Qu'est-ce que le Martinisme
par Robert Amadou.
Qu'est-ce que le
Martinisme
CHAPITRE PREMIER
MARTINES DE PASQUALLY ET L'ORDRE DES ELUS COHEN
Le seul bilan biographique exact et aussi complet que le permet l'état
présent, très défectueux, de la documentation et, surtout,
le seul exposé d'ensemble détaillé et qui soit, lui aussi,
exact, de la doctrine martinésienne, ont été publiés,
avec biographie de et sur, dans l'Initiation (1969, janvier-mars, pp. 6-30;
avriljuin, pp. 58-84; juillet-septembre, pp. 139-174.) Publié en volume:
Le Théurge inconnu. Initiation à Martines de Pasqually, à
paraître. V. aussi: La Magie des Elus Cohen, op. cit. intra. Il 4. Nous
en tirons les indications suivantes, en y joignant quelques compléments.
1. - Une vie encore obscure.
Du nom et des origines, rien n'est sûr.
La découverte (Pinasseau-Cellier) de l'acte d'inhumation permet de fixer
la date de naissance entre le 29 avril et le 21 septembre 1727. Je croirais
que c'est à Grenoble ou près de Grenoble.
Sur son enfance, sa jeunesse, son instruction, aucune donnée, même
hypothétique. Le français n'est pas sa langue maternelle.
Il faut attendre de le voir paraître sur la scène maçonnique
pour qu'il sorte de l'ombre. Dès lors ces événements-ci
de sa vie privee, inextricablement mêlée avec sa vie maçonnique,
sont attestés: mariage à Bordeaux (1767); naissance de son fils
Jean-Anselme (1768) qui devient commissaire de police, comme Pinasseau et Cellier
l'ont découvert; naissance d'un deuxième fils (1771) aux prénoms
inconnus et probablement mort en bas âge; le 5 mai 1772, embarquement
pour Saint-Domingue; le 20 septembre 1774, décès et le 21 inhumation
dans l'île, en un lieu aujourd'hui inconnu.
2) Martines de Pasqually s'est peint lui-même en ces lignes dont un long
commerce martiniste, laissant subsister certes mainte énigme, m'a persuadé
qu'elles étaient non seulement sincères mais véraces:
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.
2
Quant à moi, je suis homme et ne crois point avoir vers moi plus qu'un
autre homme. [...] Je ne suis ni dieu ni diable, ni sorcier, ni magicien. Mais
aussi: Je ne suis qu'un faible instrument dont Dieu veut bien, indigne que je
suis, se servir de moi pour rappeler les hommes mes semblables à leur
premier état de Maçon, qui veut dire spirituellement hommes ou
âmes afin de leur faire voir véritablement qu'ils sont réellement
Hommes-Dieu, étant créés à l'image et à la
ressemblance de cet Etre tout-puissant. Martines de Pasqually, c'est avant tout
sa doctrine et son Ordre des Elus Cohen, exposés dans ses écrits.
II. - Ecrits.
1) Traité de la réintégration des êtres dans leurs
premières propriétés, vertus et
puissance spirituelles et divines. Publié pour la première fois
par René Philipon (sous ce titre qui connaît des variantes), Paris.
Chacornac. 1899.
Martines de Pasqually, Traité de la réintégration des êtres,
créés... Version originale éditée pour la première
fois, en regard de la version publiée en 1899, accompagnée du
tableau universel, précédée d'une introduction et de documents
inédits, Paris, Robert Dumas (puis Henry Veyrier), 1974.
2) Apocryphes. Réferons à la bibliographie de l'Initiation, mais
avec une addition. Les titres des ouvrages attribués faussement à
Martines par Ragon sont, en fait, ceux d'ouvrages, probablement fictifs, allégués
comme leurs par les fictifs Frères de la Rose-Croix qui sont censés
s'exprimer dans la Fama fraternitatis de J.V. Andréa, au passage suivant:
Confessons d'ailleurs qu'après la mort d'A. aucun de nous n'obtint le
moindre détail sur R.C., et sur ses premiers Frères, mis à
part ce qu'en relatent notre Bibliothéque philosophique, entre autres,
notre Axiomatique, I'ouvrage pour nous capital, les Cycles du monde, l'ouvrage
le plus savant, et Protée, le plus utile. (Trad. Gorceix, La Bible des
Rose-Croix, P.U.F., 1970, p. 12).
3) Correspondance. Les lettres les plus importantes sont celles a J.-B. Willermoz,
qui ont été bien éditées par Van Rijnberk dans son
ouvrage cité infra, t. II, pp, 71-166.
4) Documents d'ordre. C'est-à-dire tous textes officiels de l'Ordre des
Elus Cohen; rituels,
catéchismes, pièces administratives. (Cf l'inventaire des sources
in l'Initiation). Depuis la
bibliographie de l'Initiation, j'ai publié l'inventaire du fonds Hermete
des archives des
néo-Cohen, ibid., janv.-mars 1970, pp. 52-53. Ce fonds comporte notamment
la pièce
suivante: Statuts généraux de la Franche-Maçonnerie des
Chevaliers Elus Coëns, original
déposé en 1767 dans les archives du Tribunal souverain élevé
à la gloire du Grand Architecte de l'Univers sur le grand orient de Paris
(fraternellement communiqué par Ivan Mosca), avec les signatures de Bacon
de la Chevalerie, Balzac, Luzignan et Cerley. (La copie des statuts par Papus,
qui est conservée à Lyon, ne porte pas de signature). Plusieurs
documents martinésistes dans la partie des archives de J.-B. Willermoz
récemment mise à jour.
(Fonds privé L.A.).
Ajoutons surtout le très important ensemble rituel inclus dans les papiers
posthumes de Saint-Martin, constituant le fond Z (cf. infra, chapitre II).
Les éditions les plus importantes sont: catechismes de six grades Cohen
ap Papus,
Martines de Pasqually...., Chamuel, 1895 (fac-sim. avec une préface de
R.A. et une
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.
3 postface de Philippe Encausse, Paris, Robert Dumas puis Dervy-Livres, 1976),
pp 213-283;
Extrait du catéchisme des Elus Cohen. ap. Amadou. Trésor martiniste.
Les exorcismes des Elus-Coëns par Robert Amblain. Les Cahiers de la Tour
SaintJacques,
II-III-IV (1960), pp 175-186; Les diplômes coëns de J.-B. Willermoz
par Alice Joly ibid, pp
216-223, avec une reproduction photographique de l'un d'eux; enfin François
Ribadeau-
Dumas a bien voulu déférer à ma requête en reproduisant
dans Les Magiciens de Dieu,
Robert Laffont, 1970. pp 267-293,1'un des trois textes (et le plus important,
puisqu'il s'agit
d'un rituel d'initiation au premier degré) qui avaient motivé
ma Note sur une source
ignorée de l'histoire des rituels coëns. Les Cahiers de la Tour
Saint-Jacques,II-III-IV
(1960), pp. 187-189. Les documents du fonds Z sont à paraître en
1980-1981 chez Guy
Trédaniel, éditeur à Paris (La Magie des élus-coens,
t.I, Théurgie; t. II, Franc-Maçonnerie). Y
sont joints des documents complémentaires tirés du fonds Prunelle
de Lière, à la B.M. de Grenoble.
5) De la bibliographie martinésienne, que récapitule l'Initiation,
un livre doit être cité: G.
Van Rijnberk, Un Thaumaturge du XVIIIème siècle, Martines de Pasqually.
Sa vie, son
oeuvre, son ordre,tome. I, F. Alcan, 1935: tome. II, Lyon, Derain-Radet, 1938
(excellente bibliographie critique) René Le Forestier, La Franc-Maçonnerie
occultiste au XVIIIème siècle et l'ordre des élus coëns
(Paris, Dorbon-Ainé, s.d. [ 1928 ]) fournit un panorama aux tons justes,
mais ses essais de reconstitutions rituelles sont aujourd'hui dépassés,
grâce aux découvertes et aux publications mentionnées ci-dessus.
Les lettres de S.M. à J.-B. Willermoz, pleines de détails rituels,
ont fait l'objet d'une première et déplorable édition par
Papus, Louis-Claude de Saint-Martin (Paris, Chacornac, 1902).Une transcription
exacte a été procurée par R.A. (cf. sa préface à
la rééd. par lui établie du susdit Papus, Paris, Pierre
Belfond, 1919).
III. - La Réintégration.
1) Martines de Pasqually a élaboré une doctrine complexe et précise.
A partir de quelles données, outre son expérience personnelle
qui, disait-ii, avait été jusqu'à lui faire prendre sous
dictée les enseignements de la Sagesse divine même? La critique
externe ne dispose d'aucun élément de réponse. La critique
interne désigne le courant de l'ésotérisme judéochrétien,
et plus particulièrement certains de ses rameaux provençaux et
espagnols (avec, dans ce dernier cas, une influence islamique de seconde main).
Sur la doctrine elle-même, les modernes sont, en revanche, bien renseignés.
Le Traité
constitue la source principale Adjuvants; les textes rituels, aussi les explications
fournies
par Willermoz et surtout par Saint-Martin sous le couvert de ses idées
propres. A michemin,
en quelque sorte, de ces deux dernières sources, les instructions aux
Cohen de
Lyon, à partir
de 1774 (extraits ap. Paul Vulliaud, Les Rose-Croix Iyonnais au XVIlIè
siècle....E.Nourry,
1929, pp. 225-252; I'édition de R.A. des Le~ons de Lyon comprend le texte
intégral des dix premières leçons par Saint-Martin, le
résumé de toutes les leçons, qu'elles soient de Saint-Martin
ou d'Hauterive, dans un autographe du premier, avec des développements
relatifs a quelques leçons du même, enfin le texte des notes prises
exclusivement par J.-B. Willermoz. Une édition de ces dernieres notes
exclusivement, aux Editions du Baucens (Braine-le Comte, Belgique, 1975), est
mauvaise.
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4
A ces sources puise l'indispensable exposé de l'lnitiation.
Ici, I'on esquissera le schéma de l'essentiel.
2) Le titre du Traité l'annonce (à juste titre): la doctrine de
Martines est une doctrine de la réintégration des êtres.
Réintégration implique expulsion préalable, drame et dénouement.
En effet. Et de le savoir sauve. Mais c'est par un savoir opératif. Martines
est un gnostique. La reintégration doit être universelle. Sa tâche
incombe à l'homme. A lui d'apprendre quelle fut l'origine et quelle est
la destination, quelles sont les voies communes de la chute et de la remontée:
apprentissage d'une théorie. Mais d'une théorie qui est, en fin
de compte, théorie de l'action, qui se confond avec elle, c'est-à-dire
théorie de la technique opératoire; théorie des intermédiaires
et technique des moyens; techniques des agents et des opérations. Théorie
des opérations théurgiques à la manière de Martines
de Pasqually. Voilà la gnose particularisée en gnosticisme martinésien,
en martinésisme. A cette particularisation concourent aussi - mais l'analyse
de la théurgie particulière suffirait à l'indiquer - les
modalités et les détails spécifiques, du moins en ' Ir
assemblage, de l'épopée martinésiste; dommage que nous
en soyons réduits à les porter pour mémoire. 3) Dieu est
un, mais ses puissances sont trines et son essence quatriple. Au commencement
il émane des êtres spirituels, libres et discrets qui forment sa
cour. Certains de ces êtres cèdent à l'orgueil et opèrent
- c'est-à-dire agissent - à l'instar de Dieu, en infraction, c'est-àdire
en prétendant à l'autonomie. Pour les punir et sauver la cour
divine, ils sont chassés de celle-ci et emprisonnés dans le monde
matériel, spécialement créé pour l'occasion par
des esprits restés fidèles. La matière est créée,
non pas émanéé: elle est illusoire. Dieu émane alors
l'homme: mineur sprirituel puisqu'il vient en dernier lieu, mais doué
de privilèges supérieurs à ceux de ses aînés.
Adam, androgyne, sera tout à la fois chargé de la garde et de
la réhabilitation.
Mais Adam s'élève, à son tour, par son orgueil jusqu'à
vouloir être créateur tout seul. Il lie sa puissance divine avec
celle des démons et il effectue une création de perdition Sa création,
sa créature Houwa, est ratée. Mais, après son forfait,
il dégénère et devient l'opprobre de la terre.
Son corps glorieux devient ténébreux, en se matérialisant.
De pensant il devient pensif et la communication directe, dont il jouissait,
avec Dieu, est coupée. Elle ne pourra plus s'effectuer désormais
que par le truchement, éventuellement obtenu, des esprits, des intermédiaires.
Pour entrer en rapport avec ceux-ci, I'homme, en partie matérialisé,
devra user de procédés en partie matériels. La mystique
s'est dégradée en théurgie cérémonielle,
science et sacrement. Le théurge prie d'abord, il demande à Dieu
de lui restituer son pouvoir primitif sur les esprits. Puis il commande aux
esprits bons et exorcise les mauvais. Des signes, quelquefois auditifs et tactiles,
mais habituellement lumineux, indiquent le succès. La faute d'Adam fut
suivie d'une seconde. Dieu avait maintenu le coupable dans ses droits et devoirs
et l'avait pourvu des moyens nouveaux requis par la nouvelle situation. Pourtant,
ingrat, I'homme s'unit à sa femme dans une fougue sexuelle digne des
bêtes. De cet emportement, Caïn est issu.
Mais Dieu demeure encore fidèle à ses promesses et l'homme n'est
point destitué de son poste.
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5
La postérité de Caïn est incapable de tenir le rôle
du mineur. Naissance d'Abel. Caïn le tue. Seth sera l'ancètre des
opérateurs, des théurges. Aussi bien après le déluge,
plus de Caunites. Noé perpétuera la postérité de
Seth (mais Cham réincarnera Caïn).Ainsi d'une race pure sortiront,
au cours de l'histoire, des mineurs élus, grands et petits prophètes.
Les Cohen y seront agrégés par élection.
La gnose martinésiste discerne, et s'approprie, dans les choses ce qui
tient des choses de l'esprit, les symbolise, y mène. Elle trace le plan
de la figure universelle où toute la nature spirituelle, majeure, mineure
et inférieure opère; où les immensités céleste
et temporelle qu'enceint l'immensité de l'axe feu central communiquent,
à travers l'immensité surcéleste, avec l'immensité
divine.
Pour se réintégrer et aider à la réintégration
des autres hommes et de tous les êtres (point de réintégration
complète sans réintégration universelle), celui qui a cette
vocation sacerdotale, I'Elu Cohen, considère le nombre de ses doigts
de pieds (les nombres, fondement de toute loi de création temporelle
et de toute action divine...) et s'instruit du nom des anges. Il suit une ascèse
(actes de piété, règles alimentaires, etc), une morale.
Il célèbre la théurgie.
Saint-Martin abandonnera la théurgie cérémonielle pour
une mystique spéculative dont la déité du Christ est le
pivot; Willermoz n'en soufflera mot dans les instructions correspondant aux
différents grades et à la Profession de l'Ordre des Chevaliers
Bienfaisants de la Cité Sainte, car ceux-ci n'auront pas reçu
l'ordination cohen. Mais la pensée de Saint-Martin se définit
le mieux par sa continuité avec la pensée de Martines et le Régime
Ecossais Rectifié, I'un des rares régimes maçonniques à
posséder une doctrine systématique, avec l'Ordre des Elus Cohen,
n'aura pas une autre doctrine que ce dernier, le martinésisme.
IV. - L'Ordre des Elus Cohen.
1) Martines de Pasqually était Franc-Maçon, reconnu pour tel par
ses Frères. Quand et où a-t-il reçu la lumiere maçonnique?
On l'ignore.
2) Il produira devant la Grande Loge de France une patente apparemment délivree
à son père par Charles Edouard Stuart en 1738 et transmissible
à lui-même. Elle pourrait n'être pas apocryphe si, contrairement
à la probabilité, le prétendant avait été
Franc-Maçon. 3) Martines de Pasqually fut le Grand Souverain de l'Ordre
des Elus Cohen. Et son fondateur? Oui, à ce qu'il paraît. Non à
ce qu'il assurait, en parlant de ses prédécesseurs, de ses collègues,
de ses archives. Voici un tracé de sa carrière maçonnique,
cohen. De 1754 peut-être, de 1758 sûrement, à 1760, propagande
dans le Midi de la France, à Lyon, à Paris.
1762: arrivée, le 28 avril, à Bordeaux où il demeure jusqu'en
1766.
Fin 1766 - début 1767: pourparlers et différends avec la Grande
Loge de France.
Fin 1766: Paris. Première rencontre avec J.-B. Willermoz.
1767: à l'équinoxe de printemps, installation du Tribunal souverain
et promulgation des statuts de l'Ordre. En avril: départ de Paris, propagande
en route, retour à Bordeaux en juin.
1768: première rencontre avec Saint-Martin.
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1769-1770: le clerc tonsuré Pierre Fournié, secrétaire
de Martines, incapable tous deux de diriger et d'organiser l'Ordre qui, pourtant,
se développe. Le 11 juillet 1770, Martines annonce, pour la première
fois, qu'il travaille au Traité.
1771-1772: Saint-Martin secrétaire de Martines. Le travail s'améliore
et s'intensifie. Mais Martines s'en va.
1772-1774: à Saint-Domingue. Martines poursuit le travail général
et développe l'Ordre au plan local, sans désemparer jusqu'a sa
mort.
4) Ajoutons quelque chose sur l'Ordre des Elus Cohen après la mort de
Pasqually. A sa mort, Caignet de Lestère, que Martines avait désigné
à cette fin, occupe la charge de Grand Souverain de l'Ordre, mais il
meurt lui-même le 19 décembre 1779. Il a choisi pour successeur
Sébastien de Las Casas. Celui-ci, en novembre 1780, conseilla aux Chapitres
Cohen, qui souhaitaient de lui une direction plus ferme, de se dissoudre ! La
désagrégation avait commencé dès la mort de Pasqually,
peut-être un peu avant, tandis qu'il paraissait s'attarder à Saint-Domingue.
Peu à peu les Temples s'effondrent ou changent d'appartenance. Des Cohen,
cependant, continuent d'opérer. Le Chapitre toulousain, encouragé
par d'Hauterive, persiste (révélation du fonds Du Bourg, en cours
de publication).
Des deux disciples les plus distingués de Martines, Saint-Martin et Willermoz,
le premier n'était pas enclin à favoriser le maintien, et encore
moins l'essor de l'Ordre des Elus Cohen; le second pour des raisons analysées
ailleurs, préféra infuser dans un autre Rite Maçonnique,
la Stricte Observance Templière métamorphosée en Ordre
des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, la doctrine martinésienne
de la réintégration, sauvant ainsi, croyait-il, la FrancMaçonnerie
et ladite doctrine du même coup. La doctrine, disje, et l'on ne saurait
trop remarquer que rien de l'initiation, rien de l'ordination cohen, ni, par
conséquent, rien de la théurgie cérémonielle propre
aux Elus Cohen ne passa chez les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte.
Willermoz refusa de confondre une secte sacerdotale à la forme maçonnique
(même si luimême éprouvait plus que d'autres la force et
la valeur de cette forme) avec un Rite Maçonnique et un ordre chevaleresque
dont le but, comme la doctrine, serait identique, mais le moyen different, quoiqu'il
ne pût être qu'analogue.
Le 26 janvier 180~, Bacon de La Chevalerie parle des Elus Cohen toujours agissant
sous la plus grande réserve en exécution des ordres suprêmes
du Souverain Mâître $,le G $ W $ J $ (lettre à Chefdebien
ap. Benjamin Fabre, Franciscus Eques a Capite galeato, Paris, la Renaissance
française, 1913, p. 421). De quoi, de qui s'agit-il? Je me le demande
bien, et depuis longtemps.
En 1822, dans une lettre, au baron de Turkheim, datee du 21-31 mars, conservée
à la
Bibliothèque municipale de Lyon (ms. 5900) et contenant, selon une annotation
du
signataire, des conseils pour la lecture du Traité de la réiotégration
des êtres par
Pasqually, Willermoz déclare: De tous les R... [sc. Réaux-Croix]
que j'ai connus
particulièrement, il n'en reste point de vivant. Ainsi il me serait vraiment
impossible de
vous indiquer aucun pour après moi. Je doute même que le temps
présent soit propre à en
préparer, mais nous savons tous que le Tout-Puissant plein d'amour et
de miséricorde
peut, quand il voudra, faire nâître des pierres mêmes des
enfants d'Habraham. Ce qui est
.
.
7 équivoque, quand on prend garde, mais signifie au moins que les Cohen
survivants étaient rares et dans l'ignorance les uns des autres; ce qui
confirme que l'Ordre avait disparu sans que personne s'attachât à
le réveiller.
A la fin du XIXè siècle, très vaguement, puis au XXè
précisément, sont nées des sociétés qui revendiquèrent
soit une filiation cohen directe, soit une filiation cohen indirecte. Les prétentions
des néo-Cohen sont critiquées infra V.
5) La structure de l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l'Univers,
pour lui donner son titre entier, est celle d'un Rite maçonnique, d'un
système de Hauts Grades souchés sur les trois degrés bleus,
selon le modèle écossais.
Les listes de grades cohen fournies par les différents auteurs et même
celles qu'on peut établir sur la base des documents officiels ne concordent
pas toutes. Mais les variantes sont plus minces qu'il ne se colporte.
Voici la hiéarchie définie par les statuts de 1~67, à l'article
XII. Des honneurs et des préséances, suivant le sens descendant:
~(Lc Sou~erain Juge [ = S.J. ou S.I., les initiales aussi de Supérieur
Inconnu ] Réaux + est le premier grade la maçonnerie, ensuite
le commandeur d'orient, le chevalier d'orient, le grand architecte, le maître,
le compagnon et l'apprenti coën; le maître parfait élu, les
maîtres, compagnon et apprenti bleus. Ces statuts fournissent des renseignements
minutieux sur l'organisation de l'Ordre, distribués en six chapitres
qui comportent respectivement trente, deux, dix-neuf, quinze, sept et cinq articles.
(La copie Papus, à la B.M. de Lyon, cotée 5474, ne reproduit que
le premier chapitre. C'est pourquoi les signatures qui viennent après
le sixième, manquent). Le nombre des Temples cohen ne dépassa
guere la douzaine, répartis, il est vrai, à travers toute la France.
Leurs tribulations endogènes et exogènes, furent quasi permanentes.
Sur tout cela Cf Van Rijnberk, op. cit. et les ouvrages qu'il recommande et
qui sont rares.
V. - Les Néo-Cohen.
" A. - L'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l'Univers semble
avoir disparu avant la Révolution. Sa survivance au début du XIXè
siècle est douteuse. Papus, le premier ensuite, reparle des Elus Cohen
comme d'un Ordre vivant, ou plutôt survivant de quelque maniere, bien
incerraine, dans son Ordre martiniste. Bricaud revendique, quand il devient
Grand Maître de l'Ordre martiniste, la succession cohen en ligne directe,
et, pour l'Ordre martiniste, l'héritage martinésiste en même
temps que celui de Saint-Martin.
" B. - Robert Ambelain, pour sa part, reconstitue l'Ordre des Elus Cohen,
en 1942, sous le patronage de Georges Bogé de Lagrèze, Chevalier
Bienfaisant de la Cité Sainte et peut-être Grand Profès
(non liquet) et de Camille Savoire, Chevalier Bienfaisant de la Cité
Sainte. Il l'associera à partir de 1958 à l'Ordre martiniste Cf
Chap. IV, Le Grand Maître Lagrèze habilite, le 12 novembre 1945,
1' Imperator de l'AMORC à établir loges et chapitres de son Ordre
aux Etats-Unis d'Amérique et au Canada. A la mort de Lagrèze,
en 1946, Ambelain lui succède.
En 1967, Ambelain démissionne au profit d'Ivan Mosca. Celui-ci reprend
pour son Ordre
en même temps que l'indépendance son titre primitif ~< Ordre
des Chevaliers Maçons
Elus Cohen de l'Univers et pour lui le titre non moins primitif ~< grand
souverain ~> (Cf
L'lnitiation, juillet-décembre 1967, p.ll3). Mais inquiet de la légitimité
du réveil de 1942, il
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.
8 ne tarde pas (1968) à mettre l'Ordre en sommeil, pour une durée
indéterminée (Cf l'Initiation, octobre, décembre 1968,
pp. 230-231).
- C. - L'histoire de l'Ordre des Elus Cohen relève directement de l'histoire
de la FrancMaçonnerie. Cet Ordre est un Rite maçonnique. Ses modernes
champions ont continué à le tenir pour tel et il est caractéristique
que la maçonnisation de l'Ordre martiniste par Bricaud ait coïncidé
avec sa revendication de l'héritage martinésiste. 2 - Les néo-Cohen
sont-ils héritiers légitimes? La question exige, tant elle fut
embrouillée, une réponse exacte, et, d'abord, à cette fin,
une analyse systématique du problème.
" A. - Suivant l'enseignement et la pratique constante de Martines de Pasqually,
premier grand souverain connu de l'Ordre dit, en abrégé, des Elus
Cohen, on tiendra pour acquis:
I'entrée et le progrès dans l'Ordre s'effectuaient par la communication
d'initiateur(s) qualifié(s) à récipiendaire qualifié
(et, au cas du degré suprême de Réau-Croix, d'ordinant(s)
qualifié(s) à ordinand qualifié, selon des modalités
différentes et successives correspondant aux grades hiérarchiques,
d'un influx sui generis; toutes réserves faites sur l'origine et la nature
de cet influx.
- B. - L'histoire nous assure que les détenteurs de cet influx, qualifiés
pour le transmettre, ont existé jusque dans le premier tiers du XlXè
siècle; toutes réserves faites sur le nombres de grades que chacun
avait ou n'avait pas, respectivement, le pouvoir de conférer. (En effet,
tout Cohen n'était pas autorisé - question de validité?
question de licéité? voilà un hic subsidiaire - à
conférer seul son propre grade, ni même les grades inférieurs
au sien, ni, évidemment, ceux qui lui étaient supérieurs.
Tout Réau-Croix, en particulier, n'était pas autorisé à
ordonner un autre Réau-Croix, c'est, par exemple, la raison, ou l'une
des raisons pourquoi Saint-Martin refusa, peu avant sa mort, d'ordonner Joseph
Gilbert, son ultime disciple).
3 - A. - La seule prétention contemporaine de moi connue, à détenir
la succession cohen en ligne directe, a été exprimée par
Jean Bricaud (Cf Notice historique sur le martinisme, nouv. éd., Lyon,
Editions des Annales initiatiques, 1934, p. 10. La première edition est
de 1928). Bricaud nomme les frères Bergeron et Bréban-Salomon,
le médecin danois Carl Michelsen; Edouard Blitz, surtout, médecin
américain (d'origine israélite belge, préciseraije), ~<
héritier légitime de Martinez et successeur direct de Willermoz
et d'Antoine Pont. Blitz aurait, semble-t-il, d'après Bricaud, initié
à son tour Fugairon et Charles Détré, dit Téder.
Bricaud se donne pour rattaché lui-même à cette lignée,
mais ne dit pas quel aurait été son propre initiateur.
" B. - Inutile d'entrer dans le détail. Rappelons seulement la magistrale
critique avancée par
Robert Ambelain (Le Martinisme contemporain et ses véritables orgines,
Paris, Les
Cahiers de Destins, 1948, pp. 22-30). Au terme de cette analyse dévastatrice
et inattaquable, il appert que non seulement aucun des personnages cités
par Bricaud, ni, par conséquent, Bricaud luimême, n'a été
certainement en possession de la succession cohen (I'absence de preuves est
totale et aux prétendants appartient la charge de prouver); mais encore
que tous les indices décelables vont à l'encontre d'une telle
hypothèse.
Mes recherches dans le fonds Papus conservé à la Bibliothèque
municipale de Lyon et
dans les divers fonds privés d'archives relatives à l'Ordre des
Chevaliers Bienfaisants de la
Cité Sainte et au Rite Ecossais Rectifié, rendent plus invraisemblable
encore, pour ne pas
.
