Méthode
pour "lire" le Traité de la Réintégration.
Dans son Introduction du Traité de la Réintégration
,
édition Dumas 1974, Robert Amadou nous met en garde et nous donne la
méthode pour " lire, vivre " le Traité.
Il cite une lettre [1] de Jean-Baptiste Willermoz à Jean de Türkheim,
du 25 mars 1822. Un élève de l'école où, sous
la direction du maître, l'on pratiquait ce manuel, nous inculque la
méthode.
" Le Traité de la réintégration des êtres
est une pierre d'achoppement pour la multitude des lecteurs légers
et frivoles qui foisonnent partout depuis un certain temps, surtout en Allemagne,
où l'on s'accoutume plus que dans les autres contrées à
juger les choses plus graves par leur superficie. L'auteur n'avait destiné
son ouvrage qu'à ses Réaux ou à ceux qui se montraient
les plus prêts à le devenir. La mort et celle de ceux qui en
avaient des copies en a changé la destination. Elles sont tombées
en des mains étrangères et ont produit beaucoup de tristes
effets; l'une d'elles vous est parvenue. Dieu l'a voulu ou permis, sachez
en profiter.
" Ne commencez pas la lecture que vous ne puissiez pas la suivre journellement
et faites-vous un devoir rigoureux de la suivre ainsi sans interruption;
si cela ne dépend pas de vous, différez encore pendant dix
ans, s'il le faut de la commencer. Quand vous en aurez fait une première
lecture entière, commencez-en de suite une seconde, de même
sans trop approfondir les difficultés ou les obscurités que
vous n'aurez pas encore percé. Après cette seconde lecture,
faites en de même une troisième et vous reconnaîtrez
à une troisième que vous avez bien avancé votre travail
et que ce que vous aurez ainsi acquis par vous-même, vous restera
plus solidement empreint, que si vous l'aviez reçu par des explications
verbales, qui toujours s'effacent plus ou moins. Il faut encore avant tout
vous interroger et scruter dans quelles intentions vous vous livrez à
ce désir et au travail pénible qui le suivra. Vous reconnaîtrez
bientôt en vous un double motif : dans le premier le plus naturel
de tous, celui d'acquérir et d'augmenter votre propre instruction.
Mais ne s'y glissera-t-il point un peu de cette curiosité inquiète
de l'esprit humain, qui veut tout connaître, tout comparer, tout juger
de sa propre lumière et qui par là empoisonne tout le fruit
de ses recherches ? Dans le second, celui de pouvoir vous rendre le plus
utile à vos semblables, qui est le plus louable de tous en apparence
puisqu'il rentre dans l'exercice de la charité chrétienne
si recommandée à tous. Mais s'il est entré dans votre
plan de l'appliquer à telle ou telle personne, société,
localité, tenez-vous en garde car souvent l'amour propre se glisse
insidieusement derrière des motifs si louables, en altère
la pureté, en corrompt tous les fruits. J'ai reconnu pour le plus
sûr, de se concentrer sans choix personnel dans la multitude des hommes
préparés par la Providence qui les mettra ainsi préparés
en rapport avec vous quand leur temps sera venu. C'est dans la multitude
ainsi disposée que se trouvera dans sa plénitude et sans danger
l'exercice de cette charité chrétienne si recommandée.
" Imposez-vous, avant de commencer votre première lecture, un
plan régulier, déterminé pour chaque jour et bien médité,
en prévoyant les obstacles accidentels ou journaliers qui pourront
survenir, une règle fixe, mais libre pendant sa durée, dont
vous ne vous permettrez point à vous écarter de sorte que
chaque jour ait son temps consacré à cette lecture jusqu'à
la fin du Traité. Livrez-vous y alors de tout votre cur et
avec toute l'attention dont votre esprit sera capable en repoussant chaque
distraction. Je distingue ici l'esprit et le cur parce que ce sont
deux puissances ou facultés intellectuelles qu'il ne faut point confondre.
L'esprit voit, conçoit, raisonne, compose, discute et juge tout ce
qui lui est soumis. Le cur sent, adopte ou rejette et ne discute point;
c'est pourquoi je n'ai jamais été éloigné de
penser que l'homme primitif pur, qui n'avait pas besoin de sexe reproductif
de sa nature, puisqu'il n'était pas encore condamné, ni lui
ni tous les siens à l'incorporisation matérielle qui fait
aujourd'hui son supplice et son châtiment, eut deux facultés
intellectuelles inhérentes à son être, lesquelles étaient
vraiment les deux sexes figuratifs réunis en sa personne, mentionnés
dans la Genèse, dont les traducteurs et les interprètes ont
si complètement matérialisé les expressions dans les
chapitres suivants, qu'il est presqu'impossible d'y connaître aucunes
vérités fondamentales. Car par l'intelligence dont le siège
réside nécessairement dans la tête, il pouvait, comme
il peut encore, connaître et adorer son créateur, et par la
sensibilité qui est en lui l'organe de l'amour et dont le siège
principal est dans le cur, il pouvait l'aimer et le servir, ce qui
complétait le culte d'adoration, d'amour et de gratitude qu'il lui
devait en esprit et en vérité. "
"Lire le Traité, vivre la réintégration"...
Dit Jean-Baptiste Willermoz.
Martines de Pasqually ne dit autre chose. Ni Saint-Martin, ni aucun théosophe,
ni aucun initié de quelque sorte. Mais Martines le dit en son langage
et, quant au bon usage du Traité, que ce volume offre à l'écoute
et à la traduction des amateurs, vrais philosophes, il sied que sa
voix soit ici prépondérante, et conclue :
" J'ai toujours dit que tout homme avait devant lui tous les matériaux
convenables pour faire tout ce que j'ai pu faire dans ma petite partie.
L'homme n'a toujours qu'à vouloir, il aurait puissance et pouvoir
[2]. "
Sans oublier que " la chose est quelquefois dure pour ceux qui la désirent
trop ardemment avant le temps [3]. "
[1] In Traité de la Réintégration, édition Dumas.
Introduction de Robert Amadou.
[2] Lettre à Willermoz, en date du 19 septembre 1822, in Traité
de la Réintégration , édition Dumas. Introduction de
Robert Amadou.
[3] Lettre à Willermoz, du 7 avril 1770, in Traité de la réintégration,
édition Dumas. Introduction de Robert Amadou.