Nouvel
Homme
Louis Claude de Saint Martin
La vérité
ne demande pas mieux que de faire alliance avec l'homme ; mais elle veut que
ce soit avec l'homme seul, et sans aucun mélange de tout ce qui n'est
pas fixe et éternel comme elle.
Elle veut que cet homme se lave et se régénère perpétuellement,
et en entier dans la piscine du feu, et dans la soif de l'unité ; elle
veut qu'il fasse boire chaque jour ses péchés à la terre,
c'est-à-dire, qu'il lui fasse boire toute sa matière, puisque
c'est là son vrai péché ; elle veut qu'il tienne sans cesse
son corps prêt à la mort et aux douleurs, son âme prête
à l'activité de toutes les vertus, son esprit prêt à
saisir toutes les lumières, et à les faire fructifier pour la
gloire de la source d'où elles lui viennent ; elle veut qu'il se regarde
dans tout son être comme une armée toujours sur pied, et prête
à marcher au premier ordre qu'elle lui donnera ; elle veut qu'il ait
une résolution et une constance que rien ne puisse altérer, et
qu'étant prévenu qu'en avançant dans la carrière,
il n'y peut trouver que des souffrances, puisque le mal va s'offrir à
lui à tous les pas, cette perspective ne l'arrête point dans sa
marche, et qu'il ne porte pas moins sa vue exclusivement sur le terme qui l'attend
à la fin de la course.
Si elle le trouve dans ces dispositions, voici les promesses qu'elle lui fait,
et les faveurs qu'elle lui destine. Car, à peine l'intérieur de
l'homme s'ouvre-t-il devant elle, qu'elle est saisie d'un transport de joie,
non seulement comme la mère la plus tendre pour un fils qu'elle n'avait
vu depuis longtemps ; mais comme le plus sublime génie à la vue
de la plus sublime production qui, d'abord, lui paraît neuve, étrangère
à son esprit, et pour ainsi dire, effacée de sa mémoire,
mais qui bientôt lui fait unir l'amour le plus vif à cette profonde
admiration, quand ce sublime génie vient à reconnaître que
cette sublime production est son ouvrage.
A peine la vérité voit-elle naître le désir et la
volonté dans le coeur de l'homme, qu'elle s'y précipite, avec
toutes les ardeurs de sa vie divine et de son amour. Souvent même elle
ne lui demande que de se priver de ce qui est nul, et pour ce sacrifice négatif,
elle va le combler de réalités. Les principales de ces réalités,
c'est de commencer par lui donner les signes d'avertissement et de préservation,
afin qu'il ne soit plus dans le cas de craindre comme Caïn, et de dire
: ceux qui me rencontreront me tueront. Ensuite elle attache sur lui les signes
de terreur, afin que sa présence devienne redoutable, et qu'il fasse
fuir ses ennemis ; enfin elle le décore des signes de gloire, afin qu'il
puisse faire briller la majesté de son maître, et recevoir partout
les honorables récompenses qui sont dues à un fidèle serviteur.
C'est ainsi qu'elle traitera ceux qui auront pris confiance enla nature de leur
être ; qui n'en auront pas laissé éteindre la moindre étincelle
; qui se seront regardés comme étant une idée fondamentale,
ou un texte dont notre vie entière ne devrait être que le développement
et le commentaire, de façon que tous nos moments devraient concourir
à l'expliquer et à le rendre plus clair, et non pas à l'obscurcir,
à l'effacer et à le faire oublier, comme cela arrive presque généralement
pour notre malheureuse postérité.
Pour coopérer à notre guérison, la vérité
possède un médicament réel, et que nous sentons physiquement
en nous, lorsqu'elle juge à propos de nous le faire administrer. Ce médicament
est composé de deux ingrédients en conformité de notre
maladie, qui est une complication du bien et du mal, que nous tenons de celui
qui ne sut pas se préserver du désir de connaître cette
fatale science. Ce médicament est amer, mais c'est son amertume qui nous
guérit, parce que cette partie amère, qui est la justice, s'unit
à ce qu'il y a de vicié dans notre être, pour lui rendre
la rectification ; alors ce qu'il y a de régulier et de vif en nous,
s'unit à son tour à ce qu'il y a de doux dans le médicament,
et la santé nous est rendue.
Tant que cette opération médicinale ne se fait point en nous,
c'est en vain que nous nous croyons sains et bien portants ; nous ne sommes
pas même alors en état d'user des aliments salutaires et purs,
parce que nos facultés ne sont point ouvertes pour les recevoir. Ce n'est
donc point assez pour notre rétablissement de nous abstenir des aliments
malsains et corrompus, il faut encore que nous usions de ce médicament
amer que les ministres spirituels de la sagesse font passer en nous, pour y
occasionner une sensation douloureuse qu'on pourrait appeler la fièvre
de la pénitence ; mais qui se termine par la douce sensation de la vie
et de la régénération.
Les personnes qui sont dans la voie de la régénération,
reçoivent et sentent ce médicament toutes les fois que l'ennemi
les a touchées, et est venu vicier quelque chose dans leur être.
Les autres ne le reçoivent ni ne le sentent, parce qu'elles sont dans
un continuité de dérangement et d'infirmité qui ne permet
pas au médicament de les approcher.
Mais ce médicament est si nécessaire à notre rétablissement,
que ceux qui ne l'ont pas reçu ne peuvent pas manger utilement pour eux
le pain de vie, et qu'ils ne deviennent point de l'or pur. Enfin il doit presser
et travailler notre âme sans relâche, sans interruption, comme le
temps travaille constamment tous les corps de la nature, pour les ramener à
la pureté, à la simplicité, et à la vive activité
de leurs principes constitutifs. C'est par là qu'il s'ouvre en nous une
source vivante, qui est nourrie et entretenue par la vie même ; et c'est
par ce moyen que nous parvenons à nous emparer d'une nature de joies
qui ne passent point, et qui établissent d'avance en nous à demeure,
l'éternel royaume de ce qui est.
Il est aisé de sentir que ce médicament ne doit pas être
confondu avec les tribulations terrestres, avec les maux du corps, avec les
injustices que nous pouvons recevoir de nos semblables, et qui tiennent notre
âme dans l'angoisse. Toutes ces choses sont ou pour la punition de l'âme,
ou pour son épreuve, mais elles ne lui donnent qu'une sagesse temporelle
; or, nous ne pouvons recevoir la vie divine que par des préparations
de son même ordre ; et le médicament dont nous parlons, est cette
exclusive préparation. Heureux celui qui persévérera jusqu'à
la fin à le désirer, et à le mettre à profit toutes
les fois qu'il aura le bonheur de le sentir ! Il éprouvera par là
que l'homme peut avoir de si grandes choses à dire, qu'il ne faut plus
que ce soit lui qui les dise, et qu'il doit attendre qu'on le lui fasse dire
ou écrire.
Car la rosée que Dieu fait descendre dans l'homme est toute composée
d'actions toutes vives, toutes formées, toutes complètes, comme
autant de guerriers armés de pied en cap, ou comme autant de puissants
médecins, portant dans leur main l'ambroisie, ou comme autant d'anges
célestes tous rayonnant intérieurement et extérieurement,
des saintes et pures lumières de la vie ; et l'homme destiné à
être l'objet, et le réceptacle de tant de bienfaits aperçoit
par l'intelligence, au milieu de cette rosée sacrée, la main suprême
du Dieu resplendissant de gloire qui veut bien le prendre pour le terme de cette
incomparable munificence, tant il est vrai que la parole divine ne peut venir
en nous sans créer à la fois tout un monde.
Mon Dieu, je sais bien que vous êtes la vie, et que je ne suis pas digne
que vous approchiez de moi, qui ne suis que souillure, misère, et iniquité.
Je sais bien que vous avez une parole vive, mais que les ténèbres
épaisses de ma matière empchent que ne la fassiez entendre aux
oreilles de mon âme. Faites-en néanmoins descendre en moi une assez
grande abondance de cette parole, pour que son poids puisse contrebalancer la
masse du néant dans lequel est absorbé tout mon être, et
qu'au jour de votre universel jugement, ce poids et cette abondance de votre
parole, puissent me soulever hors de l'abîme, et me faire remonter vers
votre sainte demeure ; placez dans les diverses régions et facultés
qui me composent, nombre d'ouvriers habiles et vigilants qui désobstruent
les canaux de toutes leurs immondices, et qui brisent jusqu'au roc vif qui s'oppose
à la circulation des eaux, alors la vie de vos sources pures et actives
entrera en moi, et remplira mes fleuves jusqu'aux bords ; alors vous créerez
un monde d'esprits dans ma pensée, un monde de vertus dans mon coeur,
et un monde de puissances dans mon opération, et c'est le tout-puissant,
le sanctificateur universel qui entretiendra lui-même tous ces mondes
en moi, et qui les nourrira continuellement de ses propres bénédictions.
2.
Un secret à la fois immense et terrible a été communiqué
dans L'homme de désir, n°146, page 217. Et ce secret est que le coeur
de l'homme est le seul passage par où le serpent empoisonné élève
sa tête ambitieuse, et par où ses yeux jouissent mme de quelque
lumière élémentaire, car sa prison est bien au-dessous
de la nôtre.
Ici nous osons communiquer un autre secret non moins profond, mais plus consolant,
plus encourageant, et fait pour nous apprendre à nous respecter tant
par rapport à la sainteté de notre origine, qu'à la sublimité
de l'oeuvre que nous devons et que nous pouvons opérer sur la terre.
Voici ce secret :
L'ami fidèle qui nous accompagne ici-bas dans notre misère, est
comme emprisonné avec nous dans la région élémentaire,
et quoiqu'il jouisse de sa vie spirituelle, il ne peut jouir de la lumière
divine, des joies divines, de la vie divine que par le coeur de ce même
homme qui fut choisi pour tre l'intermède universel du bien et du mal.
Nous attendons de cet ami fidèle tous les secours, toutes les protections,
tous les conseils qui nous sont nécessaires dans nos ténèbres
et toutes les vertus pour subir le décret de notre épreuve à
laquelle il n'a pas le droit de rien changer ; mais il attend de nous en récompense,
que par le feu divin dont nous devrions être embrasés, nous lui
fassions éprouver la chaleur et les effets de ce soleil éternel
dont il se tient éloigné par la pure et vive charité qui
l'anime en faveur de la malheureuse humanité.
C'est pour cela que J.-C. dit, dans saint Matthieu, 18 : Ne méprisez
aucun de ces petits, car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement
la face de mon père qui est dans les cieux. Ils ne voient la face de
Dieu, que parce que les enfants qu'ils accompagnent ont le cur pur, et
c'est le cur pur de ces enfants qui sert d'organe à ces anges,
puisqu'ils ne sont pas dans le ciel où est le père. Mais réciproquement
le cur de l'homme n'est pur que quand il est fidèle à la
voix de son ange ; c'est à dire, en d'autres paroles quand l'homme est
redevenu enfant, et qu'il fait en sorte que son ange ait la liberté de
voir la face de Dieu.
Aussi y a t il un grand sens dans ces paroles de J.-C., même chapitre,
verset 3 : si vous ne devenez comme de petits enfants, nous n'entrerez point
dans le royaume des cieux. L'ange est la sagesse, le cur de l'homme est
l'amour ; l'ange est le récipient de la lumière divine, le cur
de l'homme en est l'organe et le modificateur. Ils ne peuvent se passer l'un
de l'autre et ils ne peuvent être unis que dans le nom du seigneur, qui
est à la fois l'amour et la sagesse, et qui les lie par là dans
son unité. Nul mariage comparable à celui là ; et nul adultère
comparable à celui qui altère un pareil mariage ; aussi est il
dit, (Matthieu, 18), que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a joint.
On peut aussi trouver dans cette grande vérité le sens de ce passage,
aimez votre prochain, comme vous même, et celui de l'autre passage qui
nous apprend que c'est celui qui se fera le plus petit qui sera le plus grand.
Tout est vif dans cette triple alliance, tout y est esprit, tout y est Dieu,
tout y est parole : comment l'ennemi pourrait il jamais en approcher ? Ô
homme ! Si tu aperçois le moindre rayon de cette haute lumière,
ne perds pas un moment pour accomplir toutes les lois qu'elle t'impose, et pour
te rendre aussi vif, aussi actif, et aussi pur que les deux correspondances
entre lesquelles tu te trouves placé ; ce sera le moyen d'accélerer
ta régénération, et de te préparer d'avance un lieu
de repos pour le temps à venir. Tu es la lampe, l'esprit est l'air, la
chaleur et le feu de la lumière divine sont renfermés dans l'huile
; l'air souffle sur toi pour te mettre en activité et pour que tu lui
transmettes la chaleur douce et vivante, et la sainte clarté de cette
huile qui doit nécessairement passer par toi pour lui parvenir.
Dans cette opération, l'homme devient une véritable lumière
au milieu des ténèbres, il ne devient cette véritable lumière
que parce qu'il manifeste le principe vivant qui veut bien la lui procurer et
la faire passer par son cur ; ainsi l'homme peut grandement se réjouir,
mais il ne peut pas se glorifier ; enfin l'ange est comblé de consolations
et de jouissances ; et au moyen des joies divines que nous lui procurons, il
se lie et s'attache d'autant plus à nous, tant par sa vive charité
naturelle, que par le besoin d'augmenter son propre bonheur. De son côté,
la Divinité ne cherche continuellement qu'à percer de plus en
plus dans le cur des hommes, pour étendre sa gloire, sa vie et
sa puissance, et en remplir l'ange qui la désire si ardemment.
Y a t il donc rien au dessus de la sublimité de notre sort qui nous destine
à être le moyen de communication de la Divinité avec l'esprit
? Et pouvons nous désormais nous permettre un moment de relâche
dans une si sainte oeuvre, puisque chacun des moments que nous perdons retarde
l'accomplissement de ce trinaire actif qui représente spirituellement
et en caractères distincts le ternaire éternel ? Enfin puisque
chacun de ces moments que nous perdons nous rend coupables envers Dieu, en ce
que nous faisons manquer ses desseins ; envers l'esprit, en ce que nous le laissons
sans nourriture ; et envers nous, en ce qu'indépendamment du tort que
nous avons de ne pas remplir notre loi, nous nous détruisons nous mêmes,
en nous privant de la double subsistance qui nous est accordée dans cette
sainte fonction ; savoir, de la subsistance divine, et de la subsistance spirituelle,
lesquelles ne peuvent se passer en nous sans nous vivifier d'une manière
secrète et cachée pour nous ?
Car lorsque la vie divine passe en nous, elle y attire l'esprit, et lorsque
l'esprit vient en nous, il y attire la vie divine ; là Dieu se spiritualise,
et l'esprit se divinise, et notre être reçoit alors cette nourriture
ainsi préparée par la sagesse qui dispose toutes ses opérations
pour le plus grand bien des êtres ; sans cela la Divinité nous
consumerait, si elle y venait seule, et l'esprit ne nous nourrirait pas assez,
s'il y venait seul à son tour, attendu que sans être Dieu, nous
sommes cependant plus que l'esprit.
Cette loi qui nous est tracée pour opérer notre régénération,
nous indique assez clairement quelle était la loi qui devait accompagner
notre destination primitive, puisqu'elle devait être encore plus étendue
sans cependant changer de nature, car une loi n'en change point, quoiqu'elle
se resserre, ou se retire quand les êtres se sont rendus absolument indignes
qu'elle agisse encore sur eux ; ainsi puisque nous devons aujourd'hui faire
parvenir la région divine jusqu'à notre ange, nous devions autrefois
avoir le privilège de rendre le même service à un plus grand
nombre d'êtres, et à des êtres qui fussent encore plus dans
la privation que notre ange particulier, enfin si nous pouvons aujourd'hui faire
passer par nous quelques rayons du soleil divin, il faut que, par notre nature
originelle, nous ayons eu le pouvoir de faire passer par nous la Divinité
tout entière, et par conséquent nous ne pourrons nous croire régénérés
que quand nous aurons atteint ce but immense qui est le terme final de notre
être ; car, nous venons de le dire, une loi ne peut changer, et pour obtenir
notre régénération, il faut que la Divinité tout
entière pénètre notre être comme elle l'aurait fait
primitivement, si nous eussions suivi ses desseins. Homme, apprends ici combien
tu es loin de ton terme, et vois si cette perspective te peut laisser croire
que tu doives languir dans l'inaction.
Nous voudrions n'avoir pas besoin d'appuyer tous ces grands principes par des
démonstrations raisonnées de la nature spirituelle de l'homme,
et de la divinité de son origine, ces preuves étant déposées
dans d'autres écrits ; mais si on ne les avait pas digérées
avec assez de soin pour avoir chassé de soi tous les doutes, ce serait
en vain qu'on voudrait nous suivre en ce moment : nous croyons donc devoir nous
arrêter un instant à ces éléments qui ne sont que
comme les très petits préliminaires des connaissances qui nous
sont réservées ; car, nous aurons à exposer des vérités
d'un autre rang.
3.
Lorsque nous avons dit dans le numéro 1, que l'homme était une
espèce de texte dont toute sa vie devait être le développement
et le commentaire, nous n'avons fait que présenter sous d'autres mots
la proposition suivante ; à savoir, que l'âme de l'homme est une
pensée du Dieu des êtres.
Quelque idée que le lecteur ait prise jusqu'ici de la nature de l'âme
de l'homme, il n'en doit pas moins être persuadé que cette âme
est impérissable ; car, comment la pensée de Dieu pourrait elle
périr ?
Le matérialiste, l'athée même, s'il en existait ne pourrait
infirmer ce principe, car en leur accordant ce qu'ils soutiennent, c'est-à-dire
que tout est matière, il n'en serait pas moins vrai que nous serions
impérissables comme cette matière qu'ils veulent faire éternelle
et immortelle, enfin comme cette matière qu'ils veulent faire Dieu, et
dont nous serions toujours une nécessaire modification ; parce que ce
qui est éternel ne peut pas faire des modifications qui soient passagères.
Il ne resterait donc plus qu'à observer attentivement s'il est vrai qu'il
y ait en nous plus d'une seule substance ; c'est-à-dire, si dans nous
tout est esprit, si dans nous tout est matière, ou si dans nous il y
a de la matière et de l'esprit.
Or, ceux qui n'auraient pas senti leur véritable nature, je ne leur demanderais
que de se regarder pour être à couvert des méprises. Car
dans ce qu'ils appellent l'homme, dans ce qu'ils appellent le moral, dans ce
qu'ils appellent le politique, dans ce qu'ils appellent la science, enfin dans
ce qu'on pourrait appeler le chaos et le champ de bataille de leurs diverses
doctrines, ils trouveraient tant d'actions doubles et opposées, tant
de forces qui se combattent et se détruisent, tant d'agents clairement
actifs, et tant d'autres clairement passifs, et cela sans chercher même
hors de leur propre individu, que sans pouvoir peut-être dire encore ce
qui nous compose, ils conviendraient que sûrement en nous tout ne se ressemble
pas ; et que nous n'existons que dans une perpétuelle différence
soit d'avec nous-mêmes, soit d'avec tout ce qui nous entoure, et d'avec
tout ce que nous pouvons atteindre, et considérer. Il ne s'agirait plus
ensuite que d'appuyer avec quelque soin sur ces différences pour en apercevoir
le vrai caractère, et pour classer l'homme dans son véritable
rang en le comparant à une ligne droite à côté de
laquelle se peuvent décrire et se décrivent en effet journellement
une infinité de courbes, mais dont l'exclusive rectitude ne peut sans
un grossier aveuglement se confondre avec ces courbes qui ne sauraient jamais
lui ressembler ; ou si l'on veut, en le comparant à la durée inarrêtable
qui conserve silencieusement son imperturbable existence au milieu de toutes
les révolutions des êtres.