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9 dire impossible, que Blitz et Téder, en particulier (et ils sont les
deux hommes clefs de la filiation revendiquée par Bicaud) aient été
en possession de la succession cohen. Ajouter qu'une confusion a pu se produire
chez Bricaud entre succession cohen et succession de la Grande profession du
Régime Ecossais Rectifié, dont il n'entretenait qu'une idée
très vague et qui n'est effectivement pas sans rapport avec le martinésisme,
quoiqu'elle n'ait rien à voir avec l'Ordre des Elus Cohen.
En résumé, Bricaud a parlé sans produire de preuves et
son affirmation est des plus constestables.
4. - L'influx en cause dans l'Ordre des Elus Cohen étant sui generis
(même si cette proposition signifie seulement que l'Ordre des Elus Cohen
a sa personnalité propre), la succession cohen qui le transmet ne peut
être identifiée elle-même avec aucune des successions suivantes
(contrairement à la démarche qui prétendit justifier certains
réveils); toutes réserves faites sur le caractère hypothétique
ou fallacieux de l'une ou de l'autre desdites successions:
A. Succession apostolique.
B. Succession dite gnostique, de Jules Doinel.
C. Succession dite martiniste, de Louis-Claude de Saint-Martin.
D. Succession de la Société des Philisophes Inconnus.
E. Succession des Philosopbes Inconnus.
F. Succession des propriétaires d'une partie des archives, en partie
cohen, de Jean-
Baptiste Willermoz. (Si étrange qu'il y paraisse, Papus semble avoir
cru, ou laissé croire, que la propriété de certains papiers
cohen - à lui échus dans des circons-tances bien élucidées
par Jean Saunier, <~ Elie Steel-Maret et le renouveau des études de
la Franc-Maçonnerie illuministe à la fin du XIXè siècle,
Revue de l'histoire des religions, juillet, 1972, pp, 53-81 -, équivalait
à quelque investiture, voire à quelque initiation !)
" La succession cohen ne peut non plus être identifiée avec
la succession des Grands Profès, classe secrete de l'Ordre intérieur
des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte; cette succession s'étant
d'ailleurs perpétuée jusqu'à nos jours, comme il a été
officiellement révélé en 1969, pour arrêter les ragots
et prévenir des profanations (Cf Maharba, <~ A propos du Régime
Ecossais Rectifié et de la Grande Profession ~>, Le Symbolisme, octobre-décembre
1969, pp,63-67).
J.-B. Willermoz a défini le sens où il rédigea l'instruction
secrète de la Grande Profession, dont il est le fondateur, en écrivant:
Lié d'une part par mes propres engagements [sc. de secret envers l'Ordre
des Cohen] et retenu de l'autre par la crainte de fournir des aliments à
une frivole curiosité, ou de trop exalter certaines imaginations, si
on leur présentait des plans de théorie qui annonceraient une
pratique, je me vis obligé de n'en faire aucune mention et même
de ne présenter qu'un tableau très raccourci de la nature des
êtres, de leurs rapports respectifs, ainsi que des divisions universelles.
(A Charles de Hesse-Cassel, du 12 octobre 1781, ap. G. Van Rijnberk, Martines
de Pasqually, t.l, Paris, Alcan, 1935 p.l68) Et il y a d'autres textes !
Comment, dès lors, prétendre que l'acces à la Grande Profession,
que suffit à donner la communication autorisée de l'instruction
secrète y afférente, comportait l'initiation ou l'ordination à
un degré cohen, quel qu'il Mt?
.
.
10
6. Conclusions:
A. - Personne, à notre connaissance, ne détient aujourd'hui la
succession cohen, ni au sein d'aucun Ordre, ni en sauvage.
B.- Il est possible, à strictement parler, que la succession cohen se
soit perpétuée jusqu'à aujourd'hui, à notre insu.
Mais cette éventuali~e ~emblc très improbable. C. - Il y aurait
beaucoup à écrire sur la transmission légitime des pouvoirs
initiatiques. On ne voit pas pourquoi des organisations entierement disparues
aujourd'hui ne pourraient être relevées s'il s'avère que
leur tradition ésotérique a été retrouvée
et pourvu que l'investiture initiatique leur soit conférée régulièrement,
c'est-à-dire hiérarchiquement. Les choses qui ont cessé
d'exister sur le plan historique visible demeurent vivantes et virtuelles sur
le plan spirituel. Il ne s'agit pas de recréer, mais de ré-animer.
(Hervé-Masson, Des processus psychologiques du symbolisme, Le Symbolisme,
octobre-décembre 1965, p. 51. n.l.). Si l'on admet la perspective ainsi
ouverte, tout essai de réanimation de l'Ordre des Elus Cohen n'exigerait
que la fidélité la plus profonde à l'enseignement de Martines
de Pasqually, gnostique et kabbalistique, relevant de l'ésotérisme
judéo-chrétien; à la structure administrative de l'Ordre,
qui est de caractère maçonnique; au rituel, et notamment à
la théurgie cérémonielle. Cette théurgie, au demeurant,
perrnettrait, grâce aux éventuelles réponses de la chose,
de verifier expérimentalement la réanimation de l'Ordre, le rattachement
réinventé à sa succession interrompue.
.
.
11
CHAPITRE II
LOUIS-CLAUDE de SAINT-MARTIN LE PHILOSOPHE INCONNU 1. - Esquisse biographique.
Louis-Claude de Saint-Martin (qui ne fut jamais marquis) est né à
Amboise, le 18 janvier 1743. A trois ans, il perd sa mère; à six
ans, il trouve une mère qui incarne la mère idéale, Elle
l'enchantera. Les études commencées avec un précepteur,
se poursuivent au collège de Pontlevoy (1755-1759), puis à la
Faculté de Droit de Paris (1759-1762), d'où il sort licencié.
Premières lectures, premières empreintes: Abadie, Burlamaqui (il
adhère), la tourbe philosophique (il réagit là contre);
et, bien sûr, les romans, le théatre, la poésie tant des
anciens que des classiques et des contemporains (il goûte et prend garde).
La musique le séduit pour la vie: théorie de l'harmonie et pratique
du violon. S'il avait occupé plus de six mois (1764-1765) I'office d'avocat
du roi du baillage et le siège présidial de Tours, il eût
sans doute succombé à la tentation, qu'il avouera, de se suicider.
L'état militaire lui agrée davantage. Il y demeure six ans (1765-1771).
Dès son arrivée au Foix-Infanterie, alors stationné à
Bordeaux, des camarades le devinent et l'initient aux mystères maçonnico-théurgiques
des Elus Cohen: initiation selon l'externe. A partir de 1769, il passe ses quartiers
d'hiver auprès de Martines de Pasqually, fondateur et Grand Souverain
de l'Ordre, son premier Mâître. En 1771, il abandonne le service
pour mieux suivre la carrière. Il ré-i(le à Lyon, en Touraine,
à Paris surtout où le succès équivoque du livre
Des Erreurs et de Ia vérité l'introduit dans le monde. Par deux
fois, il visite l'ltalie (1774-1787), un voyage le mène à Londres
(1787). Vite, il s'est méfié des chapelles, sauf à y porter
la tlonl~ arole et la discorde, sauf aussi qu'à Lyon, en 1785, il s'éprend
des communications medi~lltlniques de 1' Agent Inconnu. Il ne tarde pas à
s'en déprendre, mais il en gardera la tra~: c'était du martinésisme
sauvage.
Surgit, à Strasbourg, en 1788, son deuxième Maître, le cordonnier
illuminé de Goerlitz, son chérissime Jakob Bohme (1575-1624),
qu'il rencontre grâce aux ouvrages à lui tendus par sa chérissime
Charlotte de Boecklin; Jakob Bohme dont il ne tâchera plus qu'à
célébrer le mariage avec Martines. La Révolution francaise
l'éprouve et l'emplit d'espoir; la providence y place la mort de son
père (1793). Thermidor arrive à point pour que sa situation ne
se gâte. Très attentif, Saint-Martin se renseigne amplement, mais
enseigne avec discrétion, dans maintes conférences particulières
et dans une conférence publique avec Garat, en 1793; dans des livres
de marche moyenne, souvent lente. Aucun discours de lui qui n'encoura I'homme
de désir et ne lui apprenne, au-delà de l'ecce homo, comment et
pourquoi naît le nouvel homme, auquel incombera le rninistère de
l'homme-esprit. Le Philosophe Inconnu, cormne il avait obtenu qu'on le désignât,
mouru~ le 1~ octobre 1803, à Châtenay près de Paris, assez
ignoré et fort mal compris. (Préface, pp. 9-10, à la rééd.
1973 [ Bibliothéque 10/18 ]-1979 [ Monaco, Ed. du Rocher ] de l'Homme
de désir. Cf. Calendrier de la vie et des écrits de Louis-Claude
de Saint-Martin, premiere partie, 1743-1777, N spécial de Renaissance
traditionnelle, janvier 1978: suite et fin à paraître ibid.)
II. - Ecrits.
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12
1. - Voici la liste complète des écrits publiés de Saint-~1artim
pour la premiere fois imprimée, d'apres ma Bibliographie générale
des écrits de eet auteur (Paris, 1967; e~emplaires déposés
à la Bibliothèque nationale et à la bibliothèque
de la Sorbonne).
" Des Erreurs et de la vérité, 1775.
" Ode sur l'origine et la destination de l'homme, Ca. 1781.
" Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, I'homme et l'univers,
1782.
" De la Poésie prophétique, épique et Iyrique.?
" Phanor, poème.?
" Discours sur la meilleure manière de rappeler à la raison
les nations livrées aux erreurs et aux superstitions. Ca. 1785.
" L'Homme de désir, 1790.
" Ecce homo, 1792.
" Le Nouvel homme, 1792.
" Lettre à un ami, ou considérations... sur la Révolurioon
Jrancoise; suivies du précis d'une conférence publique..., 1795.
" Stances sur l'origine et la destination de l'homme, 1796.
" Eclair sur I 'association humaine, 1791.
" Réflexions d'un observateur sur la quesrion: Quelles sont les
institutions les plus propres à fonder la morale d'un peuple? 1797.
" Essai sur les signes et sur les idées. 1799.
" Le Crocodile, 1799.
" Recension du Crocodile. 1799.
" De l'Esprit des choses, 1800.
" L'Aurore naissante... de Jakob Bohme, 1800.
" Le Cimetière d 'Amboise, 1801.
" Controverse avec Garat, 1801.
" Des Trois principes de l'essence divine... par Jakob Bohme, 1802.
" Le Ministère de l'homme-esprit, 1802.
" OEuvres posthumes, 1807.
" Quarante questions... par Jakob Bohme, 1807.
" De la Triple vie de l'homme... par Jakob Bohme, 1809.
" Des Nombres, 1843.
" Cinq textes inédits, 1959.
" Mon portrait historique et philosophique, 1961.
" Conférences avec M. Ie chev. de Boufflers, 1961.
" Conférences avec M. Le Roux, docteur en médecine, 1961.
" Pensées mythologiques, 1961.
" Cahier des langues, 1961.
" Varia, 1962.
" Fragments de Grenoble, 1962.
" Pensées sur I 'Ecriture sainte, 1963- 1965.
" Etincelles politiques, 1965-1966.
" Cahier de métaphysique, 1966-1968.
.
.
13
" Carnet d'un jeune Elu Cohen, 1968.
" Notes sur les Principes du droit naturel de Burlamaqui, 1969.
" Réflexions sur le magnétisme, 1969.
" Du somnambulisme et des crises magnétiques, 1969.
" Mon livre vert. en cours de publication.
" Pensées sur les sciences naturelles. A parâître.
" Oeuvres nouvelles (fonds Z). A paraître.
2. - La Correspondance éditée comprend de très nombreuses
lettres, toutes posthumes, sauf une à Matthias Claudius et la lettre
à Garat qui est une lettre ouverte. Elles ont été publiées,
celles à Kirchberger, dans un livre (1862); les autres, à des
destinataires différents, en divers lieux.
La Correspondance générale en deux volumes est sur le métier.
3. - Edition collective, en sept volumes, des OEuvres majeures de Saint-Martin,
chez
Georg Olms, Hildesheim, R.F.A., 1975 -..., en voici l'économie avec les
titres abrégs: I. - Des
Erreurs; Ode et Stances; II. - Tableau naturel, Discours; III. - L'Homme de
désir; IV. - Ecce homo, Le nouvel homme; V. - De l'Esprit des choses,
Controverse avec Garat; VI. - Le Ministère de 1'homme-esprit; VII. -
Notes et documents.
4. - Les livres et articles en tout ou en partie consacrés au Philosophe
Inconnu ont été répertoriés dans la Bibliographie
saint-martinienne. Voir aussi "Etat présent des études saintmartiniennes"
ap. Saint-Martin, Mon portrait..., nouv. éd., Monaco, Ed. du Rocher,
1980.
5. - La Chronique saint-martinienne (d'abord publiée dans les Cahiers
de la Tour Saint-Jacques, puis dans les Cahiers de l'homme-esprit, et présentement
sous forme séparée), est le bulletin de lia son et d'information
de tous les arnateurs du Philosophe Inconnu, saintmartiniens et martinistes.
Et consulter, bien sûr l'lnitiation, passim.
6. - Néanmoins, une décourverte majeure exige d'être ici
rapportée telle qu'elle fut annoncée dans l'Initiation, juillet-septembre
1978, pp. 174-175: celle du fonds Z. LE CIEL SOURIT AUX MARTINISTES.
La chose la plus merveilleuse, la plus extraordinaire, la plus étonnante...
Mais non ! Cette découverte, qu'on exulte d'annoncer ici, est tout simplement
unique, c'est-à-dire d'une importance sans seconde pour connaître
LouisClaude de Saint-Martin. Elle nous procure, en effet, la fleur des papiers
personnels du théosophe.
Il est vrai qu'en quête des ces papiers, j'avais recueilli d'abord, en
1953, à Londres, une copie des écrits dont le petit-cousin Nicolas
Tournier avait hérité - le fameux manuscrit Watkins; puis, en
1954, près de Munich, le Portrait autographe.
Cette année 1978, I'Initiation a révélé l'existence
d'autres originaux en provenance du lot échu à Tournier.
Mais restaient dans l'ombre - à moins qu'ils n'eussent été
anéantis - les documents, précieux entre tous, qui étaient
passés, après la mort du Philosophe Inconnu, entre les mains de
Joseph Gilbert. Les premiers biographes, Gence, Caro, Matter, y faisaient allusion...
Or, les voici retrouvés, hosannah ! La tache de les publier sera lourde,
mais elle m 'enchante.
Pour l'heure, j'en suis au dépouillement et au classement.
.
.
14
Mais la première revue est achevée. En voici le compte très
sommaire:
SAINT-MARTIN:
Des Nombres - De l'Origine et de l'Esprit des formes - Leçons de Lyon
- Notes diverses et
nombreuses, notamment sur la langue hébraique - Lettres ((notamment à
Gilbert el à Bourgeois
de Lausanne). MANUSCRITS AUTOGRAPHES. Copie très minutieuse des lettres
à
Kirchberger et à Effinger.
KIRCHBERGER.
Lettres à Saint-Martin. MANUSCRIT AUTOGRAPHE.
MARTINES DE PASQUALLY.
Traité de la réintégration. COPIE PERSONNELLE DE SAINT-MARTIN.
DOCUMENTS COHEN:
Catéchisme de tous les grades - Rituels de réunion et de réception
- Rituels très complèts d
'opérations - Tableaux et dessins théurgiques (dont quelques-uns
se trouvent à la B.M. de
Grenoble) (1) - Table des 2400 noms - Recueil d'hiéroglyphes - Prières,
prosternations,
instructions, etc... COPIES PERSONNELLES DE SAINT-MARTIN.
COMMUNICATIONS SOMNAMBULIQUES.
(dont celles de l'Agent inconnu). COPIE PERSONNELLE DE SAINT-MARTIN.
DOSSIER CHAUVIN, relatif à l'histoire posthume des papiers de Saint-Martin.
Ces quelque mille sept cents pages apporteront une contribution inégalable
à l'histoire du martinisme: enfin une édition correcte des Nombres,
enfin les lecons de Lyon dans le texte du professeur (car mon hypothèse
que Saint-Martin enseignait et que les notes de Willermoz avaient été
prises par un auditeur est désormais prouvée), enf n ce tant espéré
Traité des formes, etc... etc. Mais aussi, enfin la clef de la théurgie
cohen. Etc... etc.
Ce fonds, providentiellement retrouvé, sera désigné sous
le nom de fonds Z. Alors que l'ésotérisme, et Saint-Martin luimeme,attirent
les nouveaux cacouacs (2), quelle consolidation, quel encouragement,quel signe,
pour les martinistes !
Aux papiers de Saint-Martin sont joints d 'autres papiers venus à Gilbert
d 'un autre théosophe:
Fabre d'Olivet. C'est aussi que l'on dispose maintenant de la fin du manuscrit
de la Théodoxie universelle, dont Dorbon-Ainé avait publié
en fac-similé le début. L'édition de ces pages ne doit
pas tarder.
Chose merveilleuse, extraordinaire au plus haut point, pourquoi pas, après
tout, encore que ce soit trop peu dire ! Mais, au bout du compte, rien de moins
étonnant. 29 avril 1978.
(1) A propos du fonds coën de Grenoble (fonds Prunelle de Lière),
il faut rappeler qu'un
inventaire détaillé en a été publié pour
la première fois dans la Bibliographie générale des
écrits de Louis-Claude de Saint-Martin (1967), N 249, pp. 221-223. L'édition
des principaux
documents théurgiques de ce fonds a été annoncée
à mainte reprise (par exemple,dans
l'Initiation, avril-juin 1969, p. 109, sous le couvert de mon collaborateur
et ami Jacques
Baradate et dans le Dictionnaire Universel de la Franc-Ma,connerie (1974), article
~< Martines
de Pasqually)), p. 840. Grâce à Dieu, cette édition a été
retardée, car seul l'ensemble rituel constitué et conservé
par SaintMartin, dans le fonds Z aujourd'hui, donne tout leur sens aux éléments
en provenance de Prunelle de Lière. C'est donc en articulation avec l'édition
des pièces du fonds Z que seront publiées ou signalées
celles de la B.M. de Grenoble.
.
.
15
(2) CACOUACS. Nom donné par les défenseurs de la religion aux
Philisophes du parti
encyclopédique, autrement dit aux philosophistes, à partir de
1747, à la suite de la
publication anonyme de Mémoire et du Nouveau Mémoire pour servir
à l'histoire des cacouacs,
par J.-N. Moreau, dirigé contre les pseudophilosophes (N.D.L.R.) L'édition
du fonds Z sera assurée par les Editions de la Maisnie, Guy Trédaniel,
éditeur à Paris.
III. - La Théosophie de Saint-Martin.
Le Philosophe Inconnu est - I'aurai-je assez répété? -
un théosophe méconnu. Je veux dire que sa pensée n'est
pas philosophique, sauf peut-être à prendre le terme en une vieille
voire primitive, acceptation; elle est théosophique (et donc gnostique).
La théosophie, qui n'est pas la philosophie, n'est pas davantage la théologie
et elle constitue une forme particulière de la mystique qu'on nomme spéculative
Mais elle réconcilie la philosophie et la théologie. Voyez ce
qu'on peut tirer de là quant à la signification de la théosophie
au siècle des Lumières.
La théosophie est un illuminisme, car la lumière, même parfois
physique, est le symbole privilégié de la Sagesse et la quête
sophianique est celle de l'illumination. Et c'est une quête en profondeur;
de l'intérieur, par l'intérieur (I'interne, dit Saint-Martin),
donc un ésotérisme.
La théosophie prescrit une activité ad extra que Kirchberger,
ami de Saint-Martin, qualifiait de scientifique et une activité ad intra
que le même qualifiait d' ascétique)n Ces deux actiités,
dont Saint-Martin souligne la conjugaison, procèdent d'une même
vision unitaire de Dieu, de l'homme et de l'univers, de leurs rapports donnés
en un tableau naturel, dont précisément la Sagesse fait à
la fois l'oeil et l'objet.
Nous sommes tous veufs, notre tâche est de nous remarier. Nous sommes
tous veufs de la Sagesse. C'est après l'avoir épousee, et d'abord
cherchée puis courtisée, que nous pourrons engendrer le nouvel
homme en nous, devenir nouvel homme. Or, tout est lié au nouvel homme:
la médecine vraie, la royauté vraie, la poésie vraie, le
sacerdoce vrai ne peuvent être exercés que par l'homme régénéré,
autrement dit le nouvel homme. La théosophie saint-martinienne est une
mystagogie de la génération spirituelle. Cette doctrine s'édifie
comme un martinésisme en traduction et, quant à la théurgie,
en transposition, que Bohme, à partir de 1788, confortera et explicitera
sur plusieurs points9 telle la sophiologie.
Saint-Martin, dans son vocabulaire qui module les notions martinésiennes,
s'est efforce de rappeler les vérités premières que voici:
la dignité de l'homme malgré son avilissement dans cette région
de ténèbres; la distinction, par conséquent, de l'homme
et de la nature, du physique et du moral; comment la science de l'homme, seule
nécessaire, seule vraie science, est inscrite dans l'univers entier,
dans les sciences de tous genres, les langues, les mythologies et les traditions
de tous les peuples. Même les livres sacrés sont comme des accessoires
postérieurs aux vérités qui reposent sur la nature des
choses et sur l'essence constitutive de l'homme.
Surtout, l'homme est la clef, expliquons les choses par l'homme et non pas l'homme
par les choses. L'âme humaine est le suprême témoin.
.
.
16
Admirer et adorer constituent le privilège de l'homme et la base sur
laquelle doit reposer son mariage au temporel et au spirituel.
Il faut s'occuper de l'homme-esprit et de la pensée avant de s'occuper
des faits, afin que germe ou sorte notre propre révélation, car
toute chose doit faire sa propre révélation. Avec des mots inspirés
par Bohme, Saint-Martin exprime ainsi, dans son style, le but de la théurgie
cohen, qu'il veut atteindre, mais autrement que Martines: Nous sommes libres
de rendre par nos efforts à notre être spirituel notre première
image divine, comme de lui laisser prendre des images inférieures désordonnées
et irrégulières, et que ce sont ces diverses images qui feront
notre manière d'être, c'est-à-dire notre propre gloire ou
notre honte dans l'êtat à venir.
Si la théurgie n'est pas nécessaire, c'est que Saint-Martin, judéo-chrétien
comme Martines, est plus chrétien alors que le second est plus juif.
La déité du Christ le qualifie comme médiateur suffisant
et nécessaire. Saint-Martin ne rejette pas la théurgie, il l'intériorise.
Car, si le Christ est Dieu et le nouvel homme un autre Christ,le théurge
chrétien n'a besoin, pour revenir et contribuer au retour de tout être
émané dans le Principe, que de se régénérer.
Il doit, à cette fin, posséder la Sagesse. Et commencer par la
chercher. Cette recherche~ cette p~ssession ont nom théosophie ~>.
Et leur instrument à nom volonté ~>. Le premier exposé
systématique de la doctrine est en cours de publication dans l'lnitia~ion,
1975: No 4, pp. 183-197; 1976: No 1, pp. 22-35; No 2, pp. 77-91; No 3, pp. 154-162;
No 4, pp. 219-224; 1977: No 1, pp. 33-39; No 2, pp. 75-84; No 4, pp. 219-224;
1978: No I, pp. 3542; l~lo 2, pp. 83-88: 1979: No I, pp. 25-3~; No ~, pp. 81-87
A paraâre en un volume:
Le Théosophe méconnu. Initiation à Saint-Marrin.
IV. - Saint-Martin et la Franc-Maçonnerie.
Le problème des rapports entre Saint-Martin et la Franc-Maçonnerie,
qui touche à tant d'autres problèmes, a été traité
dans les études suivantes; Saint-Martin Franc-Maçon, L'Inltiation,
avril-juin 1965, pp. 82-91; Louis-Claude de Saint-Martin et la FrancMaçonnerie,
Le Symbolisme, janvier-juin 1970, pp. 123-180, juillet-septembre 1970, pp. 285-307,
janvier-février 1971, pp. 43-73. Introduction à Des erreurs et
de la vélité;
Oeuvres majeures, t. I (1975) et notes et documents correspondants in vol.
VII. - Des compléments se trouvent dans le Calendrier de la vie et des
écrits de Louis-
Claude de Saint-Martin, ainsi que dans Saint-Martin et la Franc-Maçonnerie,
additions et précisions, in Chronique saint-martinienne, passim.
Voici le schéma de la solution:
1. - Saint-Martin a été Franc-Maçon. A-t-il reçu
la lumière avant de rencontrer l'Ordre des Elus Cohen? Willermoz l'assure.
Je ne sais. Si ce fut, ce pourrait avoir été dans la Loge Ecossaise
La Concorde, fondée en 1745 à l'Orient de Tours, qui comptait
parmi ses membres Burdin (qui sera Vénérable en 1763 ou 1764),
dont Saint-Martin connaissait et aimait la famille.
2. - Saint-Martin reçut, en une seule fois, les trois grades cohen, dits
du Porche, par le ministère du frère Baudry de Balzac, entre l'été
1765 et l'hiver 1768, probablement en 1765 ou 1766.
3. - Entre le 25 novembre et le 15 décembre 1768, Grainville et Balzac
(très probablement)
I'ordonnent Commandeur d'ORIENT.
.
.
17
4. - Martines de Pasqually l'ordonne Réau-Croix vers le 17 avril 1772.
5. - En 1773, Saint-Martin s'associe à la requête que les Frères
Iyonnais adressent à Weiler. En 1774, il est admis à être
reçu dans la Stricte Observance Templière. Mais, le moment venu,
en 1774, il fait défaut.
6. - En 1785, afin de se qualifier pour l'entrée dans la Société
des Initiés (Cf infra). Saint-Martin accepte d'être affilié
à la Loge Ecossaise Rectifiée la Bienfaisance à l'Orient
de Lyon, adoubé Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte f Eques
a leone sidero). Le 24 octobre, il est reçu Profès et Grand Profès.
7. - En 1790, il demande à être rayé des registres maçonniques
où depuis longtemps (ciepuis toujours?) il ne figurait que de nom. (Son
nom figure sur les tableaux de loge, de 1786 à 1791).
8. - Saint-Martin n'a jamais appartenu au Rite des Philalèthes, quoique,
selon Savalette de Lange, il y ait été candidat à la douzième
classe. en 1782. Invite a leur Convent de 1785, il ne s'y rendit pas.
9. - Saint-Martin a appartenu aux sociétés para-maçonniques
suivantes:
a) la Société des Initiés, fondée sur les instructions
de l'Agent Inconnu et dans la mouvance
de celle-ci. Reçu le 4 juillet 1785, après avoir été
adoubé Chevalier Bienfaisant de la Cité
Sainte (Cf supra);
b) la Société de l'harmonie, de Mesmer; reçu le 4 février
1784; c) la Société philantropique, dont il fut membre fondateur
en 1780 et sur l'ar~nuaire de laquelle son nom figure jusqu'à sa mort.
10. - Saint-Martin n'est pas l'auteur de la devise quarante-huitarde que le
Grand Orient de France adopta en 1849: Liberté, Egalité, Fraternité.
11. - Saint-Martin n'a fondé aucun régime, aucun rite, aucun ordre
maçonnique - ni aucun ordre ou société d'aucune sorte.
Sur l'Ordre martiniste et la prétendue initiation de Saint-Martin, cf.
infra, chap. IV.
12. - Saint-Martin, le vrai, ou un Saint-Martin mythique, a été
mêlé, bon gré mal gré, aux
querelles du jésuitisme et de l'anti-jésuitisme en Maçonnerie,
etc. (Cf l'introduction à
l'édition des Erreurs et de la vérité, dans les OEuvres
majeures).
