LA NAISSANCE - SAINT-YVES D' ALVEYDRE
Il
est quelque chose d'aussi grave que la Mort : la Naissance.
La Vie est le sourire de la Nature ; la Naissance est le baiser qu'elle donne
à l'âme humaine.
Respect à la Femme : la présence réelle de la Nature
est en elle.
Ionah, la vertu plastique de la Nature, l'habite et s'y plaît.
Rouah, l'Esprit, l'Amour, descend du Ciel, se reposer et se jouer dans son
cúur ; le grand secret de la Création lui sourit dans un enfant,
lorsqu'une âme descendue en elle la regarde à travers ses yeux.
Immortelle après la Mort, l'Ame l'est avant la Naissance.
Par la Femme, dans l'Etat Social, les Ancêtres rentrent dans les Générations.
Evoqué à la Vie social conformément aux Mystères
du Saint-Esprit et à ceux du Père, ou d'une manière profane,
l'Ancêtre immortel, qui va devenir l'Enfant sujet à la Mort physique,
vient, à son temps marqué, là où il doit venir.
Pendant cette évocation, qui commence par une promesse et un vertige
d'immortalité, selon son degré dans les Hiérarchies psychurgiques,
l'âme quitte l'un de ses séjours cosmogoniques, et vient.
Invisible, mais sensible aux cúurs épris, elle hante doucement
la femme qu'elle doit hanter, et, durant neuf révolutions lunaires,
noue ses effluves sidérales, par le sang et par l'Ame de la Mère,
au corps terrestre dont la première aspiration va l'engloutir.
Ce nom d'Âme, en français, est magiquement conforme au Verbe
céleste.
Il est la racine même d'Amour.
Qu'est-ce que l'Âme ?
Ouvrez avec les clefs voulues, le texte hébreu du Sépher Boereshith,
du Livre des principes cosmogoniques, et, si Dieu le veut, la science divine
des sanctuaires Egyptiens vous répondra par Moïse, et vous dira
ce qu'est Aïsha, faculté volitive d'Aïsh.
Un Ancêtre vénéré a levé le premier voile
du sens caché ; mais, pas plus que lui, je ne veux lever le second,
si ce n'est en parlant, au second chapitre, du Mystère des Sexes et
du nom de Iéhovah.
Voici tout ce que je puis dire pour le moment.
Principe immortel de l'existence, cause rayonnante à travers le corps
visible et le corps invisible, l'Âme est.
La théurgie la trouve ; la Psychurgie, qui est la science et l'art
d'aimer et de vouloir, la prouve expérimentalement.
En Physiologie, elle est la force qui anime et meut, attire ou repousse, élit
ou élimine.
La Naissance est donc grave ; l'Amour et les Sexes sont choses religieuses
; et rien n'est banal dans la Nature pas plus qu'en Dieu.
La Naissance est la corporisation des Âmes.
Vous préexistiez à votre naissance, vous survivrez à
votre trépas.
C'est pourquoi au nom de Moïse, au nom de Jésus et de Mahomet,
debout ! Et écoutez !
Savoir, c'est se souvenir : souvenons-nous donc ensemble, Âmes immortelles,
qui, dans l'Espèce terrestre, soupirez après le Règne
Céleste de l'Homme, et voulez le Divin de la Vie.
Dans les Mystères du Saint-Esprit est la Science totale, l'Art complet,
l'Amour parfait de la Vie.
Ils se révèlent dans l'Aurore du Jour, dans les yeux des Fiancés
et des Epoux, dans le sourire et les larmes de la Maternité.
Penchez-vous sur ce berceau, Orient de la Vie sociale, tombeau de la Vie cosmogonique
de l'Ame.
Dans cet enfant palpite un Mystère du Saint-Esprit et de l'Epouse du
Père.
Cet enfant est un ancêtre, une âme céleste, dans une effigie
terrestre, une immortalité qui vient se mortifier, se purifier dans
la douleur, se parfaire dans l'épreuve, poursuivre, où et comme
il faut, soit l'expiation, depuis des siècles commencés et reprises.