Ceci est suffisant pour montrer que nous pouvons nous dispenser de nous arrêter
plus longtemps aux objections secondaires, avec lesquelles les hommes inférieurs
s'aveuglent mutuellement tous les jours ; nous avons un objet plus vaste à
remplir que celui de nous occuper des obscurités volontaires qui ne viennent
que de la frivole inattention du monde ; et cet objet, c'est de nous occuper
des obscurités naturelles qui tiennent essentiellement à l'état
terrestre de l'esprit de l'homme, mais bien plus encore de nous occuper des
clartés et des lumières qui appartiennent à son indestructible
essence ; car il y a plusieurs degrés dans les besoins de l'homme, et
ce ne serait pas assez pour lui que de ne songer exclusivement qu'à celui
de ses maux qu'il lui est possible de guérir lui même, soit en
se considérant de toute son attention, soit en usant des secours qu'on
lui a déjà procurés. Répétons donc sans inquiétude
cette assertion que l'âme de l'homme est une pensée du Dieu des
êtres.
De cette sublime vérité, il résulte une vérité
qui n'est pas moins sublime, savoir, que nous ne sommes pas dans notre loi,
si nous pensons par nous-mêmes, puisque pour remplir l'esprit de notre
vraie nature, nous ne devons penser que par Dieu, sans quoi nous ne pouvons
plus dire que nous soyons la pensée du Dieu des êtres, mais nous
nous déclarons être le fruit de notre pensée ; nous nous
annonçons comme si nous n'avions pas d'autre source que nous-mêmes,
et comme si nous avions été notre propre principe, de façon
qu'en défigurant notre nature, nous anéantissions celui seul de
qui nous la tenons : aveugle impiété qui peut éclairer
sur la marche qu'ont suivie toutes les prévarications.
De cette sublime vérité que l'homme est une pensée du Dieu
des êtres, il résulte une vaste lumière sur notre loi, et
notre destination ; savoir, que la cause finale de notre existence ne peut être
concentrée dans nous ; mais qu'elle doit être relative à
la source qui nous engendre comme pensée, qui nous détache d'elle
pour opérer au-dehors ce que son unité insubdivise ne lui permet
pas d'opérer elle-même ; mais ce dont elle doit être cependant
le terme et le but, comme nous sommes tous ici-bas le but et le terme des pensées
que nous enfantons, et qui ne sont qu'autant d'organes et d'instruments que
nous employons pour coopérer à l'accomplissement de nos plans
dont notre nous est perpétuellement l'objet ; c'est pour cela que cette
pensée du Dieu des êtres, ce nous doit être la voie par où
doit passer la Divinité tout entière, comme nous nous introduisons
journellement tout entier dans nos pensées, pour leur faire atteindre
le but et la fin dont elles sont l'expression et pour que ce qui est vide de
nous, devienne plein de nous ; car, tel est le vu secret et général
de l'homme, et par conséquent tel est celui de la Divinité dont
l'homme est l'image.
Cette opération s'accomplit par des lois de multiplication spirituelle
de la part de la Divinité dans l'homme, quand il lui a ouvert sa vie
intégrale : et alors la Divinité développe en nous tous
les produits spirituels et divins relatifs à ses plans, comme nous voyons
que pour ce qui est relatif aux nôtres nous transportons constamment nos
forces et nos puissances dans notre pensée, déjà produite,
pour qu'ils puissent parvenir à leur parfait accomplissement ; mais avec
la différence que les plans divins nous liant à l'unité
même, nous ouvrent des sources intarissables lorsqu'ils veulent bien nous
associer à eux ; et comme ils sont vifs par eux-mêmes, ils opèrent
en nous une suite d'actes vifs qui sont comme des multiplications de lumières,
des multiplications de vertus, des multiplications de joies qui vont toujours
en croissant; c'est plus qu'une pluie d'or qui tombe sur nous, c'est plus qu'une
pluie de feu, c'est une pluie d'esprits, de tout rang et de toutes propriétés
; car, c'est une vérité déjà connue, que Dieu ne
pense point sans enfanter son image ; or, il n'y a qu'un esprit qui puisse être
l'image de Dieu ; c'est par là, dis-je, que nous recevons en nous des
multiplications de sanctification, des multiplications d'ordination, des multiplications
de consécration, et que nous pouvons les répandre à notre
tour, d'une manière active, sur les objets qui sont hors de nous et sur
les personnes qui nous approchent.
Un des signes de notre avancement dans ce genre, c'est quand nous éprouvons
sensiblement que les choses de ce monde ne sont point, et que nous pouvons les
comparer physiquement avec les choses qui sont ; alors une seule sensation de
la vie nous instruit plus que tous les documents, et renverse, comme par un
pouvoir magique, tout l'échafaudage de la fausse philosophie ; car cette
comparaison, quand nous avons le bonheur de la pouvoir faire, nous apprend quelle
différence il y a entre une pensée vive du Dieu des êtres,
et cet assemblage confus et ténébreux de toutes ces substances
mixtes, errantes et muettes qui composent la région matérielle
où nous sommes liés par les lois de notre corps. C'est là
une opération indispensable pour être mis au rang des catéchumènes,
et pour mettre le pied sur le premier degré de la ligne sacerdotale.
Ô mon ami, allons ensemble dresser les autels au Seigneur ; va d'avance
préparer tout ce qui nous sera nécessaire pour célébrer
dignement les louanges de sa gloire et de sa majesté ; sers d'organe
à mon uvre pour l'annoncer au peuple, comme j'en dois servir à
la Divinité pour annoncer à toutes les familles spirituelles les
mouvements de la grâce, et les vibrations de la lumière. Et toi,
Dieu de ma vie, s'il te plaît jamais de me choisir pour ton prêtre,
que ta volonté soit faite ! Toutes mes facultés sont à
toi. Je me prosternerai dans mon indignité en recevant le nom de ton
prêtre et de ton prophète : aide-moi seulement à ne pas
rendre tes grâces impuissantes, et à briser en moi tous les écueils
que mes iniquités et mes faiblesses ont semés devant mon élection.
Je n'oserai jamais de moi-même te demander que ta main reposât sur
moi ; mais si par ta pure munificence tu veux bien faire reposer ta main sur
moi, je n'aurai aucun doute que tu n'opères dans mon être tout
ce qui lui manque pour être utile à tes desseins, et je n'ai dans
ce moment d'autre soin à prendre que de t'offrir le dévouement
de ma fidélité à ton service, et une universelle soumission
à toutes les conditions que tu voudras mettre à notre alliance.
4.
Homme qui, comme étant la pensée du Dieu des êtres, s'est
observé au point d'avoir abandonné ses propres facultés
à la direction et à la source de toutes les pensées, n'a
plus d'incertitudes dans sa conduite spirituelle quoiqu'il n'en soit pas à
l'abri dans sa conduite temporelle, si la faiblesse l'entraîne encore
dans des situations étrangères à son véritable objet
; car dans ce qui tient à ce véritable objet, il doit espérer
les secours les plus efficaces, puisqu'en cherchant à le poursuivre et
à l'atteindre, il suit la volonté Divine, elle-même, qui
le presse et l'invite de s'y porter avec ardeur.
Mais d'où lui vient cette manière d'être si avantageuse
et si salutaire ? C'est que s'il parvient à être régénéré
dans sa pensée, il l'est bientôt dans sa parole qui est comme la
chair et le sang de sa pensée, et que quand il est régénéré
dans cette parole, il l'est bientôt dans l'opération qui est la
chair et le sang de la parole. Non seulement l'esprit le pénètre,
circule dans toutes ses veines, et se revêt de lui pour donner le mouvement
à tous ses membres, comme nous faisons mouvoir à notre gré
les vêtements dont nous nous couvrons ; mais tout en lui se transforme
en substances spirituelles et angéliques, pour le porter sur leurs ailes
vers tous les lieux où son devoir l'appelle ; c'est ainsi que le juge
souverain viendra un jour au milieu de ses saints, et environné de millions
d'anges pour rétablir le règne de la vérité dans
toutes les régions qui en seront susceptibles.
C'est alors que l'homme se trouve être, en esprit et en vérité,
le prêtre du Seigneur ; c'est alors qu'il a reçu la vivifiante
ordination, et qu'il peut transmettre cette ordination sur tous ceux qui se
consacrent au service de Dieu, c'est-à-dire, lier et délier, purifier,
absoudre, plonger l'ennemi dans les ténèbres, et faire revivre
la lumière dans les âmes ; car le mot ordination, vient du mot
ordinare ordonner, qui veut dire remettre chaque chose à son rang et
à sa place ; et telle est la propriété du verbe éternel
qui produit continuellement tout selon le poids, le nombre, et la mesure. Tel
est enfin le zèle de la parole pour cette oeuvre sublime qu'elle se transformerait
en homme elle-même pour venir nous ordonner et nous consacrer, s'il ne
se trouvait point d'hommes qui puissent nous imposer les mains ; parce qu'elle
sait qu'il faut ici-bas que les organes de la vérité soient corporisés
humainement pour nous être utiles.
Ce n'est donc point un simple effet mystique, ni une simple opération
métaphysique qui se passe en nous lorsque le verbe Divin nous régénère,
et qu'il nous appelle par notre nom pour nous faire sortir de notre tombeau,
c'est une oeuvre vive, et dont tout notre être spirituel et corporel éprouve
physiquement la sensation, puisque cette parole est la vie, et l'activité
; et lorsque Lazare sortit de son cercueil à la voix du Seigneur, ses
membres n'éprouvèrent pas autant de cette sensation réelle,
que nous en éprouvons dans notre régénération spirituelle,
parce qu'après être descendu dans le tombeau, son âme passive
ne pouvant recevoir la sensation de la mort et de la froideur sépulcrale,
ne pouvait pas non plus en faire la comparaison avec la sensation de la vie
qui s'introduisait alors en lui, et semblait le créer pour la première
fois : au lieu que notre âme immortelle ne descend point dans le lac de
la mort spirituelle, sans en ressentir toute l'horreur ; et par conséquent
lorsqu'elle recouvre la sensation de la vie, ce doit être avec une sensibilité
inexprimable.
En effet, nous nous sommes laissé garrotter tout vifs et dans nos facultés,
par les chaînes de l'ennemi : nous sentons que ces chaînes nous
écrasent et nous ôtent tous nos mouvements ; si nous avions donc
le courage de prononcer l'arrêt de cet ennemi, et de lui déclarer
que, conformément aux intentions de la volonté suprême et
bienfaisante, nous sommes déterminés à rompre tous les
liens dont il se sert pour nous retenir captifs, si nous lui annoncions fermement
qu'il doit s'attendre que son règne sur nous va être détruit,
et qu'il nous est aussi aisé, par les secours divins qui nous environnent,
de briser ce règne, qu'il nous est aisé de briser un brin de paille
; enfin, si cet arrêt étant prononcé nous n'oublions rien
pour l'exécuter, et pour persévérer avec constance dans
cette indispensable et nécessaire résolution, il n'est pas douteux
que nous verrions bientôt tomber à nos pieds toutes ces entraves
qui nous gênent si horriblement, et que nous sentirions y substituer en
nous, à la fois, tous les transports de la vraie vie, lesquels seraient
d'autant plus actifs et délicieux pour nous, que nous en aurions été
plus dénués. C'est ce passage complet de la mort à la vie
que l'âme de l'homme peut éprouver physiquement dans toute ses
facultés quand, en imitant la douce et humble simplicité du verbe
et de la parole, il parvient à en recouvrer la force, la chaleur et la
lumière.
Un mot de plus pourra peut-être aider à notre persuasion, et augmenter
notre courage pour travailler à cette grande entreprise ; ainsi nous
ne le tairons point. L'homme sous les lois de sa matière est emprisonné
et borné de tous les côtés ; il a fallu pour le lier ainsi,
qu'on rassemblât, dans une sorte d'unité, les puissances, les forces
et les facultés qu'il avait laissé sortir de lui-même, et
qu'il avait disséminées dans toutes les régions, pour y
opérer le désordre de ses plans impies et mensongers : l'ennemi
appuie encore sur les chaînes dont on l'a chargé, et cherche par
là à traiter comme son jouet et sa victime, celui qu'il a feint
autrefois de vouloir traiter comme son ami. Mais ce double poids rassemblant
et concentrant, de plus en plus, dans une unité, les puissances et facultés
de l'homme, le rend, dans sa privation même, une nouvelle image de cette
unité qu'il aurait dû représenter dans ses justes développements
alors cette harmonie concentrée, recouvrant naturellement une sorte de
rapport avec l'harmonie supérieure et libre, elle l'attire insensiblement
à elle, et elle en reçoit les secours dont elle est susceptible,
selon sa mesure gênée et restreinte.
Il est donc vrai de dire que notre délivrance a commencé dès
l'instant de notre punition ; il est donc vrai de dire que l'agneau a été
immolé dès le commencement du monde ; il est donc vrai que l'écriture
a raison de nous recommander les larmes, et de nous féliciter de nos
tribulations, puisque le médicament d'amertume est la seule voie que
nous ayons de recouvrer le commencement de nos rapports avec notre unité
harmonique et primitive ; enfin il est donc vrai que l'écriture a raison
de nous enseigner que celui qui se fera humble et petit, sera élevé.
Nous serions peu étonnés des merveilles sensibles et vives qui
se passent en nous lors de notre régénération, si nous
pénétrions un peu plus profondément que nous ne le faisons
dans la connaissance et la nature de l'homme. Nous l'avons peint comme étant
une pensée du Dieu des êtres, et nous avons dit que quand il parvenait
à être régénéré dans sa pensée,
il le devenait bientôt dans sa parole ; c'est donc à dire qu'alors
il devient une parole du Dieu des êtres, comme il en était auparavant
une pensée et cela nous apprend par conséquent que dans l'origine,
il était à la fois une pensée et une parole du Dieu des
êtres, et qu'il doit l'être encore aujourd'hui quand il a le bonheur
d'être rétabli dans sa nature originelle.
Voilà le terme où doivent tendre tous nos efforts, et sans lequel
nous nous flatterions en vain d'être avancés dans la carrière
de notre retour vers notre principe. C'est aussi ce qui nous rétablit,
sur notre trône en mettant nos ennemis à nos pieds en même
temps cela nous apprend que telle fut notre puissance autrefois, et que tel
fut l'emploi que nous en aurions dû faire, puisqu'aujourd'hui nous pouvons
la faire servir au même usage, en prononçant fortement cette parole
interne qui constitue notre être, et qui fait trembler nos ennemis. Ne
cessons donc point de contempler ce but sublime et indispensable où nous
devons tendre ; ne nous reposons point, n'épargnons aucun de nos efforts
jusqu'à ce que nous nous sentions renaître dans cette faculté
vive qui est notre essence et jusqu'à ce que par sa forte vertu, nous
ayons chassé de nous tous les vendeurs qui sont venus établir
le siège de leur trafic jusque dans le temple.
Nous apercevrons, même dans cette occupation, une clarté aussi
encourageante pour nous qu'elle est glorieuse pour le suprême auteur de
notre existence ; c'est que si nous sentons que nous ne pouvons être régénérés
qu'autant que nous sommes devenus une parole du Dieu des êtres, c'est
une preuve que le Dieu des êtres est aussi par lui-même, une parole
vive et puissante, puisque nous sommes son image ; et dès lors notre
similitude avec lui se présente à nous de la manière la
plus naturelle, la plus instructive et la plus douce, puisqu'à tout moment
nous pouvons nous convaincre de cette similitude, et montrer que dans tous les
instants nous tenons à Dieu, comme Dieu tient à nous. Or, ce qui
manifeste entièrement la gloire de ce Dieu suprême, et la nature
spirituelle de notre être, c'est que malgré la dignité et
la puissance de la parole qui est en nous, nous ne pouvons en espérer
la renaissance et le développement, qu'autant que la parole Divine, elle-même,
vient ranimer la nôtre, et lui rendre son activité comprimée
par les chaînes de notre prévarication ; c'est enfin de sentir
irrésistiblement que la parole est absolument nécessaire pour
l'établissement de la parole ; axiome qui a passé dans les sciences
humaines, et dont l'empire indestructible s'est montré à ceux
qui ne se sont même occupés que des langues conventionnelles.
Cet axiome, dis-je, renferme les vérités les plus essentielles,
en ce qu'il nous enseigne d'abord que toute notre oeuvre doit se passer dans
l'intérieur de l'homme, comme dans le foyer invisible de notre vie divine
; et secondement, que cette uvre ne peut s'opérer véritablement
que par la parole Divine, ou la Divinité elle-même.
Par ce moyen notre intelligence nous défend de regarder comme une régénération
pour nous, tout ce qui ne tient qu'à des faits extérieurs dans
lesquels notre essence intime n'est pour rien, puisque ces faits ne sont pas
plus liés à nous que les ouvrages d'un peintre ne le sont à
l'ignorant qui les regarde ; en outre, elle nous défend de regarder comme
un moyen de régénération tous les agents secondaires, et
toutes les voies particulières où marchent tant d'hommes égarés,
puisque toutes ces choses ne sont pour la naissance de notre intérieur,
que comme l'application extérieure de quelques médicaments pour
un malade dont toute la masse du sang serait viciée. Ainsi, par ce moyen,
notre intelligence nous préserve de grandes méprises au sujet
de notre avancement, et de grandes idolâtries envers la Divinité.
5.
Cette renaissance de notre parole interne ne se borne pas à un simple
effet partiel, et concentré dans le seul point de notre être intérieur
; elle se propage dans toutes les régions qui nous constituent, et elle
y ressuscite la vie à tous les pas ; elle semble donner les noms propres
et actifs à toutes les substances spirituelles, célestes, élémentaires
rassemblées en nous, et les rétablir dans la vivacité de
leurs mouvements, et dans le puissant exercice de leurs fonctions originelles,
comme autrefois Adam imposait des noms à tous les animaux, et introduisait
sa vivante puissance dans toute la création, et dans toutes les oeuvres
et productions de Dieu qui avaient été remises à sa libre
administration. Or, ces deux témoignages, savoir, celui de notre expérience,
et celui de la tradition nous apprennent que telle est la marche progressive
de l'éternelle Divinité dans ses saintes opérations, restaurations,
rectifications, où certainement la vie de sa parole Divine se répand
successivement dans tous les êtres, et dans toutes les productions qu'elle
veut régénérer, et qui ne résistent point à
son action ; et si, par notre propre expérience et par la tradition des
opérations d'Adam, nous savons que telle est la marche restauratrice
de la parole Divine ; cela devient une nouvelle preuve pour nous que telle a
été la marche créatrice de cette même parole, puisque
les choses ne se régénèrent que par la même voie
qui les a créées. Ainsi saint Pierre a raison de nous dire (actes
4) que nul autre nom, sous le ciel, n'a été donné aux hommes
par lequel nous puissions être sauvés ; puisqu'avant St. Pierre,
St. Jean nous avait déjà dit qu'au commencement était le
verbe, et qu'il était Dieu, et que rien n'a été fait sans
lui de ce qui a été fait ; ainsi, nous ne pouvons trouver de Dieu
sauveur, de Dieu sanctificateur, et de Dieu fortificateur et revivificateur
que dans le Dieu créateur, comme nous ne pouvons trouver de Dieu créateur
que dans celui qui est par lui-même, dont la vie est l'éternité,
et dont l'éternité est la vie, quoique ces diverses puissances
aient agi en divers temps, et aient manifesté des propriétés
différentes
Si, comme nous l'avons vu, la parole est nécessaire pour l'établissement
de la parole, et que par conséquent nous ne puissions être ressuscités
dans notre parole que par le verbe, nous ne pouvons être ressuscités
dans nos autres facultés que par des facultés analogues, dans
notre pensée que par la pensée, dans notre mouvement par le mouvement,
dans notre vie que par la vie, dans notre esprit que par l'esprit, dans nos
vertus que par la vertu, dans nos lumières que par la lumière
; ainsi nous devrions être dans une mobilité et activité
continuelles, puisque les plus petits rayons de ce qui est en nous devraient
perpétuellement être réactionnés par les étincelles
similaires, qui se dardent sans cesse hors du foyer éternel de la vie.
