Des degrés du Prochain
Emmanuel Swedenborg
Des degrés
du Prochain.
Il faut encore parler du Prochain ; car, sans la connaissance du Prochain,
on ne peut pas savoir comment la Charité doit être exercée.
Dans l'article qui précède, il a été dit que
chaque homme est le Prochain mais l'un autrement que l'autre ; et que celui
qui est dans le bien est le Prochain de préférence aux autres,
qu'ainsi le bien qui est chez l'homme est ce qu'on doit aimer ; en effet,
quand on aime le bien, on aime le Seigneur, car c'est du Seigneur que provient
le Bien, c'est Lui qui est dans le Bien et c'est Lui qui est le Bien même.
Le Prochain est non seulement l'homme dans le singulier, mais c'est aussi
l'homme dans le pluriel.; en effet, c'est une Société, petite
et grande, c'est la Patrie, c'est l'église, c'est le Royaume du Seigneur,
et, au-dessus de tout, C'est le Seigneur ; voilà le Prochain, auquel
on doit faire du bien d'après la charité. Ce sont là
aussi les degrés ascendants du Prochain ; car une Société
de plusieurs personnes est à un degré plus élevé
que l'homme pris séparément ; la Patrie est à un degré
plus élevé qu'une société ; dans un degré
encore plus élevé est l'église ; et dans un degré
plus élevé encore est le Royaume du Seigneur ; enfin dans
le degré suprême est le Seigneur. Ces degrés ascendants
sont comme les degrés d'une échelle, au sommet de laquelle
est le Seigneur.
Une Société est le Prochain de préférence à
un homme seul, parce qu'elle se compose de plusieurs hommes ; la charité
doit être exercée envers elle de la même manière
qu'envers l'homme dans le singulier, savoir, selon la qualité du
bien qui est chez elle : ainsi tout autrement envers une société
d'hommes probes, qu'envers une société d'hommes non probes.
La Patrie est le Prochain de préférence à une société,
parce qu'elle est comme une mère ; car l'homme y est né, elle
le nourrit, et elle le tient à l'abri des injures. On doit par amour
faire du bien à la Patrie selon ses nécessités, qui
concernent principalement son entretien, sa vie civile et sa vie spirituelle.
Celui qui aime la Patrie, et qui lui fait du bien d'après le bien
vouloir, aime dans l'autre vie le Royaume du Seigneur, car là le
Royaume du Seigneur est pour lui la Patrie ; et celui qui aime le Royaume
du Seigneur aime le Seigneur, parce que le Seigneur est tout dans toutes
les choses de son Royaume ; car ce qui est proprement appelé le Royaume
du Seigneur, c'est le bien et le vrai, qui sont par le Seigneur chez les
habitants de son Royaume.
L'église est le Prochain de préférence à la
patrie, car celui qui pourvoit à l'église, pourvoit aux âmes
et à la vie éternelle des hommes qui sont dans la patrie :
et l'on pourvoit à l'église, quand on conduit l'homme au bien
; et celui qui fait cela d'après la charité aime le Prochain,
car il désire et veut pour autrui le ciel et la félicité
de la vie pour l'éternité. Le Bien peut être insinué
à autrui par tout homme dans la Patrie, niais le Vrai ne Petit l'être
que par ceux qui sont ministres instruisants ; si c'est par d'autres, il
s'élève des hérésies, et l'église est
troublée et déchirée. La Charité sera exercée,
si le Prochain est conduit au bien par le Vrai qui appartient à l'église;
si dans l'église on appelle Vrai quelque chose qui détourne
du bien, on ne doit pas en faire mention, car ce n'est pas un vrai. Chacun
doit s'acquérir le Vrai, d'abord d'après la doctrine de l'église,
et ensuite d'après la Parole du Seigneur ; ce vrai sera le vrai de
sa foi.
Le Royaume du Seigneur est le Prochain dans un plus haut degré que
l'église où l'homme est né ; car le Royaume du Seigneur
se compose de tous ceux qui sont dans le bien, tant de ceux qui sont dans
les terres que de ceux qui sont dans les cieux ; ainsi le Royaume du Seigneur
est le Bien avec toute sa qualité dans le complexe : quand on aime
ce Bien, on aime chacun de ceux qui sont dans le bien. Par conséquent
la totalité, qui est tout Bien dans le complexe, est le Prochain
au premier degré, et c'est ce Très-Grand Homme, dont il a
été question à la fin de plusieurs Chapitres (1), homme
qui est l'Image représentative du Seigneur Lui-Même mais cet
Homme, c'est-à-dire, le Royaume du Seigneur, est aimé, quand
d'après une affection intime on fait du bien à ceux qui sont
hommes par cet Homme procédant du Seigneur, par conséquent
chez lesquels est le Royaume du Seigneur.
Ce Sont là les degrés du Prochain, et la charité s'élèvera
selon ces degrés ; mais ces degrés, sont des degrés
dans l'ordre successif, dans lequel le degré antérieur ou
supérieur est toujours préféré au degré
postérieur ou inférieur, et comme le Seigneur est dans le
degré suprême, et qu'il doit être considéré
Lui-Même dans chaque degré comme la fin vers Laquelle l'homme
doit tendre, il doit par conséquent être aimé Lui-Même
par-dessus tous et pardessus toutes choses.
(1) Les chapitres XXVII à XLVI de la Genèse, dans les Arcanes
Célestes