13. - Le symbolisme maçonnnique, le vocabulaire maçonnique ont
laissé leur trace sur les écrits de Saint-Martin.
14. - La pensée maçonnique, que ces formes véhiculent (et
qui les mutile), aussi. Cependant, la Maçonnerie que Saint-Martin chérit
un temps, et à laquelle il resta toujours reconnaissant, fut celle des
Elus Cohen, fort particulière en vérité et ce n'est pas
l'aspect maçonnique de la secte martinésiste qui l'avait séduit
le plus.
15. - Saint-Martin est un grand écrivain maçonnique. Son oeuvre
est capable de contribuer au développement de la spiritualité
chez les Maçons et très particulièrement, chez les Maçons
Ecossais Rectifiés: dans sa fidélité à la doctrine
de Martines de Pasqually il est de leur bord, par l'explication qu'il en donne
il a droit d'être reconnu comme l'un de leurs docteurs.
16. - Le texte suivant exprime assez bien le sentiment et l'opinion à
peu près constants au
fond de Saint-Martin, s'agissant de la Franc-Maçonnerie: ~< Les personnes
qui ont du
penchant pour les établissements et sociétés philosophiques,
maçonniques et autres,
.
.
18 lorsqu'elles en retirent quelques heureux fruits sont très portées
à croire qu'elles le doivent aux cérémonies et à
tout l'appareil qui est en usage dans ces circonstances. Mais avant d'assurer
que les choses sont ainsi qu'elles le pensent, il faudrait avoir essayé
de mettre aussi en usage la plus grande simplicité et l'abstraction entière
de ce qui est forme et si alors on jouissait des mêmes faveurs, ne serait-on
pas fondé à attribuer cet effet à une autre cause; et à
se rappeler que notre Grand Maître a dit: Partout où vous serez
assemblés en mon nom, je serai au milieu de vous. (Mon livre vert, article
inédit).
.
.
19
CHAPITRE III
LE RITE ECOSSAIS RECTIFIE
La Stricte Observance templière, dite aussi Régime, ou Rite, Ecossais
Rectifié, à partir de 1770, a été réformée
en Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, au convent de
Lyon, en 1778, pour les provinces françaises, et au convent de Wilhelmsbad,
en 1782, sur le plan général.
Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) fut l'artisan de la réforme qui appropria
mieux le Rite Ecossais Rectifié, selon l'essence de la Franc-Maçonnerie
authentique, au dépôt de la plus profonde science de l'homme: la
réintégration systématisée par Martines de Pasqually
et travaillée, expliquée, diffusée par Louis-Claude de
Saint-Martin (Sur J -B. Willermoz, reste fondamental: Alice Joly, Un Mystique
lyonnais et les mystères de la Franc-Ma,connerie..., Paris, Mâcon,
Protat frères, 1938; aussi de la même, en coll. avec R.A., De l'Agent
Inconnu au Philosophe Inconnu, Paris, Denoël, 1962, Cf. Ies biblio. de
Saunier et Amadou, ainsi que plusieurs titres référés dans
le cours du présent chapitre)
KARL VON HUND ET LA STRICTE OBSERVANCE TEMPLIERE
La vie de Hund attend son historien, la Stricte Observance Templière
(S.O.T.) aussi, qui fut
à peu près toute sa raison de vivre. Le livre posthume de Le Forestier,
La Franc-
Maçonnetrie templière et occultiste aux XVlIIè et XIXè
siècles (Paris, Aubier-Montaigne
et Louvain, Nauwelaerts, 1970), amasse une documentation énorme mais
très incertaine. A ce jour, la meilleure mise au point est le numéro
spécial du Symbolisme (juilletseptembre, 1968) consacré à
la S~O.T. et au Rite Ecossais Rectifié.
Steel-Maret (ps. Bouchet et Boccard, Archives secrètes de la Franc-Maçonnetrie,
Collège
métropolitain de France à Lyon, Ilè province dite d'Auvergne
1765-1852, Lyon, Librairie
de la Préfecture, 1893; nouvelle édition considérablement
augmentée, avec une
introduction par Amadou et Saunier, à paraître); la Nouvelle notice
histotrique..., signée
Un Chevalier de la Rose Croissante >) (ps Albéric Thomas, ap. Franz
von Baader. Les
Enseignements secrets de Martines de Pasqually, Paris, Chacornac, 1900. pp.I-CXCII),
Albin von Reitzenstein (Die Strikte Observanz, Berlin, Wunder, s.d. (1907),
Reinhold
Taute (Der Wilhelmsbader Konvent und der Zusammenbruch der Sttrikten Observanz.
Nach Otiginal- akten und zuverlassigen Quellen, Berlin, Wunder, s.d. (1909),
Hiram (ps.
Bon),J.-B. Willermoz et le Rite Templier à l'O $ de Lyon, I (seul paru),
Paris, Férération
nationale catholique, 1935), Louis Guinet, (Zachatrias Werner et l'ésotétrisme
maçonnique, La Haye, Mouton et Cie, 1962, à l'introduction); Wilhelm
Mensing,
Der~reimaurerkonvent von Wilhe~msbad vom 147biszum 1-9-1782 am Vorabend derfranzosischen
Revolution von 1789, Bayreuth, Quatuor Coronati7 1974 (très bonne bibliographie,
voire la
meilleure à ce jour); Documents strasbourgeois sur la Stricte Observance
>), Renaissance
traditionnelle, avril 1978, N 34, pp. 89-128 (Particularités sur le baron
de Hund, (<
Principaux événements de l'O.-. Intérieur dans la Vè
depuis 1772 jusqu'en 1778,
Nomenclature des FF.. de 1' Ordre Intérieur documents tirés des
Archives d'Etat de
.
.
20
Vienne en Autriche); sont les plus utiles parmi les publications qui intéressent
en tout ou en partie Hund et son Ordre et dont Amadou et Saunier ont établi
la liste (Amadou, Bibliographie du Rite Ecossais Rectifié, hors commerce;
Jean Saunier, Eléments de bibliographie, Le Symbolisme, octobre-décembre
1968, pp. 56-68, version conjointe et augmentée à paraître).
Distingons, parmi les sources inexplorées, le dossier conser~é
à la bibliothèque du Grand Orient des Pays-Bas (fonds KLCSS, 29).
Dans l'attente de l'historien espéré, dont la tâche ne sera
ni mince ni facile, et faute de pouvoir résumer ici l'oeuvre de sa vie,
ou presque, efforçons-nous au moins de distinguer le certain du douteux
envahissant.
I. - Eléments biographiques.
1. - Karl Gotthelf Reichsfreiherr (baron d'Empire) ~on Hund und Altengrotthau
naquit le 11 septembre 1722, à Altengrotthau, en Lusace (Silésie)
d'une vieille famille de nobles terriens.
En 1737, orphélin de père, sa mère l'envoie a Leipzig où
il devient étudiant à l'Université. Hund ne se maria pas.
On dit que ce fut l'effet d'un chagrin d'amour: la fille de son hôte à
Leipzig (d'aucuns disent que c'était son tuteur) serait morte lors de
son séjour et il l'aurait aimée.
Fin 1742 ou début 1743, voyage à Paris. Là, conversion
au catholicisme, selon ses propres mémoires, dont la Loge Minerva de
Leipzig conservait le manuscrit avant la Deuxième Guerre mondiale. (On
ignore où se trouve aujourd'hui la pièce, si toutefois elle n'a
pas été détruite).
Des voyages en Angleterre et en Hollande sont douteux, un second voyage à
Paris en 1754 I'est plus encore et semble destiné à mettre en
rapport le baron avec le Chapitre de Clermont, pour justifier des prétentions
que d'ailleurs il n'eut pas. En 1755, il est doyen élu des Etats de Haute-Lusace;
en-1760, il est nommé conseiller intime d'Auguste III de Pologne; en
1769, conseiller d'Etat de l'Impératrice et conseiller intime de l'Empereur:
peu de choses.
Il mourut le 28 octobre 1776 à Meiningen et fut inhumé à
Mellrichstadt en Franconie. Sa famille s'éteint avec lui.
2. - L'Anti-Saint-Nicaise (1786-1787) le décrira de taille moyenne, de
bonne apparence et d'une élégance discrète dans le vêtement,
hospitalier, généreux. Quoique ces détails viennent d'une
source apologétique, ce qu'on sait de la vie du baron confirme les traits
moraux, et les traits physiques sont assez vraisemblables et pas trop flatteurs
pour qu'on puisse les estimer probables.
3. - Karl von Hund a été très diversement jugé.
.
.
21
Il ne fut pas un agitateur politique (Dr Emmanuel Lalande), mais il advint que
la Stricte Obersenvance Templière donnât le sentiment de nourrir
et, surtout que ses adversaires, de bonne ou de mauvaise foi, lui attribuassent
des soucis politiques à elle étrangers. J'ai servi l'Ordre en
honnête homme pendant vingt et un ans, écrivait Hund en 1776, en
négligeant tout ce que ma naissance et ma noblesse auraient pu me donner
auprès des ducs et des princes.
Je le crois, mais je souscrirais sans grande réserve à un autre
jugement de Lalande (plus connu sous son pseudonyme occultiste Marc Haven) qui
n'est pas contradictoire, mais dont la juxtaposition avec les lignes précédentes
manifeste la complexité du personnage:
Le baron de Hund était d'intelligence ordinaire et d'une très
grande vanité, ce qui s'accorde assez bien avec la taille de l'ex-libris,
le manque d'unité du dessin, la surcharge des détails et la confusion
des idées qui, sous une apparence en profondeur ont, en fait, peu de
valeur philosophique. (Dr Emmanuel Lalande et Quenaidit, Deux ex-libris: maçonnique
et cabalistique ; L'lnitiation, juillet-septembre 1968, pp, 132-146. Repris
du Bulletin de la société... Le Vieux Papier, 1905, avec un avant-propos
par Robert Amadou. Cf p.143, et l'ex-libris reproduit).
En fin de compte, ainsi m'apparâît-il: Contrairement aux légendes
ni un pur naïf (il démasqua l'imposteur Johnson) ni un pur escroc
(la patente de 1742 - ou environ - avait un sens puisqu'on a fini par la déchiffrer,
selon H.S.). Mais il advint que l'enthousiasme et l'amour-propre l'aveuglassent
et que, pris au piège, il persévérât malhonnêtement,
pour sauver sa réputation et son Ordre, dans les erreurs qu'il avait
commises de bonne foi au service de l'une et de l'autre.
Si la mystification attriste certains moments de la Stricte Observance Templière,
lui, le fondateur de ce régime maçonnique, lui l'Eques ab Ense,
fut plus mystifié que mystificateur; il ne devint mystificateur qu'après
avoir été mystifié, acculé à la mystification.
La tromperie paya ses plus nobles élans et châtia ses pires passions.
Le diagnostic d'Albéric Thomas, qu'entérine le Dr Emmanuel Lalande,
est incomplet. A la mediocrité de l'intelligence et à la très
grande vanité, il faut joindre au moins le goût des mystères
efficaces et l'aptitude au dévouement. Ce goût était mal
affiné, mais il était flatteur. Ce dévouement fut anarchique,
il demeure respectable. (Avant-propos à Lalande et Quenaidit, art. cit.
pp. 136-137).
Il. - Karl von Hund Franc-Maçon
1. - Hund fut Franc-Maçon, reconnu pour tel par ses Frères.
2. - Où et quand reçut-il la lumière maconnique? Je l'ignore.
.
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22
Certains auteurs (et Dieu ! qu'on se copie et recopie entre historiens de la
FrancMaçonnerie !) tiennent qu'il fut initié à Francfort
en janvier 1742 et ajoutent, parfois, dans une loge militaire, au voisinage
du marquis de Belliste. Pourquoi pas? mais pourquoi? 3. - Le baron déclare
avoir fait fonction de Vénérable Maître en chaire, lors
de son séjour à Paris, le 20 janvier 1743 et de Premier Surveillant
dans une autre loge parisienne, à la même époque.
Sur le chemin du retour, il avait visité des loges dans le Brabant. Non
liquet. 4. - Hund a toujours maintenu cette affirmation capitale: à Paris,
en 1743, il fut reçu dans la Maçonnerie templière et nommé
a la tête de la VIIè province de l'Ordre par un personnage dont
le nom in ordine était Eques a Penna rubra et l'identité civile:
CharlesEdouard, le prétendant lui-même. C'est alors que Hund aurait
pris son propre nom in ordine: Eques ab Ense. Le prétendant, en 1777,
nia l'épisode et même qu'il eût jamais été
Maçon. De plus, en 1743, Charles-Edouard n'était pas à
Paris, puisqu'il n'y arrivera, en provenance de Rome, que le 20 janvier 1744.
IIl. - La Stricte Observance Templière: Histoire.
1. - Sur les antécédents de la Stricte Observance Templiere, beaucoup
a été écrit sans preuves à l'appui: le Chapitre
templier de Unwuerden, celui de Droysich, pour ne rien dire de l'activité,
outre-Rhin, du Chapitre de Clermont avant 1754, c'est-à-dire avant sa
fondation à Paris par Bonneville ! Tout ce qui concerne une éventuelle
Maçonnerie templière en Allemagne avant le baron de Hund et même
avec Hund avant 1750 environ est gratuit.
2. - La réforme dite de Dresde en 1755 est hypothétique. L'activité
de Bieberstein en domaine templariste est réelle, mais obscure.
3. - L'installation par Hund, en 1749 ou en 1751 d'un Chapitre templier à
Kittlitz, n'est pas prouvée.
4. - En 1755, Hund exhibe une patente codée, signée ~< Georges
Guillaume, Chevalier du Soleil d'Or, Grand Maître de tous les Templiers,
qui le nommait Grand Maître Provincial de la VIIè province de la
Maçonnerie templière (réunissant les XIIIè et XIVè
provinces de l'ancien Ordre du Temple).
D'aucuns pensent que la patente daterait en réalité de 1751, ce
sont ceux qui relèvent des traces de l'activité templariste du
baron avant 1755 et que la rétroactivité gêne. Quid de cette
patente? Rien de clair.
5. - En toute hypothèse, c'est dans les années cinquante, en 1753
au plus tard, croirais-je, que Hund commence à organiser et a répandre
la Maçonnerie templière.
.
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23
Schumacher, dit Rosa, soi-disant délégué du Chapitre de
Clermont, et Samuel Leucht, dit Johnson, soi-disant délégué
du Grand Maître de l'Ordre des Templiers de Londres, en font autant, chacun
pour son compte. Ce sont deux imposteurs.
6. - Johnson démasque Rosa, séduit Hund qui le démasque
à son tour lors du Convent d'Altenberg près d'Iéna en 1764.
Johnson sera emprisonné à la Wartburg. Au cours du même
Convent, Johann Christian Schubart présente un <~ plan économique
qui prévoit la mise en commun des biens de tous les Frères. Il
ne fut pas appliqué. Schubart, cependant, se démena pour l'Ordre.
Il fonda, par exemple, à Chambéry la Loge La Sincérite
que Joseph de Maistre rejoindra en 1773.
7. - En 1765, la Stricte Observance Templière pénètre en
Suisse via Bâle. La rivalité oppose l'Ordre, tolérant, et
Johann-August Starck, fondateur du Cléricat, autre organisation néo-templière,
très catholique.
La loge de Hambourg, de 1737, rejoint l'Obédience de Hund, qui a le vent
en poupe. En 1767, I'accord se fait entre les branches noble et cléricale
de la Stricte Observance Templière, c'est-à-dire entre Hund et
Starck. Le premier fait approuver les statuts qu'il a rédigés.
8. - 1770. Le Convent de Kohlo marque le Zénith de la Stricte Observance
Templiere qui portera désormais aussi le nom de Régime, ou Rite
Ecossais Rectifié. C'est la fîn, officielle, du mythe des Supérieurs
Inconnus. (Quant aux Supérieurs Inconnus eux-mêmes, ils n'existèrent
pas en dehors du mythe, n'en déplaise à l'imaginatif René
Guénon, et à tant d'autres). L'accord avec le Cléricat
est ratifié et Hund élu Grand Maître de la VIIè province.
Enfin, Ferdinand de Brunswick est élu Grand Maître de toutes les
Loges Ecossaises.
9. - En 1772, à Lyon, Willermoz apprend par une correspondance avec des
Frères strasbourgeois l'existence de la Stricte Oberservance Templière.
L'année suivante, il présente une requête à Hund,
en vue d'y être admis avec quelquesuns des ses Frères et néanmoins
amis. En 1774, le baron Weiler importe la Stricte Observance Templière
à Lyon, après l'avoir établie l'an précédent
à Strasbourg. 10. - En 1773, au Convent de Berlin, se rencontrent Zinzendorf
et le Rite Suédois dont il est le champion en Allemagne avec la Stricte
Observance Templière. 11. - En 1775, le Convent de Brunswick marque le
déclin de l'Ordre. Hund, mis sur la sellette, est incapable de justifier
ses titres. Sommé de désigner les Supérieurs Inconnus qui
l'on investi, il déclare, en somme, forfait.
Au Convent suivant, à Wiesbaden, en 1776, il sera absent. Le meneur de
jeu sera Gugomos, encore un imposteur. Cette année-là, meurt le
baron.
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24
12. - Cette année-là aussi, les trois provinces qui constituent
la Nation française signent un traité d'alliance avec le Grand
Orient de France. Ce traité, signé le 13 février 1776,
ne touche que les trois premiers grades et accorde à leurs titulaires
un droit de visite réciproque en même temps que de double appartenance.
(En marge, rappelons que l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité
Sainte, à partir de 1778, loin de renier l'arrangement, y fera associer
le Directoire de Septimanie (Montpellier). En 1804, il conclura un concordat
avec le même Grand Orient de France, concordat renouvelé en 1811).
13. - 1778. Le duc Charles de Sudermanie, futur roi de Suède, est élu
Grand Maître de la VIIè province en succession de Hund, par le
Convent de Wolfenbuettel. Alliance et association avec le Rite Suédois,
mais rupture avec le Cléricat peu auparavant. 14. - En 1782, c'est le
fameux Convent de Wilhelmsbad. La réforme de Lyon, par laquelle, quatre
ans auparavant (Convent des Gaules, 1778) Willermoz avait métamorphosé,
à l'échelle nationale, la Stricte Observance Templière
en Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, est, en gros,adoptée
pour l'ensemble de l'Ordre: triomphe de Willermoz... à la Pyrrhus.
15. - L'Ordre périclite. En 1783, le retrait de la célèbre
Loge Les Trois Globes à l'Orient de Berlin donne un mauvais augure et
un mauvais exemple.
Starck déclenche des attaques. S'engagent les querelles du crypto-catholicisme
et du cryptojesuitisme en Maçonnerie. Lumières contre illuminisme,
catholicisme contre prostestantisme, et bientôt contre-révolutionnaires
contre le pays, et la Franc-Maçonnerie du pays où est née
- est-ce un hasard? - la révolution (Cf le schéma de ces polémiques
pour la première fois exactement tracé in introduction à
Saint-Martin, Oeuvres majeures, vol. 1 (G. Olms Verlag, 1975) et v~l. VII, notes
et documents y relatifs). 16. - Au début du XIXè siècle,
la Stricte Observance Templière, ce qu'il en restait, disparâît.
Ferdinand de Brunswic3~ était mort en 1797 et Charles de Hesse-Cassel,
avec Christian de Hesse-Darmstadt pour substitut, lui avait succédé
à la Grande Mâîtrise générale.
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25
IV. - La Stricte Observance Templière: Organisation.
D'une organisation qui fut, à son mieux, précise et minutieuse,
citons quelques points, pour insinuer l'esprit de l'Ordre.
1. - Les armes de la Stricte Observance Templière sont deux cavaliers
sur un même cheval
dans un écu écartelé de la croix de l'Ordre. Chaque province
a, en outre, ses armes
propres. Ainsi la Vè province porte une tête de mort en argent
sur champ de gueules et la
devise Mors Omnia Aequat.
2. - La hiérarchie des grades, dans les années 1770, était
à peu près la suivante, qui semble s'être maintenue ensuite.
Neuf grades en trois degrés: ler degré: Apprenti, Compagnon, Maître.
2è degré: Ecossais vert (dont le rituel a été publié
dans le numéro spécial du Symbolisme sus-référé),
Chevalier de l'Aigle Rose-Croix (ce grade était-il pratiqué en
Allemagne, ou ne l'a-t-il été qu'en France?).
3è degré: Ecuyer novice, Chevalier (Chevalier profès).
Un grade d'Ecossais rouge fait problème, dans sa place hiérarchique,
voire dans sa nature, voire dans son existence.
3. - Les neuf p}ovinces de la Sricte Observance Templière étaient
les suivantes (on indique entre parenthèses les provinces affectées
du même numéro dans l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité
Sainte):
I. Aragon (Basse-Allemagne)
II. Auvergne (Auvergne)
III. Occitanie (Occitanie)
IV. Léon (Italie)
V. Bourgogne (Bourgogne)
VI. Grande-Bretagne (Haute-Allemagne)
VII. Basse-Allemagne (Autriche)
VIII. Haute-Allemagne (Russie)
IX. Grèce et archipel (Suède)
.
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26
L'Helvétie constitua d'abord un Sous-Prieuré rattaché a
la Vè province, mais fut érigé en Grand Prieuré
indépendant, I'an 1779, à la suite d'un voeu exprime par le Convent
de Lyon.
4. - L'Ordre est administré selon le principe que l'autorité vient
d'en haut. Le troisième degré régit le second qui régit
le premier. Au sommet, un Grand Supérieur ou Grand Maître général,
c'est-a-dire notamment international.
5. - Le rituel des grades bleus rappelle curieusement les plus anciens rituels
connus sur le Continent (Saunier). Les Hauts Grades sont banaux dans le genre.
Les rituels proprement templaristes sont fort dévots et intellectuellement
pauvres. Ostabat a édité: Un rituel de Chevalier de la Stricte
Observance, Le Symbolisme, juillet-octobre 1971, pp. 226-244. Les fêtes
de l'Ordre étaient les suivantes: la Trinité, à cause de
l'institution de l'Ordre;
Saint-Jean, à cause de sa restauration;
Saint-Jacques, à cause de Jacques de Molay, martyr; Saint-Hilaire, à
cause de l'acceptation des régles;
Saint-Hugues, à cause du fondateur Hugues de Payens; le 2 juillet, à
cause de la bataille près de Tibériade Saint-Sylvestre, à
cause de Sylvestre, Grand Maître de Germanie, puis Grand Maître
général.
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27
V. - La Stricte Observance Templière: remarques.
1. a) Hund ne s'est jamais réclamé du Chapitre de Clermont dont,
en effet, le rôle semble nul dans l'histoire de la Stricte Observance
Templière (je parle au plan des événements, non pas à
celui des idéologies où les influences entre les rameaux maçonniques,
surtout quand ils étaient du même genre écossais, et plus
encore quand ils étaient du même genre templier, étaient
fortes et mutuelles). b) La prétention de Hund était que Charles
Edouard, en tout cas le Chevalier au plumet rouge de 1743, I'avait désigné
pour succéder à G. H. Marshall von Bieberstein à la tête
de la VIIè province; désignation confirmée, selon lui,
rétroactivement par la patente de 1755 ou 1751.
Le comte de Saint-Germain, selon Charles de Hesse, avait soutenu la véracité,
au cas particulier, du baron et ajouté que, si Hund avait succédé
à Bieberstein, celui-ci avait eu pour prédécesseur le baron
Rod de Konigsberg. Sans attacher à cette anecdote plus d'importance qu'elle
n'en a probablement, souhaitons qu'un érudit essaie d'identifier ce baron
Rod. c) La Stricte Observance Templière ne doit rien au Rite templier
de Ramsay, par la simple raison que Ramsay n'a jamais fondé de Rite ni
fabriqué de grade. (N'empêche qu'il soit un docteur de l'écossisme,
le patriarche de la Maçonnerie mystique, comme dit joliment Pierre Chevallier).
d) Le Rite Suédois n'est pas la Stricte Observance Templière,
quoique les deux Rites se veuillent de tradition templière et que des
contacts aient eu lieu au plan administratif comme ceux des rituels et des idées.
2. - Il est certain que la Stricte Observance Templière s'inscrit dans
le cadre de l'écossisme.(Mais chez Anderson déjà, germe
le templarisme.) Elle a développé la revendication templière
et se proposait d'atteindre un double but: réhabiliter la mémoire
des Templiers du Moyen Age, obtenir que lui soient dévolus leurs biens
injustement accaparés, notamment par l'Ordre de Malte.
Dans la perspective de Hund, son templarisme ne démaçonnise en
rien la Stricte Observance Templière; au contraire, puisque la Franc-Maçonnerie
est l'héritière du Temple.
De la légende templière et de la légende stuardiste qui
lui est associée d'ordinaire, il faut souligner le caractère légendaire,
il faut enregistrer, comme un fait d'histoire, leur présence et leur
influence en tant que mythes. Et que plus elles sont exaltées dans des
sociétés, plus celles-ci attirent, pour de bonnes et de mauvaises
raisons, les chercheurs spirituels et les amateurs de prodiges avec, en corrélation,
les Maîtres honnêtes (au moins à demi) et les charlatans.
La Stricte Observance Templière fournit le meilleur exemple de ce phénomène
très naturel.
.
.
28
L'ouvrage de Jean-Baptiste Willermoz sera d'apuration, d'épuration, de
réalisation enfin des virtualités ésotériques incluses
en la Stricte Observance Templière, de ses symboles avoués et
de ceux aussi que son histoire légendaire pouvait constituer. (Mais Willermoz
affirme un lien historique entre la Maçonnerie et l'Ordre du Temple.
Cf par exemple, I'instruction d'Ecuyer novice).
3. Willermoz se disait dépositaire de quelques connaissances qui pouvaient
s'adapter à la Maçonnerie au cas qu'elles lui eussent appartenu
primitivement. Ces connaissances, il les a infusées par doses successives
et croissantes dans le rituel des grades de la Stricte Observance Templière,
après avoir apporté au contenant le minimum de corrections que
le contenu imposait.
Il est certain que l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte
a repris la forme de la Stricte Observance Templière, plus étroitement
qu'on ne le suppose souvent mais en changeant son esprit, en substituant la
doctrine de la réintégration de Martines de Pasqually à
l'idéologie templière. (Exemple: au premier grade, le tableau
représente une colonne tronquée, avec la devise odhuc stat. Interprétation
de la Stricte Observance Templière: I'Ordre du Temple est décapité,
mais le tronc demeure. Tous les espoirs sont permis. Pour les Chevaliers Bienfaisants
de la Cité Sainte, tous les espoirs sont permis aussi, mais en un sens
différent: I'homme est déchu, mais il possède encore le
droit de vivre dans son principe et les moyens d'y retourner).
L'acte de renonciation adopté à Wilhelmsbad le 21 août 1782
marque la rupture idéologique dans la continuité formelle. En
voici le résumé d'après le reces du Convent:
Un de nos premiers soins s'est tourné vers l'authenticité du système
que nous avons suivi jusqu'aujourd'hui et le but final, où il doit conduire
nos Frères.
Après plusieurs recherches curieuses sur l'histoire de l'Ordre des Templiers,
dont on dérive celui des Maçons, qui ont été produites,
examinées et comparées dans nos conférences, nous nous
sommes convaincus qu'elles ne présentaient que des traditions et des
probabilités sans titres authentiques qui puissent mériter toute
notre confiance, et que nous n'étions pas autorisés suffisamment
à nous dire les vrais et légitimes successeurs des Templiers que
d'ailleurs la prudence voulait que nous quittions un nom qui ferait soupçonner
le projet de vouloir restaurer un Ordre proscrit par le concours des deux puissances
et que nous abandonnions une forme qui ne cadrerait plus aux moeurs et aux besoins
du siècle.