Tel est l'état de ceux qui après avoir vaincu le dragon, sont
montés après leur mort dans la région du repos et du bonheur
; tel est même l'état de ceux qui ici-bas ont rompu les chaînes
de leur esclavage, et ont ouvert toutes leurs facultés à celui
qui ne demande pas mieux que de les pénétrer et de les remplir
; enfin tel est l'état de ceux sur qui l'esprit a imposé les mains,
parce que par cette imposition des mains, il rassemble en eux dans une unité
toutes les subdivisions spirituelles qu'ils avaient laissé disséminer
; c'est même par ce moyen, et en vertu de l'unité indivisible dont
cet esprit est dépositaire qu'il les met dans le cas d'imposer les mains
à leur tour sur leurs semblables, et d'y opérer les mêmes
rassemblements qui se sont opérés en eux lors de l'imposition
des mains de l'esprit ; et tel est l'objet du sacerdoce ; tels en sont les pouvoirs,
tels en sont les fruits pour ceux qui s'en sont rendus dignes, et qui ont été
compris dans la divine sélection.
Ces fruits même ne paraissent plus avoir de bornes dès que le principe,
après avoir été mis en activité, se transmet dans
la même mesure, et sans altération, parce qu'il agit toujours par
la même loi, et toujours sur la même espèce de désordre
qui n'est autre chose qu'une subdivision ; aussi c'est le même esprit
qui, au physique et au moral, fait par l'imposition des mains que l'aveugle
voit, que le sourd entend, que le boiteux marche, que le malade est guéri,
que le mort ressuscite, et que l'esclave est remis en liberté.
Charge-toi, ô mon Dieu, de tout ce qui peut concerner mon élection
; je te dirai comme Moïse, que je ne puis que bégayer, et que tout
mon être est dans une universelle impuissance pour l'accomplissement des
devoirs que tu imposes à un élu ; j'admire la gloire de tes prophètes
et de tes serviteurs, mon âme tressaille de joie en sentant les douceurs
et les consolations qui les attendent, mais si tu ne délies toi-même
ma langue, si tu ne mets ton feu dans mon cur, et ta lumière dans
mon esprit, si tu ne me traces ma route à chaque pas, et si tu ne me
pousses toi-même dans ces sentiers que tu m'auras tracés, je demeurerai
englouti dans ma faiblesse, et je serai un être entièrement inutile
à tes plans.
Hommes qui croyez à la vertu de la parole, et aux prodiges qu'elle opère
dans l'âme de l'homme quand elle le veut employer à ses diverses
manifestations, croyez aussi à la progression de ses puissances, et à
l'accroissement quoiqu'invisible des diverses actions qu'elle a dessein de faire
fructifier dans le champ de la mort que nous habitons. Car cette parole est
vive par elle-même, et quoiqu'elle soit fixe, et en quelque façon
immobile dans le centre de son essence, les mouvements qu'elle opère
ne peuvent pas être bornés et fixés à demeure dans
les localités du temps. Nous voyons combien cette vérité
se démontre sur nous-mêmes par les progressions que notre esprit
parcourt, et qui font que notre vie entière semble n'être qu'une
suite d'accroissements, dans lesquels les dons et les vertus d'une époque
disparaissent et sont remplacés par les dons et les vertus de l'époque
suivante.
Voilà pourquoi les actions que la sagesse envoie dans notre région
n'y restent point, au moins sous la même forme, et pourquoi l'homme s'abuse
quand il regarde ces actions comme devant être sensiblement permanentes
; car dès qu'il leur imprime par sa pensée ce caractère
de stagnation, il n'en peut plus retirer de fruit, puisque la stagnation opérerait
la mort et que tout doit être esprit et mouvement ; or, le mouvement de
l'esprit est comme celui du feu, il se fait en ascension, il se fait dans la
ligne droite, et il échappe bientôt à notre vue. Mais cependant
ces diverses actions ne tendent qu'à nous conduire un jour par leurs
différents degrés temporels, au vrai repos dans le centre de la
parole éternelle.
Hommes qui croyez que l'homme est non seulement une pensée, mais aussi
une parole du Dieu des êtres, vous ne pouvez vous dispenser de croire
que l'homme est également une des opérations divines de cet être
éternel. Si cela n'était pas ainsi, vous seriez des êtres
incomplets ; vous ne seriez pas l'image parfaite de Dieu, puisque Dieu est à
la fois la pensée, la parole, et l'opération éternelles
; enfin vous ne pouvez douter que vous ne deviez être une de ses opérations,
puisque vous cherchez vous mêmes continuellement à réaliser
vos paroles par vos oeuvres, comme vous cherchez à réaliser vos
pensées par vos paroles.
Mais de même que votre pensée, et votre parole ne peuvent renaître
sans la pensée et sans la parole supérieure, de même votre
opération spirituelle ne peut vous être rendue que par l'opération
de l'esprit sur vous, et c'est ce que nous avons ci-dessus montré comme
étant l'imposition des mains ; opération qui est un acte de restauration
dans toutes les élections que Dieu a faites, en envoyant son esprit sur
des hommes choisis ; mais qui est plus que restauratrice dans ce qui concerne
votre essence, puisque c'est cette triple action de la divinité qui vous
constitue, et qu'il ne suffit pas que la divinité pense l'homme, et qu'elle
parle l'homme, mais qu'il faut encore qu'elle opère l'homme.
Ainsi nous ne devons être autre chose continuellement que l'effet réel
de ces trois actes ; et la différence qu'il y a de Dieu à nous,
c'est qu'il est un Dieu pensant, un Dieu parlant, un Dieu opérant, et
que nous, nous sommes un Dieu pensé, un Dieu parlé, un Dieu opéré
; et telles sont les merveilleuses puissances, lumières, vertus, destinées
à nourrir notre être. Enfin tels sont les trésors qui sont
promis à notre âme puisque nous avons annoncé ci-dessus
que la divinité devait nous traverser tout entière pour pouvoir
s'étendre jusqu'à l'ami fidèle qui attend de nous cette
divine nourriture, et pour qu'intérieurement et extérieurement
nous puissions remplir les plans originels de notre principe.
6.
Mais quelle terrible opération doit se faire en nous avant que cette
divinité tout entière nous traverse dans sa splendeur et dans
sa joie ! Il faut auparavant qu'elle nous traverse dans son ignominie et dans
sa douleur ; il faut que le Dieu souffrant passe tout entier au travers de l'âme
concentrée et comme pétrifiée par le crime et l'insensibilité.
Âme de l'homme, abîme-toi ici, dans ta détresse, et prépare-toi
à l'opération la plus douloureuse. Il faut que le Dieu souffrant
te pénètre, et se fasse jour au travers de tes substances les
plus épaissies et les plus dures, pour te rendre ta primitive existence
; tu ne pourras jamais être régénérée complètement
si l'opération n'est pas universelle et si le Dieu souffrant dans sa
pensée, dans sa parole et dans son oeuvre ne traverse tout entier ta
pensée, ta parole, et ton opération.
Amertume corporelle, amertume spirituelle, amertume divine, venez vous établir
dans notre être, puisque vous êtes devenues l'indispensable aliment
de nos ténèbres et de notre infirmité. Que l'amertume spirituelle
du calice se joigne à notre amertume spirituelle particulière,
et forme ainsi ce médicament actif et salutaire qui doit ronger toutes
nos fausses substances pour laisser revivre nos véritables substances
amorties ! Malheur à qui voudra repousser de lui ce médicament
régénérateur ! Il ne fera qu'accroître ses maux,
et les rendre peut-être un jour inguérissables. Car telle est cette
pénitence qui seule peut faire ressusciter l'esprit en nous, comme l'esprit
peut seul y faire ressusciter la parole, et la parole y faire ressusciter la
vie divine, attendu qu'aujourd'hui rien ne peut plus s'opérer que par
des concentrations, puisque tel a été le principe de l'origine
des choses, tant physiques que spirituelles ; telle est, dis-je, cette pénitence
qui donne à l'homme la puissante tranquillité de la confiance,
et la terrible force de la douceur, choses si inconnues aux hommes du torrent
qui n'ont que le courage du désespoir, et que la force de la colère.
C'est là cette pénitence par laquelle le pasteur daigne venir
se revêtir de nous qui sommes des loups, afin de sauver de nos dents la
malheureuse brebis que nous dévorons ; tandis qu'avec la pénitence
humaine et extérieure c'est le loup même qui se revêt de
la peau du berger afin de dévorer à la fois, et la brebis et le
pasteur en les séparant l'un de l'autre. C'est là cette pénitence
qui efface en nous non seulement les taches du péché, mais jusqu'au
souvenir et à la connaissance du péché.
Ouvrons donc notre être à ce puissant médecin qui veut nous
procurer la vie dont il jouit, et dont il est lui-même la source, et prêtons-nous
avec actions de grâce à tous les détails de ses procédés
et de ses opérations curatives ; car s'il parvient une fois à
pénétrer en nous et à y faire sa demeure, il traversera
bientôt toutes nos substances par son action toujours opérante,
qui fera sortir de tout notre être mille rayons de lumière dont
cette action est en même temps le foyer et la source.
Mais si avant que la divinité nous pénètre et nous traverse
dans sa splendeur et dans sa gloire, il faut qu'elle nous traverse dans son
ignominie et dans sa douleur, il est nécessaire aussi qu'elle fasse en
nous une première opération, et cette opération, c'est
de nous faire annoncer par l'ange que l'esprit saint doit survenir en nous,
que la vertu du très haut nous couvrira de son ombre, et que c'est pour
cela que le saint qui naîtra de nous sera appelé le fils de Dieu
; or pour que cette annonce puisse nous être faite, il faut que nous soyons
renouvelés dans la véritable innocence, et que trois vierges plus
anciennes que Marie nous aient purifiés dans notre corps, notre âme
et notre esprit ; c'est-à-dire qu'elles nous aient rendus vierges comme
elles. Lorsque par notre constance et nos efforts nous avons recouvré
cette triple virginité, l'annonciation se fait en nous, et nous ne tardons
pas à nous apercevoir que la conception sainte s'y est faite aussi, ce
qui nous met dans le cas de chanter le cantique de Marie, lorsque nos proches
nous saluent et nous bénissent sur le fruit de nos entrailles, comme
Marie fut saluée et bénie par Élisabeth.
Dès que cette conception est formée en nous, il n'y a pas de soins
que nous ne devions prendre pour la conduire heureusement à son terme,
comme dans l'ordre matériel nous veillons sur les jours et la santé
d'une épouse chérie qui nous donne l'espoir qu'elle deviendra
mère. Nous devons épier avec attention tous les mouvements qui
se font en nous, et jusqu'aux moindres affections spirituelles et vraies qui
nous sont suggérées ; nous devons n'en négliger aucune,
et tout sacrifier pour les satisfaire, afin que par nos négligences,
ou notre parcimonie qui n'est autre chose que notre paresse, nous ne soyons
pas dans le cas de nuire à la croissance de notre fils ; mais défendons-nous
aussi soigneusement de tous les mouvements faux qui ne tiennent qu'à
la fantaisie ; car nous prêterions par là des puissances à
notre ennemi qui ne manquerait pas de s'en servir pour poser ensuite son sceau
et son caractère sur quelques parties du corps de notre reproduction.
Imitons donc en tout la nature qui emploie tous nos efforts pour faire fructifier
ses productions, quand par notre faute nous ne gênons pas ses opérations.
Ce n'est qu'une seule et même puissance, qu'un seul et même amour
qui opère notre reproduction corporelle, et qui prend soin de l'entretenir
et de la conserver. Faisons en sorte qu'à son image la puissance et l'amour
divin qui opèrent en nous la conception spirituelle nourrissent eux-mêmes
leur propre fruit ; que la même main qui aura semé cette plante
en nous, l'arrose journellement, et en écarte tout ce qui peut lui être
préjudiciable ; ne craignons ni les inquiétudes, ni les dégoûts
ni les vomissements, ni les insomnies ; ce sont toutes ces souffrances qui facilitent
l'accroissement de notre fils, et il est impossible qu'il acquiert sans cela
une juste et solide conformation.
Disons à notre ennemi : c'est le Dieu souffrant qui veut lui-même
élever en moi son édifice ; c'est le Dieu souffrant qui veut le
soutenir lui même, tu ne pourras jamais le renverser. Plus le Dieu souffrant
s'approchera de moi, plus je serai en sûreté contre tes attaques,
parce qu'il prendra lui même sur lui le fardeau que je ne pourrais pas
porter ; quoique je sois suspendu au dessus de l'abîme comme par un fil,
quoique j'habite au milieu des lions voraces et des serpents sifflants et meurtriers,
il est près de moi ce Dieu souffrant, il est conçu en moi ce Dieu
souffrant, et d'un seul de ses mouvements, quelque faible qu'il soit, il me
séparera lui même de tous ces insectes, et reptiles venimeux dont
tes iniques séductions ont fait revêtir corporellement la malheureuse
postérité de l'homme. Ce Dieu souffrant ne cherche qu'à
faire entrer en moi sa chair, son sang, son esprit, sa parole, pour y introduire
enfin le nom puissant qui a tout créé, et qui veut aussi créer
tout dans moi ; il veut me faire planer avec lui dans la région de la
vie, afin que je sois dans l'impossibilité de retomber dans les précipices
et dans les régions de la mort.
Pernicieux ennemi de l'homme, tu occasionnes bien aussi des souffrances, mais
c'est en opérant une contraction de ta puissance désordonnée
et mensongère contre les lois éternelles de la vérité,
et contre l'ordre immuable des choses ; aussi tes succès, quand tu l'emportes,
entraînent l'homme dans le néant, la mort et les ténèbres.
Mais lorsque le Dieu souffrant s'approche de nous et nous occasionne des douleurs,
c'est en opposant la mesure, l'ordre et la vérité, aux désordres
et aux irrégularités que tu sèmes journellement dans les
hommes, et que tu y entretiens. Aussi la contradiction que ce Dieu souffrant
opère dans ceux qui la désirent et qui y concourent, se termine
toujours par la joie le bonheur et la lumière.
C'est en effet par ces douces consolations que se terminera le cercle des choses
pour ceux qui auront su laisser entrer en eux le Dieu souffrant : car le cercle
des choses n'est composé que d'êtres en contraction et en souffrance,
ce qui fait que l'univers nous montre le Dieu souffrant, aussi bien que le peut
faire notre âme. C'est ce qui fait aussi que nous ne devrions considérer
qu'avec respect et reconnaissance tous les objets que cette nature renferme,
puisque le moindre d'entre eux est le fruit de la charité divine qui
ne cesse de modifier son amour selon toutes les voies possibles, afin de faire
parvenir sa force, sa vie et sa lumière jusque dans nos régions
les plus matérielles et les plus ténébreuses. Heureux celui
qui aura considéré l'univers sous cet aspect, et qui aura recueilli
par ce moyen un assez grand nombre de ces étincelles divines, pour lui
promettre un flambeau au dernier jour !
7.
La sagesse conduit l'homme par des degrés insensibles afin de ne pas
l'effrayer par l'immensité de la tâche qu'il a à remplir.
Aussi commence-t elle par dire à l'homme qu'il doit servir d'organe et
de passage à la Divinité tout entière, s'il veut que son
ange jouisse de la paix et des félicités Divines. Cet avis est
si consolant que l'âme de l'homme en est comme absorbée dans l'admiration
et dans la joie. Elle pleure de regret, elle pleure d'espérance : c'est
comme si l'image Divine elle-même était venue se dessiner sur toutes
ses substances, et qu'elle eût senti la douce chaleur de la main qui a
conduit le pinceau ; mais comme c'est là le terme final de l'uvre,
cette sagesse nous apprend bientôt qu'avant d'atteindre à cet heureux
terme, nous devons voir passer en nous le Dieu souffrant, puisque lui seul peut
enchaîner tous les lions voraces, et tous les serpents qui circulent en
nous, et ne cessent de nous effrayer par leurs sifflements, ou de nous empoisonner
par leur venin.
La sagesse ne nous découvre ce grand combat que le dernier, afin qu'étant
préparés d'avance par les douceurs qui nous sont promises dans
le Dieu bienfaisant, et par les moyens qui nous sont offerts dans le Dieu souffrant,
nous puissions nous lancer plus courageusement dans le champ de bataille, et
nous flatter de remporter la victoire ; car ce n'est qu'après cette victoire
que se tracent en nous les plans du temple et les différentes divisions
qu'il renferme, parmi lesquelles il en est une par où le Saint des Saints
se communique à nous, comme il se communiquait au grand prêtre
dans le temple de Jérusalem ; ce n'est qu'alors que se confirme en nous,
et l'annonciation de la part de l'ange, et la conception par l'opération
de l'Esprit-Saint, d'où nous pouvons espérer un heureux enfantement
Divin, si nous remplissons toutes les conditions dont nous avons déjà
parlé à ce sujet, et qui nous sont imposées à la
fois par la sagesse, et par le besoin de notre propre régénération.
Ce n'est pas que par notre victoire sur ces animaux féroces qui tendent
journellement à nous dévorer, nous les ayons entièrement
séparés de notre cercle, et qu'ils ne soient plus liés
à notre existence : non, ils y sont liés par la nature de notre
chair et de notre sang ; et ils sont destinés à être entraînés
avec tout notre être dans le cercle passager que nous parcourons, comme
l'abîme est entraîné avec l'univers dans le vaste cercle
du temps ; mais de même que cet abîme est entraîné
avec l'univers sans lui nuire et sans gêner la marche de ces opérations
et l'accomplissement de ses lois, de même la région de nos animaux
dévorants, doit être entraînée avec nous sans se mêler
aux fonctions de notre esprit, et comme occupant une demeure séparée,
cette région n'existant pour nous, que comme l'abîme pour l'univers,
c'est-à-dire pour faire le contrepoids, et pour que nous ne remontions
pas dans la région de la vie, avant d'avoir eu le temps de purger nos
éléments spirituels, sans quoi nous ne serions pas admis dans
son sein.
C'est pourquoi nos prières ne sont encore que des gémissements,
des lamentations, et des invocations, au lieu d'être des contemplations,
des commandements, des actions de grâces, et des jouissances, comme elles
auraient dû l'être dans l'origine, et comme elles le seront à
la fin de toutes choses, pour ceux qui se seront dévoués au maintien
de la justice et à l'observation des lois du Seigneur.
Car, lorsque le premier homme fut créé, Dieu ne lui dit point
de se lamenter, et de passer sa vie dans les larmes, il lui dit qu'il l'établissait
sur tous les ouvrages de ses mains ; il lui dit de donner des noms à
tous les animaux ; il lui dit de remplir la terre et de la dominer ; mais après
sa chute, la terre est maudite, il ne doit plus manger son pain qu'à
la sueur de son front ; ainsi la famille humaine n'a plus de ressource et de
salut dans la supplication, et le recours à la miséricorde du
Seigneur, d'autant que les nouvelles prévarications des générations
successives, ne font qu'accroître les maux et la misère de l'homme.