L'inégalité des conditions n'est donc, pour le Sage, que ce
qu'elle devrait être dans un Etat-social parfait : l'échelle
d'équité qui gradue les états psychurgiques ; les nécessités
indispensables aux Ames pour évertuer leur bonne volonté dans
une sphère sociale correspondante à celle de leur Ciel.
C'est pourquoi l'Initiation graduée des Sexes et des Rangs est voulue
par la Providence, afin que l'Homme cesse de maudire le Destin qui, le plus
souvent, est la loi qu'a suscitée sa volonté.
Mais, je le sais, la Science seule ne peut éclairer vos Âmes,
et je vais demander à l'Art un secret psychurgique, grâce auquel,
doucement, les poètes de la Promesse pourront par la suite les attirer
et les entraîner dans le mouvement de la Lumière du Saint-Esprit.
Ainsi, cette Âme est née au monde des effigies et des épreuves
; et elle crie.
Son élément était le fluide céleste, la Lumière
intérieure de l'Univers, l'Ether spiritueux, de dedans et l'endroit
de la Substance cosmogonique.
La voilà à l'envers, au dehors, en pleine nuit.
Elle ne voit plus son corps céleste : il s'éclipse.
Elle en a perdu la science, la conscience, la vie réelle. Son intelligence
se ferme, sa clairvoyance directe ne voit plus, son entendement n'entend plus,
sa sensibilité psychurgique est partout accablée.
Entre elle et l'Univers s'interpose un obstacle terrible, quelque chose d'obscur
et de limitant, de courbe, d'obtus, d'âcre et de chaud, étrange
composé qui bruit et fourmille, voilé savamment et artistement
tissé, replié sur lui-même et sur elle, dont toutes les
contextures animées, images de l'Univers, en communion précise
avec Lui, figures des facultés de l'Âmes, en conjonction substantielle
et spécifique avec elle, s'enlacent et s'enlacent dans les méandres
tortueux des organes et des viscères : c'est le corps.
Si le corps crie, c'est que l'Âme souffre.
Elle veut fuir mais elle retombe sous une irradiation qui lui rappelle la
lumière vivante, Ionah, la Substance céleste ; c'est un baiser
maternel.
Parfois, il lui semble qu'elle est morte. Elle se rappelle comme dans un songe
l'immensité de cette Lumière secrète où elle se
baignait nue dans des tourbillons resplendissants, les croupes, les vallons
éthérés d'un astre aimé, sans atmosphère
élémentaire, sans attraction physique, monde des essences, des
arômes et des parfums de la Vie, d'où elle entendait monter et
descendre les Harmonies et les Mélodies intérieures des Temps
et des Espaces, des Etres et des Choses, d'où elle s'élançait,
frémissante, à la voix intime des bien aimés et des bien
aimées, pour contempler Shamaïm, l'Ether, la Mer azurée
du Ciel, les îles, les flottes sidérales, les mouvements de leurs
Génies animateurs et de leurs Puissances animatrices.
Comme un reflet d'étoile sur une eau qui frissonne, un souvenir tombe
et tremble encore en elle de la grande réalité.
Elle exhale encore la céleste ambroisie des Mystères éternels
du Saint-Esprit ; et les effluves de l'autre Monde ne s'évaporent que
lentement de sa balsamique essence que la Mère boit, respire et baise
avec une ivresse étrange pour les profanes.
Ne t'envole pas, doux reflet de l'Astre des Mages !Immortelle, souviens-toi
!
Elle croit les voir encore, les blanches, les divines, hommes et femmes, déesses
et dieux, diaphanes, lumineuses formes, types de la Beauté, calices
de la Vérité, se mouvant, planant, s'enlaçant dans les
ondes magiques du céleste Amour, dans les communions éblouissantes
de la Sapience.
Ne sont-ce point encore les Théories sacrées, les Poèmes
vivants du Verbe occulte, les Hymnes des Pensées créatrices,
les Symphonies des Sentiments animateurs, les enseignements hiérarchiques
des Cercles psychurgiques, le trouble saint des Grands Mystères, les
Dieux, rayon du Dieu dont la Lumière est l'Ombre, le sillon lumineux,
le vol arômal des Génies, des Envoyés, des Intelligences
parfaites, des Esprits immortels, des Âmes victorieuses et glorifiées.