En conséquence nous déclarons que nous renonçons à
un système dangereux dans ses
conséquences et propre a donner de l'inquiétude aux gouvernements;
et que si jamais
quelque Chapitre ou quelque Frère formait le projet de restaurer cet
Ordre, nous le
désavouerions comme contraire à la première loi du Maçon,
qui lui ordonne de respecter
l'autorité sauveraine. A cet effet et pour décliner à jamais
toute imputation sinistre et
démentir les bruits semes indiscrètement dans le public, nous
avons dressé un acte
souscrit par nous tous et au nom de nos commettants, par lequel nous consacrons
cette
.
.
29 détermination sage et prostestons au nom de tout l'Ordre des Francs-Maçons
Réunis et Rectifiés devant Dieu et nos Frères, que l'unique
but de notre association est de rendre chacun de ses membres meilleur et plus
utile à l'humanité par l'amour et l'étude de la vérité,
I'attachement le plus sincère aux dogmes, devoirs et pratiques de notre
sainte religion chrétienne, par une bienfaisance active, éclairée
et universelle dans le sens le plus étendu et par notre soumission aux
lois de nos patries respectives. Nous ne pouvons cependant nous dissimuler que
notre Ordre a des rapports réels et inconstestables avec celui des Templiers
prouvés par la tradition la plus constante, des monuments authentiques
et les hiéroglyphes mêmes de notre tapis; qu'il parâît
plus que vraisemblable que l'initiation maçonnique, plus ancienne que
cet Ordre, a été connue à plusieurs de ces Chevaliers et
a servi de voile à quelques autres au moment de leur catastrophe pour
en perpétuer le souvenir. En conséquence et pour suivre tous les
vestiges d'un Ordre, qui paraît à un grand nombre de Frères
avoir possédé des connaissances précieuses, et auquel nous
devons la propagation de la science maçonnique; nous nous sommes crus
obligés de conserver quelques rapports avec lui et de consigner ces rapports
dans une instruction historique.
Et d'adopter aussitôt après le titre Chevalier Bienfaisant,inspiré
par la réforme de Lyon (qui disait Chevalier Bienfaisant de la Cité
Sainte et se voyait autorisée à maintenir cet usage pour son compte)
dans un passage qui est reproduit à l'article consacré au titre
en question.
C'est à la lumière de cette déclaration qu'on doit, à
mon sens, entendre la remarque de
Jean-Pierre Laurant: Le Forestier, entre beaucoup, a pu montrer le caractère
fabriqué de la
Stricte Observance et de la légende stuardiste sans que l'on cesse de
s'interroger sur le
fond des choses (préface à Jean Palou, Les Origines du Rite Ecossais
Ancien et Accepté....
Sazeray, (Indre), Fondation Jean Palou, s.d. [ 1972 ], p. 3).
.
.
30
MAITRE ECOSSAIS DE SAINT-ANDRE
I. - ORIGINES.
1. - L'écossisme.
a) Le grade de Maître Ecossais de Saint-André (Rite Ecossais Rectifié),
sous ce nom et sous ceux d' Ecossais et de Maître Ecossais >) qui le
désignent aussi, ainsi que le grade de Mâître Parfait de
Saint-André qui le dédouble parfois et celui d'Ecossais Vert auquel
il a succédé, appartiennent à la famille des grades dits
écossais. Famille immense et turbulente, où les avortons, les
mort-nés et les stériles abondent, mais dont plusieurs dizaines
de membres ont survécu, avec des fortunes diverses, certains s'illustrant;
tous issus, sur le continent. du Scotch Mason attesté à Londres
en 1733 (où il engendrera le Royal Arch) et débarqué en
France à la fin de 1743. (Leur floraison anarchique ne commencera pas
avant 1760.) b) La documentation se trouve principalement à la bibliothèque
municipale de Lyon (fonds Willermoz); parmi les nombreux compléments
qui nous sont parvenus, citons ceux que conserve la bibliothèque du Grand
Orient à La Haye. Très généralement, Cf les bibliographies
du Rite Ecossais Rectifié établies par Robert Amadou (Bibliographie
du Rite Ecossais Rectifié, hors commerce) et Jean Saunier (Eléments
de bibliographie, Le Symbolisme, octobre-décembre 1968, pp. 56-68) et
surtout la bibliographie à paraître que ces deux auteurs ont compilée
er. collaboration. Dès maintenant, il faut signaler, d'un intérêt
exceptionnel, par Jean Saunier, Introduction à l'hude du grade de Mâître
Ecossais de SaintAndré)) (J. Saunier et B. Guillermain, Rite Ecossais
Rectifié..., [ Paris ].
Chancellerie de l'Ordre ~ 1971 ], pp. 9-55). La fervente étude de Charles
Montchal, Loge de
Saint-André... Origine, histoire, rituels, symboles, Genève, imp.
d'Albert Kundig, 1913,
tirée à 100 ex. h.c., procure maint renseignement et surtout mainte
réflexion utile, mais la critique historique doit s y appliquer. c) Le
thème général, commun à la plupart de ces grades
et où des thèmes adventices furent rattachés avec plus
ou moins d'adresse, est celui de la destruction du premier Temple et de sa reconstruction,
de l'exil à Babylone et du retour sous Cyrus. d) Dans le labyrinthe signalons
une fausse piste: I'Ecossais de Saint-André d'Ecosse composé par
le baron de Tschoudy en 1765 appartient à la famille écossaise,
mais il ne possède pas de rappon direct avec le grade en question. e)
Autre erreur à dénoncer: les liens déclarés de l'Ecossais
Vert et du Maître Ecossais de Saint-André avec l'Ordre de Saint-André
du Chardon, où Robert Bruce, en Ecosse géographique cette fois,
aurait admis des Templiers réfugiés et, particulièrement,
avec la résurgence stuardiste de cet Ordre, peuvent revêtir un
fort beau symbolisme, mais ils manquent de fondement historique.
2. - La Stricte Observance Templiere.
.
.
31
La Stricte Observance Templière possédait au moins deux grades
écossais. L'un d'eux, I'Ecossais Vert, constituait le quatrième
grade et ouvrait le deuxième degré des grades du système;
il appartenait donc à l'Ordre intérieur, tandis que les trois
premiers grades, constituant le premier degré, étaient les grades
symboliques qu'on dirait anglais ~>. (Un rituel de ce grade a été
publié par Ostabat, Le Symbolisme, juillet-octobre 1971, pp. 226-244.)
La présence de grades écossais dans la Stricte Observance Templière
répondrait, selon Alice Joly, à un compromis entre les usages
des loges allemandes tels que les avait modifiés l'admission dans l'Ordre
des Chevaliers Templiers de Starck et Raven, et ceux des Frères de Strasbourg,
attachés à cultiver les Hauts Grades français.
3. - La réforme lyonnaise.
a) En tout état de cause, la présence de l'Ecossais Vert, guère
templariste en effet, étonna les Frères Iyonnais.
En août 1774, ils demandèrent à Weiler, qui venait les rectifer
en leur apportant la Stricte Observance Templière, si l'Ecossais Vert
relevait bien de l'Ordre intérieur. La réponse fut confirmative.
b) Au mois de mars 1777, Lut7elbourg proposait que le grade fût ôté
de l'Ordre intérieur pour venir couronner le premier degré. Le
28 mars 1777, le Chapitre de Lyon y fit droit; il pratiquera désormais
quatre grades symboliques: Apprenti, Compagnon, Mâître et Ecossais
Vert.
Le 25 avril de la même année, le Grand Directoire d'Auvergne déférant
aux intentions du Sérénissime Frère Grand Supérieur
de l'Ordre, notifiées par le Très Révérend Frère
de l'Arc, Commissaire Général, le 4 avril et à l'invitation
du Très Révérend ~rand Chapitre Provincial de Bourgogne
d'adhérer à sa délibération du 18 mars dernier,
et vue la cessation des motifs qui ont empêché jusqu'à présent
les provinces de France de s'assimiler à celles d'Allemagne et autres
de l'Ordre concernant le grade d'Ecossais Vert, a confirmé unanimement
ses délibérations précédentes faites en Directoire
Ecossais et notamment celle du 28 mars à ce sujet.
En conséquence, il a arrêté qu'à compter de ce jour
le grade d'Ecossais Vert serait rendu ostensible dans toutes les loges réunies
du district sous la simple dénomination d'Ecossais ainsi que le tablier,
ruban et bijou affectés à ce grade; qu'il serait joint aux trois
premiers grades et ferait le complément de la maçonnerie symbolique;
que néanmoins il ne serait jamais conféré que par le Directoire
ou avec sa permission par écrit aux Frères de son district, ou
a~ec la permission par écrit de celui auquel ils appartiendront, en se
corformant à la délibération et aux règlements qui
y sont joints, détaillés dans le protocole de ce jour aux registres
du Directoire Ecossais séant à Lyon, dont copie sera envoyée
au T.R.F. de l'Arc ainsi que du tableau ostensible des membres du Directoire
qui suit ladite délibération. (Registre des délibérations
du Grand Directoire, B.M. Lyon mss 5 481, p. 8).
.
.
32 c) Lors de la 8e séance du Convent des Gaules, le 5 décembre
1778, Willermoz ayant fait savoir combien le grade d'Ecossais Vert, moitié
symbolique, moitié appartenant à l'Ordre intérieur, avait
été juqu'ici peu satisfaisant, le Convent, en le détachant
des Hauts Grades, le déclara quatrième grade symbolique et a approuvé
le plan de réforme proposé par ce Frère, qui a été
exhorté à le rédiger sur cet aperçu, et à
présenter son travail, lors de la rectification des grades symboliques.
En conséquence de quoi, I'Ecossais (Vert) fut rebaptisé et, déplacé,
son rituel fut modifié et
le Code maçonnique des Loges réunies et rectifiées de France,
de 1778, édicta au
Chapitre X: La maçonnerie rectifiée ne reconnait que quatre grades,
savoir: ceux d'Apprenti, de Compagnon, de Maître et de Maître Ecossais.
Tous les autres grades, sous quelque dénomination qu'ils soient connus,
principalement toute espèce d'élu, de chevalier KS [ sc. Kadosch
] et des grades qui leur ressemblent, sont expressément défendus
dans toutes les loges réunies, sous les peines les plus graves, comme
dangereux et contraires au but et à l'esprit de la FrancMaçonnerie.
4. - A Wilhelmsbad.
Ce point, comme tant d'autres, fut entériné au niveau du Régime
par le Convent de Wilhelmsbad en 1782, dont le recès porte, chapitre
IV: Et comme dans presque tous les Régimes, il se trouve une classe écossaise,
dont les rituels contiennent le complément des symboles maçonniques,
nous avons jugé utile [sur son exemplaire imprimé, conservé
à la B.M. de Lyon, Willermoz a porté ici la correction manuscrite:
ou nécessaire ] d'en conserver une dans la nôtre, intermédiaire
entre l'Ordre symbolique et intérieur; avons approuvé les matériaux
fournis par le comité des rituels et chargé le R $ F $ ab Eremo
(Willermoz). [ W. a d'abord ajouté après ce dernier mot: aîné,
puis il a biffé son titre, son nom d'Ordre et son patronyme et écrit
en place: I'un de ses membres ] d'en faire rédaction. (Ex. imprimé,
annoté à la main par Willermoz, B.M. Lyon, mss 5 458, pièce
2bis, p. 5).
Willermoz ne faillit point à la tâche.
.
.
33
II. - ORGANISATION.
1. - Ainsi le Maître Ecossais de Saint-André, qui s'appela d'abord
Maître Ecossais sans autre, est, dans le Rite Ecossais Rectifié,
et n'importe ses origines et ses apparentements historiques, un grade symbolique
(puisqu'il est maçonnique stricto sensu); mais un grade vert et non pas
bleu. Il complète, parfait le grade de Maître Maçon (à
l'instar du Royal Arch sur une branche collatérale du Scotch Mason ancestral).
2. - Entre la Maîtrise et la réception du quatrième grade,
un délai d'un an est requis. Le Maître Maçon qui souhaite,
toutes conditions étant remplies d'ailleurs, accéder au dit grade,
en fera la demande au Député-Maître de la Loge Ecossaise.
3. - Les marques distinctives des Maîtres Ecossais sont: ler un Tablier
de peau blanche, coupé en carré, long en travers, ainsi que la
bavette, qui sera doublée de taffetas vert, la bavette rebordée
couleur de feu; 2è un cordon vert à gros grains moiré de
la largeur de deux pouces et demi, avec une rebordure de trois lignes en couleur
de feu, sur le bord extérieur seulement, avec une petite rosette aussi
couleur de feu au bas; 3è le bijou du grade en vermeil, qui sera suspendu
sur la poitrine par le cordon passé au col en sautoir, et qui y sera
attaché par un petit ruban couleur de feu. Ce bijou sera une étoile
flamboyante à six pointes, formant un double Triangle avec le lettre
H au milieu entre le Compas et l'Equerre sur un fond en couleur de feu. Cette
étoile sera entourée d'un cercle surmonté d'une couronne.
(Code... de 1778, Article X. Sur son exemplaire imprimé, Willermoz avait
note en marge: Ce bijou sera changé dans le nouveau rituel du quatrième
grade. B.M. Lyon mss 5 458, pièce 2).
4. - La Loge Saint-André n'est point permanente ni délibérante;
elle n'a point de caisse propre à elle, elle n'existe que temporairement
et seulement pour des cas de réception, de scrutin et d'instruction de
nouveaux reçus. Elle est placée sous la dépendance d'une
Préfecture (c'està-dire de l'Ordre intérieur) ou d'une
Commanderie désignée par le Directoire, ou sous la dépendance
immédiate de celui-ci (c'est-à-dire, d'une façon ou d'une
autre, sous la dépendance de l'Ordre intérieur).
Le Député-Mâître est un dignitaire inamovible de l'Ordre
nommé par la Grande Loge Ecossaise dont il reçoit ses provisions
et instructions.
5. - Au Rite Ecossais Rectifié, le conseil d'administration de la loge
n'est pas constitué par le Collège des Officiers mais par le Comité
Ecossais, c'est-à-dire l'ensemble des Maitres Ecossais de la loge, qu'ils
en soient ou n'en soient pas officiers, siégeant sous la présidence
du Vénérable Mâître, lequel doit obligatoirement être
Maître Ecossais.
.
.
34
III. - RlTUELS.
1. - Au Convent des Gaules.
a) En 1778, affirmera Willermoz, trois ans plus tard, (lettre à Charles
de Hesse-Cassel, du 12 octobre 1781), on jugea qu'il conviendrait de conserver
dans le quatrieme grade les principaux traits caractéristiques des divers
écossismes de la Maçonnerie française pour servir un jour
de point de rapprochement avec elle. Et il est vrai que le thème commun
aux grades écossais sous son aspect particulier d' exploration des ruines
du Temple par les Croisés Ecossais portant l'épée d'une
main et la truelle de l'autre (Le Forestier), ce thème ainsi particularisé
s'y retrouve. La juxtaposition de la truelle et de l'épée correspond
parfaitement à un grade qui annonce le passage de la Maçonnerie
symbolique (par définition) à l'Ordre intérieur, à
l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte proprement dit
(quoique la Maçonnerie symbolique, à quatre grades, et les Chevaliers
Bienfaisants de la Cité Sainte constituent ensemble le Rite Ecossais
Rectifié, la Maçonnerie Ecossaise Rectifiée au sens large).
Le mot sacré et le mot de passe restèrent ceux de l'Ecossais Vert.
Ils le sont encore. b) - Le Convent des Gaules dans sa 17è séance,
le 9 décembre 1778, approuva le rituel et les instructions des grades
symboliques de Compagnon, de Maître et de Maître Ecossais, dont
Willermoz avait fait lecture.
2. - Au Convent de Wilhelmsbad.
Au Convent de Wilhelmsbad, Willermoz présenta l'esquisse d'une autre
version qui fut adoptée, le 26 août 1782, en même temps que
le texte des trois premiers grades.
3. - Après Wilbelmsbad.
a) Le reste de l'histoire a été racontée par Willermoz
lui-même dans sa lettre du 10
septembre 1810 au prince Charles de Hesse-Cassel. L'affaire a été
si embrouillée et elle
importe tant, que mieux vaut en citer tout du long les fragments pertinents.
(Cette lettre a
été publiée in extenso ap. Steel-Maret, ps. Bouchet et
Boccard, Archives secrètes de la
Franc-Maçonnerie. Collège métropolitain de France à
Lyon. IIè province dite
d'Auvergne 1765-1852, Lyon, Librairie de la Préfecture, 1893, pp. 3-15;
rééd. augmentée, par Amadou et Saunier, à paraitre).
A Wilhelmsbad, ~< les bases du 4è grade furent aussi arrêtées,
et Votre Altesse me confia personnellement les instructions et l'esquisse du
tableau figurant la nouvelle Jérusalem et la Montagne de Sion surmontée
de l'Agneau triomphant, le tout écrit de sa propre main et adopté
par le Convent pour me diriger dans cette partie du travail. Les rituels français
de Novices et de Chevaliers furent aussi pris pour base de la révision
de cette classe.
Cette Commission [ sc. Ia Commission spéciale pour la rédaction
des rituels prise dans le
sein de l'Assemblée parmi les Frères d'Auvergne et de Bourgogne
] divisée en deux
.
.
35 sections à cent lieues de distance l'une de l'autre, reconnut dès
la première année de 1783 que les communications par correspondance
de chaque parcelle du travail prolongeraient son ensemble pour bien des années,
on chercha donc les moyens de parer à cet inconvénient. Les Frères
de Bourgogne pleins de confiance envers ceux d'Auvergne, qui offraient à
Lyon un plus grand nombre d'hommes capables qu'à Strasbourg, engagèrent
ceux-ci à se charger de l'ensemble de l'ouvrage; sauf la communication
à leur donner de chaque partie avant qu'elle Mt définitivement
arrêtée; c'est sur ce plan que tout le travail fut exécuté
[...]
Quoi qu'il en soit, après la révision des trois premiers grades
symboliques il paraissait convenable de faire du 4è, ce qui aurait complété
cette classe et en aurait accéléré la publication.
Mais la Commission se rappelant que le Convent avait considéré
ce 4è comme intermédiaire entre le symbolique et l'intérieur,
comme le complément du premier et préparatoire au second, enfin
comme le point de liaison des deux classes, crut devoir en suspendre la révision,
et faire auparavent celles des deux rituels de noviciat et de chevalerie; ces
derniers n'exigeant point un travail ni long, ni difficile et n'ayant plus besoin
que d'être perfectionnés. Ceux-ci étant finis, la commission
entreprit le travail du 4è dans les vues qui avaient été
apportées de Wilhelmsbad, elle s'en occupa longtemps avec une grande
attention, sentant toute l'importance du travail qui lui était confié.
Il était très avancé et presque fini lorsque les états
généraux de France furent convoqués. Plusieurs membres
de cette commission jouissant d'une réputation distinguée, et
appartenant aux trois Ordres politiques, furent élus pour se rendre à
cette assemblée; leur départ faisant un grand vide dans la commission,
fit suspendre le travail jusqu'à un temps plus favorable pour le reprendre
et ce temps n'est plus revenu. Elle remit entre mes mains tout ce qu'elle avait
fait ainsi que tous les renseignements, instructions et tableaux qui avaient
été fournis par le Convent et par Votre Altesse, et j'en suis
resté constamment dépositaire jusqu'à ce jour.
Les provinces informées que l'ouvrage était très avancé
et qu'il laissait une grande lacune dans la rectification générale
qui avait été annoncée, ne cessèrent de réclamer
la confection et l'envoi de ce 4è, mais il ne fut pas possible de les
satisfaire; car la divergence des opinions politiques ne tarda pas bien longtemps
à diviser partout les esprits. Celui de discorde vint bientôt souffler
son poison dans les loges comme partout ailleurs; celles du régime rectifié,
plus fermes dans les principes, résistèrent plus longtemps que
les autres, mais furent ensuite entrâînées par le torrent.
Les Frères Grands Profès disséminés çà
et là réunirent leurs forces, soutinrent courageusement les chocs
et firent tête à l'orage le plus longtemps qu'il fut possible;
mais à leur tour, ils furent accablés.[...]
J'ai annoncé plus haut à Votre Altesse que le travail de rédaction
presque fini au 4è grade
de Mâître Ecossais, avait été forcément suspendu
en 1789; que la Commission qui en avait
été chargée avait remis alors entre mes mains, en se séparant,
tout ce qui était nécessaire
pour l'achever, et que cette lacune dans la totalité de la révision
générale avait donné lieu à
.
.
36 beaucoup d'instances faites de tous côtés, que je n'avais pu
satisfaire, n'osant prendre sur moi seul de compléter ce travail. Vingt
années se sont écoulées en cet état; mais l'année
dernière après la grande maladie que j'essuyai, me voyant rester
seul de tous ceux qui avaient participé à cet ouvrage, effrayé
du danger que je venais de courir et sentant vivement toutes les conséquences
fâcheuses qui en résulteraient si cette lacune dans le Régime
Rectifié n'était pas remplie avant ma mort, j'osai entreprendre
de le faire. Il ne restait qu'à lier les différentes parties du
rituel et à mettre la dernière main aux explications des tableaux
et aux instructions de ce grade. Ce rituel a été publié
dans les loges réunies de France vers la fin de 1809; et il a été
accueilli partout avec la plus grande satisfaction; je regrette seulement que
le défaut de copistes ne m'ait pas permis de le communiquer encore à
tous les établissements maçonniques qui le demandent. b) En outre,
des versions provisoires furent mises en circulation, dès après
le Convent de Wilhelmsbad et ainsi se rencontre un rituel de 1784-1785, dit
de 1785. c) La liste des principaux rituels connus du Mâître Ecossais
de Saint-André s'établit donc comme suit:
" Rituel du Convent des Gaules (1778); grade de Mâître Ecossais,
trois tableaux seulement (Saint-André est absent du titre comme du rituel
où, postérieurement, il figurera sur un quatrième tableau).
" Rituels postérieurs à Wilhelmsbad: I'un de 1785, I'autre,
version révisée de celui-ci, de 1809-1810, tous deux ne comportant
qu'un grade, celui de Maître Ecossais de Saint-André (je souligne)
et quatre tableaux (Saint-André apparaît et apporte le baptême,
la confirmation et l'homélie...).
" Rituel du Grand Orient de France (1911): encore un seul grade, celui
de Maître Ecossais de Saint-André; le quatrième tableau
devient un tapis d'Ordre et après la christianisation, c'est la déchristianisation.
" Rituel de Genève (1893-1894): le 29 novembre 1893, il dédouble
le grade de Mâître Ecossais de Saint-André et Mâître
Parfait de Saint-André; quatre tableaux; le texte de l'instruction est
altéré. Les deux grades se donnent en deux parties. Celles-ci
constituèrent de 1894 à 1899 deux cérémonies distinctes.
Depuis 1899, elles se succèdent au cours d'une seule cérémonie.
" Rituel de Zurich: comme les rituels d'Allemagne, il n'a qu'un seul grade,
celui de Maître Ecossais de Saint-André, avec les quatres tableaux:
c'est le rituel de
Wilhelmsbad.
" Rituel du Grand Prieuré des Gaules, préparé sous
la direction de Camille Savoire en 1935; comprend deux grades: Maître
Ecossais et Maître de Saint-André, qui sont conférés
au cours d'une seule cérémonie.
.
.
37
A quoi l'on joindra, pour mémoire, des rédactions intermédiaires.
On doit considérer comme définitif, ce semble, le rituel de 1809-1810
et de le désigner ainsi que "le rituel de Wilhelmsbad" (un
exemplaire en est conservé à la B.M. de Lyon, ms. 5 922.
.
.
38
IV. - DOCTRINE.
Le sens rituel est clair, il signifie le passage de l'ancienne loi à
la nouvelle loi, de l'Ancien Testament au Nouveau, il prépare au passage
des symboles à la réalité, de la Maçonnerie (symbolique)
à l'Ordre intérieur qui est un Ordre équestre. Il est écossais
et prétemplier, je veux dire précurseur du templarisme de l'Ecuyer
Novice (certain côté de l'écossisme coïncidant avec
ce deuxième caractère).
Aussi, pour commencer, le candidat, dans la chambre de préparation, est
placé en face d'une Bible ouverte aux chaptires 40 et 41 d'Ezéchiel
et des neuf maximes qui lui ont été données, trois par
trois, lorsqu'il fut reçu aux grades d'Apprenti, de Compagnon et de Maûtre.
Voici ces maximes:
1. L'homme est l'image immortelle de Dieu, mais qui pourra reconnaître
la beauté de cette image, si l'homme la défigure lui-même?
2. Celui qui rougit de la religion, de la vertu et de ses Frères, est
indigne de l'estime et de l'amitié des Maçons.
3. Le Maçon dont le coeur ne s'ouvre pas aux besoins et aux malheurs
des autres est un monstre dans la société de ses Frères.
4. L'amour de l'argent, lorsqu'il s'empare de l'homme, dessèche son coeur
et fait tarir en lui la source des plus nobles aspirations. La satisfaction
de nos besoins et de nos appétits matériels serait-elle l'unique
but de notre travail ici-bas? L'insensé voyage toute sa vie sans savoir
où il va et d'où il vient, ni ce qu'il doit faire. Mais le sage
se rend compte de tous ses pas parce qu'il en connaît l'importance et
le but. 5. L'homme est naturellement bon, juste et compatissant. Pourquoi est-il
souvent en contradiction avec lui-même? Cherchez sérieusement la
cause. Elle est importante à discerner.
6. L'égoïsme est comme la rouille, elle détruit ce qu'il
y a de plus beau et de plus pur dans le coeur de l'homme.
7. Celui qui voyage en terre étrangère n'est jamais plus près
de s'égarer que lorsqu'il renvoie son guide, croyant savoir son chemin.
8. Heureux celui qui, s'étant bien étudié lui-meme,a pu
connâître ses défauts, apercevoir son ignorance et sentir
qu'il a besoin de secours, car il a déjà fait son premier pas
vers la lumière.
9. Chercher avec un coeur droit, demander avec résignation et discernement,
frapper avec confiance et persévérance, c'est la science du sage.
.
.
39
L'on avertit le condidat que le grade qu'il va recevoir lui apprendra, mais
encore caché sous des symboles, le vrai but de l'Ordre.
Le rituel de la réception même retrace et met en action toutes
les grandes époques survenues au Temple de Salomon, après qu'il
eut été construit. Le personnage d'Hiram n'est jamais perdu de
vue. Ces objets sont figurés par quatre tableaux dont le dernier, qui
n'existait pas en 1778, représente le passage mentionné plus haut
de la loi ancienne à la loi nouvelle; le grade a été christianisé
afin de correspondre à sa situation et de s'accorder à la vocation
du Rite Ecossais Rectifié tout entier.
L'ancienne instruction du grade ne laisse place à aucune ambiguïté:
L'Ordre vous montre aujourd'hui, sans mystère, quoiqu'encore sous le
voile léger d'une allégorie, qui s'explique bien facilement, le
but et le terme général des ses travaux. Tout ce que vous avez
vu jusqu'à présent dans nos loges, a eu pour base unique l'Ancien
Testament et pour type général le Temple célèbre
de Salomon, à Jérusalem, qui fut et sera toujours un emblème
universel. Mais, ici, vous voyez une enceinte de muraille percée de douze
portes, telle que l'enceinte de la Nouvelle Jérusalem est décrite
par saint Jean l'Evangéliste. Vous voyez au milieu de cette enceinte
la montagne de la Nouvelle Sion et sur le sommet l'Agneau de Dieu triompha,
avec l'étendard de la Toute-Puissance, qu'il a acquise par son immolation
volontaire et réparatrice, Ce tableau figure pour les Maçons le
passage de l'Ancienne Loi, qui a cessé, à la Nouvelle Loi, apportée
aux hommes par le Christ et qu'il a volontairement scellée de Son Sang,
pour la rendre à jamais ineffaçable et universelle.