Aussi tous les envoyés ne lui prêchent-ils autre chose, que de
travailler à l'absolu dépouillement de l'homme de péché,
afin que par ses soupirs et ses sanglots, il puisse obtenir que la parole créante,
souffrante, sanctifiante, multipliante, vienne fonder en lui sa demeure, comme
n'y trouvant rien qui la gêne, qu'elle puisse parler pour lui dans tout
ce qui le constitue, et dans tout ce qu'il a à manifester, c'est-à-dire,
qu'elle parle dans la pensée de l'homme, qu'elle parle dans la parole
de l'homme, qu'elle parle dans toutes les affections de l'homme, qu'elle parle
dans tous ses mouvements, dans toutes ses vertus, dans tous ses éléments,
dans son sang, dans sa chair, dans tous les organes de sa vie, dans les aliments
dont il se nourrit, dans toutes les substances qu'il emploie à ses besoins
; et enfin, qu'elle fasse de l'homme une oraison universelle ; en un mot, il
faut que nous soyons dévorés comme une proie par toutes les puissances
du Seigneur, avant qu'il trouve en nous sa joie et sa consolation, et que nous
ayant consumés en lui-même par le feu créateur de sa propre
vie, il nous rende de nouveau cette primitive existence libre, et joyeuse où
nous n'avions à former que des prières de jubilation.
Ô vous, instituteurs humains, combien vous repentirez-vous un jour d'avoir
abusé les âmes en les menant par des voies nulles, figuratives
et illusoires qui leur auront donné un calme trompeur, en leur procurant
des joies extérieures, et en leur communiquant des ombres de vérités
qui les auront empêchées de travailler au renouvellement du centre
de leur être ! Toutes vos associations emblématiques ne leur auront
point communiqué la vie puisqu'elles ne l'ont point elles-mêmes.
Vos associations pratiques leur auront encore été plus funestes,
si ce n'est pas l'esprit qui les a convoquées, assemblées, constituées
et sanctifiées par ses larmes, et les prières de sa douleur ;
et où sont-elles ces associations qui nous seraient si salutaires !
Oui, instituteurs aveugles, ignorants, ou présumant trop de vos forces
et de vos lumières, vous vous repentirez un jour d'avoir abusé
les âmes. Ce n'était point assez que par l'effet du crime primitif
elles fussent sous le joug du septénaire temporel qui les distrait et
les détourne continuellement de la simplicité de leur ligne, vous
les aurez encore plus attirées à l'extérieur par toutes
vos images et vos symboles, et vous aurez fini peut-être par les diviser
entièrement, en les éloignant tout à fait de ce point central
et invisible qui est le seul lieu de ralliement que nous ayons ici-bas dans
nos ténèbres. Car l'âme mal dirigée augmente encore
ses entraves, et la désemboîture de ce septénaire temporel
: c'est ce qui fait que par notre force, et par notre impatiente puissance,
nous rendons nous-mêmes notre existence cent fois plus malheureuse que
celle des bêtes.
Vous resterez vous-mêmes alors sous le joug de ce septénaire temporel,
jusqu'à ce que les âmes que vous aurez égarées aient
pu recouvrer leur propre centre particulier, afin qu'elles puissent ensuite
recouvrer leur centre général : et vous frissonnerez de honte
et de désespoir, tandis que si vous aviez eu plus de confiance à
l'esprit, vous auriez avoué qu'il n'avait pas besoin de vos moyens factices
et détournés pour se répandre ; et que si vous aviez eu
plus de bonne foi, vous auriez dit qu'il fallait commencer par chercher vous-mêmes
à avoir l'esprit avant de vouloir mener les autres à un esprit
que vous n'aviez point.
Oh ! mes amis, prenons garde à un autre danger qui nous menace tous :
c'est d'être traités comme ceux à qui on redemandera le
sang des prophètes ; non pas que nous leur ayons ôté la
vie temporelle, mais pour n'avoir pas profité de leur esprit plus que
les nations auxquelles ils avaient parlé, ni plus que les hommes du torrent
; car cet esprit des prophètes est leur véritable sang que nous
versons à tous les instants, quand nous ne suivons pas les leçons
qu'ils nous ont données, et qu'au bruit de leurs menaces nous ne rentrons
pas sous la domination exclusive du seul, et souverain être qui est jaloux
de tout gouverner lui-même, comme étant le seul qui ait pu tout
créer ; oui, voilà ce véritable sang qui sera demandé
à la famille humaine, non seulement depuis le sang d'Abel, jusqu'à
celui de Zacharie mais encore depuis celui de Zacharie, jusqu'à celui
qui sera également versé et profané pendant toute la durée
des siècles. Voilà ce sang que versent tous les jours les Pharisiens,
les Scribes, et les docteurs de la loi qui étouffent sans cesse l'esprit
du prophète, non seulement sous le poids de la lettre, mais sous le poids
de leurs hypocrites et frauduleuses interprétations, et sous celui de
leurs superstitieuses traditions dans lesquelles la vérité va
toujours en descendant.
Veillons donc jour et nuit pour que ce sang de l'esprit nous soit profitable,
veillons pour qu'on ne nous reproche pas un jour de l'avoir laissé perdre
et couler en vain ; veillons, car c'est ce sang qui doit servir à la
formation et à la nourriture du fils spirituel conçu en nous par
l'opération de la sagesse sainte.
8.
Quand l'homme prie avec constance, avec foi, et qu'il cherche à se purifier
dans la soif active de la pénitence, il peut lui arriver de s'entendre
dire intérieurement ce que le réparateur dit à Céphas
: tu es pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église, et
les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle. Cette opération
de l'esprit dans l'homme nous apprend qu'elle est la dignité de l'âme
humaine, puisque Dieu ne craint point de la prendre pour la pierre fondamentale
de son temple ; elle nous apprend combien nous devons nous nourrir de douces
espérances, puisque cette élection nous met à couvert des
puissances du temps, et plus encore des puissances des ténèbres
et des abîmes ; elle nous apprend enfin ce que c'est que la véritable
église, et que, par conséquent, nulle part, il n'y a d'église
où cette opération invisible de l'esprit ne se trouve pas.
Mais remarquons pour quelle raison cette opération de l'esprit constitue
la véritable église ; c'est que c'est la parole éternelle
qui se grave elle-même alors sur la pierre fondamentale qu'elle choisit,
comme le réparateur gravait sa propre parole sur l'âme de saint
Pierre à qui il parlait face à face. Sans l'impression de cette
parole Divine sur notre âme, l'église ne s'élève
point ; comme nous voyons que dans l'ordre temporel les édifices que
les rois se proposent de bâtir ne commencent à s'élever
que lorsque, d'après l'usage reçu, le nom du fondateur est inscrit
sur la première pierre qu'il est censé par là, avoir posée
lui-même.
Dès ce moment nous nous trouvons engagés à veiller soigneusement
à la construction spirituelle qui nous est confiée ; construction
qui doit d'autant plus nous attrayer que nous en trouvons en nous tous les matériaux
et que, sous l'inspection, et avec l'aide de celui qui nous a fait cette annonce,
nous pouvons devenir à la fois, l'architecte, le temple et le prêtre
par qui le fondateur Divin y sera honoré : nous devons, comme un artiste
zélé et reconnaissant, tracer sur toutes les parties de notre
édifice, le nom de celui qui nous emploie, et ne pas oublier un seul
instant que ce nom sacré, inscrit sur la pierre fondamentale, est aussi
celui qui doit accompagner tous les accroissements que l'église va prendre
en nous, marquer les décorations extérieures et intérieures,
régler les divisions du temple, fixer ses horizons, et prescrire tous
les détails du culte qui doit y être éternellement célébré.
En un mot, l'idée de cet être puissant doit désormais devenir
aussi inséparable de notre oeuvre que la pensée l'est de nos paroles,
et de toutes les opérations qui en sont les fruits. Lors même que
nous sentons contrariés dans notre entreprise, ou que nos forces se ralentissent,
nous avons le droit d'interpeller par ses propres paroles celui qui nous a dit
qu'il voulait fonder sur nous son église ; nous avons droit de lui rappeler
que sa parole ne peut pas passer ; comme l'a promis (Isaïe 55) ma parole
qui sort de ma bouche ne retournera point à moi sans fruit ; mais elle
fera tout ce que je veux, et elle produira l'effet pour lequel je l'ai envoyée.
C'est honorer Dieu que de se servir ainsi des titres qu'il nous donne envers
lui, et il ne demande pas de nous voir en faire un pareil usage ; et la preuve
que c'est l'honorer que d'agir ainsi, c'est que nous ne tardons pas à
recevoir le prix de notre confiance, et que la paix et la lumière renaissent
bientôt dans notre être, quand nous avons employé ce moyen.
Réveille-toi donc, homme, chaque jour avant l'aurore pour accélérer
ton ouvrage. C'est une honte pour toi que ton encens journalier ne fume qu'après
le lever du soleil. Ce n'est point l'aube de la lumière qui devait autrefois
avertir ta prière de venir rendre hommage au Dieu des êtres, et
solliciter ses miséricordes, c'est ta prière qui devait elle-même
appeler l'aube de la lumière et la faire briller sur ton oeuvre, afin
qu'ensuite tu puisses du haut de cet orient céleste la verser sur les
nations endormies dans leur inaction, et les arracher à leurs ténèbres.
Ce n'est que par cette vigilance que ton édifice prendra son accroissement,
et que ton âme pourra devenir semblable à l'une de ces douze perles
qui doivent un jour servir de portes à la ville sainte.
Car l'âme de l'homme a été produite pour servir à
la fois de réceptacle et d'intermède à la lumière
; et de même que des vases transparents et remplis d'une eau limpide,
nous transmettent la douce et vive émanation de ces rayons nombreux qui
se sont rassemblés et préparés dans leur sein, de même
notre âme doit embrasser les rayons de l'infini qui sortent du centre
de la ville sainte, et les unir à nos propres facultés qui sont
finies, afin que par cette divine alliance étant nous-mêmes vivifiés,
et rendus resplendissants par la clarté de ces rayons, nous puissions
la faire sortir de nous, plus rassemblée, plus tempérée,
et plus appropriée aux besoins des peuples que quand elle agit dans sa
libre dispersion et dans sa vaste immensité ; et tel sera l'emploi et
la destination des portes de la Jérusalem future.
Ne te relâche donc point, homme de désir, car le Dieu des êtres
lui-même ne dédaigne pas de venir faire alliance avec ton âme,
il ne dédaigne point de venir opérer avec elle cette divine et
spirituelle génération dans laquelle il t'apporte les principes
de vie, et veut bien te laisser le soin de leur donner la forme. Si tu voulais
t'observer avec attention, tu sentirais tous ces principes divins de l'essence
éternelle, délibérer et agir puissamment en toi chacun
selon leur vertu et leur caractère ; tu sentirais qu'il t'est possible
de t'unir à ces suprêmes puissances, de devenir un avec elles,
d'être transformé dans la nature active de leur agent, et de voir
toutes tes facultés s'accroître et s'aviver par de divines multiplications
; tu sentirais ces divines multiplications continuer et s'étendre journellement
en toi, parce que l'impression que les principes de vie auraient transmise sur
ton être les y attirerait de plus en plus, et qu'à la fin ils ne
feraient plus que s'attirer véritablement eux-mêmes en toi, puisqu'ils
t'auraient assimilé à eux.
Tu pourrais alors te faire une idée de ces joies futures dont tu goûterais
déjà les prémices; tu aurais de délicieux pressentiments,
que grâce aux miséricordieuses faveurs de celui qui t'a créé
et qui veut bien te régénérer, ton entrée dans la
vie t'est comme cautionnée par lui, et que tu peux dire avec une sainte
sécurité inspirée par lui : Mon âme ne m'a point
été donnée en vain ; il a daigné la faire renaître
pour l'appliquer à l'uvre active à laquelle ma sublime émanation
me donnait droit de prétendre, et il me promet encore de me faire recueillir
un jour les fruits du champ que lui-même a bien voulu cultiver par mes
mains. Que ce Dieu de toute puissance et de toute consolation soit à
jamais honoré comme il devrait l'être, et comme il le serait des
hommes, s'il leur était plus connu !
Nous pouvons donc déjà apercevoir les biens qui nous sont promis
si nous persévérons à nourrir en nous l'esprit de douleur
ou plutôt la douleur de l'esprit, c'est-à-dire, cette pénétrante
amertume cachée au médicament spirituel par où doit commencer
toute notre oeuvre ; car n'oublions pas que nous sommes encore dans les déserts,
et que nous n'entrevoyons la terre promise que sur les récits et les
images que nous en offrent les fidèles envoyés qui l'ont parcourue
; et s'il est consolant pour nous d'avoir à attendre un si magnifique
héritage, ne perdons pas de vue le seul chemin qui puisse nous y conduire.
Disons-nous sans cesse les uns aux autres : le médicament spirituel veut
nous rendre la santé, et la vie ; le Dieu universel veut passer tout
entier par notre être afin de parvenir jusqu'à l'ami qui nous accompagne
; il veut y passer souffrant, avant d'y passer dans sa gloire, il veut rompre
les liens qui nous enchaînent dans la caverne des lions et des bêtes
féroces et venimeuses, il veut régénérer notre parole
par l'impression de sa propre parole, il veut fonder sur notre âme son
église, afin que les portes de l'enfer ne prévalent jamais contre
elle, il veut s'unir à nous pour opérer avec nous une génération
spirituelle dont les fruits soient aussi nombreux que les étoiles du
firmament, et puissent comme elles faire briller universellement sa lumière
; et tous ces biens qu'il veut nous procurer, il veut les réaliser en
nous par l'annonciation de son ange, et par la sainte conception de son esprit,
puisque c'est là le terme final de tous ses desseins et de toutes ses
manifestations : louons-le dans la magnificence de ses merveilles, et dans l'abondance
de ses trésors ; mais que ce soit dans le chemin et en faisant notre
route que nous occupions ainsi notre pensée ; afin que ces saintes méditations
nous servent à adoucir les fatigues du voyage, et non pas à nous
arrêter.
9.
Comment pourrions-nous cesser de nourrir en nous l'esprit de douleur, ou plutôt
la douleur de l'esprit quand nous considérons la voie temporelle et spirituelle
de l'homme sur la terre ? L'homme est conçu non seulement dans le péché,
comme le disait David de lui-même, mais il est encore conçu par
le péché, vu les ténébreuses iniquités de
ceux qui l'engendrent. Ces ténébreuses iniquités vont influer
sur lui corporellement, et spirituellement jusqu'à sa naissance. Il naît
; il va recevoir intérieurement le lait taché de ces mêmes
iniquités, et extérieurement mille traitements maladroits qui
vont déformer son corps avant même qu'il soit formé ; des
conceptions dépravées, des langues fausses et corrompues vont
assaillir toutes ses facultés et les épier au passage pour les
infecter dès qu'il les manifestera par le moindre de ses organes.
Ainsi vicié dans son corps et dans son esprit avant même d'en avoir
l'usage, il va entrer sous la fausse administration de ceux et celles qui l'environnent
dans son premier âge, qui sèmeront en abondance des germes empoisonnés
dans cette terre déjà empoisonnée elle-même, et s'applaudiront
de lui voir produire des fruits analogues à cette atmosphère désordonnée
devenue leur élément naturel.
La jeunesse, l'âge viril ne vont être qu'un développement
successif de tous ces germes. Un régime physique, presque toujours contraire
à la nature va continuer de presser à contre sens le principe
de sa vie. Un régime moral destructif de toute morale va nuire encore
plus à son être intérieur, et le dévier tellement
hors de sa ligne, qu'il ne croira plus même qu'il en existe une pour lui
; des doctrines de tout genre vont repousser son esprit par leur contrariété,
ou ne l'asservir qu'en le trompant ; des occupations illusoires vont absorber
tous ses moments, et lui voiler sans cesse sa véritable occupation.
C'est ainsi qu'au milieu d'une tempête perpétuelle, il arrive au
terme de sa vie ; et là pour achever de mettre le sceau sur le décret
qui l'a condamné à venir dans cette vallée de larmes, l'on
tourmente son corps par les procédés d'une médecine ignorante,
et son esprit par des consolations maladroites, tandis que dans ces moments
périlleux cet esprit ne cherche qu'à entrer dans sa voie et éprouve
peut-être en secret toute la douleur de s'en voir écarté.
Quand on pense que nous sommes tous composés de ces éléments,
dirigés par ces mêmes lois, alimentés par ces désordres,
et ces mêmes erreurs, que nous sommes tous immolés par ces mêmes
tyrans, et que nous immolons nos semblables à notre tour par ces mêmes
armes empoisonnées ; quand enfin on pense que telle est l'atmosphère
qui nous enveloppe et nous pénètre, on craint de respirer, on
craint de se regarder, on craint de se remuer et de se sentir.
Que doit-ce donc être si l'on pénètre dans l'homme intérieur
et spirituel, et si l'on réfléchit aux dangers qui le menacent
et qui sont incomparablement plus effrayants que ceux qu'il a à craindre
de la part des hommes, et des désordres de ce monde ? C'est alors qu'il
sent la nécessité d'être jeté d'abord dans le désert
par l'esprit, c'est-à-dire, de rectifier en lui toutes les difformités
que la maladresse des hommes, et ses propres écarts ont semées
dans son être ; afin qu'étant devenu totalement étranger
au régime de l'illusion, il puisse s'adonner tout entier au combat de
l'esprit, lequel combat ne commence point ici-bas pour ceux qui sont livrés
au torrent, parce qu'étant entraînés loin du désert,
ils ne savent pas même qu'il y ait un combat à livrer ; aussi voit-on
sur cet article combien d'hommes passent leurs jours dans la tranquillité
!
Mais celui qui a senti l'aiguillon du désir se lance courageusement dans
cette carrière où les dangers et les puissances ennemies vont
l'environner, et l'assaillir jour et nuit ; l'ardeur de la victoire lui cache
la grandeur du péril et des fatigues ; il est déterminé
à tout, parce qu'il sait que les récompenses qui l'attendent embrassent
tout. Il doit donc compter qu'en entrant dans ce désert toutes les facultés
de son être vont être éprouvées, et qu'il n'y en a
pas une non seulement dans son corps, mais encore plus dans son âme et
dans son esprit, qui ne doive verser des sueurs de sang, et en imbiber les différentes
terres auxquelles appartiennent ces différentes facultés ; et
cela continuellement jusqu'au jour de sa sépulture, parce que tant qu'il
demeure sur cette terre de douleur, il est dans le règne du mensonge,
et que celui qui y domine n'oublie rien pour faire prospérer son empire.
Voilà pourquoi nous ne devons méditer qu'en marchant et qu'en
faisant notre chemin, les merveilles que le Seigneur veut bien faire briller
de temps en temps dans nos ténèbres ; et sans la plus sérieuse
vigilance, ces merveilles mêmes peuvent nous devenir funestes en ce que
notre ennemi a le pouvoir de s'en emparer et de les employer à sa gloire,
quand nous n'avons pas la sagesse de les employer à sa molestation ;
mystère d'iniquité qui a comme inondé la terre.
Mais cependant après être avertis sur cela comme nous le sommes,
ouvrons aussi nos curs à l'espérance et à la joie,
et ayons la confiance que la même main qui nous aura poussés dans
le désert, la même main qui nous aura choisis pour servir de fondement
à son église, la même main qui aura fait opérer en
nous une conception spirituelle daignera nous accompagner dans l'épreuve,
et ne permettra pas que notre ennemi altère et souille en aucune manière
les jouissances qu'elle nous réserve. Car ces jouissances doivent être
aussi incalculables, que le sont pour nous les dangers et les fatigues de l'épreuve
que nous avons à subir ; et même elles doivent en faire plus que
la compensation, parce que la miséricorde l'emporte toujours sur la justice.
Aussi toutes les facultés de notre être après avoir versé
des sueurs de sang, doivent verser des sueurs de joie et de délice ;
il n'y a pas une seule de nos fibres qui ne doive devenir un des torrents de
la vie, et recevoir sans cesse une accumulation de trésors qui nous établisse
à demeure au milieu de ces multiplications de lumières, de ces
multiplications de confiance, de ces multiplications de courage, de ces multiplications
d'espérances et de consolations que nous avons déjà eu
occasion de peindre, et que l'on ne peut jamais trop retracer pour ranimer la
foi du faible, et même pour l'entretenir dans celui qui ne l'est pas.