O vertige ! là, n'est-ce point encore le quadruple cercle inférieur
des âmes montant ou descendant, l'Océan fluidique, étincelant,
sur lequel passe la brise de l'Amour, dans le fond duquel crient la Naissance
et la Mort ?
N'est-ce point encore...? Mais qu'allais-je dire ?
Que s'est-il donc passé ? Chante, fille des Dieux !
Ecoutez !
Un grand trouble, un vertige, un enivrement subit, une lourdeur étrange,
un magnétisme lointain, une attraction douce et terrible, une incantation
des Astres, un mot d'ordre, un cri de sphère en sphère, des
adieux déchirants à la vie Supérieure, aux bien-aimés,
une prière, une cérémonie solennelle, aux rites funèbres,
une dernière étreinte, un dernier baiser, un serment de se souvenir
et de revenir, un Génie aux pieds ailés qui prend l'immortelle
et l'entraîne vers les Gouffres, l'Immensité d'en haut qui se
ferme, celle d'en bas qui s'ouvre avec fracas, l'Océan tumultueux des
Générations, Abîmes d'Âmes gagnant ou quittant la
cime ou le fond de l'atmosphère d'un autre Astre, bataille électrique
des passions et des instincts de la Terre.... puis... quoi donc ?
C'est l'orbe de la Terre, c'est l'Océan métallique déroulant
ses flux, enroulant ses reflux.
On traverse des tourbillons d'Âmes qui s'élèvent ou s'abaissent,
les unes diaphanes et pures, spiritualisées et légères,
s'exhortant à vaincre celles qui s'opposent à gravir dans Lumière
l'échelle des rayons célestes, à franchir la région
des Nuées et des courants fluidiques, à gagner la Citadelle
ignée du Feu supérieur, les cercles de l'Ether ; les autres,
obscures et marbrées de tâches comme des peaux de fauves et de
reptiles, souillées par les vices, enténébrées
par les crimes, matérialisées par l'instinct, alourdies par
l'Egoïsme, impuissantes à briser les Fleuves électriques
de l'Air, emportées par les Orages et les Vents, roulant loin de la
barque d'Isis dans le Puits démoniaque de l'Abîme, dans le vertigineux
cône de ténèbres que la Terre traîne dans les Cieux,
criant dans le Silence, s'accrochant aux premières et essayant de les
entraîner avec elles pour diminuer d'autant le poids épouvantable
du Destin?
Qu'est-ce encore ? Souviens-toi !
Ce sont, dans l'Atmosphère, les Nuées, les grands Courants polaires,
les souffles de l'Orient, les rafales de l'Occident, les Fleuves aériens
secouant l'écume des nuages, agitant leurs serpents électriques
; c'est l'Océan inférieur de l'Air, avec ses quatre régions
; celle des aigles, des grands migrateurs, des alouettes et des colombes.
Dans cette dernière, commence le règne de la Substance plastique
sur la Terre, avec ses quatre Nômes : Minéral, Végétal,
Animal, Hominal, et ses sept tourbillons de Puissances génératrices
et de Générations spécifiées.
Après les cirques et les amphithéâtres vertigineux des
Montagnes blanches, après la féerie éblouissante des
Glaciers et des Abîmes, voici venir à l'infini les molles ondulations
des Collines vertes, l'écoulement écumeux des Torrents, le serpentement
écaillé des Rivières et des Fleuves métalliques,
le balancement des Forêts sonnantes, l'immensité circulaire des
CAmpagnes herbeuses, où courent et se jouent des frissons.
C'est la Terre, l'une des mille Citadelles du Royaume de l'Homme, Fils immortel
et mortel de Dieu-les-Dieux, c'est Déméter, c'est Adamah, le
monde des Effigies et des Réalités physiques, l'Enfer, le Purgatoire,
le Paradis, selon l'Âme qui s'incarne, selon l'Esprit qui règne
dans la chaire des Âmes incarnées, selon la Foi, la Loi, les
Múurs de l'Etat-Social.