La Croix de Saint-André, que vous voyez au bas du même tableau,
figure aussi le passage maçonnique de l'Ancien au Nouveau Testament,
confirmé par l'Apôtre Saint André qui, d'abord disciple
de Saint Jean-Baptiste, né et prêchant sous l'ancienne Loi, pour
préparer les coeurs à la Nouvelle, abandonna son premier mâître,
pour suivre, sans partage, Jésus Christ, et scella ensuite de son sang
son Amour et sa Foi pour son Vrai Mâître. C'est cette circonstance
particulière qui a fait adopter, pour ce grade, dans l'intérieur
de nos Loges, la dénomination de Maître Ecossais de Saint-André.
C'est pourquoi, depuis bien des siècles, depuis l'époque incertaine
où les anciens initiés du Temple de Jérusalem, ayant été
éclairés par la lumière de l'Evangile, purent avec son
secours perfectionner leurs connaissances et leurs travaux, tous les engagements
maçonniques~ dans toutes les parties du monde où l'Institution
s'est successivement répandue, sont contractés sur l'Evangile
et spécialement sur le premier chapitre de celui de Saint Jean, dans
lequel le disciple bien-aimé a établi, avec tant de sublimité,
la Divinié du Verbe Incarné. C'est sur ce Livre Saint que, depuis
votre premier pas dans l'Ordre, vous avez contracté tous les vôtres.
> (Ap. Jean Saunier, ~< Le caractère chrétien de la Ma$onnerie
Ecossaise Rectifiée au XVIIIè siècle)), Le Symbolisme,
octobre-décembre 1968, pp. 27-28).
.
.
40
Le bijou du grade récapitule cette leçon.
La devise, sur quoi la cérémonie s'achève à peu
près, confirme que bientôt, c'est-à-dire dans l'Ordre intérieur,
se lèvera le voile des symboles; Meliora praesumo, (Ce qui, en 1778,
signifiait certainement aussi, dans l'esprit de Willermoz qu'il y avait mieux
à trouver dans le Rite Ecossais Rectifié que le projet insensé
de restaurer l'Ordre du Temple.)
.
.
41
V. - PROBLEMES.
1. - Le caractère chrétien.
Le caractère chrétien du grade, et de la Maçonnerie Rectifié
en général, n'a pas été sans soulever des difficultés.
On s'est interrogé sur la manière de concilier cette exigence
avec la tolérance andersonienne. a) Le rituel de 1785 déclare:
Oui, mon Frère, I'Ordre est chrétien; il est le point de ralliement
de toutes les confessions chrétiennes; ses instructions découlent
de celles du Christ, et il conduit à la foi en ce divin Maître.
1809 prend quelques précautions: Oui, I'Ordre est chrétien; il
doit l'être, et il ne peut admettre dans son sein que des chrétiens
ou des hommes bien disposés à le devenir de bonne foi, à
profiter des conseils fraternels par lesquels il peut les conduire à
ce terme. Genève marque un retrait (ou un progrès?) plus accusé:
Oui, mon Frère, I'Ordre est chrétien, mais dans le sens le plus
large et le plus élevé. Il regarde comme tels et cherche à
rallier à ses travaux tous ceux, quelles que soient leur confession et
leur croyance, qui travaillent sans arrière-pensée à la
réalisation de la formule chrétienne: Gloire à Dieu au
plus haut des cieux, paix sur la terre et bienveillance parmi les hommes. Une
autre version parle encore du plus pur esprit du christianisme primitif. C'est
ambigu et moderne.
L'interprétation du caractère chrétien de l'Ordre templier
(selon une désignation officieuse du Rite Ecossais Rectifié) va,
comme on voit, de ce que j'oserais appeler la Stricte Observance (Cf l'article
de Jean Saunier, Le caractère chrétien de la Maçonnerie
Ecossaise Rectifiée au XVIIIe siècle, art. cit.), à une
late >) Observance. b) Une déclaration solonnelle de 1970 sera citée
ici car elle est exemplaire:
Le Grand Chapitre du Grand Prieuré des Gaules dit à nouveau sa
fidélité aux traditions conjointes de l'Ordre maçonnique
et aux principes propres au Rite Rectifié. Considère que ce dernier
possède dans son patrimoine un appel à la tradition chrétienne
et à l'exploration de son ésotérisme qu'expriment entre
autres le texte des prières et la prestation de serment sur l'Evangile
de Saint Jean.
Déclare ces formes intangibles.
Dit que tous ceux qui, libres et de bonnes moeurs, voudraient appartenir au
Rite doivent s'y soumettre. Nécessaires, elles sont suffisantes à
constater les engagements. Les justifications d'un autre Ordre ayant trait à
l'état civil ou à l'apport confessionnel ne sauraient leur être
substituées.
.
.
42 c) Mais il est absurde d'avoir en certains rituels corrigé le texte
de la deuxième maxime au grade de Compagnon, reprise à celui de
Mâître Ecossais de Saint-André: Celui qui rougit de la religion,
de la vertu et de ses Frères... en Celui qui rougit de la vertu de ses
Frères... ! (Le problème soulevé par l'affirmation du caractère
chrétien du R.E.R. se pose de même au niveau des trois premiers
grades symboliques, dits bleus - le quatrième est un grade symbolique,
dit vert. Cf. Jean Granger, "Le Rite Ecossais Rectifié", ap.
La Formation des maçons, Cahier N 1, Grande Loge Nationale Française,
province de Rouvray, avril 1976, pp. 1-20.)
2. - Administration.
Un problème d'Ordre administratif et non plus doctrinal, mais également
lié à la nature particulière et, corollairement, à
la structure particulière du Rite Ecossais Rectifié, tient à
l'administration des Loges de Saint-André. a) D'une part le Régime
Ecossais Rectifié en tant que tel n'existe plus. La structure très
cohérente de l'Ordre a été brisée, à commencer
par l'abolition de la Grande Maîtrise générale qui garantissait
le caractère international de l'Ordre.
D'autre part, la Maçonnerie Rectifiée a refusé l'isolement,
fut-il splendide. Des nécessités sociales non moins que la volonté
de respecter ce Landmark de la Maçonnerie universelle, selon lequel les
Loges symboliques doivent être autonomes et non point être soumises
au gouvernement d'une institution maçonnique différente et réputée
supérieure, mais aussi le désir de conserver au quatrième
grade son originalité essentielle ont fait avancer plusieurs solutions
propres à assurer l'organisation et la direction des Loges Ecossaises.
Leur principe commun résulte d'un compromis: les loges écossaises
ne relèvent pas de l'Ordre intérieur, mais elles ne dépendent
pas non plus de la Grande Loge (où les Loges bleues du Rite Ecossais
Rectifie se sont groupées afin de suivre le même Landmark). b)
D'où un Grand Collège Ecossais Rectifié, à la Grande
Loge Nationale Française-Opéra, un Directoire des Loges Ecossaises
autonomes des Gaules à la Loge Nationale Française, etc.
A la Grande Loge Nationale française et à la Grande Loge suisse
Alpina aussi des solutions ont dû être ménagées que
Jean Baylot parvient à résumer en ce peu de lignes: La Loge de
Saint-André est, en droit règlementaire, la Loge de Saint-Jean
siégeant en Maître de Saint-André. Pour des raisons touchant
aux relations internationales, nous avons à nouveau inclus dans notre
organisation priorale ces Loges de Saint-André qui furent pour un temps,
plus directement rattachées à la Maçonnerie bleue, sous
la conduite d'un Directoire specialisé. Une évolution séculaire,
commandée par la recherche de l'unité des grades symboliques dans
la Grande Loge Alpina et par les exigences de la vie en commun avec le Suprême
Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté, avait conduit nos Frères
suisses à l'intégration des Loges de Saint-André dans leur
Prieuré. Nos relations sont plus aisées avec des structures comparables.
.
.
43
Voilà pourquoi, en 1965, par un nouveau traité daté du
21 octobre, conclu avec la Grande Loge Nationale Française, nous avons
repris la direction complète des Loges de Saint-André. L'histoire
et la tradition s'assurent parfois des revanches. Il s'est dessiné l'an
dernier, dans la Préfecture de Neustrie, une tendance de certaines loges
travaillant au Rite Rectifié à former une Loge de Saint-André
sous le titre de la Loge de Saint-Jean, travaillant et recrutant dans cette
dernière, suivant les dispositions du Code de Lyon de 1778. Il n'y avait
aucune contradiction à souscrire à leur voeu d'où il sortit
l'installation de trois nouvelles Loges de SaintAndré dans la Préfecture
de Neustrie. Cette formule combine les avantages des deux conceptions. (J. Baylot
et J. Granger, Le Rite Ecossais Rectifié..., Neuilly, Chancellerie de
l'Ordre, [ 1968 ], pp. 18-19).
Que les loges du quatrième grade soient régies par une instance
propre, et donc indépendantes de la Grande Loge comme de l'Ordre intérieur,
ou bien que ce dernier les administre "les deux traits fondamentaux de
la structure de 1778 [ maintenus, ajouterai-je, en 1782], la continuité
et l'ambiguité sont aujourd'hui impossibles, dans la lettre maçonnique.
Que celleci demeure donc anglo-saxonne. Mais il reste l'esprit [... ] "
(Eques a Latomia universa. "La double structure administrative et hiérarchique
du Régime Ecossais Rectifié en 1778", Renaissance traditionnelle,
juillet 1977, N 31, pp. 188-196; Cf. p. 195.) La Franc-Maçonnerie rectifiée
s'est codifiée tout net comme composée de quatre grades. La Maçonnerie
Universelle, reprenant la formule anglaise de l'acte d'union, en 1813, affirme
ne consister qu'en "trois degrés et pas davantage". Mais c'est
à savoir, poursuit le texte, "à savoir ceux d'Apprenti, de
Compagnon et de Maître, y compris l'Ordre suprême de la Sainte Arche
royale". La contradiction entre les deux formules ne pourrait-elle être
réduite, de même que la Grande Loge unie d'Angleterre a prévenu
la contradiction dont menaçait la reconnaissance de l'Arche royale?
3. - Equivaleoce.
Troisieme problème du quatrième grade, lié à la
nature particulière du Rite Ecossais
Rectifié; les rapports avec les autres rites.
a) Le Code de 1778, à l'article XIX, prévoyait: Le grade de Maître
Ecossais est
exclusivement affecté au Régime Rectifié. C'est pour cette
raison que lorsqu'on le confère
ou qu'on tient loge d'instruction de ce grade on n'ose y faire assister aucun
visiteur d'un
autre régime, quelque grade qu'il ait.)>
Et l'on sait que la réception et l'instruction sont, avec le scrutin,
les seules occasions où la
Loge Ecossaise se réunit.
b) Mais, afin de faciliter ses relations avec d'autres rites, et notamment avec
le Rite Ecossais
Ancien Accepté, des équivalences de grades ont éte calculées:
Maître Ecossais de Saint-
André et 18è degré du Rite Ecossais Ancien Accepté;
Ecuyer Novice et Chevalerie
Kadosch; Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte et 33è degré
du Rite Ecossais Ancien
Accepté. Ce système fut adopté en 1896 par le Grand Prieuré
Indépendant d'Helvétie pour
.
.
44 le Rite Ecossais Rectifié et le Suprême Conseil de Suisse pour
le Rite Ecossais Ancien Accepté, et c'est en vertu de cet accord que
trois Maçons français titulaires du plus haut grade Ecossais Ancien
Accepté (Ribaucourt, Savoire et Bastard) furent, en 1910, armés
Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte à Genève. Le
réveil du Rite Ecossais Rectifié en France allait s'ensuivre.
c) La question d'une équivalence entre le quatrième grade du R.E.R.
et l'Arche royale du Rite Emulation est, de même, inéluctable dans
certaines.
ECUYER NOVICE
Il y eut, au cours de l'histoire du R.E.R., des membres de l'Ordre intérieur,
Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, qui n'étaient pas maçons.
Depuis le Convent général du Rite, à Genève en 1969,
les C.B.C.S., et par conséquent les Ecuyers Novices, ne se recrutent
pas seulement habituellement, mais nécessairement parmi les frères
du R.E.R. Si l'on discute encore sur les origines des emprunts à la tradition
chevaleresque dans la confection des échelles de grades maçonniques,
sur la part de Ramsay, sur les initiatives allemandes, sur la valeur de la tradition
de Kilwinning, personne ne conteste que la référence à
l'institution de la chevalerie est entrée telle quelle dans la tradition
maçonnique, sinon comme un corps étranger, au moins avec le destin
d'un greffon. L'institution du noviciat est donc très simplement l'équivalent
de la période de stage qui préparait les jeunes gentilshommes
à l'adoubement. Elle n'a pas de signification maçonnique spécifique.
Le Convent général du Rite Rectifié siégeant à
Zurich en 1958, en modifiant et amendant les constitutions et statuts du rite,
a stipulé que ce titre d'Ecuyer Novice ne correspondait pas à
un grade. Les membres de cette classe, non armés Chevaliers après
trois ans d'attente, sont replacés dans la position précédente
de Maître Ecossais de Saint-André.
1. - Le troisième degré de la Stricte Observance Templière
comportait pour premier grade celui d'Ecuyer Novice. Le titre, dont les deux
mots peuvent sembler contradictoires, évoque l'image à la fois
militaire et monastique de l'Ordre du Temple dont la Stricte Observance avait
fait son modèle. (Ainsi se rapproche-t-elle davantage en esprit du Temple
médiéval, que les autres rameaux maçonniques de l'écossisme
auxquels d'ailleurs les grades de son deuxième degré l'apparentent).
Un rituel d'Ecuyer Novice de la Stricte Observance daté de 1754, a été
publié par
SteelMaret (ps. Bouchet et Boccard, Archives secrètes de la Franc-Maçonnerie.
Collège
métropolitain de France à Lyon. Deuxième province dite
d'Auvergne 1765-1852, Lyon,
Librairie de la Préfecture, 1893, pp. 4143). Il est bref, à peu
près dépourvu de contenu doctrinal et correspond à une
situation d'attente.
2. - Dans l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, l'Ecuyer
Novice est le
cinquième grade du Rite Ecossais Rectifié, le premier de son Ordre
intérieur. Il a été
.
.
45 formellement et nommément repris du grade synonyme de la Stricte Observance.
Le Maître Ecossais qui y est candidat doit avoir un an d'ancienneté
dans ce grade et être âgé de vingtcinq ans au moins, sauf
dispense.
C'est à peine un grade, plutôt une position préparatoire,
dans la stricte signification du terme >) (Jean Baylot).
Mais le noviciat, d'un an au moins, prépare au Chevalier Bienfaisant
de la Cité Sainte. On est, avec lui, déjà en dehors de
la Maçonnerie proprement dite, ou symbolique; on est audelà des
symboles.
Les membres de l'Ordre intérieur, Ecuyers Novices et Chevaliers Bienfaisants
de la Cité Sainte, sont groupés en Cornmanderies; les Commanderies
en Préfectures. L'ensemble des Préfets constitue le Grand Directoire
et l'ensemble des dignitaires des préfectures constitue le Grand Chapitre.
Les dignitaires les plus élevés sont le Grand Prieur, le Grand
Prieur adjoint, le Grand Chancelier et le Vicaire général qui
gouvernent l'Ordre à l'échelon national, celui du Grand Prieuré.
3. - Le nouveau rituel avait été préparé par Jean
de Turkheim pour le Convent des Gaules (Lyon, 1778). Celui-ci y fit apporter
une modification importante, le 4 décembre 1778, au cours de sa septième
séance dont voici un extrait du compte rendu (ms. Lyon 5 482):
On donna communication du nouveau noviciat. Le Convent, reconnaissant unanimement
la stérilité de l'ancienne réception, approuva le nouveau
formulaire avec la clause qu'en place d'un catéchisme parfait pour les
novices, qui tiendrait trop des grades inférieurs, les deux respectables
Frères Chanceliers seraient priés conjointement de rédiger
une instruction suivie pour les novices, dans laquelle on leur rendrait compte
de tous les rapports de la Maçonnerie avec le Saint Ordre. Le Convent
renvoya à une autre séance l'examen de cette instruction.
Le lendemain on à fixé les signes, mots et attouchements de l'Ecuyer
Novice.
A Wilhelmsbad, en 1782, le Convent entérina et perfectionna dans la continuité.
De nombreux documents relatifs au noviciat du Rite Ecossais Rectifié
sont conservés, principalement à la Bibliotheque Municipale de
Lyon (fonds Willermoz) et dans les archives du Grand Orient des Pays Bas (fonds
Kloss). Plusieurs ont été publiés par Steel-Maret (op.
cit. pp. 52-53 et 92-115). Cf les bibliographies du Rite Ecossais Rectifié
(manuscrits et imprimés) établies par Amadou (hors commerce) et
par Jean Saunier (Eléments d'une bibliographie, Le Symbolisme, octobre-décembre
1968, pp. 56-68) et la bibliographie générale que ces deux auteurs
ont compilée en collaboration (à paraître).
Je n'ai pu mettre la main sur un exemplaire de l'ouvrage ainsi décrit:
Rituel pour la
réception au grade d'Ecuyer de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants (Brunswick,
1782, f,
.
.
46
15 p) en français et en latin et ne suis pas même sûr, quoique
je le croie, que ce soit un imprimé.
4. - Dans la forme de l'Ecuyer Novice de la Stricte Observance, et en dépit
du caractère provisoire de ce grade, Willermoz et Turkheim suivant leur
mouvement général, ont infusé de la doctrine martinésiste.
On retrouve quelques phrases du rituel de la Stricte Observance; le mot du grade,
qui réfère directement, quoique par anagl amme, à la succession
templière postérieurement à Jacques de Molay, a été
conservé. Mais,comme on verra, I'histoire est contée d'une manière
neuve.
5. - La doctrine du grade est suggérée dans les questions préparatoires
auxquelles le Mâître Ecossais est tenu de répondre par écrit,
avant sa réception, et que voici:
I. - Le Temple élevé par Salomon dans la Cité Sainte, elant
le type général de la FrancMaçonnerie, pensez-vous que
ce type ait été choisi d'une manière arbritraire ou qu'il
y ait des rapports enssentiels entre ce type et l'instruction maçonnique,
et quels pourraient être ces rapports?
II. - D'après l'étude que vous avez dû faire des symboles
et emblèmes maçonniques, et d'après les instructions morales
que vous avez reçues dans vos grades précédents, quelles
idées vous formez-vous sur l'origine historique et sur le but essentiel
de l'instruction maçonnique?
III. - Si la Franc-Maçonnerie se rapportait à quelques connaissances
rares et essentielles, pensez-vous qu'il serait au pouvoir des hommes de communiquer
toutes ces connaissances? Et, dans le cas contraire, quels seraient les vrais
moyens de se les procurer? 6. - Les idées qui forment l'armature doctrinale
du grade sont à chercher dans la longue instruction. Nous analyserons
donc ce morceau d'Apprenti Chevalier. En préambule, I'importance du Temple
comme symbole est réaffirmée. Le voile se lève un peu plus
sur la signification: c'est que les vrais Maçons, ainsi que la cérémonie
l'a montré, sont destinés à devenir Chevaliers de la Cité
Sainte, que, zeles défenseurs de la religion du divin Christ, vivant
dans l'espérance, la foi et la charité, ils bâtissent dans
le Temple du Seigneur, et sous le voile des symboles et emblèmes maçonniques,
ils cherchent par une douce persuasion à y conduire ceux qui en sont
le plus éloignés. Mais le voile tout entier ne sera ôté
que plus loin dans la carrière. On fixera le novice sur l'origine et
le but primitif de la Franc-Maçonnerie.
La première partie de l'instruction propose, à cette fin, une
vue générale du Régime Rectifié considéré
sous ses rapports moraux. Il y a l'Ordre primitif et il y a l'Ordre maçonnique.
Le premier a donné naissance au second. Le Régime Rectifié
comprend deux classes: la classe symbolique, celle des Maçons, et l'Ordre
équestre, avec ses deux grades.
.
.
47
La réunion de toutes les classes considérees relativement au but
fondamental de l'Ordre primitif et essentiel constitue l'Ordre maçonnique
en général et les deux classes dont nous venons de parler constituent
le Régime Rectifié.))
Dans cette seconde classe les emblèmes cessent. Vous avez appris sous
le voile des symboles qu'il est des devoirs importants pour l'homme; I'on vient
de vous faire entrevoir la nécessité de les remplir avec fidélité;
cherchez par cette voie la science et avant elle vous trouverez, mon bien-aimé
Frère, un trésor plus précieux, c'est la sagesse.)) La
deuxième partie traite de l'origine de l'initiation maçonnique.
Ce n'est pas l'Ordre du Temple ni celui des Chevaliers de la Cité Sainte,
c'est un Ordre sublime et secret qui vise un but très élevé
et ne peut être appelé que le Haut et Saint Ordre. Entre cet Ordre
par exellence et la Franc-Maçonnerie, I'Ordre du Temple forme un anneau
de la chaîne. Aussi la troisième partie donne les motifs de la
filiation avec l'Ordre du Temple: Les Chevaliers Templiers ont occupé
un rang distingué chez ceux qui ont possédé des connaissances
d'un Ordre supérieur relatives à la vraie Maçonnerie));
ils en confièrent quelques-uns aux Maçons qu'ils avaient avec
eux.
C'est donc uniquement comme Maçons (...) que nous conservons une filiation
avec l'Ordre du Temple.
Avant de s'occuper en détail des Chevaliers du Temple, il faut parler
de l'ancienne chevalerie. La quatrième partie s'efforce d'en communiquer
une idée succincte. L'Ordre de Chevalerie a un caractère d'antiquité
et de mystère qui peut permettre d'y voir des analogies avec l'Ordre
essentiel, le Saint Ordre.
Les Templiers font l'objet de la cinquième partie qui en allègue
la tradition secrète. Considérons les neuf fondateurs de l'Ordre
du Temple. Soit que le Haut et Saint Ordre les ait instruits directement, soit
que les Esséens (sc. Ies Esséniens) aient été les
intermédiaires dont le Saint Ordre s'est servi, ou qu'après s'être
communiqués sur quelques objets il ait permis aux Esséens de les
initier à leurs mystères, on est convaincu assez généralement
que ies Templiers furent choisis pour devenir dépositaires de quelques
connaissances dont la propagation importait au bonheur des hommes; aujourd'hui,
on ne doute plus que ces connaissances n'aient des rapports essentiels avec
la Franc-Maçonnerie et que, par son secours, on ne parvienne à
les recouvrer, surtout depuis qu'on s'est confirmé dans l'opinion que
les Templiers ont connu l'initiation maçonnique et n'en sont pas les
instructeurs. En effet, il a été constaté, à l'époque
du Convent de 1782, qu'ils ont pratique et professé la Maçonnerie
dans ses principaux et plus anciens emblèmes. Jacques de Molay, dans
sa prison, initia aux connaissances secrètes son neveu le Comte de Beaujeu.
Beaujeu fut élu Grand Maître. Pierre d'Aumont lui succéda
qui se réfugia avec quelques Chevaliers en Ecosse, où il rencontra
George Haris qui lui succéda à son tour.
Haris permit aux chevaliers de se marier, comme étant l'unique moyen
de conserver
l'Ordre, en concentrant tous ses secrets dans leurs familles; ils se perpétuèrent
d'abord par
.
.
48 leurs enfants, ensuite ils s'associèrent d'autres personnes par des
initiations à différents degrés afin de s'assurer de leur
discrétion.
Il ne s'agit donc pas de vouloir expliquer les grades symboliques de la Maçonnerie
par les faits historiques de l'Ordre du Temple.
Les symboles signifient des connaissances plus générales et plus
importantes ; les sciences et connaissances primitives de l'homme, connaissances
professées par les sages d'Orient et successivement répandues
par eux dans les différentes contrées de l'Europe. Les Templiers
n'en ont connu qu'une partie; elles ne se peuvent plus retrouver dans leur integrité
que dans le Haut et Saint Ordre.
Conclusion: pas d'autre motif pour avoir conservé le titre de Chevaliers
et pris celui de Chevaliers Maçons de la Cité Sainte. ~> Et
que le novice garde son regard attaché sur les symboles et allégories
à l'homme physique, moral et intellectuel. <~ C'en est assez, mon
bien-aimé Frère, pour vous instruire: à mesure que vous
avancez, le cercle s'agrandit; le pas que vous venez de faire est important.
Vous cherchez à remonter au but primitif de la Franc-Maçonnerie
et l'on vous a attaché a un Ordre qui correspond avec ceux qui seuls
peuvent vous instruire. Si vous savez quelque jour vous faire reconnâ~tre
pour un vrai Chevalier Maçon de la Cité Sainte, si vous bâtissez
constamment dans le Temple du Seigneur, vous pouvez concevoir l'espoir de parvenir
à un but si désiré.
.
.
49
CHEVALIER BIENFAISANT DE LA CITE SAINTE
Dans le Rite Ecossais, ce grade remplace le grade de Chevalier qui lui correspond
dans la Stricte Observance Templière (un rituel de ce dernier grade a
été publié par Ostabat, Le SymboUsme, juillet-octobre 1971,
pp. 226-244).
I. - Sens et Origine.
1. - Le sens du titre est ambigu, son origine a été ennuagée.
Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte connote évidemment l'idée
de charité, qui est le devoir essentiel du dit Chevalier; I'organisation
chevaleresque, bien sûr, et particulièrement l'Ordre du Temple.
Car la Cité Sainte est Jérusalem. Mais cette manière de
dire Templier, qui semblerait embarrasser, a un objet precis: de déclarer
que les C.B.C.S. sont des Templiers sans en être tout en étant.
Ou, si l'on préfère, que le rapport de la Maçonnerie, et
singulierement du Rite Ecossais Rectifié, à l'Ordre du Temple
n'est pas au juste celui que croit la Stricte Observance Templière. (Le
Convent des Gaules réservera la question de la filiation templière,
alors que Wilhelmsbad la tranchera dans le sens de la renonciation, sauf au
plan spirituel).
Que cette intention ait été celle de Willermoz et de ses amis
ne semble pas douteux. Mais d'autres facteurs ont-ils contribué à
forger l'expression?
2. - La Loge Rectifiée de Willermoz à Lyon se nommait La Bienfaisance.
Mais le mot et l'adjectif correspondants sont communs dans le vocabulaire maçonnique.
Puis on a signalé un grade de Chevalier Bienfaisant qui aurait été
pratiqué à Metz et aussi l'influence éventuelle du grade
dit Ecossais de Saint-Martin, dont le titre aurait pu se traduire, par allusion
à l'état du légionnaire romain et à son geste proverbial,
Chevalier Bienfaisant (Cf Amadou, Louis-Claude de Saint-Martin et la Franc-Maçonnerie,
Le Symbolisme, juilletseptembre 1970, pp.285-307 et janvier-février 1971,
pp. 43-73). Mais c'est vouloir expliquer obscurum per obscurius.
C'est cependant l'opinion de R. Le Forestier qui écrit dans son livre
sur la
FrancMaçonnerie templière et occultiste aux XVIIIè et XIX
siècles (Paris, Aubier-
Montaigne, Louvain, Nauwelaerts, pp.433-434): <~ Le titre de Chevaliers Bienfaisants
de la
Cité Sainte, que prit le rite mystique sorti de la Réforme de
Lyon avait eté déjà usité dans
un Système de Hauts Grades cultivé depuis 1770 par un Chapitre
souché sur la Loge
Saint-Théodore de Metz. Le degré suprême de ce Système
régional s'appelait Ecossais
Rectifié de Saint-Martin; il avait pour héros éponyme l'illustre
évêque de Tours, le
chevalier romain qui avait partagé son manteau avec un pauvre, acte de
charité rappelé
par de nombreux tableaux et statues exposés dans les églises de
France. La Cité Sainte
dont les membres du Chapitre Saint-Theodore se proclamaient les Chevaliers était
donc
Rome. Leur plus haut grade localisait en France le thème fondamental
d'un haut grade
plus ancien, I'Hospitalier de Palestine, qui faisait allusion à la charité
active pratiquée par
les moines guerriers appartenant à l'Ordre religieux qu'avait fondé,
pour la protection des
.