Pour quelle raison nous doit-il arriver de si grands biens ? C'est que c'est
ainsi que la mesure suprême se fait connaître quand nous l'avons
laissé s'emparer en nous de toutes les mesures. C'est que cette mesure
étant la vie par essence ne peut communiquer d'autre impression à
ceux qui l'approchent ; c'est que cette mesure ne tend qu'à percer jusqu'à
l'unité de notre centre, pour le gouverner par la même action par
laquelle elle se gouverne, et l'entraîner perpétuellement dans
l'identité de son mouvement ; et voilà le sort qui est réservé
à ceux qui auront aimé à manger du verbe.
10.
Le moment de la naissance est arrivé. Les puissances supérieures
après avoir formé en nous par l'esprit la conception de notre
fils spirituel, ont décrété selon leur sagesse que le moment
est venu de lui donner le jour. Nous allons donc sortir de ces abîmes
dans lesquels nous avons séjourné, dans lesquels, le saint par
excellence n'a pas craint de descendre lui même, et dans lesquels il ne
craint pas de descendre tous les jours pour en arracher les victimes, et pour
libérer les esclaves ; nous allons recevoir dans la nouvelle atmosphère
où nous arrivons, des affections plus vives et plus douces que celles
de cette région ténébreuse d'où nous sortons et
qui dès lors est censée morte pour nous.
Nous n'aurons pas cependant de beaucoup plus vastes connaissances, ou plutôt,
nous recevrons la lumière et tous les secours de la vie sans pouvoir
contempler leur source, encore moins sans pouvoir nous en emparer ; comme l'enfant
jouit de tous les biens que ses parents et ses guides lui procurent sans qu'il
puisse se rendre compte de la manière dont tous ces bienfaits lui sont
prodigués.
Défie-toi donc, homme, de ces lumières précoces qui t'arrivent
sur la nature de l'être qui veut te gouverner à ton insu. Il est
le Dieu inconnu, il veut planer sur toi, comme le soleil plane sur les humbles
plantes, et lorsqu'il te viendra de ces rayons brillants qui ont tant de pouvoir
pour nous éblouir, dis-leur : vous me ravissez, vous m'éclairez,
mais dès que je vous vois, vous n'êtes point mon Dieu, vous n'en
êtes que les images. Mon Dieu est encore au-dessus de vous, parce que
son action doit être éternellement une surprise et un miracle pour
moi, sans quoi je ne serais pas son fils. Dis-leur que tu veux rester constamment
et exclusivement dans la main de ce Dieu inconnu qui t'approche secrètement,
et te soulève pour te faire voguer en sûreté au-dessus des
abîmes, et te remplir par là de plus de joies et de consolations
que si tous les trésors des cieux étaient ouverts devant tes regards.
Car voilà la véritable renaissance ; voilà ce fils chéri
qui vient de recevoir le jour.
Tremble Hérode, ton trône est menacé. Il vient de naître
un roi des Juifs. Les bergers ont entendu les anges chanter la naissance de
ce fils de l'homme ; les mages ont vu son étoile dans l'Orient, ils viennent
le visiter, et leur offrir leur or et leur encens. Tu as beau faire exterminer
les enfants de Rachel pour calmer tes craintes, ce fils est un fils qui ne s'extermine
point par la main de l'homme, parce qu'il n'est point né de la volonté
de chair, ni de la volonté de l'homme, ni de la volonté du sang,
mais il est né de Dieu ; aussi le Dieu qui l'a formé saura veiller
sur ses jours, et il le fera réfugier dans l'Égypte, jusqu'à
ce que les temps de ta fureur soient écoulés, et que le temps
de la gloire de son fils soit arrivé.
Et toi, homme, ne t'offense point de te voir naître dans une étable
et parmi des animaux, tu ne nais que dans l'humiliation, tandis qu'auparavant
tu existais dans des abîmes. Ces animaux vont faire pour toi, ce que tu
aurais dû faire pour eux si tu eusses conservé tes droits ; ils
vont te réchauffer de leur haleine, comme tu aurais dû les réchauffer
de ton esprit, et leur conserver par là leur caractère, et leurs
formes primitives. Car c'est aujourd'hui ta forme qui te préserve, au
lieu qu'autrefois tu aurais dû préserver ta forme. Tu iras bientôt
au temple pour y recevoir la circoncision, et Siméon chantera le cantique
de joie en te prenant dans ses bras et en disant que tu es un enfant né
pour le salut et pour la ruine de plusieurs.
On nous donne peu d'instruction sur les soins que l'on doit à l'enfance
; cependant, homme, ce temps va être pour ton fils le temps le plus précieux
de sa vie, car tu vas être à la fois ton fils, ton père,
ta mère, tous les serviteurs qui seront employés à la plus
sublime des tâches. Que ce fils nouveau-né devienne donc pour toi
l'objet de tes soins les plus assidus. Ce fils est amour, et il est amour Divin,
tâche que toutes les lumières qui se développeront en lui
ne lui parviennent que par cette même voie ; j'allais presque dire, que
par son nom ; ce sera un moyen de le rendre homme dans un âge où
tant d'hommes sont, non seulement encore enfants, non seulement pas encore nés,
mais même pas encore conçus ; sans compter ceux qui sont nés
par avortement, ou qui ont péri depuis longtemps par mille autres accidents,
quoique tu les voies marcher devant toi, se bien porter, et remplir parfaitement
toutes les fonctions ostensibles de l'homme.
Mais n'oublie pas que ce fils est aussi le fils de la douleur, que c'est le
second né de Rachel, qu'il a coûté la vie à sa mère,
qu'il est le seul des douze chefs de tribus qui soit né dans la terre
promise, et qu'il y est né après que son père eût
offert un sacrifice au Seigneur, et qu'il lui eût érigé
un autel à Béthel.
Si tu veux donc conserver ce précieux rejeton, nourris-le chaque jour
des mêmes éléments qui lui ont donné naissance ;
fais couler à chaque instant sur lui le sang de l'alliance qui doit le
préserver du glaive de l'ange exterminateur ; bien plus, fais pénétrer
sans cesse dans toutes ses veines, ce même sang de l'alliance qui doit
donner la mort à tous les Égyptiens, et le mettre à même
de les dépouiller un jour de leurs vaisseaux d'or et d'argent avec lesquels
ils font des festins d'iniquité. Laisse couler dans ses veines ce sang
corrosif qui n'aura point de relâche qu'il n'ait rongé jusqu'aux
moindres traces du péché ; tu verras par là les membres
de ton fils acquérir peu à peu de la force et de la consistance.
Et pourquoi ce sang accumulera-t-il ainsi la vie dans les membres de son fils
? C'est qu'il est le sang de la douleur, et que la douleur n'est point sans
la vie, puisqu'elle n'est qu'une contraction de la mort contre la vie, et de
la vie contre la mort ; voilà pourquoi plus il y a de douleurs plus il
y a de vie, voilà pourquoi ce sang de l'alliance est si souffrant puisqu'il
est composés des ténèbres et de la lumière de la
corruption et de la santé, de la nature et de la Divinité, du
temps et de l'éternité.
Fais donc tomber à grands flots ce sang de la douleur sur ton fils, plonge-le
dans cette mer de douleur qui seule peut lui donner et lui conserver le sentiment
; qu'il y séjourne plus longtemps que Jonas dans la baleine, plus longtemps
que Moïse sur la montagne, plus longtemps que l'arche sur les eaux du déluge,
plus longtemps que les Hébreux dans le désert, plus longtemps
que ces mêmes Hébreux dans toutes les captivités, qu'il
y séjourne pendant toute sa vie terrestre, parce que ce n'est que par
ce moyen que ce sang déposera dans son cur, dans ses os, dans sa
moëlle, dans ses veines, dans toutes les fibres de son être le vrai
élément sacerdotal d'où doivent naître pour lui la
lance et l'épée. Qu'il mange chaque jour de ce pain sacerdotal,
et qu'il s'enivre du vin de la colère du Seigneur.
Qu'il passe les jours et les nuits dans les déserts, que la mort des
lions soit comme les jeux de son enfance ; et qu'il s'annonce de bonne heure
comme devant être redoutable aux nations, attendu qu'il aura mangé
chaque jour de sa vie le pain sacerdotal. Les temps viendront où l'élément
sacerdotal qui se sera déposé en lui y fera fleurir à son
tour l'hysope et l'olivier ; car, ce n'est que pour triompher de la mort et
faire régner la vie que le sang de l'alliance s'est rendu le sang de
la douleur.
Mais que les longueurs du temps ne te fassent pas manquer ton but par l'impatience.
Vois avec quelle lenteur se forment les pierres dans les carrières :
ce ne sera de même qu'après une longue suite de périodes
progressives que tu sentiras déposées en toi une assez grande
quantité de substances réelles, et se consolidant à mesure,
pour qu'elles puissent former cette pierre fondamentale de l'église.
C'est dans ces substances ainsi rassemblées et consolidées que
s'accumule le feu de vie ; et quand sa mesure est complète, il fermente,
il fait une explosion qui rompt les barrières, il s'enflamme, et devient
à jamais inextinguible.
11.
Lorsque Dieu voit qu'en nous donnant à lui, nous n'avons rien gardé
de nous, il nous donne en retour une étincelle sacrée qui, à
elle seule, est des millions de fois plus que notre être, et qui nous
apprend combien nous avons gagné dans cet échange. Oui, notre
Dieu est un Dieu effectif et réel ; ce qu'il opère alors en nous
doit être effectif et réel comme lui. Ainsi ce n'est point une
espérance mensongère que celle qui nous promet de nous faire sentir
physiquement l'épée divine, le souffle divin, le feu du sanctuaire,
et le contact vif de la puissance active et animante. Et même nous ne
sommes que dans les ombres et dans les figures, tant que ce mouvement sacré
et sensible ne s'est pas opéré en nous ; comme le feu des corps
est nul en quelque sorte, tant qu'il n'est pas en contact et en conjonction
avec tous les points de l'air libre, et de l'atmosphère vivante qui l'environne.
Ce n'est même qu'après que ce grand mouvement est opéré
en nous que nous avons mis le pied dans la ligne, et d'après ce qui nous
est promis, nous devons voir s'il y a rien qui doive nous coûter pour
franchir la barrière. Mets-toi en sang, mets-toi en lambeaux, comme en
passant au travers des ronces et des épines ; car n'est que de l'autre
côté de la haie qu'est le trésor. Tu le manqueras si, pour
former cette entreprise, tu attends que tu jouisses du repos et des commodités
de la vie ; car, si tu jouissais de ce repos et de ces commodités, il
faudrait les oublier en entier pour aller en avant ; comment songerais-tu donc
à t'y appuyer en espérance, et ne les ayant point encore ? L'ennemi
ne sait que te tromper par ces considérations illusoires ; ne dispute
point avec lui, mais marche sans lui rien dire ; car, si tu l'écoutes,
il t'abusera jusqu'à la fin de ta vie, par des promesses flatteuses de
circonstances plus favorables qui n'arriveront jamais si tu ne les crées,
c'est-à-dire, si tu ne les prends hors de cette région de ténèbres.
Car dès que ces circonstances favorables en apparence t'arriveront, le
même ennemi qui se défend, mettra dessus son tarif, et les diminuera,
par là, au point de les rendre presque nulles, pour ne pas dire préjudiciables,
en ce qu'elles te rendront son esclave et son tributaire, au lieu de l'état
libre que tu en avais attendu. Mais si c'est hors de la région des ténèbres
que tu ailles créer tes circonstances, l'ennemi ne peut y établir
d'imposition, il ne sait pas même que ces circonstances existent, et tu
le laisses errer dans son abîme, sans qu'il puisse apercevoir ni tes mouvements
ni tes succès.
N'espère donc que de ton courage et de tes sacrifices ces circonstances
puisées dans la ligne ; elles seules te découvriront les trésors
qui t'attendent, comme c'est un seul soleil qui manifeste les riches couleurs
de l'arc-en-ciel.
Car, ce n'est point assez que l'ennemi diminue par son tarif les circonstances
favorables qu'il t'aura fait longtemps attendre ; il essayera, lorsqu'il te
verra décidé à t'avancer, de te retrancher même celles
dont tu jouissais, afin d'augmenter tes entraves ; ne sais-tu pas que les royaumes
du monde lui appartiennent ? S'il ne les donne pas en entier à ceux qui
l'adorent, au moins il les leur promet, et il ne retient pas toujours tout pour
lui ; mais il les retranche à ceux qui ne le suivent pas, parce que ceux
qui ne le suivent pas, ne se trouvant ni sous son action, ni sous celle du monde
qui est la même chose, il n'est pas étonnant qu'ils soient comme
étrangers à l'une et à l'autre, et même, c'est une
grâce d'en haut quand on les en dépouille ; c'est une marque de
leur avancement.
Ami, tu es peut-être surpris que je te parle si peu de sciences, et que
je te parle tant d'exhortation et d'avertissement. C'est que j'ai sondé
la science, et que j'ai sondé l'exhortation. La science est grande, elle
est fille de la lumière, elle est l'éclat vivant du soleil éternel
; mais elle ne veut pas connaître d'autre organe et d'autre voie que le
cur de l'homme : quand on la force de se présenter par une autre
entrée, elle souffre de se voir prostituée, et elle se sauve aussitôt
qu'elle le peut. Aussi, homme, mon ami, si l'on t'avait communiqué le
tableau universel de la lumière, et le flambeau de toutes les révélations
passées, présentes et futures, tu pourrais encore n'avoir pas
fait un pas si tu n'avais commencé par ouvrir ton âme à
l'esprit de la vie, et à ce médicament actif dont tout ton être
a besoin à tous les instants ; et au contraire, si tu ouvrais un instant
ton âme à cet esprit de la vie, tu te sentirais marcher comme naturellement
dans le sentier de la lumière et de la science.
D'ailleurs, veux-tu voir par toi-même les effets de cette science si respectable,
et combien elle a peu profité aux hommes ? La terre est remplie des monuments
de cette science Divine, et des immenses développements qu'elle n'a cessé
de fournir depuis le commencement du monde ? Tout a été écrit,
dit, publié ; il n'y a point de profondeur ici-bas qui n'ait été
sondée, il n'y a point de secret qui n'ait été découvert,
point de lumière qui n'ait été manifestée; les hommes
regorgent de trésors en ce genre, ils en sont inondés, entourés,
encombrés ; et cependant quel chemin leur vois-tu faire dans la carrière
de la vérité et de la paix ? Ils croient leur cur en sûreté,
dès que leur esprit voit des rayons de lumière ; et ils ne songent
pas que sans le secret et douloureux médicament, ils ne font, avec toutes
leurs clartés, que se jeter plus sciemment dans le précipice.
Veux-tu savoir ce qui leur est nécessaire, et ce qu'ils peuvent attendre
de la voie simple, cachée et naturelle ? C'est qu'une parcelle puisse
se détacher de la grande mesure, et apporter sur tout leur être
cet esprit de mesure, d'aplomb, d'équilibre, de justesse, de sécurité,
de certitude, et de confiance animée et irrésistible dont elle
est à la fois le foyer, la source, l'organe, le sceau, le signe, le caractère,
et le continuel, majestueux, universel et triomphant effet : tâche de
parvenir à ce degré à la fois délicieux et sanctifiant
; tâche qu'il n'y ait plus en toi qui ait quelque chose à toi ;
car plus cette parcelle imperceptible, que j'ai appelée la mesure, trouvera
en toi de choses qui lui appartiennent, plus tu seras plein de ces mesures si
salutaires, et dont la seule présence peut servir de date à ta
régénération.
Je voudrais bien qu'ils me crussent, mes malheureux frères, je pourrais
leur présenter sur cet objet des vérités bien consolantes.
Je leur dirais : vous voyez que votre langue et votre palais ont le discernement
des saveurs, et des diverses propriétés des sels ; vous voyez
que les substances alimentaires sont soumises à ce discernement de votre
organe matériel ; vous voyez que votre intelligence a le discernement
des esprits, et que par elle vous pouvez les éprouver, les vérifier,
les goûter, et les juger ; eh bien, descendez encore un peu plus au fond
de vous-mêmes, vous allez trouver que votre cur a le discernement
des intentions, des facultés, des opérations, et des mouvements
de votre Dieu lui-même ; et que vous êtes l'organe sacré
auquel il veut bien laisser faire l'épreuve de tout ce qu'il daigne envoyer
hors de son éternel centre ; c'est sur cette langue invisible, mais impérissable
que se peut faire l'essai de tous les sels Divins que la sagesse envoie continuellement
dans l'atmosphère l'esprit.
Oh ! Homme, purifie donc sans cesse cet organe ; l'usage en est si doux, la
perspective qu'il t'offre est si sublime, que je ne sais pas comment tu pourrais
encore permettre à tes yeux de se fermer après avoir considéré
une semblable merveille. Cependant quelqu'admirable qu'elle soit, elle ne te
surprendrait plus si tu te rappelais que la Divinité doit nous traverser
tout entière, soit dans sa souffrance, soit dans sa gloire : car si elle
doit nous traverser tout entière, il n'est plus étonnant pour
nous que nous soyons ordonnés, et formés pour en avoir le discernement
; apprends donc ici à simplifier tes idées sur le caractère
et l'emploi du prophète ; compare son élection et tout ton être
avec ce fils qui vient d'être conçu en toi par l'esprit, et avec
tous les autres types que tu as parcourus ; car il faut t'attendre à
trouver la même chose à tous les pas.
12.
Puisque notre Dieu est un être effectif, tout doit être effectif
dans ce qui l'approche, comme dans ce qui sort de lui. Ainsi, pourvu que nous
le recherchions avec une pénitence effective, une humilité effective,
un courage effectif, nous ne devons pas douter qu'il ne vienne à nous
avec des puissances effectives, avec des dons effectifs, et qu'il n'imprime
sur nous des témoignages effectifs de son intérêt et de
son effectivité ; croyons en outre que si par cette effective influence
Divine, nous nous trouvons dans une nouvelle situation effective de joie, de
lumières, de forces, de vertus, de foi, de piété, de sainteté,
enfin si nous nous trouvons effectivement dans une atmosphère réellement
vive, nous pouvons espérer de produire cette même température
effective dans tout ce qui nous environne, parce que la vraie et vive effectivité
de notre Dieu ne cherche qu'à s'établir et se répandre,
afin que selon son désir tout soit plein de lui.
Lorsque David écrit, psaume cent dix, verset 7 : Les oeuvres de ses mains
ne sont autre chose que vérité et que justice, il dit plus, que
l'intelligence ordinaire ne peut apercevoir dans ces paroles, et on ne peut
les comprendre effectivement que par la jonction de cette influence effective
pour laquelle nous sommes tous faits, et qui nous est si nécessaire,
que nous ne pouvons être renouvelés sans elle. Mais aussi dès
qu'elle existe, nous devons nous remplir d'une ardeur sans borne pour obtenir
d'en être pénétrés à tous les moments, et
d'en pénétrer à notre tour tous les ouvrages de nos mains,
et tous les objets de nos oeuvres.
Oui, Dieu de ma vie, tu m'appelleras, et je te répondrai en t'immolant
des sacrifices effectifs dont les fruits et la récompense seront de vivre
avec ton esprit, par ton esprit, et dans ton esprit. Tu veux bien ne pas dédaigner
mon âme quelque misérable et quelqu'infirme qu'elle soit ; après
lui avoir fait prendre le médicament d'amertume, tu lui feras connaître
aussi le médicament de la joie, et de l'adoucissement ; et cet adoucissement,
ce sera de t'emparer d'elle, de la presser par l'impulsion de ta main dans tous
les mouvements qu'elle a à faire, et de ne pas la laisser un instant
sans toi.
