d'un
coeur simple, nous verrions que le plus grand miracle est cette vie quotidienne
qui semble toujours si plate, si quotidienne. Et, d'autre part, ce qui nous
parait des prodiges, ce sont des choses souvent bien moins remarquables.
Voyez dans cette salle. Vous êtes environ trois cents. Essayez de
dénombrer les mobiles, les forces, les conditions qui ont dû
concorder pour que vous puissiez vous trouver tous réunis ici. Au
dire de ceux qui peuvent faire des miracles, une guérison donne moins
de mal que de réunir toutes les conditions de vos venues en cet endroit.
Il en est de même tout le long de notre vie. Tout y est infiniment
riche de choses précieuses, mais nous n'y prêtons pas attention,
nous laissons échapper les leçons nourricières. Parce
que nous sommes compliqués, nous ne voyons que les complications.
Parce que nous sommes tortueux, nous ne pouvons étreindre la vérité.
De même nous sommes formels parce que les formes nous séduisent.
Et cependant les formes sont quelque chose de grave; elles ont un sens profond.
Il y eut un temps, aux premiers âges du monde, où tout était
distribué selon le plan providentiel; où les organismes visibles
correspondaient aux formes de l'Esprit qui les faisait mouvoir.
C'est parce que le Verbe a voulu Se soumettre à la forme, que les
formes ont pu se trouver capables de fournir de la nourriture aux cerveaux
pas assez simples pour saisir directement l'essence des choses.
En prenant l'apparence humaine, le Verbe a obéi à la loi.
Il S'est fait notre esclave pour nous donner l'exemple de cette obéissance
pratique et qu'elle ne nous devienne pas lourde à réaliser.
Pour revenir à la Présentation, une mère, un fils ordinaires
auraient retiré un bénéfice de cette cérémonie,
de ces psalmodies, de ces rites. Mais cette Mère-là et ce
Fils-là, de par leur propre splendeur, n'avaient pas besoin de cette
cérémonie. Ils sont venus la subir pour parachever la vie
de ces rites et les rendre capables d'enfanter une nouvelle liturgie et
une nouvelle religion.
Bien des choses peuvent nous sembler sans objet; mais, en réalité,
il n'y a pas d'inutilité dans le monde; si telle chose existe, c'est
qu'elle a sa raison d'être, même si nous ne la voyons pas. Le
Père nous donne toutes choses avec surabondance, mais jamais sans
raison. Ce qui nous paraît inutile, c'est comme ce qui nous paraît
injuste. Ce sont des choses dont la faiblesse de notre regard ne voit pas
le motif ou dont l'insuffisance de notre morale n'aperçoit pas la
justice.
Nous commémorons la Présentation le 2 février, à
la Chandeleur, fête païenne transposée en mode chrétien,
quoique les fêtes chrétiennes ne soient pas des solennités
païennes simplement changées de nom; l'essence de la fête
ancienne a reçu une vertu nouvelle.
Cette cérémonie à laquelle la Vierge et Jésus
se soumirent nous montre le germe de la transformation du Mosaïsme
en Christianisme. Aux liturgies anciennes elle substitua un culte qui sera
le moyen par lequel l'aspect de Dieu, que le peuple peut apercevoir, se
met à sa portée.
Par là on peut orienter les désirs, les aspirations, les supplications
des hommes et les porter jusqu'à cet aspect de Dieu. Cette ascension
constante est une des formes de la vie.
Les cultes ont, comme toute chose, leur commencement, puis ils mûrissent,
arrivent à leur apogée et enfin déclinent. Jésus
arrive dès que les rites anciens se sont tellement obscurcis que
l'esprit en est devenu absent.
Il en était ainsi à cette époque-là, le culte
juif était arrivé à son déclin. L'Enfant omniscient
et omnipotent est venu rendre la vie à ce qui périclitait.
Plus tard, pendant Son ministère, Il dira d'ailleurs: Il ne faut
pas laisser s'éteindre le lumignon qui brûle encore, ni rompre
le roseau tant qu'il n'est pas entièrement brisé.
Ceci nous montre que les lois auxquelles nous sommes tenus d'obéir,
qu'elles soient sociales, politiques ou religieuses, ne possèdent
toutes leurs vertus que parce qu'un être complètement innocent
et libre y a obéi totalement.
Mais aucun de nous n'est complètement libre ni innocent. C'est pourquoi
le seul qui peut prendre ces tyrannies sur lui, parce qu'Il est libre et
innocent, c'est le Christ. C'est aussi pourquoi Il S'est soumis à
tous les rites en usage dans ce temps-là.
Pour Lui cela a été la plantation d'un arbre qui a eu son
épanouissement au Calvaire et dont les graines devaient ensemencer
la chrétienté entière et faire jaillir d'autres plantes
de sacrifice qui seront plus tard les disciples véritables. En accomplissant
ces esclavages, Jésus nous a sortis de l'exil.
Au commencement du monde il y avait dans l'Éden deux arbres: l'un
l'Arbre de la Vie, l'autre l'Arbre de la science du Bien et du Mal.
Celui de la Vie croit dans l'Éternité, celui de la science
du Bien et du Mal croit dans le Temps. Or la substance même de l'Éternité
est cette atmosphère du monde de la Gloire qui est la Vierge éternelle.
Lorsque la Vierge terrestre Marie vint sur la terre, elle reçut,
dans le fond de son être, une délégation de cette Vierge
éternelle et, quand elle assuma cet esclavage de la femme et de la
mère ordinaires, elle fit descendre, jusque dans le domaine de l'Arbre
de la science du Bien et du Mal, la quintessence de l'Arbre de la Vie.
La Présentation est le premier coup de cognée donné
à l'Arbre de la science du Bien et du Mal, le premier coup de lime
à ces chaînes qui entravaient l'humanité.
Quand l'Enfant divin fut présenté, tout Israélite juste
a été, dans le centre même de sa liberté propre,
délivré des chaînes mosaïques. Les justes ont senti
descendre dans leur coeur la certitude des espérances nourries par
eux depuis Josué.
Comme nous l'avons vu en parlant des Mages, il y avait alors des hommes
dont les âmes étaient éclairées par la Lumière
primitive, qui savaient, espéraient et se consumaient pour la venue
future du Rédempteur.
Que les Israélites prédestinés à cette délivrance
par le Messie, n'aient pas compris, pas répondu pour la plupart à
l'appel du Maître, que les gentils, au contraire, y aient répondu,
Dieu le savait, mais cela n'a pesé en rien sur la liberté
des uns et des autres; car Dieu savait dans quelle mesure ils pourraient
supporter la Lumière, combien Il pouvait mettre sur leur chemin de
fractions de cette Lumière et quels seraient ceux qui lui tourneraient
le dos. Sa prescience ne change jamais notre libre arbitre.