.
50 pèlerins en Terre sainte, Saint Jean évêque de Jérusalem.
Autant de phrases, autant d'erreurs.
3. - Au demeurant, je ne pense pas que ni Chevalier (qui d'ailleurs était
le titre du dernier grade de la Stricte Observance) ni Bienfaisant (si conforme
à la vocation des Maçons Chevaliers) requièrent des explications
compliquées. Celles-ci, en toute hypothèse, n'exprimeraient, il
me semble, que des raisons supplémentaires. Quant à la Cité
Sainte, outre la référence prétendue discrète à
l'Ordre du Temple, à cette ville où Salomon avait construit le
sanctuaire qui est le type essentiel de la Maçonnerie, point n'est besoin
d'aller chercher loin les raisons, d'ailleurs liées à la raison
majeure, pourquoi les Chevaliers Maçons aimaient à la mentionner.
II. - Fondation des C.B.C.S.
Le chapitre provincial d'Auvergne, à la date du 28 août 1778, reconnaît
comme il a reconnu depuis longtemps la nécessité indispensable
de réformer la dénomination du SaintOrdre; le Code des règlements
généraux des provinces, des instructions particulières
des officiers, le précis historique de l'Ordre, le rituel de vestition
et cérémonies et les règles; de purger les unes et les
autres des additions arbitraires qui y ont été faites par les
différents frères a Spica aurea et ab Ense [ sc. Weiler et Hund
respectivement ], ainsi que des cérémonies et règles trop
monacales pour pouvoir convenir dans un Ordre tel que le nôtre dans un
siècle tel que celui où nous vivons.)> (Registre des délibérations
du Grand Directoire, B.M. Lyon Ms. 5 481, p. 70, Cf déjà à
la date du 25 avril 1777, ibid., p. 8). La question du titre C.B.C.S., qui donnerait
son nom à l'Ordre entier de la Stricte Observance métamorphosée
au plan national, fut mise sur le tapis au cours de la premiere séance
du Convent des Gaules, le 25 novembre 1778:
Les respectables Frères Chanceliers requirent que la dénomination
de l'Ordre fut le premier objet à arrêter, que tous les membres
de l'Ordre désiraient voir abolir l'ancien nom. Ils représentent
que l'Ordre avait porté pendant quelques années celui de Chevalier
Bienfaisant de la Cité Sainte dans un temps où ils n'avaient aucune
possession; que son nom n'était point connu, qu'il pourrait remplir le
but qu'on se propose en désignant l'Ordre sous une dénomination
qui ne serait aperçue que par les membres qui le composent, et que sans
cesser d'appartenir au même Ordre, on annonce, en reprenant l'ancien nom,
une renonciation absolue aux possessions qu'ils ont eues depuis un autre nom.>)
Donc, I'on traitera l'affaire au cours de la deuxième séance.
Le 27 novembre, deuxième séance, I'objet de la dénomination
de notre Saint Ordre ayant été mis en délibération,
il fut arrêté unanimement qu'il serait désigné dorénavant
sous la qualification de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité
Sainte. Lors de la sixième séance, le 3 décembre 1778,
Willermoz lit la partie historique de l'instruction du grade, rédigée
par ses soins.
Le Convent statue que cette instruction serait jointe aux actes officiels du
Convent, mais
non enregistrée, qu'elle serait ensuite confiée aux représentants
des Préfectures charges
.
.
51 des réceptions et instructions des Chevaliers pour être déposée
dans chacune entre les mains des Frères à qui il croira devoir
les adresser.
Le 5 décembre 1778, au cours de la huitième séance, on
a fixé les signes, mots et attouchements des Novices et le nouveau signe
des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte.
III. - Documents.
Les documents relatifs au C.B.C.S. sont nombreux. Citons, principalement, les
dépôts de la
Bibliothèque Municipale de Lyon (fonds Willermoz) et du Grand Orient
a La Haye (fonds
Kloss). Le Code général des règlements de l'Ordre des Chevaliers
Bienfaisants de la Cité
Sainte arrêté au Convent des Gaules tenu en novembre 1778 a été
commodément repris
ap. Jean Tourniac, Principes et problèmes spirituels du Rite Ecossais
Rectifie et de sa
Chevalerie templière (Dervy-Livres, 1969, pp. 305-350). Un rituel de
réception a été publié par Jean Kostka (alias Jules
Doinel, Lucifer démasqué, Paris-Lyon, Delhomme et Briguet, s.d.
[ 1895 ], pp. 274-296).
IV. - Le grade.
l. - Le grade de C.B.C.S. n'est pas un grade maçonnique, car l'Ordre
des C.B.C.S. est un Ordre équestre souché sur une base maçonnique
en quatre degrés symboliques. Cependant, la terminologie est assez flottante
(par analogie avec le ballottement où est soumise au sein du Rite Ecossais
Rectifié la question des rapports entre la Maçonnerie et le Temple
mediéval). Aussi bien le C.B.C.S. est-il armé, et la Franc-Maçonnerie
est-elle considérée comme la pépinière du Saint-Ordre.
Chaque Chevalier, au moment de son armement, reçoit, comme dans la Stricte
Observance, un nom d'Ordre (nomen in ordine; p. ex. Jean-Baptiste Willermoz
était Eques ob Eremo, Joseph de Maistre, Eques a Floribus, etc), une
devise en latin tirée des psaumes et des armes.
2. - Pour le regroupement de l'Ordre intérieur en Commanderies, Préfecture,
Grands Prieurés Cf ECUYER NOVICE. Le Code fournit toutes indications
sur ce système. Retenons que la Maçonnerie symbolique est sous
le contrôle de l'Ordre intérieur et que le Grand Maître Général
gouverne les six grades du Rite Ecossais Rectifié. 3. - Le rituel d'armement
prescrit, avant la réception proprement dite, que le Commandeur s'adresse
à l'Ecuyer novice en ces termes qui annoncent le sens du grade, le sens
de l'Ordre:
Le dépôt de la science primitive de l'homme, conservé dans
les anciens mystères, brille de
tout son éclat dans le Temple célèbre que Salomon avait
élevé dans la Cité Sainte à la
gloire de l'Eternel qui daigna l'habiter. Vous voyez l'image, tracée
devant vous, de son
Saint Sépulcre. Ce Temple fut détruit, les sages se retirèrent
dans les déserts et y
préférèrent d'abord la vérité aux honneurs
du siècle. Bientôt, sentant le besoin d'une
.
.
52 activité utile et pénible, ils rentrèrent dans le monde
où, apprenant la persécution de beaucoup de leurs Frères,
ils déchirèrent leur sein, tranquilles de leur innocence et qu'aucun
remords ne troublait leur coeur, et que rien en eux ne donnait de moyens d'observer
leur fortune.
Le sanctuaire du Temple redevint l'asile de l'éternelle et auguste vérité,
son parvis, celui du malheur; on y consolait la veuve, I'orphelin y trouvait
un père, les voyageurs un défenseur, le malade et le pauvre des
secours généreux, telle est l'origine de l'Ordre des Templiers,
des Frères vertueux dont nous tirons la nôtre, et aux vertus desquels
vous êtes appelé à succéder.
La science, cachée auparavant dans des réduits écartés
où elle mettait au-dessus des besoins ceux qui la professaient, fut alors
consacrée au bonheur de l'humanité; mais le Temple s'écroula,
et les Maçons propageant l'existence et les fruits d'un Ordre célèbre,
le réédifièrent, adapté par une réforme sage
aux besoins et à la situation actuelle de l'Europe. Il a repris dans
ce siècle, le dix-huitième, son nom de Chevalier Bienfaisant de
la Cité Sainte pour l'allégorie du Saint Sépulcre de Jérusalem
en Palestine, et sera, pour le reste de votre vie, une école de bienfaisance,
un foyer de lumière et l'asile de l'amitié la plus douce. Par
le pouvoir qui m'a été conféré, je vais vous recevoir
dans le Saint Ordre. 4. - Dans le discours d'instruction qui suit la réception
proprement dite, I'Ordre du Temple est d'emblée mis en cause: sa fondation
en 1125, ses malheurs que la jalousie de sa richesse causa. <~ Nous dit le
Commandeur, qui sommes leurs descendants avons une tradition bien certaine des
malheurs qui ont occasionné la destruction de notre Ordre. Mais trois
Templiers s'échappèrent et trouvèrent refuge en Ecosse,
dans des cavernes près d'Heredom. Ils s'associèrent avec les Chevaliers
de Saint-André du Chardon d'Ecosse, d'où le quatrième grade.
A Heredom, en 1340, fut fondé l'Ordre des Francs-Maçons par les
Templiers. Ils avaient prévu, et il demeure, que les trois premiers grades
sont des épreuves imposées aux candidats à l'intérieur.
L'Ecuyer novice comprend alors le sens de son passage par la Maçonnerie.
Deux emblèmes sont chers à l'Ordre des C.B.C.S. Le phénix
fut choisi par les illustres fugitifs qui continuèrent le Saint Ordre
pour remplacer l'ancien sceau du Temple, où figuraient deux cavaliers
sur un cheval. Le pélican, d'autre part, signifie les secours que l'Ordre
ancien fournissait aux commanderies de son ressort et la bienfaisance qui, depuis
la réforme de l'Ordre, caractérise le Chevalier.
V. - Altérations et déviations.
1. - Au cours des ans, le rituel a subi des altérations. Donnons-en deux
exemples. En Suisse, la dénonciation de l'infamie du pape Clément
V s'accompagne de propos très généralement antipapistes,
où les institutions de l'Eglise au Moyen Age sont dénoncées,
à la seule exception... de l'Ordre du Temple. Curieuse rencontre, en
milieu écossais rectifié, du laïcisme maçonnique et
de l'atavisme protestant.
.
.
53
Deuxième exemple: la plupart des rituels modernes, depuis une date que
je n'ai pu encore fixer mais qui se situe au XIXè siècle, comportent,
à la fin de la cérémonie, une scène pendant laquelle
les Chevaliers présents, Grand Prieur ou son délégué
en tête, délient leur nouveau confrère de ses serments maçonniques.
L'idée, clairement expliquée, est belle, plus étrangère
à la tradition des C.B.C.S. dans la forme que dans le fond. Mais c'est
une innovation.
2. - La position médiane de l'Ordre des C.B.C.S. est difficile à
tenir; elle prête aux déviations vers la gauche ou vers la droite.
a) Vers la gauche, en quelque sorte, dévièrent les Frères
de Francfort, Darmstadt et Wetzlar surtout, qui sous la conduite du Baron de
Dittfurth résistèrent aux décisions du Convent de Wilhelmsbad.
Fatigués des Hauts Grades, des Ordres intérieurs et autres superstructures,
ils n'en voulurent plus rien savoir. L'Union éclectique naquit de leur
lassitude et de leur maçonnisme éclairé plus qu'illuminé.
b) A droite, en revanche, il faut situer la singulière histoire du Chapitre
des C.B.C.S. de Francfort, au commencement du XIXè siècle. Félix
Kretschmar, érudit francfortois des années 1920, en a recueilli
les éléments dans un lot d'archives à lui venu de son compatriote
et parent Johann Friedrich von Meyer (1772-1849). Une correspondance, étayée
par plusieurs documents, et conservée dans un fonds privé d'archives
dites archives S.O. >), me permet, avec l'autorisation de son dépositaire,
de résumer ainsi l'affaire que je me propose d'analyser ailleurs.
Un certain nombre de C.B.C.S. de Darmstadt et de Francfort, auxquels vinrent
se joindre
quelques C.B.C.S. de Strasbourg, les uns et les autres membres en outre de la
Grande
Profession, et fervents de théosophie, gardèrent, dans une Allemagne
peu favorable, leur
fidélité au Rite Ecossais Rectifié - mieux vaudrait dire
ici à l'Ordre des C.B.C.S. Car s'ils
innovèrent eux aussi, ce fut pour détacher l'Ordre intérieur,
dont ils constatèrent crûment
le caractère non maçonnique, des quatre premiers grades du Rite
Ecossais Rectifié
Dans leur néo-Ordre des C.B.C.S., ils admirent des profanes, se contentant
de leur
communiquer, avant de les recevoir Ecuyers Novices, non pas les grades, mais
les cahiers
des grades symboliques. Johann Friedrich von Meyer, hermétiste très
chrétien (son nom
d'Ordre était Eques a Cruce), ami et protégé de Christian
de Hesse-Darmstadt, substitut du
Grand Maître Charles de Hesse-Cassel, fut l'un d'eux. On lui laissa même
le soin de
rédiger un Projektierte Statute des Rittertums der heiligen Stadt, nouvelle
manière. (Les
papiers de Kretschmar en comprennent une copie).
Vers 1830, selon Kretschmar, le Chapitre cessa ses travaux.
Deux documents conservés dans le fonds Kloss du Grand Orient des Pays
Bas apportenl une information précieuse et complémentaire sur
le Chapitre des C.B.C.S. de Francfort qui s'y manifeste davantage, semble-t-il,
comme un collège de Gands Profès. En particulier, leur activité
paraît s'être poursuivie jusqu'en 1835, puisque l'une des deux pièces
est constituée par le livre des travaux du collège de 1827 à
cette date.
.
.
54
PROFES ET GRAND PROFES
Jean-Baptiste Willermoz écrivait à la fin de l'Empire: Celui qui
reçoit le sixième (sc. Ie
sixième grade, c'est-à-dire le grade de Chevalier Bienfaisant
de la Cité Sainte) apprend par
l'instruction qui le termine que ce grade qui est réellement une conclusion
très satisfaisante
est le dernier du Régime; qu'il n'a rien de plus à lui demander
ni à en attendre. Malgré
cette déclaration quelques-uns, par-ci, par-là, se plaisent à
penser qu'au-delà de ce 6è, il
existe encore quelque grade ou instruction d'un Ordre et d'un genre plus élevés.
Mais si
cette conjoncture était fondée, il n'en résulterait pas
moins que ce quelque chose qui serait
supposé au-delà, n'étant annoncé ni avoué
par les directoires et les régences, personne n'a
le droit de le leur demander, et que toute sollicitation serait inutile et déplacée.
(ap. Pierre
Chevallier Louis Mathias de Barral, ancien évêque de Troyes Franc-Maçon
du Rite
Ecossais Rectifié... Mémoires de la Société académique
d'agriculture, des sciences, des
arts et belles-lettres du département de l'Aube, tome CIV, Troyes, 1967,
pp. 204-205). ...L'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte,
Ordre chevaleresque, est enté sur une Maçonnerie symbolique en
quatre grades, le Rite Ecossais Rectifié. Mais, au-dessus du deuxième
et dernier grade de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte,
intitulé précisément ~< Chevalier Bienfaisant de la
Cité Sainte et souvent nommé le 6è grade, audessus de l'Ordre
des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte proprement dit, il existe
une double classe secrète, celle de la Profession et de la Grande Profession.
L'histoire et la nature de cette classe ont été souvent méconnues
ou défigurées. En 1969, les responsables constatèrent que
des études imprimées, des rumeurs avaient excité la curiosité
et causé une controverse sur la persistance de la Grande Profession.
Des légendes y avaient saisi prétexte à naître ou
à renaître. Une mise au point officielle fut publiée, sous
le titre assez coquettement modeste A propos du Régime Ecossais Rectifié
et de la Grande Profession, et la signature Maharba >) (anagramme d'Abraham?),
dans le Symbolisme, octobre- décembre 1969, pp. 63-67. A ce texte sans
pareil, il faut nécessairement recourir. J'en reproduis donc l'essentiel
mot pour mot.
Or, les faits sont patents; ils composent l'histoire et manifestent la doctrine
des Grands Profès. Rappelons-les.
1. - La Grande Profession, en même temps que la Profession, des Collèges
métropolitains a été instituée lorsque fut créé
l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, au Convent national
des Gaules tenu à Lyon en 1778.
Au Convent de Wilhelmsbad, elle cessa d'exister of ficiellement. Un demi-siècle
suffit à I'abolir, en fait, à quelques exceptions près
qui étaient individuelles. Aussi, le 29 mai 1830, Joseph-Antoine Pont,
Eques a Ponte alto, et dans ses propres termes.
Visiteur général dépositaire de confiance de feu ab Eremo
qui était dépositaire général et
archiviste de la llè province, devenu depuis sa mort seul dépositaire
légal du Collège
métropolitain établi à Lyon ; constatant I'inaction et
la suspension indéfinie des travaux
dudit Collège métropolitain ; considérant qu'il se trouve
etre le seul grand dignitaire de
l'Ordre subsistant dudit Collège et qu'il est aussi important qu'urgent
de pourvoir à
l'érection d'un College >~; vu les articles 22, 23, 24 et 25 des Statuts
et Règlements de
.
.
55 l'Ordre des Grands Profes qui prévoient un tel cas et parent au danger
d'extinction; accorde une charte pour la constitution du Collège et Chapitre
Provincial des Grands Profès a Genève.
La Suisse, où le Régime Ecossais Rectifié et l'Ordre des
Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte continueront de s'abriter jusqu'à
nos jours, devenait aussi le conservatoire de la Grande Profession.
2. - La Grande Profession ne peut être confondue avec le grade maçonnique
ni avec un degré chevaleresque (a) et surtout pas avec ces grades et
ces degrés qu'elle surplombe. Un but lui est assigné: veiller
à l'intégrité et favoriser la culture du dépôt
inhérent au Saint Ordre primitif, qui existe depuis toujours et que l'Ordre
des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, issu d'une double tradition
maçonnique et chevaleresque, incarne à présent. Car les
quatre grades symboliques du Régime Ecossais Rectifié (Apprenti,
Compagnon, Mâître, Maître de Saint-André) et les deux
degrés de l'Ordre intérieur (Ecuyer Novice et Chevalier Bienfaisant
de la Cité Sainte) visent à former et à employer des dépositaires
de confiance, chacun selon le rang et l'ouverture dont il jouit. Le Grand Profès
est un dépositaire de toute conf~ance.
3. - La Grande Profession du Régime Ecossais Rectifié, classe
suprême de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte,
est l'acte par lequel les Chevaliers et les Frères des classes inférieures
du même Ordre qui en seront trouvés dignes sont initiés,
après les épreuves requises, à la connaissance des mystères
de l'ancienne et primitive Maçonnerie et sont reconnus propres à
recevoir l'explication finale des emblèmes, symboles et allégories
maçonniques.
On n'entre point dans cette classe par quelque initiation cérémonielle
ni par quelque nouvelle décoration. La simplicité vers quoi tend
le système entier de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité
Sainte y culmine dans la pure spiritualité. La Grande Profession enchâsse
l'arcane de la Franc-Maçonnerie et y participe, quoi qu'elle ne soit
pas d'essence maçonnique. Ses secrets sont inexprimables et c'est ainsi
qu'elle forme, de soi, une classe secrète.
4. - Les Grands Profès, selon leurs lois, ne dissimulent pas davantage
qu'ils n'exhibent leur qualité. Mais une classe ou d'ailleurs un Ordre,
dont la spiritualité - mieux: I'esprit fait le fond, saurait-il se vulgariser
sans déchoir et sans perdre son honneur avec son mode et sa raison d'être?
(a) Ainsi, par exemple, la ligne successorale des Grands Profès du Régime
Ecossais Rectifié n'est ni identique, ni apparentée à la
filiation initiatique d'aucune classe de l'Ordre des Chevaliers Maçons
Elus Cohen de l'Univers, fondé par Martines de Pasqually. L'histoire,
le droit et la coutume protestent contre toute confusion de ces deux descendances
dont la seconde ne paraît d'ailleurs pas s'être perpétuée
jusqu'à nos jours.
Les Grands Profès refusent, statutairement, les candidatures, et ils
se cooptent à
l'unanimité obligatoire. Des Supérieurs Inconnus, au sens quasi
mythologique du titre,
.
.
56
I'incognito leur manque, puisqu'ils sont tous Chevaliers Bienfaisants de la
Cité Sainte connus.
5. - Des mêmes Supérieurs Inconnus, il manque encore aux Grands
Profès le genre de supériorité que ce titre implique. Leurs
statuts et règlements excluent l'intervention dans la machinerie de l'Ordre
pyramidal dont ils sont la pierre à pointe, imperceptible par beaucoup.
6. - De droit et de devoir, et éminemment, imconbent aux Grands Profès
les tâches que le soin de l'Ordre requiert avec modération de tous
les Maçons Ecossais Rectifiés et de tous les Chevaliers Bienfaisants
de la Cité Sainte, Veilleurs et Gardiens; ils spéculent aussi,
poussant aux recherches et aux réflexions sur le dépôt dont
ils encouragent les partisans. Cette action des Grands Profès, quelle
variété dans ses aspects contingents ! Mais jamais le Grand Architecte
de l'Univers ne l'a laissé s'interrompre. Et il n'est pas de cas où
elle se soit exercée - comment l'aurait-elle pu? comment le pourrait-elle
sans se renier? - d'autre façon qu'en esprit et en vérité,
pour le meilleur du Régime Ecossais Rectifié et de l'Ordre des
Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte; pour le bien de la Franc-Maçonnerie;
à l'aide des hommes qui, partout, prient, souvent à leur propre
insu, pour que luise le soleil de justice, source unique de lumière et
de chaleur, où le Seigneur a dressé sa tente et dont souMe Son
Esprit.
Cet essentiel du texte révélateur dit l'essentiel sur la Grande
Profession. Ajoutons quelques remarques en marge.
I. - Histoire.
a) ka Profession et la Grande Profession du Régime Ecossais Rectifié
ont succédé au Chevalier Profès, grade suprême de
la Stricte Observance Templière. La date d'apparition de ce grade dans
la Stricte Observance Templière est discutée: entre 1763 et 1770,
selon certains; à l'occasion, selon d'autres, du Convent de Kohlo (1772)
et sous l'influence du Cléricat de Starck. Jean-Baptiste Willermoz et
plusieurs de ses amis (mais Saint-Martin fit défaut) le reçurent
à Lyon, les 11 et 13 août 1774, des mains de Weiler. Ostabat a
publié et remarquablement présenté, s'agissant de ce grade:
le ~< cérémonial à observer quand un Frere fait sa dernière
profession >); sept articles de la Règle en usage dans l'Ordre de
la Stricte Observance Templière, et qui pour le principal n'est autre
que celle de l'Ordre du Temple, un court extrait de 1' Instruction pour les
habits, croix et armes qui concerne directement les Chevaliers Profes (Cf Les
Chevaliers Profès de la Stricte Observance Templière et du Régi~ne
Ecossais Rectifié, Le Symbolisme, avriljuin 1969, pp. 249-263; I'article
entier occupe les pages 240-283.
b) La Profession et la Grande Profession du Régime Ecossais Rectifié
ont été composées
sous leur forme définitive, par Willermoz, pour le Convent de Lyon (1778).
Iors duquel
elles furent conférées à leurs premiers titulaires. C'est
ainsi que le premier Collège fut
constitué le 3 décembre 1778 par Gaspard de Gasparon (Président),
Willermoz lui-même
.
.
57
(dépositaire général), Jean de Turkheim, F.-R. Salzmann~
Jc;ul Paganucci (censeur) et Jean-André Périsse Duluc (substitut
du dépositaire).
De même Willermoz veilla à ce que des membres éminents,
étrangers à la Nation française, du Convent de Wilhelmsbad
(1782), les reçussent à leur tour, après être devenus,
eux aussi, Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte (ou plutôt
Chevaliers Bienfaisants tout court).
Willermoz a rédigé les textes rituels, notamment les instructions.
Mais il avertit: tout ce que j'y ai inseré concernant la partie scientifique
[ sc. doctrinale ] n'est point du tout de mon invention.
II. - Editions de textes rituels.
Paul Vulliaud a édité l'Instruction secrète pour la réception
des Profès, le Dialogue après
la réceptioo d'un Frère Grand Profès entre le Chef initiateur
et le nouveau reçu,
l'Instruction préliminaire et le Résumé général
de la doctrine (Joseph de Maistre Franc-
Maçon, E. Nourry, 1926, pp. 231-257)
L'Initiation secrète des Grands Profès a été publiée
pour la première fois, par
autorisation, voire par Ordre, dans l'étude précitée d'Ostabat
(p. 264-278), avec une
excellente présentation. En 1973, la fin du texte n'avait pas encore
paru. Aussi faut-il
signaler une édition complète, mais postérieure et très
défectueuse, du texte ap. René Le
Forestier, La FrancMaçonnerie templière et occultiste aux XVIIIè
et XIXè siècle, Paris,
Aubier-Montaigne, et Louvain, Nauwelaerts, 1970, (pp. 1023-1049). c) A plus
d'une reprise, la procédure utilisée par Pont, afin de maintenir
l'existence de la Grande Profession, a été appliquée entre
1830 et nos jours. d) De la nature particulière de la Grande Profession,
il appert qu'au cas d'une réception, toute distinction entre validité
et licéité serait illégitime. Seul le Président
d'un College régulièrement constitué, ou son délégué
est capable de faire un Grand Profes, puisqu'il est seul habilité à
le recevoir dans la classe que le Collège incarne. Il n'y pas de Grand
Profès, ni de Collège, "irrégulier" ou "sauvage";
il peut y avoir des pseudo-Grands Profès et des pseudo-Collèges
de pseudo-Grands Profès.
III. - Doctrine.
L'originalité de la Profession et de la Grande Profession du Régime
Ecossais Rectifié par rapport au Chevalier Profès de la Stricte
Observance Templière est flagrante. Il ne s'agit plus de spiritualité
chevaleresque, même particulièrement templière, mais de
communiquer une doctrine qui remonte à la plus haute antiquité,
un extrait fidèle de cette sainte doctrine parvenue d'âge en âge
par l'initiation jusqu'à nous. Or, cette doctrine, c'est, sous la forme
où Willermoz l'a connue et même dans sa définition qu'il
vient de réumer, le martinésisme.
Sous une réserve importante cependant: la Grande Profession n'est pas
une ordination, de
même que l'Ordre des C.B.C.S. n'est pas l'Ordre des Elus Cohen. Les Grands
Profès ne
.
.
58 pratiquent pas, ès qualités, la théurgie et même
les textes rituels sont à dessein muets sur ce sujet.
Les points capitaux de l'initiation secrète des Grands Profès
sont la nature de l'initiation et celle de la Franc-Maçonnerie; un précis
de l'épopée martinésiste où s'articulent Dieu, les
esprits émanés, le cosmos créé, I'humanité;
une interprétation du symbolisme du Temple de Jérusalem à
la lumière du martinésisme et en rapport avec la Franc-Maçonnerie.
Le but de Willermoz était donc de préserver la doctrine dont Martines
de Pasqually avait été, selon que ce dernier le lui avait enseigné,
l'un des relais seulement; maintenir, quand sombrait l'Ordre des Elus Cohen,
la vraie Maçonnerie selon le modèle que Martines de Pasqually
lui avait révélé comme l'archétype et que garantit
une conformité doctrinale avec la doctrine de la réintégration.
IV. - Maharba, au nom des siens, assure que la Grande Profession enchâsse
I'arcane de la Franc-Maçonnerie. Ne vaudrait-il pas mieux écrire:
I'arcane du Régime Ecossais Rectifié? Mais le Régime Ecossais
Rectifié se tient et se donne pour la perfection de la FrancMaçonnerie
(un peu comme les Elus Cohen jugeaient les autres Rites maçonniques <~
apocryphes). Ainsi se dissipe l'apparente inexactitude. Maharba a-t-il raison
au fond? Le Régime Ecossais Rectifié a-t-il raison au fond? C'est
une autre affaire, hors le sujet; affaire d'opinion.
V. - Enfin, voici le texte de la lettre d'envoi aux Grands Profès de
Genève. Moulinié, Peschier et Aubanel, reçus antérieurement
par communication et constitués le même jour en Collège
métropolitain, des documents qui les habilitaient, (communication fraternelle
de Maharba, à qui grand merci). Document historique, document doctrinal
d'un véritable ésotérisme.