Venez, humilité sainte, venez vivre dans la prédication intérieure
que mon âme entend chaque jour au-dedans d'elle-même, et unissez
votre activité à la parole intérieure qui me poursuit,
afin que je sois sans interruption un être effectif, et que, par votre
moyen, le Divin et universel défenseur repose sur moi, et me préserve
de la colère du Seigneur.
L'homme est tranquille au milieu des abîmes qui l'environnent ; il oublie
que ses ennemis sont si redoutables, qu'il ne peut pas abattre le moindre degré
de leur puissance, qu'autant que la force Divine, elle-même, se met en
mouvement, et sans qu'il n'en coûte à Dieu, une opération,
et un acte réel de sa force et de son action entière. L'ennemi
ne l'ignore pas cette vérité ; aussi, il ne remue pas tant que
nous ne mettons en jeu que nos puissances inférieures et particulières
à l'homme ténébreux ; et un de ses grands secrets, c'est
d'abuser les mortels par d'apparents succès fondés sur des prières
faibles et illusoires, qui les font dormir dans le sommeil de la mort ; c'est
par là qu'il dévore journellement toute la terre.
Mais quand nous avons le bonheur de ne pas nous reposer sur nos propres forces,
quand enfin c'est cet être puissant, lui-même, qui agit et qui opère,
l'ennemi tremble, et fuit dans ses antres obscurs, ne pouvant pas résister
à la force invincible du lion de la tribu de Juda, à qui l'Eternel
a juré par son nom redoutable, que tout empire lui serait donné
; c'est cette promesse irréfragable qui assure le triomphe à la
seule présence de cet agent sacré, et qui fait sentir à
l'ennemi la différence de la parole de vérité à
une parole variable ou fausse.
Cet ennemi de toute vérité a des puissances à ses ordres
qu'il envoie devant lui comme des espions dès qu'on le poursuit et qu'on
l'attaque dans son pays ; il a à ses ordres des chiens, des loups qui
observent s'ils ne pourront pas dévorer le cavalier et sa monture, et
ensuite faire main basse à leur aise sur toute la bergerie. Mais sitôt
qu'ils aperçoivent ou seulement qu'ils sentent le lion de la tribu de
Juda, ils fuient à toutes jambes, tant ce lion de la tribu de Juda a
des armes tranchantes et à l'épreuve de tout. Ses armes n'ont
pas même besoin de se mouvoir ; il approche et tout tremble devant lui.
Ne cherchons pas un autre chef. N'est-ce pas lui qui a appelé l'âme
de l'homme et qui lui a dit : sur cette pierre je bâtirai mon église
? Mais notre âme embrasse et pénètre tout notre être,
comme l'esprit du Seigneur embrasse et pénètre tout l'univers
; ainsi chaque portion de nous, chacune de nos facultés, chacune de nos
pensées, chacun de nos mouvements peuvent donc se transformer en autant
d'églises où le nom du Seigneur soit perpétuellement honoré
; c'est pour cela que le nom du Seigneur sera loué de l'orient jusqu'à
l'occident, du nord au midi, et dans toute l'étendue de la terre. C'est
là ce que seront les fonctions de ce nouveau-né à qui l'esprit
vient de donner le jour ; car, son ministère circulera dans le quaternaire
; ainsi l'homme aura à vaquer aux fonctions Divines à l'angle
d'orient, aux fonctions spirituelles dans l'angle du nord, aux fonctions de
l'ordre mixte dans l'angle d'ouest et aux fonctions de la justice, du combat
et du jugement dans l'angle du midi. De là il retournera sur ses pas,
pour purifier, et sanctifier de nouveau les régions et leur faire part
de ses triomphes et venir ensuite en rendre hommage à l'universel triomphateur,
sans lequel il n'y aurait aucun conquérant.
Mais répétons-le, c'est dans les plus creuses profondeurs de l'âme
humaine, que l'architecte doit venir poser le fondement de l'église ;
et il faut qu'il les cimente avec la chair, le sang et la vie de notre verbe,
et de tout notre être. Voilà le travail le plus pénible
de la régénération ; c'est celui qui porte sur cette intime
substance de nous-mêmes. Au milieu des supplices que notre corps peut
subir, nous pouvons dans notre âme en subir un plus grand encore.
C'est ce qui est arrivé au réparateur qui ne songeait point à
la mort de son corps lorsqu'il demandait que ce calice s'éloignât
de lui ; enfin c'est le combat de l'esprit, c'est cette douleur à laquelle
aucune douleur ne se compare, et qui par sa grandeur même nous met dans
le cas de supporter toutes les autres avec une sorte d'indifférence.
Car, si nous voulions courageusement faire pénétrer notre esprit
vivant dans toutes les subdivisions et régions de notre être, pour
y porter la vie et la renaissance, nous ne compterions pour rien les maux ordinaires
auxquels notre nature et notre vie temporelle nous exposent ; et il n'y aurait
plus de douleur qui pût se mettre en parallèle avec notre douleur
; mais aussi où seraient les joies qui finalement pourraient se mettre
en parallèle avec nos joies ?
Nous apprendrions là, en peu de temps, toute notre histoire. Nous y apprendrions
que nous naissons dans le Divin, que nous prenons forme dans l'esprit, que nous
rectifions l'apparence, et que nous séparons l'iniquité, et que
ces quatre grandes opérations se font par l'impression de la force, de
l'amour et de la sainteté, sur notre corps, notre cur et notre
front ; le tout sous l'aspect du grand nom central qui plane au-dessus de nous,
pour nous vivifier, comme il vivifie tous les êtres dont il est à
jamais le centre unique et universel.
13.
Lorsque le Réparateur alla à Béthanie pour y ressusciter
le frère de Marthe et Marie qui était mort depuis quatre jours,
et qui sentait mauvais ; lorsqu'étant près du tombeau, il dit
d'une voix haute : Lazare, levez-vous ; c'est à toi, âme humaine,
qu'il adressait la parole encore plus qu'à ce cadavre qui n'était
que le symbole de la véritable renaissance ; et c'est encore là
où tu trouves un nouveau trait de ce tableau général dont
tu es l'objet, et qui embrasse l'ensemble des choses.
Si tu as aperçu précédemment que l'annonciation de l'ange
peut se répéter pour toi, ainsi que la conception et la naissance
du fils de la promesse, tu ne seras pas surprise que la résurrection
de Lazare puisse se répéter pour toi également ; mais aussi
par la même raison, tu sens que cette opération préliminaire
te devient indispensable, puisque tu es morte depuis quatre jours ; c'est-à-dire,
dans tes quatre grandes institutions primitives que tu ne saurais plus remplir,
et puisque tu répands partout l'infection. La voix du Réparateur
s'approche de ta tombe et te crie : Lazare, levez-vous ; ne fais pas comme les
Juifs dans le désert ; n'endurcis pas ton cur à cette voix,
et jette-toi promptement hors de ton cercueil ; il ne manquera pas de gens serviables
pour délier tes bandelettes. Souviens-toi ensuite qu'il ne t'a été
dit : Lazare, levez-vous ; qu'afin que tu répètes à ton
tour librement à toutes tes facultés endormies : Lazare, levez-vous
; et qu'afin que cette parole circule continuellement dans toutes les parties
de ton être. C'est alors que tu pourras espérer être à
table avec le Seigneur.
Ame humaine, souviens-toi qu'une terre s'engraisse par les fruits qu'elle porte
; parce que les semences qu'elle reçoit dans son sein lui rendent de
nombreux débris pour les sucs qu'elles en retirent, et elles font descendre
sur elles les rosées du ciel. Âme humaine, plus féconde
que la terre corruptible où tu es emprisonnée pour un temps, tu
peux, plus qu'elle, recevoir de vives semences, tu peux, plus qu'elle, produire
de nombreuses récoltes, tu peux, plus qu'elle, fixer et faire couler
sur toi les riches et fécondes rosées ; et ce sont tous ces trésors
qui doivent t'engraisser à jamais ; car, si tu te dis bien sincèrement
: Lazare, levez-vous, tu peux alors espérer que le conseil céleste
vienne délibérer jusque dans ton propre sein, et envoie ensuite
sa parole sacrée dans tout ton être, pour y faire exécuter
ses décrets, et faire couler abondamment dans toutes ses substances élémentaires,
spirituelles et Divines les sanctifications éternelles qui ne tendent
qu'à effacer le temps, ou cette tache, jetée sur le tableau la
vie, et qui voudraient que cette image qu'on appelle aujourd'hui, étant
disparue, tout ce qui existe reprît le nom universel de l'ancien des jours.
Car c'est ce nom que toutes choses ont porté avant la corporisation matérielle
; et c'est ce même nom qu'elles tendent à porter de nouveau lorsque
l'oeuvre sera accomplie, afin que l'unité soit toute en tous, non plus
par des lois subdivises, comme celles qui constituent, gouvernent, engendrent,
et détruisent la nature ; mais par une plénitude d'action qui
se développe sans cesse, et sans l'affligeant accident des contractions,
et des résistances.
Si le conseil céleste doit délibérer jusque dans notre
propre sein, il en résulte pour nous une loi puissante, et qui porte
avec elle l'empreinte d'une terreur salutaire ; c'est que nous ne devrions pas
nous permettre un acte, ni un mouvement qui ne fût la suite d'une délibération
de ce conseil céleste que Dieu même ne craint point de tenir dans
notre âme ; ainsi toutes nos oeuvres ne devraient être que l'accomplissement
vif et effectif d'un décret Divin prononcé en nous, comme notre
existence spirituelle est l'accomplissement continu du nom sacré qui
nous a produits, et qui nous produit continuellement.
Homme, si cette perspective te paraît intéressante, s'il te paraît
doux d'entrevoir l'homme sous un pareil jour, mets-toi à l'uvre,
et que cette attente consolante anime tes efforts pour faire naître en
toi une si belle aurore ; elle est d'une telle magnificence que nul tableau
ne pourrait t'en offrir l'idée, et en même temps elle est si riche,
que tu auras beau te dépouiller constamment de tout, pour lui offrir
ton être dans toute sa soumission, et dans toute sa plénitude originelle,
tu ne croiras encore lui avoir rien offert en raison de ce qu'elle te peut donner.
Ressouviens-toi aussi que tous les décrets de ce conseil céleste
ne peuvent avoir pour but que la paix, la gloire, le bonheur, et l'extension
du règne de la vie ; ainsi, dès que dans toi le conseil céleste
veut bien prononcer de pareils décrets, chacun de tes pas et de tes mouvements
doit être une victoire, une exécution de quelque jugement Divin,
une délivrance de quelque esclave, et un accroissement du règne
de la lumière ; et toutes ces oeuvres sont autant d'hymnes à la
gloire de celui qui est venu en délibérer en toi, et les décréter,
et qui veut bien t'en confier l'opération pour te transmettre, par ce
moyen, des étincelles de cette joie Divine, et immortelle qui est l'élément
primitif de ton existence. Prends courage, l'entreprise demande des soins et
de l'attention, mais en peu de temps, tu te sentiras dédommagé
de tes peines, et tu te diras : comment Dieu ne serait-il pas un être
incompréhensible, puisque je sens que l'homme a aussi ce privilège,
et que pour qu'il pût être connu de ses semblables, quand il est
rentré dans sa loi, il faudrait que les cieux et la terre fussent renouvelés
pour eux, sans quoi il n'est à leurs yeux qu'une masse muette et sans
valeur ?
Mais si tu veux te mieux instruire encore de ta loi, réfléchis
quelle est la première délibération de ce grand conseil
céleste qui se passe en toi. La première, et pourra ainsi dire,
la continuelle délibération qui s'y passe, est que le Dieu qui
t'a formé, se rende pour toi le Dieu souffrant ; oui, perpétuellement
Dieu y dit : Oublions ma gloire pour sauver l'homme, humilions-nous pour le
relever, et portons les fardeaux qu'il ne peut plus porter lui-même.
Cette idée t'apprendra que ce décret doit te regarder d'une manière
encore plus directe ; ainsi tu dois sentir que la délibération
de ce grand conseil est que tu sois également dans la souffrance et dans
le combat, si tu veux remporter la victoire. Or, ce décret, pris en grand,
se subdivise ensuite, et s'étend à tous les détails de
ta vie, et de ton existence. Ainsi, songes-y, il n'y a pas un instant où
dans ce grand conseil Divin, il ne soit délibéré que tu
dois être entièrement dévoué à la loi suprême
dont tu dépends, que tu dois être pur, que tu dois être humble,
que tu dois être aimant ton frère, que tu dois être ambitieux
de te remplir de toutes les vertus de l'esprit et de la vérité,
et d'en semer au moins les désirs dans les âmes de ceux qui sont
dans l'indigence. Ainsi, pour peu que tu te négliges un instant sur la
pratique de ces obligations, tu es réfractaire à la loi, tu es
un prévaricateur.
Songe, âme de l'homme, que c'est le Dieu même qui pleure en toi,
pour que tu puisses, par ses propres douleurs, parvenir aux consolations. Songe
qu'il pleura avant de dire à Lazare : Levez-vous. Songe qu'il pleure
à tout instant dans tout ton être, et qu'il ne cherche qu'à
établir son propre jeûne ou sa propre pénitence dans ton
centre élémentaire, dans ton centre spirituel, et dans ton centre
Divin. Si Dieu pleure en toi, comment te refuserais-tu à pleurer avec
lui, comment t'opposerais-tu à laisser librement circuler en toi, ces
torrents enflammés de la pénitence sacrée, dans lesquels
l'éternel amour t'engage à faire ta demeure avec lui-même,
pour qu'ensuite tu fasses aussi ta demeure avec lui dans l'allégresse
et dans la vie. Fais donc en sorte de n'être plus que douleur, que soupirs,
que lamentations car ce n'est plus que de cette manière-là que
tu peux aujourd'hui être l'image et la ressemblance de ton Dieu.
Iras-tu, comme ces habitants de Babylone qui, irrités par les prédications
des deux témoins du Seigneur, les tueront, et se feront ensuite des présents
pour se féliciter de s'être délivrés de ces hommes
importuns ? Ne sais-tu pas que ces deux témoins ressusciteront après
trois jours et demi, et qu'ils exerceront les plus effroyables vengeances contre
ceux qui les auront dédaignés, et si maltraités ? Ne traite
pas ainsi les témoins qui te prophétisent tout le jour ; car,
tu aurais beau les éloigner de toi par tes dédains, ce ne serait
que pour un moment, et ils ne tarderaient pas de revenir avec toute leur puissance,
et de te punir avec toute la rigueur de la justice, dont leur maître et
le tien leur a confié l'administration. Écoute attentivement ces
témoins sacrés, fais en sorte de n'entendre jamais d'autre voix
que la leur ; car leur voix est celle de ce conseil céleste et Divin
même, qui veut bien descendre du séjour de sa gloire pour venir
délibérer en toi, et te rendre, si tu le voulais, une opération
vive et continuelle de ses ineffables délibérations.
14.
Quelle est cette âme qui paraît si joyeuse et si remplie d'allégresse
? C'est une âme que Dieu vient de visiter, et à qui il a laissé
en présent, des gages précieux de son amour et de sa richesse.
Vois-tu comme elle regorge de délices et d'abondance ? C'est qu'il a
été envers elle exact et fidèle à la promesse qu'il
a faite de se rendre auprès de ceux qui l'invoqueraient. Aussi, depuis
qu'elle a reçu ces riches présents, elle va opérer la justice
sur les prévaricateurs ; elle va rétablir l'ordre et la mesure
sur la terre ; elle va s'affilier à toutes les sociétés
spirituelles qui la reconnaîtront pour un de leurs membres ; elle va habiter
à demeure dans l'Est Divin, sa première patrie, parce que le Seigneur
a prononcé sur elle, le mot créateur qui a développé
à la fois toutes les propriétés, tous les dons, tous les
attributs dont elle est l'assemblage et l'agent. Il a promené sur elle
son oeil vivificateur, et elle s'est trouvée régénérée
dans tout son être, comme toute la nature se régénère
aux regards vivifiants du soleil.
Voilà ce que l'homme peut espérer quand il persévère
avec constance dans sa prière, et qu'il ne s'arrête pas aux illusoires
obstacles que l'ennemi lui présente sans cesse comme étant des
obstacles insurmontables. Une ferme confiance dans le feu sacré qui nous
anime ; une plus ferme confiance encore dans la source d'où ce feu dérive,
et qui ne peut cesser de diriger ses regards, sa chaleur et sa lumière
sur lui, font bientôt disparaître ces faibles attaques de notre
ennemi, qui n'ont de forces que dans notre pusillanimité, et notre défaut
de résolution.
Bientôt aussi le Dieu de la vie vient visiter notre âme, et nous
pouvons dire alors avec jubilation : Dieu vit en moi, Dieu va vivre dans ma
pénitence ; il vivra dans mon humilité, il vivra dans mon courage,
il vivra dans ma charité, il vivra dans mon intelligence, il vivra dans
mon amour, il vivra dans toutes mes vertus ; parce qu'il a promis qu'il serait
un avec nous, toutes les fois que nous nous réclamerions à lui
au nom de celui qu'il nous a envoyé pour nous servir de signe, et de
témoignage entre lui et nous. Ce signe ou ce témoignage est éternel
comme celui qui nous l'a envoyé, assimilons-nous à ce signe et
à ce témoignage, et nous participerons à sa Divine et sainte
sécurité, et nous serons comme lui tellement pleins de la vie,
que la seconde et la première mort demeureront loin de nous, et nous
serons tout là fait étrangères.
Il y a une incertitude que l'ennemi cherche souvent à te suggérer,
moins pour t'enrichir par la sagesse apparente dont il la colore, que pour t'arrêter
dans ta marche, puisqu'elle doit lui être si contraire ; c'est de savoir
si tu dois oser invoquer le nom du Seigneur, et le signe qu'il t'a envoyé,
avant d'avoir dissipé entièrement tous les obstacles qui t'environnent,
ou si tu dois te servir, pour combattre ces mêmes obstacles du nom du
Seigneur, et de toutes les puissances qui y sont attachées. L'ennemi
qui craint l'effet de ces armes t'insinue continuellement que tu n'es pas assez
pur pour les employer ; il se met même en avant, quelquefois, sous des
couleurs imposantes, afin d'effrayer ton courage, et d'arrêter tes résolutions
; d'autres fois, te sachant mal préparé, il te suggère
d'invoquer le nom du Seigneur, pour te convaincre, par le peu de succès
qui en résultera, que tu ne dois pas encore te livrer à une si
sublime et si sainte entreprise, et que tu feras bien d'attendre un autre temps.
Tiens-toi sur tes gardes au milieu de toutes ces insinuations ; il y aurait
là plus de paresse que de vertu, plus de défiance que de véritable
courage, plus de ténèbres que de lumière ; remplis-toi
d'abord de la profonde persuasion, que la vérité l'emporte sur
le mensonge, comme la vie l'emporte sur la mort ; remplis-toi de la profonde
persuasion que par ta simple conduite régulière et attentive,
l'ennemi n'aura plus sur toi qu'une frêle influence en ce qu'elle ne trouverait
plus de base pour s'y fixer, et s'y attacher ; remplis-toi de la profonde persuasion
que tu es né dans la vie, que tu n'existes que dans la vie, et par la
vie, et que tu dois retourner à la vie; enfin remplis-toi de la profonde
persuasion que la vie universelle et sacrée, ne cherche sans cesse qu'à
réchauffer tout ton être, et à la maintenir dans l'harmonie
active et efficace de toutes les facultés qui le constituent.
Lance-toi ensuite courageusement dans la voie de la prière et de la supplication,
sans songer seulement aux obstacles qui t'auraient arrêté faute
de cette précaution, sans seulement descendre à t'en apercevoir
; porte-toi avec ardeur vers les différents lieux de tes sacrifices.