Voici les cercles de pierre des Métropoles, des Cités, des Villes
et des Villages, avec le bourdonnement des voix d'airain qui, du haut des
dômes et des clochers, scande et annonce, au-dessus du fracas des grandes
eaux populaires, la Naissance et la Mort.
L'Immortelle s'arrête brusquement ; s'attachant avec force à
la clarté des Astres, elle mesure l'espace parcouru, la distance qui
la sépare des Cieux.
Grâce ! dit-elle à son Guide !
" Courage ! Tu l'as juré ! Là-haut, la couronne de la Foi,
là-bas l'Epreuve !"
Pardonne ! Oui, j'ai peur ! Si, là-bas, j'allais ne plus pouvoir rassembler
mes souvenirs !
"Tu le pourras en rassemblant les Sciences."
Du moins, dis : dans quel Etat-Social, dans quelle RAce, dans quelle Nation,
dans quel Foyer ?
"Ici, répond le Guide ailé des Âmes, ici, la Généthliaque
céleste indique la trame de ta destinée."
Pour longtemps ?
"Jusqu'à l'accomplissement."
O mon Génie ailé, quels sont ces chúurs d'Âmes
qui nous suivent ?
"Ce sont les Ancêtres qui te font cortège ; car je vais
remonter."
Déjà ? Je me sens de nouveau défaillir !
"Courage donc, Âme immortelle ! Je reviendrai si tu sais vouloir."
Où suis-je ? Ciel, Terre, tout a disparu ; mais une attraction invincible
m'enchaîne tout entière.
"Âme immortelle, voici ta Mère !
"Au nom de Dieu, au nom de la Nature, au nom d'Iod et de Hévah,
voici ta patrie vivante ici-bas.
"Sois unie à elle par toutes les Puissances magiques de la Vie
!
" Adieu !"
Elle se rappelle encore ses entretiens avec l'Âme maternelle, leur indivisible
et mutuelle pénétration, leurs communions mystérieuses,
pleines de souvenirs et d'espérances sur-terrestres, douleurs et joies,
frissons, extases, musiques muettes, le lent enroulement des neuf cercles
séléniques, l'incantation des épigenèses, puis...
une souffrance crucifiante, terrible, une vapeur sulfureuse, un effluve ferrugineux
montant brusquement des Gouffres ignés de la Terre, tourbillonnant,
l'arrachant à l'Âme maternelle, la clouant à un vide pneumatique,
à un antre pulmonaire chaud, mouvant... un cri dans cet antre, dans
cette effigie creuse et... le Souvenir rentre dans ses profondeurs avec les
Innéités célestes.
Il ne revivra plus que par la Science.
O vous qui mettez votre honteux honneur à descendre du gorille, vous
mériteriez de n'en pas remonter!
Eloignez-vous de ce Mystère céleste ; laissez prier ici les
femmes.
Elles sauront dire au moins : "Notre Père qui êtes aux Cieux..."
Vous, restez, Vierges, Epouses, Mères, Aïeules, Druidesses de
l'Arbre de Vie ; restez près de ce Dieu vivant, priez l'Ancêtre
des ancêtres.
Et sachez que si, dans le cercle des Générations, le Père
donne le germe de l'effigie, le mouvement initial de l'Espèce, la Mère
sa substance et la forme spécifiée, contrairement aux âmes
des animaux qui viennent du Feu terrestre, l'Âme humaine vient du Ciel.
Appelez donc le Prêtre, pour qu'au nom de l'Etat-Social, l'Espèce
humaine salue la Loi du Règne et l'ordre du Royaume.
Quel prêtre, direz-vous ?
Celui de votre Foi et de vos Moeurs sociales : pope, curé, pasteur,
rabbin ou marabout.
Faites accueillir solennellement ce nouveau-né.
Car, en vérité, je vous le dis : la Naissance est chose aussi
grave que la Mort, et c'est un des Mystères qu'il fallait entrouvrir
à vos yeux.