Très chers Frères les Chevaliers et Grands Profès de Genève
!
Nous cédons à vos voeux et à notre conviction en vous envoyant
la légalisation et autorisation nécessaires à la régularité
et à l'extension de vos travaux. Une seule signature accompagne ici celle
du Visiteur général, mais c'est celle du neveu chéri de
feu ab Eremo, de celui qui a été l'objet de toute sa tendresse,
de ses sollicitations les plus secrètes, ainsi que l'écrivain
de la présente en a été l'intime confident. Il le rappelle
ici pour votre douce satisfaction et pour que ce nom vénéré
ne reparaisse au milieu de vous que couronné par le respect de la reconnaissance
qui doivent toujours l'accompagner. Mon frère aîné est absent,
le plus jeune, digne aussi de tous nos suffrages, n'a pu participer aux derniers
travaux d'une manière régulière... Tout le reste a disparu.
Du sein de cette sollicitude que tant de souvenirs animent, nos coeurs ont entendu
votre
voeu, ils l'ont accueilli en se pénétrant de la justice, de la
convenance, de l'utilité, de
l'autorisation demandée, ils se sont émus de joie et de reconnaissance:
Oui ! TT $ CC $ FF
$.
ils vous remercient avec attendrissement et gratitude d'avoir sollicité
de nous cet acte de justice~ de devoir et ils supplient le Dieu de toute miséricorde
de vous le rendre profitable et d'écarter tout ce qui pourrait en résulter
de nuisible en particulier comme en général.
.
.
59
Point d'empressement humain, chers amis et bien-aimés Frères !
Le zèle de l'homme est loin d'être celui de la maison de Dieu !
Soyez pleins de patience, de longanimité, et surtout, Aimez-vous les
uns les autres ; adorateurs et enfants de l'unité, honorez-la et soyez
un comme votre rédempteur, votre Créateur (et leur amour qui sans
cesse engendre, conserve, régénère) sont un. Au nom de
cette unité, qui triomphera de toutes les divisions du temps, aimez-vous,
supportez-vous, secourez-vous les uns et les autres ! Voilà le vrai sens
de toutes nos instructions ! En voilà tout l'esprit ! Puissions-nous
le sentir, le comprendre et l'expérimenter ! Nous vous serrons dans nos
bras et vous demandons la bonne part dans vos souvenirs fraternels, comme nous
vous assurons que vous avez dans les nôtres celle que mesure notre devoir
et notre sincère affection. A tous et à chacun de vous nous offrons
le vrai salut et baiser fraternels.
Vos affectionnés Frères.
[ Signé: ] Antoine Willermoz Joseph Antoine Pont in ordine a Ponte alto.
Lyon 29 mai 1830
IV. - Confidence du passé, exhortation pour l'avenir.
"Article premier. La Grande Profession de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants
de la Cité Sainte est l'acte par lequel les Chevaliers et les Frères
des classes inférieures du même Ordre qui en seront trouvés
dignes sont initiés, après les épreuves requises, à
la connaissance des mystères de l'ancienne et primitive Maçonnerie
et sont reconnus propres à recevoir l'explication et le développement
final des emblèmes, symboles et allégories maçonniques.
" Cette définition est descriptive, d'après les statuts dont
elle constitue l'article premier. (Mais rien, dans la doctrine, n'interdirait
qu'un Grand Profès, de même qu'un Chevalier Bienfaisant de la Cité
Sainte, fût un profane, c'est-à-dire un non-Maçon). La Grande
Profession conserve en son entier le dépôt de la doctrine de la
réintégration, voilà qui la définit philosophiquement.
L'une et l'autre définitions se concilient, voire s'articulent, se complètent,
pourvu que soient reconnus la vraie origine et le but véritable de la
Franc-Maçonnerie, auxquels s'ordonnent et qu'enseignent peu à
peu les grades successifs du Rite Ecossais Rectifié et que les Grands
Profes cultivent, sous les espèces réelles de la réintégration.
L'essentiel du passé et du futur, Willermoz le déclare dans une
lettre à Salzmann, du 3-12 mai 1812 (inédite, fonds L.A.). Son
propos demeure pour tous ceux qu'il peut concerner. Vous devez vous rappeler,
cher ami, que, dès l'origine de la formation à Lyon de la classe
des Grands Profès annexée à l'Ordre intérieur et
d'un Collège métropolitain, il fut convenu entre tous ceux qui
y participèrent avec connaissance de cause, que l'auteur, ou pour mieux
dire le principal rédacteur, des instructions secrètes de cette
classe qui furent alors produites, ne serait jamais connu:
I) Parce qu'elles ne furent livrees qu'à cette condition.
II) On reconnut que pour attrayer la plupart des hommes il faut jeter un voile
de mystère sur l'origine des choses qu'on leur présente à
méditer.
III) Parce que nul n'étant bon prophète dans son pays, il suffit
souvent que l'auteur d'une bonne chose soit connu pour que la chose même
perde tout son prix. La masse juge l'homme de son gré et non plus la
chose.
.
.
60
Il fut donc convenu que tous s'accorderaient à dire que ces instructions
secrètes venaient du fond de l'Allemagne; que le Frère dépositaire
par de secrètes correspondances en avait heureusement découvert
les possesseurs formant une classe très secrète et ignorée
dans l'Ordre intérieur et qu'il en avait obtenu un dépôt
central pour Lyon à l'époque du Convent National, à la
condition qu'ils resteraient ignorés et que le dépositaire général
correspondrait seul avec eux pour la suite et le complément des dites
instructions; enfin que d'après leur autorisation, quelques Frères
membres du Convent National de Lyon en avaient fait une rédaction plus
correcte en langue fraçaise qui avait reçu leur approbation. Voilà
ce qui fut convenu, voilà le langage que j'ai constarnment tenu envers
tous les autres sans exception, dont je ne me suis jamais écarté
et dont je ne m'écarterai jamais quoiqu'il arrive ailleurs. J'avais tenu
le même langage à mon ami a Ponte alto [ sc. Joseph-Antoine Pont
], et il en était persuadé lorsqu'il alla à Strasbourg
ou je vous l'avais recommandé. Mais, à son retour, quel fut mon
étonnement à la première occasion qui se présenta
sur ce sujet de le voir informé par vous que j'étais l'auteur
de ces instructions ! Je fus atterré de ce coup-là dont je sentis
à l'instant toutes les conséquences présentes et futures.
Je mentirais si je dissimulais que je fus extrêmement sensible à
cet oubli qui, dans ce genre, était plus qu'une imprudence; d'autant
plus que je dus conclure qu'elle n'était pas la première et qu'elle
avait été commise vers d'autes et peut-être aussi par d'autres.
Mais, ferme dans mes principes et dans mes résolutions, je lui niai le
fait. Le F. ab Hedera [ sc. FR.- R. Salzmann ], lui disje, s'est trompé,
ou bien vous l'avez mal compris. Les choses sont comme je vous les ai dites,
tenez-vous-en à cela; je dois le savoir mieux que personne, puisque le
dépôt est venu par mon entremise et qu'il est resté entre
mes mains. Depuis lors, il a évité de m'en reparler, et moi de
même. Si je m'étais cru permis de pouvoir faire une confidence
à quelqu'un, certes, c'est à lui que mon coeur l'aurait faite.
Mais pouvaisje, à cause d'une indiscrétion, me soustraire à
un engagement commun, lorsque tous les autres y restaient assujettis? J'ai pu
sans blesser la vérité soutenir le plan qui a été
convenu, parce que, si j'ai été le principal rédacteur
de ces instructions, je n'ai pas créé la doctrine qu'elles renferment
et n'en suis pas l'auteur. J'en ai déguisé la source pour un plus
grand bien, et voilà tout. Cependant, par ce fâcheux et imprévu
événement, je me vis arrêté tout court dans mes projets
de développement de doctrine que j'avais jugés nécessaires
et dont j'avais depuis quelques années commencé l'exécution
et je pris dès lors la ferme résolution que j'ai suivie de me
concentrer désormais en moi-même sur ces matières, ce qui
vous explique pourquoi, depuis cette époque, je me suis mis beaucoup
moins à découvert. [...]
Vous voyez en même temps que, depuis fort longtemps, j'étais allé
au-devant de vos
observations sur nos instructions des G.P. et que j'avais senti la nécessité
de donner plus
de développement à quelques parties pour les rendre plus intelligibles,
plus attrayantes,
plus profitables. Quand elles furent produites, on voulait bien dire beaucoup,
mais on
craignait encore plus d'en dire trop. On était de plus entouré
de systèmes et de censeurs et
il fallait user de beaucoup de ménagements pour ne heurter personne.
Les temps sont
changés, trente années et plus écoulées depuis lors
ont élagué les systèmes et fait
disparaître bien des censeurs; on peut donc prendre un peu plus de latitude,
sans dévier
néanmoins des bases sur lesquelles la doctrine des G.P. est établie;
et surtout ne pas imiter
les auteurs que vous me citez, qui, tous, ou presque tous, à côté
des vérités les plus
.
.
61 sublimes, ont glissé des idées systématiques et disparates
qui déparent tous leurs écrits: unité et simplicité
de doctrine doit être le caractère de l'initiation des G.P., comme
son but distinctif doit être de faire sentir la nécessité
de la religion chrétienne et de la faire aimer et pratiquer, puisqu'il
est hautement avoué dès le 4è grade [ sc. Maître
Ecossais de Saint-André ].
Je pense comme vous, cher Ami, que ces explications données sur les grades
symboliques sont trop incomplètes et devraient être plus é~endues.
Lorsqu'elles furent produites, on trouvait tout trop long et il fallut trop
abreger. On peut y obvier si tous ceux qui ont des idées sur ces objets
veulent fournir des notes qui faciliteraient le travail. Fournissez les vôtres
et promptement. De plus, les quatre rituels ont été fort embellis,
surtout le quatrième, par les additions qui y ont été faites
d'après les bases qui furent adoptées à Wilhelmsbad. Il
faut donc aussi les expliquer. Je pense aussi avec vous qu'il faudrait y développer
le but, les avantages et les rapports de l'Ordre intérieur dans l'assemblée,
vu qu'il est aujourd'hui fixé sur des bases invariables. Fournissez donc
vos notes et observations sur toutes les parties qui composent les instructions
des G.P., pour pouvoir parvenir à les rendre plus utiles.
Relisez en critique toutes ces instructicns; notez, dans quelle partie que ce
soit, les lacunes, les obscurités, les besoins d'explications ou de développement
qui vous frapperont; proposez vos idées sur le comment et le pourquoi.
Ces choses peuvent être rendues plus claires, plus complètes, plus
utiles. La réunion des idées qui viendront de vous et d'ailleurs
pourra faire jaillir quelques nouveaux traits de lumière qui en prépareront
le plus grand perfectionnement possible. [...]
En plusieurs lieux, dans les séances qui sont consacrées par les
statuts des G.P. à l'étude et aux conférences sur leurs
instructions secrètes, on y fait ces jours-là un travail mixte;
on s'occupe de divers systèmes hypothétiques, souvent plus ou
moins discordants; on y raisonne sur des peut-être. Je dis qu'au milieu
de ces divagations scientifiques où la vérité reste encore
obscure, la curiosité humaine se satisfait, mais la vraie foi n'y gagne
rien. L'initiation des G.P. instruit le Maçon, éprouve l'Homme
de Désir, de l'origine et formation de l'univers physique, de sa destination
et de la cause occasionnelle de sa création, dans tel moment et non un
autre; de l'émanation et l'émancipation de l'homme dans une forme
glorieuse et de sa destination sublime au centre des choses créées;
de sa prévarication, de sa chute, du bienfait et de la nécessité
absolue de l'incarnation du Verbe même pour la rédemption, etc.
etc. etc. Toutes ces choses desquelles dérive un sentiment profond d'amour
et de confiance, de crainte et de respect et de vive reconnaissance de la créature
pour son Créateur, ont hé parfaitement connues des Chefs de l'Eglise
pendant les quatre ou six premiers siècles du christianisme. Mais, depuis
lors, elles se sont successivement perdues et effacées à un tel
point qu'aujourd'hui, chez vous comme chez nous, les ministres de la religion
traitent de novateurs tous ceux qui en soutiennent la vérité.
Puisque cette initiation a pour objet de rétablir, conserver et propager
une doctrine si lumineuse et si utile, pourquoi ne s'occupe-t-on pas sans amalgame
de ce soin dans la classe qui y est spécialement consacrée?
.
.
62
CHAPITRE IV
L'Ordre MARTINISTE
Historique
1. - A. - Selon Papus même et à sa diligence: premières
initiations personnelles en 1884; cahiers et premières " loges "
en 1887-1890.
En 1891 est fondé le Suprême Conseil de l'Ordre martiniste dont
Papus s'éfforcera jusqu'à sa mort de perfectionner l'organisation.
Papus place son Ordre en connexion avec Martines de Pasqually et les Elus Choen,
Saint-Martin, Willermoz et les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte,
qu'il mêle un peu tous, en y joignant les Philosophes Inconnus.
Papus meurt en 1916, Détré (Teder) lui succède, qui meurt
en 1918. Bricaud devient Grand Maître et s'affirme en possession de la
succession cohen dont Papus n'aurait même pas, selon lui, soupçonné
l'existence. Constant Chevillon en 1934, Henri-Charles Dupont en 1944, Philippe
Encausse en 1960 sont les Grands Maîtres suivants.
" B. - Philippe Encausse avait, de son côté, en 1952, réveillé
l'Ordre martiniste fondé par son père, qui avait quelque peu viré
de bord.
En 1958, Philippe Encausse avait, avec son Ordre martiniste, Dupont avec son
Ordre désormais intitulé Ordre martiniste-martinéziste
et, enfin, Robert Ambelain avec son Ordre des Elus Cohen, devenant, en la circonstance,
l'Ordre martiniste des Elus Cohen, avaient constitué l'Union des martinistes.
Quand Philippe Encausse succéda à Dupont, il fusionna l'Ordre
martiniste et l'Ordre martiniste-martinézistes. (Cf Dr Philippe Encausse,
L'Ordre martiniste en 1960, Les cahiers de la Tour Saint-Jacques, II-III-IV
(, pp. 190-192).
En 1962, L'Ordre martiniste et l'Ordre martiniste des Elus Cohen s'unirent à
leur tour pour ne plus former que l'Ordre martiniste, lequel comporta deux cercles:
un cercle extérieur, ou Ordre martiniste classique, et un cercle intérieur
dit Ordre des Elus Cohen (Cf L'Initiation, avril-juin 1963, pp. 59-63).
En 1967, Ambelain démissionne de son poste de Souverain Grand Commandeur
de l'Ordre des Elus Cohen (ou cercle intérieur de l'Ordre Martiniste)
en faveur d'Ivan Mosca qui, aussitôt, choisit l'indépendance et
le sommeil.
En 1971, Philippe Encausse démissionne au profit d'Irénée
Séguret, de la présidence de l'Ordre Martiniste (la présidence
ayant remplacé, depuis 1966, pour une raison évangélique,
la Grande Maîtrise) ; il en devient Président d'Honneur et Secrétaire
général. Puis, il succède, le 1er janvier 1975, à
Irénée Séguret, démissionnaire.
" C. - Enregistrons la naissance par Scissiparité (ou par schisme?),
entre les deux guerres mondiales, de:
" L'Ordre Martiniste Traditionnel fondé par Victor-Emile Michelet
(premier Grand Maître) et Augustin Chaboseau, second Grand Maître
après la mort du premier, en 1931, en réaction contre Bricaud
; réveillé, en septembre 1945, avec Augustin Chaboseau comme
.
.
63
Grand Maître un peu malgré lui, auquel succéda, aprés
sa mort, en 1946, son fils Jean; dissous par ce dernier, un an plus tard, par
égard à l'individualisme de Saint-Martin. En Août 1933,
à Bruxelles, Augustin Chaboseau confèra le titre de Souverain
Légat de l'Ordre Martiniste Traditionnel pour les Etats Unis d'Amérique
à H. Spencer Lewis, " Impérator " de l'Ordre rosicrucien
A.M.O.R.C. Les fondements pour la réorganisation de l'Ordre Martiniste
en Amérique furent solidement établis par le Dr. H. Spencer Lewis
avant sa mort prématurée, le 2 Août 1939.
Ralph M. Lewis, fils de H. Spencer Lewis, qui avait été initié
au 4è degré de l' O.M.S. par Blanchard, le 10 Septembre 1936,
fut reçu, de même " Supérieur Inconnu Initiateur "
dans l'O.M.T. par Georges Bogé de Lagrèze, Légat de Chaboseau,
et ce dernier lui octroya, en Octobre 1939, une nouvelle Charte pour installer
l'Ordre Martiniste Traditionnel aux U.S.A. Aprés la guerre, le 12 Novembre
1945, Lagrèze proposa à Ralph M. Lewis d'étendre son activité
à l'Amérique du Sud et au Canada.
Le 13 Juillet 1959, Ralph M. Léwis reçut dans l'Ordre Martiniste
Traditionnel Raymond Bernard, Grand Maître de l'A.M.O.R.C. pour les pays
de langue française, et lui confia le soin de réimplanter l'O.M.T.
dans ces pays, avec le Titre de Grand Maître. Le premier groupe (ou Heptade)
fut fondé en 1966. En 1977, Christian Bernard succède à
son père Raymond Bernard.(Notez qu'un an auparavant, à la suite
de nombreuses candidatures provoquées par une émission télévisée,
l'entrée dans l'O.M.T. de langue française cessa d'être
réservée aux membres de l'A.M.O.R.C. Un lien administratif subsiste,
néanmoins, entre les deux organisations: Christian Bernard dirige à
la fois l'O.M.T. et l'A.M.O.R.C. pour les pays de langue française, de
même que Ralph M. Lewis est à la fois " Souverain Grand Maître
" de l'O.M.T. et " Impérator " de l'A.M.O.R.C.
" L'Ordre martiniste et synarchique, fondé par Victor Blanchard,
en 1934, encore présent en Grande-Bretagne, au Canada et aux Etats-Unis;
une branche française semble se réveiller.
" L'Ordre martiniste Rectifié, fondé par Jules Boucher en
1948, chétif et quasiment mort-né.
Robert Ambelain, quand il eut abandonné l'Ordre des Elus Cohen, fonda,
en 1968, l'Ordre martiniste Initiatique, qui reste discret.
Enfin, plusieurs ensembles de groupes nationaux se sont détachés
de l'Ordre martiniste pour constituer l'Ordre martiniste suisse, l'Ordre martiniste
belge etc... En général, ces Ordres Martinistes Nationaux ont
maintenu des relations fraternelles avec l'Ordre Martiniste père.
Pour mémoire, un " Ordre martiniste libéral ", un "
Ordre martiniste secret ", un Ordre martiniste universel ", etc.
2. - A. - Saint-Martin n'a pas fondé l'Ordre martiniste (ni d'ailleurs
aucun Ordre ni aucune société d'aucune sorte, ni non plus aucun
Rite maçonnique).
" B. - L'Ordre martiniste est né en 1891. Tous les autre Ordres
martinistes sont dérivés, en tant que tels et d'une manière
ou d'une autre, de celui-là.
3. - L'Ordre martiniste de Papus prétend transmettre une initiation spécifique
dite: de Saint-Martin. Celle-ci aurait pu se transmettre, avant 1891 et même
depuis cette date, en dehors de l'Ordre martiniste. Qu'en est-il?.
.
.
64
A. - Saint-Martin n'a pas conféré d'initiation rituelle sui generis,
soit qu'il en ait été le créateur, soit qu'il ait modifié
une initiation à lui conférée. L'invraisemblance psychologique
de l'hypothèse contraire est extrême. Et, en toute hypothèse,
pas le moindre indice documentaire.
B. - Aucune tradition familiale ou autre ne résiste à l'examen.
En particulier la pseudofiliation de Papus (Saint-Martin qui genuit Chaptal
qui genuit Papus) est controuvée. C. - La filiation dite russe ne l'est
pas moins. Les martinistes au XVIIIè siècle en Russie sont des
Maçons Ecossais Rectifiés, des Chevaliers Bienfaisants de la Cité
Sainte et/ou des amateurs de Saint-Martin, maçons ou non.
D. - Sur le rapport de l'Ordre martiniste avec la Franc-Maçonnerie, beaucoup
d'erreurs ont été répandues. L'Ordre martiniste n'est pas
une société maçonnique. D'une part, Papus, aprés
avoir été refusé par la grande Loge de France pour crime
d'occultisme, en 1899, souhaita d'autant plus que l'Ordre martiniste contribuât
à " spiritualiser " la Maçonnerie française et,
très naturellement, accentua la coloration maçonnique de sa propre
société.
D'autre part, la marque maçonnique ne pouvait que s'accentuer du fait
que le recrutement de l'Ordre martiniste s'effectuait, pour la plus grande part
mais pas exclusivement, parmi les Francs-Maçons. (Et aujourd'hui encore,
nombre de martiniste sont Maçons.) Quand il mourut, Papus n'avait pas
désigné de successeur. Il semble même qu'il souhaitait la
dissolution de l'Ordre martiniste et avait chargé Georges Loiselle d'y
procéder, au cas de son décès.
Téder, élu par le Suprème Conseil, maçonnisa de
bon coeur et, en 1918, Bricaud, prétendant à la succession Cohen,
superposa le martinisme à la Franc-Maçonnerie. Pour recevoir le
premier degré martiniste, le candidat devait être Maître
Maçon; pour recevoir d'autres grades martinistes, il fallait posséder
de Hauts Grades maçonniques, etc. Afin de boucler la boucle, Papus, en
1914, puis Bricaud tentèrent de constituer quelque groupe maçonnique
(Loge ou Chapitre) au sein de la Grande Loge Nationale Indépendante et
Régulière qui travaillait au Rite Rectifié. Des pourparlers
s'engagèrent avec Edouard de Ribaucourt, Grand Maître de cette
Obédience. Ils n'aboutirent pas en leur temps.
Mais, en 1961, une Loge fut fondée, sous l'Obédience de la grande
Loge Française-Opéra, et le titre distinctif La France, qui exigea
de ses candidats à l'initiation ou à l'affiliation qu'ils fussent
martinistes c'est-à-dire détenteurs de la prétendue initiation
de Saint-Martin. Depuis 1973, cette exigence a été abandonnée.
4. - La version Chaboseau paraît plausible. Il s'agit d'une chaîne:
Saint-Martin, Abbé de La Noue, Antoine-Marie Hennequin, Henri de Latouche,
Adolphe Desbarolles,Amélie de Boisse-Mortemart, Augustin Chaboseau.
.
.
65
" A. - Je lui ai accordé foi, pour ma part, en 1946. Octave Béliard
m'en blâma, qui, à raison, niait l'existence de toute initiation
issue de Saint-Martin. Mais je persévèrai dans mon opinion.
C'est que G. van Rijnberk avait publié et cautionné et, me semble-t-il,
cet historien scrupuleux n'avait pu manquer de vérifier le témoignage
qu'il garantissait. Las, une visite à Van Rijnberk en 1953 m'apprit que
celui-ci avait reproduit le récit d'Augustin Chaboseau, sans autre forme
de procès.
" B. - Or, ma critique de ce récit aboutit à des conclutions
négatives; elle en révèle les incohérences, les
impossibilités et permet d'en identifier quelques sources (La tradition
martiniste ; mais déjà l'essentiel in la maison où mourut
le Philosophe Inconnu, Bulletin folklorique d'Ile-de-France, janvier-mars 1969
et Balzac et Saint-Martin, L'Année balzacienne, 1965, Paris, Garnier.
1965.
Un document requiert une mention spécial: il apporte le témoignage
de Jean Chaboseau,
fils d'augustin, qui, dans sa lettre de démission, en Septembre 1947,
de la Grande Maîtrise
de l'Ordre Martiniste Traditionnel, affirme que son père n'a jamais reçu
d'initiation rituelle
des mains d'Amélie Boisse-Mortemart (le texte intégral de cette
lettre ap. Dr Philippe
Encausse, Sciences occultes ou 25 années d'occultisme occultisme occidental,
Paris, Ocia,
1949).
5. - Conclusion:
Avant Papus, point d'Ordre martiniste; point non plus d'initiation martiniste,
c'est-à-dire qui proviendrait de Saint-Martin. Ou, si l'on veut, une
initiation intellectuelle et spirituelle, mais point d'initiation rituelle.
.
.
66
PRESENTATION
1. La grande affaire.
L'affaire du martiniste, c'est-à-dire, en particulier, l'Ordre martiniste;
l'affaire des martinistes, c'est-à-dire, EN PARTICULIER, DES MEMBRES
DE L'Ordre martiniste, c'est, pour reprendre un mot de Louis-Claude de Saint-Martin
(1743-1803),éponyme de l'Ordre, la grande affaire. Et la grande affaire
(la grande affaire de l'homme, bien sûr, mais quelle autre grande affaire
mériterait de nous absorber?), la grande affaire donc, c'est celle que
tentent de cerner les questions auxquelles aucun homme pensant, en tant que
tel, ne peut échapper:
D'où viens-je? Qui suis-je? Où vais-je?
Or, de ces trois questions, la seconde est capitale: la connaissance de soi
éclaire notre origine qui fixe notre destination.
L'homme vivant, en tant que tel, et avant même de formuler les thèmes
de son angoisse, aspire après le bonheur et souffre; il agonise du désir
de l'éternité parce que le temps l'enserre, et il éprouve
à chaque instant les limites fixées à sa joie, à
sa science et à son énergie, tandis qu'il possède en idée
l'infini et reste insatisfait faute de l'atteindre et ainsi d'y participer.
Mais qui est malheureux de n'être plus roi, demande Saint-Martin, sinon
un roi déchu? Il ne nous importe que de regagner notre royaume. Laissons
la métaphore: L'homme, émané de Dieu, puis tombé,
ne se retrouvera lui-même, dans la perfection (qui est paix et bonheur)
propre à sa nature, qu'en remontant à son état primordial,
puis en réintégrant son Principe. De même que la chute s'ensuit
de la prétention d'Adam à opérer sans le concours divin,
de même cette opération salutaire et libératrice, qui comprend
deux étapes majeures, n'est réalisable que par l'effort conjugué
de l'homme et de Dieu. Voir le Tableau naturel des rapports qui existent entre
Dieu, l'homme et l'Univers. éd. 1782, t II, pp. 135-145.">La
grande affaire, Saint-Martin l'a décrite en mode symbolique, de la manière
suivante:
Considérons le nombre 4, nombre triangulaire selon les Pythagoriciens,
tétractys divine, qu'on peut figurer ainsi dans son mouvement générateur
du dénaire:
1 10
..
..
..
4
Un, c'est l'Unique, le Principe, Dieu. 0, c'est le Multiple, la Création,
la Circonférence, L'Univers fait de pure apparence. 4, c'est L'homme.
Or, le nombre 4, se trouvant entre l'Unité et le nombre 10, ne paraît-il
pas avoir la fonction de faire communiquer l'Unité jusqu'à la
circonférence universelle, ou le zéro? Ou, pour mieux dire, ne
paraît-il pas être l'intermède placé entre la sagesse
suprême, représentée par l'unité et l'Univers, représenté
par le zéro? En voici la figure:
1... 4... 0
.
.
67
Mais l'homme a quitté le centre, abandonné le poste et s'est approché
de la circonférence matérielle jusqu'à s'y confondre et
s'y renfermer; dès lors il est devenu matériel et ténébreux
comme elle, et voici la nouvelle figure que son crime à produit:
1.....Ø
La matière forme ainsi écran, obstacle, prison entre l'homme qui
devait en être le geôlier et Dieu qui avait nommer l'homme son député.