Implore le père, invoque le père, conjure le père, unis-toi
au père lorsque tu voudras offrir le sacrifice sur l'autel éternel
d'où découle la source de la vie et de l'existence dans tous les
êtres ; sers-toi avec confiance de son nom ; lui-même sera de moitié
avec toi, puisque tu auras le dessein d'étendre son propre règne,
et l'ennemi ne pourra s'opposer à ton oeuvre, il en sera à une
trop grande distance ; il sera pour cette oeuvre et pour ton sacrifice, comme
un être nul, et absolument étranger.
Lorsque tu voudras offrir ton sacrifice sur l'autel de la régénération
spirituelle pour sanctifier ton être, le purifier, et le remplir des trésors
de l'amour, implore le nom du fils, invoque le nom du fils, conjure le nom du
fils, unis-toi au nom du fils, et ton cur sera changé en une victime
de consolations, de façon qu'il ne croira plus même aux pouvoirs
affligeants de ton ennemi, et que tu sentiras ton vaisseau porté légèrement
sur les vagues par les vents les plus favorables, sans la moindre apparence
de dangers ni d'écueils.
Enfin, veux-tu offrir ton sacrifice sur l'autel des puissantes vertus de l'esprit
dans le temps ? Implore le nom de l'esprit, invoque le nom de l'esprit, conjure
le nom de l'esprit, unis-toi au nom de l'esprit, et la nature reprendra pour
toi sa mesure, son ordre et son équilibre, et tu ne connaîtras
ainsi autour de toi, dans toi, et au-dessus de toi, qu'harmonie, bonheur et
perfection.
Si l'ennemi se réveille dans la jalousie de tes succès, tu auras
acquis par là des forces pour le combattre avec plus d'avantage, que
si tu fusses resté dans cette dangereuse timidité qu'il te suggérait
à dessein, et tu pourras alors employer avec plus de fruit ces mêmes
noms qui doivent sûrement autant te défendre qu'ils peuvent t'éclairer
et te sanctifier ; car il a été dit que celui-là sera sauvé,
qui invoquera le nom du Seigneur.
Repose-toi sur cette loi qui est infaillible, et contre laquelle les illusoires
prudences de l'ennemi ne doivent jamais obtenir ton acquiescement. Car la seule
vertu que Dieu demande de nous, c'est la confiance ; ainsi le seul tort que
nous puissions avoir envers lui, c'est la timidité, c'est la lâcheté.
Mais aussi dès que tu as pris cette sainte résolution, et dès
que tu as mis en usage les armes sacrées, regarde-toi comme engagé
dans la milice Divine et spirituelle, et songe que la moindre négligence
peut te rendre indigne de porter le nom de soldat de la vérité
; songe que la moindre négligence peut t'exposer à prendre le
nom de Dieu en vain, songe enfin que ce sera pour toi un crime désormais
que de manquer une seule occasion d'exercer tes fonctions saintes, et de faire
un seul pas sans que tu n'emploies le nom du Seigneur, parce qu'il est dit :
Heureux celui qui persévérera jusqu'à la fin.
Il ne faut point te dissimuler l'énorme différence que tu dois
rencontrer dans ces diverses invocations. Nulle comparaison du travail de préservation
qu'il nous faut faire, et de celui par lequel la sagesse se sert de nous pour
rétablir l'ordre et l'harmonie, dans la classe élémentaire
; nulle comparaison de ce travail-là à celui que nous avons à
faire pour nous unir aux fonctions de l'esprit ; nulle comparaison de ce travail
là à celui que nous avons à faire pour aller puiser dans
la source Divine elle-même. Plus nous nous élevons, plus ces divers
travaux nous paraissent doux, simples et naturels, ce qui est une des plus vives
démonstrations que nous sommes nés pour la paix et le bonheur,
et que les horribles révolutions par lesquelles nous passons dans les
diverses régions de ce monde sont absolument l'opposé de ce dont
nous serions occupés, si nous étions dans notre loi, et dans la
jouissance des privilèges de notre destination primitive.
Ame humaine, ta seule expérience t'instruira plus sur cela que toutes
les doctrines. Essaie de t'élever dans la région pure, simple,
et Divine ; tâche d'y rester assez longtemps pour t'y pénétrer
de l'éternelle, et douce influence qui la remplit, tu goûteras
alors des joies si pénétrantes, mais en même temps si calmes
et si paisibles que l'univers entier, malgré la beauté de ses
lois et les puissances spirituelles qui le gouvernent, te paraîtra une
sorte de superposition étrangère à la nature Divine ; tu
sentiras que tu n'as pas besoin de la présence de l'esprit pour être
heureux quand tu es en présence de Dieu, et que, par conséquent,
c'est Dieu et non l'Esprit qui est ta source.
Lors donc que de cette région suprême tu redescendras à
cette région de l'esprit, tu sentiras déjà une manière
d'être dont ta vraie nature pourrait se passer, et qu'elle ne peut même
se rendre douce qu'en regardant cette situation comme une suite des décrets
supérieurs qui t'appliquent à une oeuvre secondaire, et qui ont
droit de t'employer comme il leur plaît. Lorsque tu redescendras à
la région élémentaire, ta situation te paraîtra encore
plus étrangère ; enfin juge ce que ce sera quand tu descendras
à la région ténébreuse.
Porte néanmoins dans toutes ces diverses oeuvres la soumission la plus
entière aux volontés de celui qui te les envoie ; tâche,
ou plutôt, n'oublie pas que tu les dois faire toutes en son nom ; et si
tu veux apprendre ici un profond secret, ne sors jamais en pensée, et
en esprit de cette région suprême ; joins continuellement les trois
noms éternels, et ceux qui ne sortent jamais de leur Divine enceinte,
avec les trois noms temporels Divins qui dirigent les trois opérations
temporelles, ce sera le moyen d'être à la fois comme Dieu dans
l'éternité et dans le temps. Ce que je te propose est d'autant
moins impossible que tu peux en faire toi-même la plus certaine expérience,
en observant la similitude des facultés internes et externes de ton esprit,
sujet qui, à lui seul, demanderait un ouvrage à part, et que,
pour cette raison, nous ne traiterons point dans cet écrit.
15.
Si l'homme est mort dans toutes ses facultés, il n'y a pas un seul mouvement
de son être qui puisse se faire sans que l'on prononce en lui cette parole
rapportée plus haut : Lazare, levez-vous. Et si l'homme veut ensuite
étendre son intelligence, il verra que non seulement c'est sur lui que
le réparateur profère continuellement cette parole, mais aussi
sur tout l'univers, et sur toutes les parties de l'univers, puisqu'il n'y en
a point qui ne soit aujourd'hui ensevelie dans les ténèbres de
la mort, et qui ne soit en souffrance suivant le passage de saint Paul aux Romains,
8:19 23.
Cette vérité que l'âme sent, quand elle se dépouille
et se concentre, lui démontre quelles sont les énormes suites
de la prévarication, et lui fait connaître, par l'expérience
de tous les moments, que nous habitons la terre de la mort et de la douleur
; mais elle sent en même temps qu'il n'y a pas un instant pour elle où
cette parole salutaire ne puisse être suivie d'une résurrection.
Jacob dressa un autel à Béthel après son combat avec l'ange
; Moïse dressa un monument de pierres après le passage de la Mer
Rouge ; Josué en dressa un semblable après le passage du Jourdain
; David déposa l'arche sainte sur la montagne de Sion après la
défaite des Philistins qui s'en étaient emparés, et c'est
là ce qui a rendu cette montagne si célèbre ; la terre
promise est presque remplie tout entière des témoignages sacrés
qui attestent les progrès du peuple choisi, et les faveurs qui y ont
accompagné tous ses pas.
Homme choisi avant Israël, porte ce coup d'il sur toi-même,
porte-le sur l'universalité des biens qui te sont prodigués, et
sur ceux que tu peux espérer de plus en plus si tu persévères,
tu sentiras qu'il ne devrait pas s'opérer un mouvement dans la moindre
de tes facultés qui ne se terminât par y voir ériger un
autel au Seigneur, et que tout ton être est cette terre promise qui devrait
être remplie des monuments de sa gloire, de son amour, de sa puissance,
et des conquêtes qu'il voudrait sans cesse te faire remporter sur les
iniques habitants de cette terre sainte dont ils n'auraient jamais dû
s'approcher.
Oui, chaque acte de la parole sacrée voudrait élever autant d'autels
dans ta pensée, dans tes désirs, dans ton amour, dans ton humilité,
dans ta foi, dans ta courageuse activité, dans ta charité, dans
ton intelligence, afin qu'il n'y eût rien en toi qui ne fût occupé
à offrir des sacrifices de louanges au Seigneur, et afin que le Seigneur
rayonnant par tous les points de ton existence ainsi purifiée et sanctifiée,
toutes les nations te trouvassent toujours occupé comme les Lévites
à entretenir le feu sacré, et toujours prêt à recevoir
leurs offrandes, et à faire parvenir leurs prières jusqu'au trône
de l'Éternel.
Voilà comment la parole Divine voudrait se faire entendre à toutes
les régions de l'univers, en leur répétant sans cesse par
ta voix : Lazare, levez-vous ; car si c'est la voix de l'homme qui a versé
le crime et le poison sur l'univers, c'est la voix de l'homme qui doit y reporter
la lumière, la sagesse, la mesure et l'harmonie. C'est là ce nouvel
homme après lequel languissent les soupirs de la Divinité ; c'est
là ce nouvel homme qu'il faut rappeler de toute langue, de toute nation,
de toute tribu afin qu'il vienne adorer dans Jérusalem ; c'est là
ce peuple saint, cette nation choisie dont les enfants doivent avoir, selon
les prophètes, des reines mêmes pour nourrices, et qui doit voir
les rois baiser la poussière de ses pieds : Isaïe 49:23.
Hommes peu réfléchis, vous enseignez que les hommes ennemis de
la vérité viendront persécuter les peuples chrétiens,
comme autrefois des nations païennes sont venues persécuter et tourmenter
le peuple juif ; mais où sont-ils les peuples chrétiens pour qu'on
puisse les attaquer en corps ? Est-ce sur des circonscriptions locales que vous
pouvez établir un pareil nom ? Et vous-même qui portez le nom de
chrétien, quelles sont les portions de votre être qui méritent
véritablement ce nom, et ne sentez-vous pas que ce peuple choisi est
disséminé dans toutes les subdivisions de votre existence corrompue,
et ténébreuse, comme le peuple juif est subdivisé sous
vos yeux parmi les gentils, et parmi toutes les nations barbares, et impies
qui composent le globe ? Eh bien, il en est de même du peuple chrétien,
il est disséminé dans toutes les régions, dans tous les
climats, dans toutes les nations, dans tous les peuples ; sa force est trop
subdivisée pour réveiller même la jalousie de ses ennemis
; et ils ne troublent point sa paix, tant qu'il ne leur fournit pas le sujet,
et l'occasion de le poursuivre, et de l'attaquer.
Faites-en l'expérience sur vous-même. Tant que vous laissez votre
nom de chrétien languir, et ramper dans la servitude et l'ignominie chez
les différents peuples qui vous assujettissent, ils vous laissent tranquilles,
ils ne vous demandent rien, parce qu'ils vous ont dépouillés d'avance
et qu'ils n'ont plus rien à rechercher en vous ; mais essayez de rassembler
un instant vos forces dispersées ; rappelez ce peuple de toute nation,
de toute tribu, et vous verrez bientôt l'ennemi s'opposer à ce
rassemblement, et essayer par l'effort de toutes ses puissances d'opérer
en vous une nouvelle dispersion, puisque c'est là seulement où
son règne peut s'établir, et où il peut espérer
des triomphes.
Sachez donc qu'il en est de même du peuple chrétien pris en grand,
et considéré comme la famille divine ; tant qu'il sera dispersé
comme il l'est parmi toutes les nations, il éprouvera des servitudes
et de honteux assujettissements ; mais il n'éprouvera point les attaques
des ennemis en personne, puisqu'il ne forme point encore un corps de peuple.
Tout ne doit-il pas être esprit et vie dans cette divine famille ? Or
tout est-il esprit et vie dans les circonscriptions locales des peuples qui
portent si hautement sur la terre le nom de chrétiens ? Des ennemis visibles,
et humains pourraient donc attaquer ces circonscriptions nominales, et apparentes
sans attaquer la famille divine des chrétiens qui est esprit et vie ;
et par là même raison, il faudrait plus que des ennemis visibles,
et humains pour attaquer cette famille divine qui est esprit et vie, si elle
était rassemblée.
Attendez donc que les mesures soient comblées, attendez que le moment
soit venu de rappeler de toute langue, de toute nation, et de toute tribu cette
famille divine dispersée aujourd'hui chez tous les peuples. Quand ce
rassemblement commencera, c'est alors que l'ennemi rassemblera ses forces à
son tour pour venir en empêcher l'effet ; c'est alors qu'il réveillera
ses puissances, et qu'il ne manquera pas d'organes, et d'instruments qui se
rendront les ministres de ses projets pervers ; c'est alors que la famille divine
des chrétiens sera réellement en souffrance parce qu'elle aura
à soutenir de violents combats, dans lesquels elle paraîtra quelquefois
vaincue, et dans lesquels la gloire de l'ennemi s'enflera au point qu'il croira
avoir remporté complètement la victoire.
Mais la même voix qui aura rassemblé cette famille divine de toute
langue, de toute tribu, de toute nation, ne laissera point périr son
ouvrage, parce que son ouvrage sera esprit et vie, comme notre être intérieur
en qualité de famille divine, particulière, serait aussi esprit
et vie sensiblement pour nous, si nous avions plus de confiance dans les forces,
et dans les moyens efficaces que la sagesse, et la miséricorde divine
ne cessent de nous prodiguer.
Cette voix suprême qui aura rassemblé la famille divine de toute
langue, de toute tribu, de toute nation se mettra elle-même à la
tête de cette milice sainte, et ne permettra pas qu'elle soit renversée
; elle lui communiquera sa propre force, et elle brisera par là tous
les pièges que l'ennemi lui aura tendus ; elle renverra toutes ces nations
barbares dans leurs régions, où elles retourneront couvertes de
honte et de confusion pour avoir cru qu'elles l'emporteraient sur l'unité.
En retournant ainsi dans leurs régions, elles n'y trouveront plus les
différents membres de cette famille divine qu'elles avaient tenus sous
le joug si longtemps et elles tourneront alors contre elles-mêmes la fureur,
et la rage qu'elles auraient voulu exercer sur leurs victimes, et sur leur proie.
Indépendamment des expériences particulières que tu peux
faire sur toi-même, ô âme humaine, de toutes ces vérités,
les voies s'ouvrent temporellement devant toi pour servir de préparation
et d'acheminement à ces grandes secousses ; mais elles ne sont pas encore
dans leur activité ; tout ce qui se passe, et s'est passé sous
tes yeux depuis quelques siècles, ne te présente que de puériles
images de ce qui est réservé aux derniers temps ; l'ennemi n'y
agit encore que par des ruses, des dissimulations, des subterfuges, parce que
la famille divine des chrétiens n'est encore rassemblée que figurativement.
Lorsqu'elle sera rassemblée réellement, l'ennemi agira à
force ouverte, et tout sera actif dans l'attaque comme dans la défense.
Prépare-toi toujours à l'événement comme s'il devait
arriver dans l'instant, car tu ne sais pas l'heure, et d'ailleurs cette heure
peut arriver pour chacun en particulier dès l'instant qu'il a formé
la sincère résolution de rassembler sa propre famille. Or, le
meilleur moyen de te procurer la plus salutaire préparation, c'est de
commencer par être toi-même ton plus cher prosélyte, et de
ne te point quitter que par tes instances, tes efforts, et tes exhortations
continuelles, tu ne sois parvenu à te faire rentrer dans le sein de l'Eglise,
et de la vérité.
16.
Semons encore un germe que nous laisserons croître ensuite, comme nous
avons fait de tous les germes divers que nous avons déjà semés
dans cet écrit ; puis nous en ramasserons les fruits et les récoltes
à mesure qu'ils se présenteront. Ce germe c'est l'arche de l'alliance.
Voyez quels travaux le peuple juif a supportés pour transporter l'arche
d'alliance au travers des déserts, pour lui faire traverser les eaux
du Jourdain, pour l'arracher des mains des peuples impies qui s'en étaient
emparés, et qui l'avaient voulu faire habiter avec leurs idoles. Mais
voyez en même temps avec quels témoignages de joie, et de jubilation
David conduit cette arche sur la montagne sainte, en attendant que le temple
de l'éternel soit bâti.
Eh bien ! Il faut que cette oeuvre sainte s'opère en nous, pour que nous
puissions dire que nous sommes admis au rang des sacrificateurs de l'éternel.
L'arche sainte est en captivité en nous. Des impies qui ne savent pas
distinguer la lumière d'avec les ténèbres, retiennent cette
arche sainte dans leurs demeures d'iniquité ; ils lui font mille outrages
; ils ne se contentent pas de la mettre en parallèle avec leurs fausses
divinités, ils veulent qu'elle soit pour ces fausses divinités
un objet de dérision ; ils veulent qu'elle soit leur esclave ; ils veulent
qu'elle soit comme rien devant des divinités qui ne sont elles-mêmes
que le néant.
Il faut que nous arrachions cette arche sainte de ces mains criminelles qui
l'outragent ; il faut que nous lui fassions traverser les déserts au
milieu des peuples armés pour nous attaquer, et la maintenir en leur
possession. Il faut que nous la sentions sortir péniblement de dessous
les décombres qui l'engloutissent, et traverser le vieil homme, en le
faisant crier de douleur, jusqu'à ce qu'elle l'ait dépassé,
et qu'elle se soit remise à flot au-dessus de lui.
Vois-tu à quel prix cet air actif que la physique emploie se peut obtenir
des corps qui le tenaient renfermé ? Ce n'est qu'en les violentant par
des caustiques, ou qu'en les livrant à la putréfaction. Il en
est de même du vieil homme qui doit être ainsi violemment dissous
par le même feu sacré qu'il tient enseveli dans lui-même,
et il faut qu'à chaque degré que ce feu va parcourir pour recouvrer
sa liberté et sa splendeur, il dissolve, corrode, et putréfie
toutes les substances hétérogènes qui composent aujourd'hui
en toi l'homme de ténèbres, et l'homme de la mort ; il faut que
ces mêmes substances soient brisées, et renversées par l'approche
de ce feu sacré, comme l'idole de Dagon le fut par la présence
de l'arche sainte ; il faut que les habitants de Bethsamès soient frappés
de mort pour oser regarder cette arche sainte lorsqu'elle est ainsi conduite
par le Seigneur, et que dans leur terreur ils la renvoient bien vite dans la
ville de Cariathiarim : il faut que lorsque David la ramènera de chez
Obédédom jusqu'à Sion, tu aies toujours près de
toi sept churs de musique, et qu'à chaque fois que ceux qui porteront
l'arche auront fait six pas, tu immoles des victimes.
Il faut que tu la fasses entrer ainsi dans la ville sainte au milieu des cris
de joie et au son des trompettes, et que quand tu l'auras placée au lieu
qui lui est destiné, tu offres des holocaustes d'action de grâces,
et que tu bénisses le peuple au nom du Seigneur des armées ; ne
t'arrête pas même aux dédains de Michol, Michol partage les
sentiments de Saül, son père, et elle sera frappée de stérilité,
comme Saül sera privé du trône.