Si la Vertu divine ne s'était pas donnée elle-même, jamais
l'homme n'en aurait pu recouvrer la connaissance; ainsi il ne lui eut jamais
été possible de remonter au point de lumière et de grandeur
où les droits de sa nature l'avaient appelé. Mais la Vertu divine
est venue parmi les hommes en rétablissant l'Unité primitive et
en remettant toutes les puissances dans leur ordre naturel. Cet ordre est en
effet restauré par la pénétration de l'Unité dans
le quaternaire de l'homme: Ø Nous avons résumé à
l'extrême, voire à l'excès, la démonstration de Saint-Martin.
Mais celui-ci, dont le lecteur est invité à méditer le
texte, élucide le rôle des vertus "Parce que la Vertu divine,
Agent universel, a fait les premiers pas, l'homme peut revenir à l'Unité.
De cette Vertu, de cet Agent, le rôle est donc en l'occurence, ainsi qu'il
est normal, un rôle décisif.
Ne nous étonnons point cependant des différentes opinions auxquelles
les hommes se sont arrêtés
sur l'Agent universel. Quelque idée qu'ils s'en soient formée,
il n'est rien en fait de <vertus, de
dons et de pouvoir, qu'ils n'aient pu trouver en lui. Les uns ont dit que c'était
un Prophète;
d'autres un homme profond dans la connaissance de la Nature et des Agents spirituels;
d'autres un
Etre supérieur, d'autres enfin une Divinité: tous ont eu raison,
tous ont parlé conformément à la
vérité et toutes ces variétés ne viennent que des
différentes manières dont les hommes se sont placés
pour contempler le même objet. Le tort qu'on eu les premiers, c'est de
vouloir rendre exclusif et
général le point de vue particulier qui se présentait à
eux; les seconds de ne pas se proportionner à la
faiblesse de leurs disciples et de vouloir leur faire admettre, sans le concours
de leur intelligence, les
vérités les plus fécondes que l'esprit de l'homme puisse
embrasser. (Tableau naturel...,op. cit. t. p. 146."
Voilà pourquoi l'Ordre martiniste, qui prône un dogmatisme éclairé,
a choisi comme
entête des papiers, devise de la société, emblème
de science, maxime d'action, symbole de
vie, ce mot, ce Nom à lire avec intelligence:
d c y d i
Par l'Agent universel, Réparateur divin, l'homme est devenu capable d'opérer
sa
réintégration et de travailler à la réintégration
de tous les êtres, dans leurs premières
propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines
2. Martines de Pasqualy - Louis- Claude de Saint-Martin - Jakob Böhme.
Les derniers mots qu'on vient de lire sont tirés du Traité de
la réintégration, par Martines de Pasqually (1727-1774). Martines
de Pasqually fut en effet le premier maître de Saint-Martin et la fidélité
de celui-ci à la doctrine de celui-là ne connut point de relâche
et fut presque entière.
.
.
68
Le trop rapide aperçu sur l'origine et la destination de l'homme que
Saint-Martin nous a inspiré, expose aussi - et par une relation de cause
à effet - la pensée de Martines de Pasqually.
Mais on a compris que le martinisme est autant manière de vivre que matière
de penser; pratique et théorie n'y sont pas dissociées. Niant
que l'immatériel en l'homme se puisse réduire à la raison
disursive, même assistée de quelque intuition intellectuelle (Oeuvres
postumes, Tours, Letourmy 1807, t. II., p. 407."), il invite l'homme à
pressentir, puis à discerner, à expérimenter enfin sa composante
- qui ne peut être que son essence - divine. L'âme est le nom de
Dieu. Et cette révélation est vocation; elle entraîne une
éthique, une ascèse, une technique spirituelle.
La technique propre à rétablir le contact unifiant de la partie
dégradée et du Tout, la technique inséparable d'une éthique
et d'une ascèse pour Martines de Pasqually comme pour Saint-Martin, le
premier l'a définie et enseignée comme une théurgie rituelle.
Martines de Pasqually admet certes qu'entre l'homme et Dieu, une communication
immédiate, à la fois cognitive et amoureuse, qu'on pourrait dire
mystique, serait glorieuse et plus conforme à notre vraie nature.
Mais, depuis la chute, constate Martines de Pasqually, la liaison est coupée
au niveau supérieur, et lorsque Saint-Martin lui demande s'il faut tant
d'ornements, de gestes, de paroles, tant d'intermédiaires et tant d'adjuvants
pour prier Dieu, Martines de Pasqually repond (non pas, me semble-t-il, sans
une grande nostalgie et quelque amertume): Il faut bien se contenter de ce qu'on
a.
Or, ce qu'on a, selon Martines de Pasqually, c'est le moyen de requérir
l'assistance des bons esprits pour lutter contre les esprits pervers, par desopérations
qui constituent, audelà de leurs formes partiellement variables, le culte
permanent prescrit par Dieu à l'homme. Les prêtres de ce culte
ont été désignés, depuis Adam, par des noms divers;
ils ont été groupés en des sociétés aux structures
et aux noms divers eux aussi. Leur lignée sans faille s'est perpétuee
à partir du XVIIIe siècle et jusqu'à nos jours dans la
secte mystérieuse que fonda Martines de Pasqually et que lui-même
intitula: Ordre des Chevaliers Macons Elus Coën de l'Univers (Sur les Elus
coëns et les néo-coëns,Cf. supra, Chap. I.). A cet Ordre, Saint-Martin
a appartenu et l'on peut dire que, toute sa vie durant, Coën il fut et
Coën il resta. J'entends Coën d'esprit et de coeur, Coën d'intelligence
et de foi - mais non point de méthode. Plus exactement, il ne rejeta
pas la méthode coën, mais, très vite, la transposa.
Non seulement, en effet, Saint-Martin ne s'est jamais proposé et n'a
jamais proposé aux hommes d'autre but que la réintégration
dont Martines de Pasqually lui a précisé la notion, fourni le
terme, affiné le goût et excité le désir; mais, pour
Saint-Martin comme pour Martines de Pasqually, la méthode, c'est la théurgie.
Saint-Martin fait même une place aux vertus et aux puissances intermédiaires.
Mais Saint-Martin estime que le travail avec et sur ces vertus et ces puissances
s'accomplit au mieux dans notre intérieur; opération du coeur
en un triple sens; travail de connaissance (l'oeil du coeur est l'organe de
la science spirituelle); travail d'amour (le coeur est l'organe du sentiment);
travail enfin des forces vitales intérieures liées au sang: imagination,
paroles et gestes.
.
.
69
Voilà en quel sens la voie tracée, suivie et signalée par
le Philosophe Inconnu est dite interne (Saint-Martin) et cardiaque (Papus).
A intérioriser la méthode de Martines de Pasqually, Jakob Bohme
ne pouvait qu'encourager Saint-Martin, et le Philosophus teutonicus, le cordonnier
de Gorlitz (1575-1624), I'y encouragea en effet. Bohme fournit notamment à
Saint-Martin l'idée extrêmement importante de Sophia, ou Sagesse
divine. Cette idée permit à Saint-Martin de mettre au point sa
doctrine relative au rôle des vertus intermédiaires et au bon usage
qu'il sied à l'homme d'en faire. Car, d'une part, la Sophia exerce, tant
en l'homme que dans le monde et devant Dieu, des fonctions que Martines de Pasqually
(non par ignorance, croyait Saint-Martin, mais pour des raisons pédagogiques)
avait attribuées à des classes différentes d'êtres
invisibles. D'autre part, des épousailles de l'homme avec Sophia naît
en chacun le Verbe, dont le lien avec les vertus intermédiaires se trouve
ainsi renforcé. On comprend donc que, pour Saint-Martin, la démarche
du théurge, mieux nommé désormais théosophe, conjugue
le travail intérieur - sophiurge principalement - avec l'étude
de la nature dont le symbolisme dévoile la Sophia qui l'anime. Cette
démarche théosophique mène à l'initiation. Et même,
en un sens, des son premier mouvement, elle est initiation. L'enseignement de
Saint-Martin, issu des leçons de Martines de Pasqually et de la lecture
de Bohme, confirmé et exalté par les réflexions et les
expériences du Philosophe Inconnu, vise à initier l'homme. Pour
résumer le sens de la voie qui, selon Saint-Martin, conduit à
traiter heureusement notre grande affaire, écoutons Saint-Martin lui-même
nous parler de l'initiation.
Il faut d'abord observer les premières applications du vrai sens du motinitier
qui, dans son
étymologie latine, veut dire rapprocher, unir au principe; le mot initium
signifiant aussi bien
principe que commencement. Et dès lors, rien de plus conforme à
toutes les vérités exposées
précédemment, que l'usage des initiations chez tous les peuples,
rien de plus analogue à la
situation et à l'espoir de l'homme que la source d'où descendent
ces initiations et que
l'objet qu'elles ont dû se proposer partout, qui est d'annuler la distance
qui se trouve entre
la lumière et l'homme, ou de la rapprocher de son principe en le rétablissant
dans le même
éclat où il était au commencement (Tableau naturel...,
op. cit., t. II, P. 235.")
Tel est le but, nous le savons. Quant au moyen, au moyen de l'initiation, voici:
La seule-initiation que je prêche, écrit Saint-Martin, et que je
cherche de toute l'ardeur de mon âme est celle par laquelle nous pouvons
entrer dans le coeur de Dieu et faire entrer le coeur de Dieu en nous, pour
y faire un mariage indissoluble, qui nous rend l'ami, le frère et l'épouse
de notre divin Réparateur. Il n'y a d'autre mystère pour arriver
à cette sainte initiation que de nous enfoncer de plus en plus jusque
dans les profondeurs de notre être et de ne pas lâcher prise, que
nous ne soyons parvenus à en sortir la vivante et vivifiante racine.
(Correspondance inédite..., Paris, Dentu, 1862, p. 322.)
3. L'Ordre martiniste.
Son enseignement initiatique, qui s'insère dans l'admirable tradition
de l'illuminisme
chrétien, Saint-Martin le dispensa de bouche à l'oreille, tenant
avec ceux et celles qu'il
jugeait initiables mainte conférence. Il le dispensa surtout par des
livres qui n'avaient
.
.
70
d'autre but, selon son propre voeu, que d'inviter le lecteur à laisser
là tous les livres, sans
en excepter les siens. L'oeuvre écrite de Saint-Martin demeure la source
vive, toujours
ouverte à tous quoique tous ne puissent toujours s'y abreuver, où
puiser la doctrine du
Philosophe Inconnu.
Cette doctrine a, pendant le dernier quart du XVIIIè siècle et
presque tout le XIXè siècle, guidé un nombre d'hommes et
de femmes qu'on ne saurait chiffrer, mais qui semble plutôt sous-estimé
d'ordinaire - d 'hommes et de femmes qui connurent Saint-Martin, soit par Saint-Martin
lui-même en son corps de chair, soit par ses livres, soit par le truchement
d 'un de ses amis, d'un de ses disciples, soit enfin par plusieurs de ces canaux
à la fois.
Il parut intuitivement au Dr. Gérard Encausse (1865-1916) que, pour préserver
le dépôt de la doctrine martiniste - où il avait senti qu'était
préservé le trésor de l'illuminisme occidental -, pour
en favoriser l'étude, la mise en oeuvre et la diffusion; il parut à
Papus que la fondation d'un Ordre initiatique serait opportune et efficace.
Aussi, de premières initiations individuelles eurent lieu en 1884; peu
après, une première loge fut fondée; des cahiers d'instruction
virent le jour à partir de 1887 et, en 1891, le premier Suprême
Conseil est constitué, qui réunit les principaux occultistes de
l'époque. Papus était lui-même Président de ce Suprême
Conseil; il prit ensuite le titre Grand Maître. Or, de Papus à
Philippe Encausse, son fils, la même conception s'est maintenue de l'Ordre
en tant que société: Ne demandant a ses membres ni cotisation,
ni droits d'entrée dans l'Ordre, n'exigeant non plus aucun tribut régulier
de ses loges au Suprême Conseil, le Martinisme est resté fidèle
à son esprit et à ses origines en faisant de la pauvreté
matérielle sa première règle. [...] Par là, aussi,
il a pu demander à ses membres un travail intellectuel soutenu, créer
des écoles, distribuant leurs grades exclusivement à l'examen
et ouvrant leurs portes à tous à condition de justifier d'une
richesse intellectuelle ou morale quelconque, et renvoyant ailleurs les oisifs
et les pédants qui pensaient arriver à quelque chose avec de l'argent.
(Papus, Martinésisme, Willermosisme, Martinisme et Franc-Maçonnerie.
Paris, Chamuel, 1899, pp.41-42.)
L'Ordre en question - il est utile de le souligner - était l'Ordre martiniste.
L'épithète choisie par Papus, que sa polysémie induisit
en confusion, avant d'apprendre à l'expliciter, l'épithète
"martiniste" référait objectivement à Saint-Martin
et Papus détachera de plus en plus cette référence. Pour
nous, son sens est clair: l'Ordre martiniste a été placé,
selon le désir providentiel de son fondateur et conformément à
son instinct spirituel très sûr, sous le patronage et dans la mouvance
ésotérique du Philosophe Inconnu.
Il est remarquable que la tradition de l'illuminisme chrétien où
participe Saint-Martin ait
été corroborée, dans l'O.M., à partir de 1894-1895,
par Nizier Philippe, dit "Maître
Philippe", dont Papus s'honorait de n'être que le "petit fermier".
A M. Philippe, Papus, qui
avait été scientiste puis s'était adonné à
la magie cérémonielle, dut d'entrer dans la
troisième phase - la plus haute certes - de son existence terrestre:
La phase mystique au
seuil de laquelle il fonda l'Ordre martiniste. Et M. Philippe Le Maître
Inconnu passe pour
être le chef, L'initiateur, L'apôtre presque invisble mais ardent
d un grand mouvement
mystique qui, au-dessus des religions officielles et malgré leurs dogmes,
circule en ce
moment parmi les nat">s'intéressa si fort à cette fondation
qu'il conseilla même pour
.
.
71 plusieurs détails d'ordre administratif et symbolique (pantacle et
médaille vers 1898). Cf Reproduction du pantacle et de la médaille,
pp. 166-167.)
Marc Haven, Sédir, Phaneg, Albert Legrand, que M. Philippe et Papus avaient
engagés sur la voie cardiaque, soit directement, soit indirectement,
ont, de même que M. Philippe et Papus eux-mêmes, rénové
la présentation de certains aspects de la doctrine de Saint-Martin; ils
ont développé plusieurs points de cette doctrine et leur enseignement
a contribué et contribue à l'instruction des membres de l'Ordre
martiniste. L'instruction initiatique, si l'on veut employer le mot propre,
cette instruction initiatique, c'est la gnose. Saint-Martin dit très
bien: L'Elu universel n'a été chargé, pendant sa manifestation
temporelle, que d'apporter cette loi [ de la réintégration ] aux
hommes et de la leur expliquer, mais non pas de l'exécuter sans le concours
de leur volonté. Il lui suffisait donc de leur donner une idée
juste de la Science divine et de leur apprendre que cette science n'est autre
chose que celle des lois employées par la Sagesse suprême, pour
procurer aux êtres libres les moyens de rentrer dans sa lumière
et dans son unité.
De ces lois, nous avons tout à l'heure, dociles au geste de Saint-Martin,
pris une vue
panoramique. D'un mot, rappelons que l'homme déchu, celui dont on peut
dire avec
désolation Ecce homo, doit devenir - c'est le premier stade de l'éveil
- I'Homme de désir; les
entreprises de l'Homme de désir le transformeront, par une vraie divinisation
ou plutôt
une redéification, en Nouvel homme dont la mission sera d'assurer, en
vue de la
réintégration universelle, le Ministère de l'Homme-Esprit.
Pour suivre ce progrès, il faut étudier la Nature, sanctuaire
de la Sophia et, par elle, communiquer avec celle-ci. Il faut pratiquer les
techniques qui, après que l'homme a - et s'il n'a pas qu'importe? - joué
de son intelligence discursive, permettent d'obéir à l'injonction
martiniste fondamentale: Faites place à l'Esprit. Il y a une technique
de l'illumination et la voie cardiaque est une voie méthodique. La prière
du coeur, dans l'hésychasme, commence par des recettes.
Dans l'accomplissement de ces tâches, qui ressortissent à la grande
affaire de l'homme, L'Ordre martiniste a pour fin d'aider ses membres. S'il
peut y parvenir, c'est grâce à sa fidélité à
la doctrine de Saint-Martin et de tous ceux qui sont, dans l'ascendance et dans
la postérité spirituelles de Saint-Martin, ses Maîtres passés.
Mais, en fin de compte, seule une facilité de langage autorise à
parler de Maîtres dans l'Ordre martiniste: grands maîtres ou maîtres
passés. Louis-Claude de Saint-Martin luimême n'est pas un maître,
au sens fort. Car, en martinisme, il y a des guides très précieux
mais il n'y a pas de maîtres; ou plutôt il n'y a qu'un Maître
et ce n'est pas un homme: Ne vous faites point appeler Maître. Car vous
n'avez qu'un seul Maître: et vous êtes tous frères. ()
Si les techniques et les recettes sont nécessaires sur la voie initiatique,
et donc sur la voie
martiniste, il n'existe pourtant aucune technique infaillible, aucune recette
totale et d'un
effet pour ainsi dire mécanique. La charitas, reflet de la grâce,
appel de la grâce, la charitas
- qui est, selon qu'on voudra traduire, amour, amitié, charité
- est primordiale: Quand je
parlerais les langues des hommes et celles des anges, si je n'ai pas la charitas,
je ne suis qu'un
airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Quand j'aurais le don
de prophétie et
quand je connaîtrais tous les mystères et toute la science; quand
j'aurais toute la foi jusqu'à
.
.
72 transporter les montagnes, si je n'ai pas lacharitas, je ne suis rien. Quand
je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais
mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas l'amour, cela ne
me sert de rien. ()
Or, cet amour inspire le désir de la connaissance et s'augmente par une
connaissance accrue.
Cet amour-là allié avec cette connaissance-là, n'est pas
la gnose, qui implique la fraternité
universelle et l'invention des symboles? Malheur à quiconque croira pouvoir
connaître
Dieu par un autre moyen que par l'amour ! Comment arriver au sein des êtres,
si ce n'est
par leur analogie? ()
A l'amour, que son amour a suscité, Dieu répond par l'amour. Grâce
après grâce, grâce pour grâce.
En termes simples, car il s'agissait de lancer l'hameçon, Papus a excellemment
suggéré tout cela et rien d'autre, quand il a qualifié
ainsi son Ordre:
Dérivant directement de l'illuminisme chrétien, le Martinisme
devait en adopter les principes. [...] L'Ordre dans son ensemble est surtout
une école de chevalerie morale, s'efforçant de développer
la spiritualité de ses membres par l'étude du monde invisible
et de ses lois, par l'exercice du dévouement et de l'assistance intellectuelle
et par la création dans chaque esprit d'une foi d'autant plus solide
qu'elle est basée sur l'observation et sur la science. ()
Les Martinistes ne font pas de magie, soit blanche, soit noire. Ils étudient,
ils prient et ils pardonnent les injures de leur mieux. ()
Accusés d'être des diables par les uns, des cléricaux par
les autres, et des magiciens noirs ou des aliénés par la galerie,
nous resterons simplement des chevaliers fervents du Christ, des ennemis de
la violence et de la vengeance, des synarchistes () résolus, opposés
à toute anarchie d'en haut et d'en bas, en un mot des Martinistes.)
.
.
73
PROGRAMME DE TRAVAIL I. - DEFINITIONS.
Le martinisme est le système de théosophie composé par
Louis-Claude de Saint-Martin et exposé dans ses ouvrages. Un martiniste,
une martiniste est celui, celle qui reçoit ce système afin de
l'étudier et de le pratiquer.
On nomme plutôt saint-martinien, saint-martinienne, celui, celle pour
qui l'oeuvre de SaintMartin sert comme objet de seule étude - et donc
l'étude où l'intellect seul s'emploie, puisque l'esprit ne sépare
pas le raisonnement des autres demarches de l'existence. Car, voici le sens
du martinisme: c'est un effort de tout l'homme pour soumettre tout l'homme à
l'esprit, et, en fin de compte, lui laisser le champ libre. Or, I'esprit est
l'étincelle de l'Esprit dans l'âme.
Martiniste signifie donc disciple de Saint-Martin. Quant a l'Ordre martiniste,
fondé en 1891 sous ce titre par le Dr. Gérard Encausse dit Papus
(), il forme une societé qui groupe des martinistes en vue d'un meilleur
apprentissage du martinisme.
Le martinisme ne constitue pas une religion. Il ne se confond pas non plus avec
cet ensemble de théories et de techniques, enracinées dans la
loi des correspondances, qui, depuis Eliphas Lévi, affiche commodément
le titre occultisme.
Par conséquent, la communauté des martinistes ne saurait, sans
trahir le martinisme même, devenir, soit dans sa totalité, soit
dans telle de ses fractions, ni une secte dogmatique et formaliste, ni rien
qu'une école où s'enseigneraient les bases de la symbolique et
les procédés de l'astrologie, de la magie et de l'alchimie. Mais
le martinisme est doctrine d'initiation; d'initiation interne, l'adjectif, s'il
manque, est toujours sous-entendu; d'initiation au vrai sens du mot initier
qui, dans son étymologie latine, veut dire rapprocher, unir au principe
; de cette initiation capable d' annuler la distance qui se trouve entre la
lumière et l'homme, ou de le rapprocher de son Principe en le rétablissant
dans le même état où il était au commencement ().
Le martinisme est un illuminisme et l'Ordre martiniste une société
initiatique.
Dans la famille des doctrines d'initiation, d'illumination, le martinisme appartient
au genre de l'ésotérisme chrétien, c'est-à-dire
judéo-chrétien. Précisons: au genre de la théosophie
chrétienne, ou judéo-chrétienne. Car la théosophie
fait le fond des doctrines et singulièrement des doctrines juives et
chrétiennes - de forme ésotérique. Invité par son
Principe, I'homme de désir courtise la Sagesse divine pour l'épouser
et l'engrosser du nouvel homme; il la presse, tant à la fine pointe de
son âme que dans la nature.
Cette seconde démarche vise à identifier les cachets dont Sophia
a scellé les mondes visibles et invisibles et que l'occultisme décrit
et utilise, sans plus. D'autre part, les dogmes religieux n'ont point d'autre
objet que l'affaire de Dieu avec l'homme; il importe au théosophe de
les approfondir pour en goûter l'amande en son intimité. et de
même quant aux rites: tâches ésotériques par excellence.
.
.
74
Le martinisme, que la religion et l'occultisme concernent, pourra explorer les
domaines adjacents du mysticisme et de la philosophie, dont maint état
d'ailleurs ressortit à celui-ci ou à celle-là.
Par ses manifestations supérieures, le mysticisme ne diffère pas
de la voie initiatique. Par d'autres, il la jouxte. Mais en d'autres encore
- prenons-y garde - il déchoit à une sentimentalité pseudo-mystique.
Examinez tout, avise l'Apôtre, gardez ce qui est bon. () La philosophia
perennis peu ou prou se cache et quelquefois éclate, autant que chez
certains mystiques, dans de nombreuses philosophies. Pythagore, l'inventeur,
dit-on, de ce dernier vocable, l'entendait comme ascèse initiatique;
Platon aussi, et Plotin, et les alchimistes opposés aux souffleurs; et
Saint-Martin lui-même, quand il se targuait, par antiphrase selon son
temps, de personnifier le Philosophe Inconnu, Philosophia ancilla theosophiae,
sauf à être la théosophie même.
Ainsi le programme des travaux offerts au choix des martinistes se déploie
sur une belle envergure. A chacun d'y puiser, selon ses goûts et ses talents,
à son plaisir et à son profit. Le choix n'est pas décisif:
le thème vaut moins que la méthode. Car sa méthode, invariable,
qualifie le martinisme: elle est cardiaque. Au plan de l'ésotérisme,
en poursuite de l'initiation illuminative, que Sophia incarne et cède
à ses amants, le disciple de Saint-Martin opère toujours dessus
son coeur, immédiatement ou médiatement, et toujours par lui.
Mais gare au contre-sens sacrilège: le coeur ne déclenche pas
les larmes de Margot et des crocodiles, les émotions des hystériques,
I'agressivité des imbéciles contre la Science et ceux qui y aspirent.
Le sous-cortex suffit à la tâche.
Le coeur est l'organe de la Connaissance et de l'Amour indissociables, de la
Gnose unifiante. Après m'avoir découvert à moi-même,
le coeur révèle Dieu. Car le Dieu de Saint-Martin, le Dieu du
martiniste, le vrai Dieu est celui de la connaissance, magnifié par l'amour
et révélé par la connaissance intuitive. ()
Il. - TABLE DES MATIERES.
Les matières tu programme vont du plus général au plus
particulier. Le plus général: parole de Dieu même. Ecriture
sainte de la tradition judéo-chrétienne, dont l'hébreu
est une langue sacrée. Le martiniste doit savoir de l'hébreu et
nul ne parle de Dieu comme Dieu lui-même. Ridicule de vanter la Bible:
le plus général est aussi fondement et exaltation.
Le plus particulier: martinisme au sens stricte. Louis-Claude de Saint-Martin:
ses deux maitres - il faut les marier, recommandait-il - Martines de Pasqually,
le premier, et le second, Jakob Bohme, balisant de trois lumières coruscantes
la voie vers la Lumière. Ils apprennent la théosophie essentielle.
Aussi, ils aident à expliquer et à comprendre la plupart des objets
qui entrent dans la perspective théosophique et vont s'aligner sur notre
table. Leurs écrits seront primordiaux parmi ceux qui viennent des hommes.
Tradition judéo-chrétienne. Du judaïsme, histoire et doctrine,
aucun détail ne tombe hors
programme. Remarquer cependant, et très fort, les esséniens que
Qumran a divulgués et la
.
.
75 kabbale, forme juive de l'ésotérisme. (Je représente
l'hébreu: oser parler de kabbale - que dis-je? y penser - sans savoir
de l'hébreu vaut délire ou imposture). De l'ésotérisme
chrétien, le martiniste privilégie un rameau, évidemment
le martinisme. Mais confirment celui-ci d'autres rameaux épandus au moyen
âge; sous l'espèce de l'hésychasme; au dix-huitième
siècle (illuminisme au siècle des lumières); au dixneuvièmesiècle
qui le mêle d'occultisme et où naît l'Ordre martiniste.
Histoire et doctrine du christianisme, de même que celles du judaisme
et à meilleur titre, n'inflige nul temps mort au martiniste. Citons pourtant
les Pères de l'Eglise: et les gnosticismes qui ramènent à
l'ésotérisme (chrétien ou pas, c'est une autre affaire).
L'étude de l'ésotérisme conçu dans son universalité
et perçu dans quelques-unes de ses manifestations autres que martinistes,
voire autres que juives et chrétiennes, fournit un cadre et des points
de comparaison. Exemples: I'hermétisme et les sociétés
secrètes (non point politiques, mais initiatiques).
Le moyen de l'ésotérisme consiste en la symbolique. Deux applications
en sont très importantes: I'une, I'arithmosophie (ou symbolique des nombres);
l'autre curieuse et entraînante, l'analyse du tarot.
Glissons vers l'occultisme dont la théorie générale (les
correspondances analogiques) soustend l'astrologie, I'alchimie (qui, d'un point
de vue, est aussi chemin d'initiation, yoga de l'Occident), et la magie rangée
dans l'armoire des toxiques.
Remontons: la religion et les religions, avec une place à part pour l'islam.
Comment un
judéo-chrétien méconnaîtrait-il qu'il surgit du tronc
abrahamique? Religion et religions
introduisent le mysticisme.
La philosophie et les philosophes. Pour mémoire, et parce que la pensée
authentique réfléchit ce qui est au-delà de la pensée;
donc en témoigne doublement et y incite. Enfin le principal, leprincipiel,
parole de Dieu aussi, la respiration de l'âme, par quoi tout commence
et qui conclut tout: vie, action, pensée, ce programme même; enfin
la prière.