Rappelle-toi maintenant que ta parole étant l'image de la parole éternelle,
ne doit pas plus manquer son effet que cette parole divine elle-même dont
tu es l'image. Rappelle toi que lorsque tu as prononcé un décret
contre l'ennemi avec toute la sécurité, et toute la confiance
de tes droits sur lui, il ne peut manquer de se voir chassé, et renvoyé
dans ses abîmes, si tu sais accompagner ta résolution de toute
l'opiniâtreté de la constance. Songe donc ici combien tes privilèges
vont s'étendre, et s'augmenter. Cette même sécurité,
cette même assurance, cette même opiniâtreté de constance
qui n'est autre chose que le vif sentiment de la grandeur de ton être
nourri, et éclairé par la vraie lumière, te doit suivre
dans les autres détails de ton oeuvre, et dans les autres régions
de ta circonférence.
Présente-toi donc avec la même assurance aux régions élémentaires
; tu devras espérer que la vertu attachée à l'arche sainte
fera diviser les eaux devant toi, pour pouvoir les passer sans péril,
qu'elle fera convertir la rosée en manne salutaire pour te nourrir dans
tes besoins, qu'elle fera couler l'eau des rochers, pour te désaltérer,
et qu'elle fera tomber le feu du ciel sur tes ennemis.
Présente-toi avec la même assurance à la région de
l'esprit et la vertu attachée à l'arche sainte établira
des rapports avec toi, et les ministres du Seigneur qui te dirigeront dans les
combats contre tes adversaires, qui te donneront connaissance de la terre promise,
qui t'instruiront des lois sacrées qu'il faudra que tu y mettes en pratique,
si tu veux en conserver la possession, et qui, le jour comme la nuit, marcheront
en ta présence, pour que tu ne t'écartes point des voies du Seigneur.
Cette vertu attachée à l'arche sainte te fera entrer dans les
associations des patriarches, et des prophètes, pour que tu élèves
ta pensée jusqu'aux régions divines, supérieures à
ces régions figuratives que tu es obligé de parcourir si laborieusement
; ils t'apprendront par leur exemple que la vie divine a pour objet d'animer
ton âme, et que c'est la demeure la plus chère qu'elle puisse avoir
; tu en jugeras par tes affections particulières, mais aussi par la douce
paix, et la céleste sécurité, que tu verras régner
sur toute leur personne, et tu comprendras alors que cette vie divine est notre
véritable élément naturel, que c'est là seulement
où nous recevons sans trouble, sans agitation, comme sans fatigue, la
manne réelle qui crée en nous la vie dans sa plénitude,
parce qu'elle n'a aucun départ à subir.
Présente-toi avec la même assurance à la région divine,
et la vertu attachée à l'arche sainte te fera ouvrir les portes
éternelles, et fera descendre sur toi quelques écoulements de
ces influences vivifiantes dont se remplissent à jamais les demeures
de la lumière. Cette arche sainte en deviendra elle-même le premier
réceptacle, et elle te fera jouir des promesses destinées à
ceux qui auront fait un usage courageux du médicament d'amertume, d'où
dépend notre universel renouvellement. Elle deviendra l'organe des oracles
sacrés, et il suffira que tu te mettes en sa présence pour les
entendre ; car la voix de notre Dieu est une voix vive qui ne s'interrompt plus
dès l'instant qu'elle a commencé ; et les sons de cette voix ne
tendent qu'à remplir toute l'universalité de leur douceur enchanteresse,
et si incomparable, que nous ne pouvons la concevoir tant que tout notre être
n'a pas acquis entièrement une nouvelle substance, et n'est pas transformé
dans toutes ses parties en une espèce d'écho Divin.
Cette même arche sainte engagera le grand prêtre de l'ordre de Mélchisédech
à te revêtir lui-même de tes habits sacerdotaux qu'il aura
bénis auparavant, il te donnera de sa propre main les ordinations sanctifiantes
par le moyen desquelles tu pourras, en son nom, verser les consolations dans
les âmes, en leur faisant sentir par ton approche, par ton verbe purificateur,
et par la sainteté de tes lumières, que nous passons dans l'esclavage,
dans les ténèbres, et dans la mort tous les moments où
nous ne sommes point directement dans l'atmosphère de notre Dieu ; et
tu seras dans sa main, comme les soldats dans la main de ce centenier qui dit
à l'un : allez là, et il y va ; venez ici, et il y vient.
17.
Cet enfant annoncé en toi par l'ange, cet enfant conçu en toi
par obombration, et l'opération de l'esprit, cet enfant né de
toi sous les auspices de l'éternel, cet enfant, dis-je, approche de sa
douzième année. Il laisse ses parents terrestres suivre le chemin
de ceux qui s'en retournent après être venus, selon l'usage, célébrer
la fête à Jérusalem. Pour lui, il s'arrête dans le
temple ; il s'assoit au milieu des docteurs, les écoutant, et les interrogeant,
et tous ceux qui l'écoutent sont ravis en admiration de sa sagesse et
de ses réponses.
Si tu cultives soigneusement l'éducation de ce fils nouveau-né
qui t'est accordé, tu le verras de même en peu d'années
étonner les docteurs qui l'écouteront dans toi en silence ; et
ces docteurs ce seront les doutes que la matière et les ténèbres
des faux éducateurs avaient élevés dans ton sein ; ce sont
ces continuelles insinuations que l'esprit de mensonge t'avait suggérées
tous les jours de ta vie, tant que ce nouveau-né n'avait pas vu le jour
; mais à peine aura-t-il fait les premiers pas dans la sagesse, qu'il
renversera en toi, par sa doctrine et ses réponses, toutes les incertitudes,
et toutes les inquiétudes dont tu t'étais laissé remplir,
et qui, malheureusement, ne s'étaient converties que trop souvent pour
toi en persuasions, en démonstrations, en convictions.
Il transportera l'unité jusque devant tes yeux, jusque dans ton coeur,
jusque dans ton esprit, jusque dans les plus subdivises de tes facultés,
il te la fera voir, et toucher sensiblement dans tout ce qui peut être
l'objet de tes spéculations, et même il te fera avouer que tu ne
connais de mesure et de perfection, qu'autant que cette unité règne
dans les oeuvres que tu contemples, et que toi-même n'étais dans
le trouble et dans les extralignements, que parce que cette unité n'était
pas encore née pour toi, et dans toi.
Alors tous ces docteurs qui t'avaient séduit et égaré,
seront eux-mêmes dans l'étonnement en apercevant l'empire de la
parole de ton fils, et combien la lumière qu'il répand a d'analogie
avec notre clarté naturelle. Chaque jour ils feront eux-mêmes de
nouvelles découvertes à la lueur de ce flambeau qui brillera devant
eux et tu auras le plaisir de voir bientôt en toi mille peuples se convertir
par ses discours et ses instructions, et devenir de sincères adorateurs
de la vérité, de façon que tu ne tarderas pas d'être
à toi seul une grande famille de fidèles qui ne cesseront d'élever
jour et nuit des temples à la gloire du suprême auteur, dominateur
et régulateur de tout ce qui existe.
Tu ne sens pas surpris que ce fils chéri manifeste de si grands privilèges,
quand tu réfléchiras que depuis sa naissance il n'aura cessé
de manger du verbe, et que par conséquent, il pourra en faire manger
à son tour à tous ceux qui ouvriront l'oreille à ses paroles
; tu ne seras pas surpris qu'il t'en fasse manger en abondance, puisque ce fils
chéri sera toi-même, et qu'il n'aura d'autre oeuvre que de convertir
en toi tout ce qui avait cessé d'être toi.
Rappelle-toi cette loi des Hébreux, Lévitique 27 28. Tout ce qui
est consacré une fois au Seigneur, sera pour lui comme étant une
chose très sainte. Ce fils chéri pouvait-il n'être pas consacré
au Seigneur puisque sa conception avait été annoncée par
l'ordre du Seigneur, puisqu'il avait été conçu par 1'obombration
et l'opération de l'esprit du Seigneur, puisqu'enfin il était
né sous les auspices et par la puissance du Seigneur ? Ce fils n'était-il
pas naturellement consacré au Seigneur, comme un fils est naturellement
consacré à son père ? Car le réparateur ne fut offert
au temple et consacré au Seigneur que comme fils de l'homme, et comme
revêtu de l'habit de l'esclave qui venait réclamer sa délivrance.
Ton fils au contraire est le fils de la femme libre ; il est l'homme régénéré
; il est l'enfant spirituel né dans la région de l'esprit et de
la vie ; comme tel il est présenté au temple, et consacré
au Seigneur par le droit même de sa naissance, comme le verbe éternel
est consacré à l'ancien des jours avant la formation des siècles,
puisque c'est ce verbe qui a formé les siècles.
Ainsi ce fils chéri qui t'est accordé n'est point présenté
aux temples qui ne sont bâtis que de la main des hommes, il n'est point
consacré sur les autels figuratifs, et sous les yeux des prêtres
qui ne reçoivent leur caractère que dans le temps ; mais étant
consacré à son père Divin, et sous les yeux du prêtre
éternel qui, en opérant sa conception même, lui a imposé
les mains de l'esprit, il n'est pas étonnant qu'il n'ait eu d'autre nourriture
que l'esprit et le verbe ; il n'est pas étonnant qu'il croisse en sagesse,
en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes ; il n'est pas
étonnant que ceux qui l'entendent soient ravis en admiration de sa sagesse
et de ses réponses.
Toi qui n'es que sa mère, tu es affligée qu'il t'ait laissée
aller seule pendant qu'il est resté dans le temple, et tu te plains à
lui de ce que tu l'as cherché ainsi toute affligée ; mais fais
comme Marie, écoute ce qu'il te répond : Pourquoi me cherchiez-vous
? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je sois occupé à ce qui regarde
le service de mon père ?
Tu ne comprends pas plus que Marie ces paroles ; mais fais comme elle, conserve
toutes ces choses dans ton cur. Elles t'apprendront que ce qu'il y a encore
de matériel en toi ne peut rien comprendre aux choses de l'esprit, et
qu'il doit naître de ton propre sein, une lumière à laquelle
les ténèbres qui t'enveloppent et qui te constituent, sont extraordinairement
étrangères, tant que ton oeuvre n'est pas parvenue au complément
de sa maturité. Tu aperçois bien une immense différence
entre ton existence ténébreuse, et ce fils chéri qui t'est
né, comme Marie ne put méconnaître les grâces divines,
et les prodiges qui accompagnaient la naissance de son fils ; mais tu ne peux
pas plus qu'elle concevoir la marche cachée de ce fils de J'esprit et
il est pour toi un continuel mystère, jusqu'à ce qu'il ait rempli
le cours de toutes les manifestations auxquelles il est destiné.
Sais-tu pourquoi ? C'est que tu ne le connaîtras jamais parfaitement,
que lorsqu'il pourra dire à pleine voix : saint, saint, saint. Et ici
nous allons entrevoir un nouveau rayon sur la nature de l'homme, c'est-à-dire,
sur la nature de l'esprit.
L'homme ou l'esprit est l'extrait actif de toutes les puissances divines, puisque
Dieu est vivant ; et cet extrait actif des puissances de Dieu, comme nous l'avons
vu ci-dessus, est une parole, puisque Dieu est la parole éternelle. Mais
Dieu est saint ; Dieu est l'éternelle sainteté toujours se prononçant
elle-même ; il faut donc que l'homme, l'esprit, ou la parole extraite
de cette parole éternelle, représente activement son principe,
et que son existence soit réellement la sainteté prononcée,
de façon que Dieu ne produise pas un seul être hors de son sein
sans faire entendre hors de soi, par ce seul acte, le mot saint qui se prononce
éternellement dans son centre divin.
Ainsi, l'homme, en recevant la naissance divine manifesta cette céleste
parole qui produisit au-dehors la sainteté de Dieu ; ainsi lorsque depuis
le crime la bonté souveraine veut bien régénérer
l'homme, elle le met dans le cas de pouvoir répéter de nouveau,
par sa propre existence, ce témoignage vivant et expressif de la source
d'où il descend ; mais de même que l'homme ne put dans l'origine
manifester ce témoignage actif, que parce qu'il était l'extrait
universel des puissances et de la sainteté divine, de même aujourd'hui
il ne peut recouvrer ce sublime privilège, et faire vraiment entendre
dans sa plénitude, le nom de saint, que quand il a recouvré cette
plénitude de rapports spirituels et divins qui lui rendent sa première
nature.
Voilà pourquoi ce fils chéri que l'esprit a conçu en toi,
et qui t'est né, ne sera vraiment connu de toi et de tous les tiens,
que quand il aura atteint de nouveau ce complément primitif.
Veux-tu savoir pourquoi l'homme n'est autre chose, par son origine, que ce mot
saint prononcé par l'opération de Dieu ? Il faut pour cela que
tu concourres avec moi, sans quoi cette preuve sera nulle pour toi. Essaie donc
de te dépouiller de toutes tes entraves qui te retiennent dans les ténèbres,
ramène-toi par des efforts et des prières constantes à
ton unité spirituelle, et à ta simplicité originelle, tu
entendras prononcer au-dedans de toi ce mot : saint, saint, saint, et tu auras
par là un témoignage de la vérité de ce que je t'expose.
Ne sois pas étonné qu'il te faille suivre cette marche pour retourner
à ta nature primitive ; comme il n'y a que ton crime qui t'en a séparé,
il n'y a que ta vertu, c'est-à-dire, ta fidélité aux grâces
divines qui puisse t'y ramener ; mais aussi dès qu'en t'y ramenant, tu
trouves au-dedans de toi ce mot saint, c'est une puissante démonstration
que ce mot prononcé était autrefois tout ton être.
Je ne veux pas défigurer ce témoignage par un témoignage
plus faible puisé dans les cris naturels de l'homme vers son Dieu quand
il souffre, et qu'il est malheureux ; tu ne serais pas à portée
de faire ton expérience sur des êtres dans leur nature, tu n'en
vois autour de toi que d'altérés, et de manipulés par l'exemple
et l'éducation ; d'ailleurs, les maux dont ils se plaignent ne sont pas
ceux qui les obstruent le plus, et ils ne songent pas seulement à se
délivrer de leurs vrais maux, qui seuls les empêchent de connaître
leur vrai Dieu et de s'y réclamer. Néanmoins ne néglige
pas ce que ton intelligence peut te faire apercevoir dans la conduite de l'homme
le plus extraligné ; tu peux toujours y rencontrer quelque étincelle
de vérité. D'ailleurs, si tu ne trouves sur ce point que des témoignages
faibles dans l'homme qui souffre, tu en trouveras de plus frappants et de plus
instructifs dans l'âme qui jouit et qui admire, et je te laisse le soin
de les recueillir.
18.
Je ne m'arrête point à remarquer le nombre de douze ans auquel
le Réparateur se montra dans le temple, ni les rapports que ce nombre
présente avec le nombre de la nature, avec celui de l'élection
des tribus, confirmée par l'élection des douze apôtres,
et accomplie en avenir dans les prédictions de l'Apocalypse.
Ici nous considérons cette apparition au temple comme le premier degré
de l'uvre de l'esprit en nous, après qu'il y a conçu, et
opéré la naissance de notre fils ou du nouvel homme.
Les temps viendront où l'uvre trine s'accomplira sur ce nouvel
homme, où l'action et le nom de l'esprit, l'action et le nom du fils,
l'action et le nom du père se communiqueront, et se réuniront
dans ce nouvel homme, de manière à n'offrir à la fois,
dans toutes les dimensions de son être, qu'une seule action, qu'un seul
nom, qu'une seule opération, qu'une seule multiplication qui placera
l'homme continuellement au milieu de l'atmosphère de la vie, et qui le
rendra si redoutable à ses ennemis, qu'ils fuiront devant lui, comme
les ténèbres fuient devant l'astre du jour, et vont toujours se
cachant, comme étant frappés par la terreur de sa puissance, et
éblouis par la splendeur de sa lumière.
Dieu de force, Dieu de vie, Dieu de longanimité, aide-moi à accélérer
ces temps si propices et si salutaires ! Aide-moi au moins à ne pas les
retarder par ma défiance et ma lâcheté, aide-moi à
préparer par la constante activité de ma pénitence l'empreinte
sacrée de ton triple sceau sur toute ma personne, de ce triple sceau
dont l'unité est un feu dévorant qui consume tout ce qui n'est
pas né de l'esprit, de ce triple sceau qui n'abandonne plus l'âme
humaine, dès qu'il a imprimé profondément sur elles ses
vivifiants caractères, de ce triple sceau qui transporte aussitôt
l'homme hors de cette sphère de langueur et de dégoût, où
nous ne nous nourrissons que de la mort, au lieu de goûter les délices
inexprimables du lieu de paix où nous avons puisé la naissance,
et toi, sagesse sainte, qui devrais être notre aliment de toutes les heures,
et de tous les moments, viens poser tes mains bienfaisantes sur ces signes sacrés
que la bonté suprême a daigné attacher sur l'homme ; que
tes mains soient comme autant de bandelettes qui contiennent et fixent le baume
vivifiant qui a été appliqué sur mes plaies, et qu'elles
en fassent pénétrer les sucs et les esprits régénérateurs
jusque dans mes substances les plus corrompues, afin que le peu de vie qui y
reste reprenne ses forces, et que mes membres reprennent leur agilité.
Sagesse, sagesse, l'homme ne connaît point assez tes essentielles propriétés.
Sans toi les vertus Divines lui deviennent inutiles, et n'empêchent pas
qu'il ne s'altère et ne se détruise, comme sans l'air qui pèse
sur les corps toutes les vertus de la nature se sépareraient, et les
formes seraient bientôt conduites à leur dissolution. Homme, je
te le répète, dirige tes vues, tes désirs, tous tes efforts
vers la réunion de ce triple sceau sur toi, et vers l'application de
la sagesse sur ce triple sceau ; il n'y aura rien pour toi que cette clef ne
puisse ouvrir, et personne ne fermera ; et rien que tu ne puisses fermer et
personne n'ouvrira, parce que cette sagesse fera de toi une image de l'éternité,
en t'enveloppant de toutes parts, et te rendant comme une sorte de sphère
divine qui par sa forme sera inaccessible et inaltérable à tous
les pouvoirs de l'illusion.
En effet, par où tes ennemis pourraient-ils t'atteindre, si la sanctification
et la vie ont détruit en toi toutes les substances fausses sur lesquelles
ils auraient osé exercer leurs droits ? Par où tes ennemis pourraient-ils
t'atteindre, si tu sens en toi se mouvoir la quadruple force de l'être
ordonnateur, sanctificateur, dominateur et conservateur ?
Car le privilège du grand nom qui t'est donné est d'embrasser
ainsi toute ta circonférence, attendu qu'il embrasse d'abord ton premier
cur, puis ta tête, puis ton second cur, puis toute ta personne,
dont il fait ainsi un quaternaire actif, dont il est toujours le centre, et
qui est le type du quaternaire universel ; et comme il ne désire que
de tenir tout ton être dans une entière activité, il te
met dans le cas, à tous les moments de ta vie, de faire sortir de toutes
tes diverses facultés autant de paroles d'ordre et de régularité
qui tiennent l'ennemi dans un perpétuel tremblement en ta présence.
Mais n'oublie pas à quel prix tu peux espérer parvenir à
de semblables privilèges ; et pour te rappeler journellement ta loi sur
ce point, retrace-toi ce que la loi ordonnait aux Hébreux au sujet des
choses soumises à la consécration de l'anathème ; car tu
n'ignores plus maintenant que la Bible entière n'ait l'homme pour objet,
et qu'ainsi, dans le vrai, la meilleure traduction qui puisse jamais exister
de la Bible, c'est l'homme.
Souviens-toi donc que tout ce qui était consacré par l'anathème
devait être soumis à une entière destruction (Lévitique
27). Souviens-toi de l'exemple funeste que le peuple hébreu offrit de
la justice divine pour avoir désobéi à la loi lors de la
prise de Jéricho (Josué 7). Souviens-toi que parce qu'Achan voulut
malgré la défense de Josué réserver quelques effets
condamnés à l'anathème, le peuple fut vaincu par les habitants
de Hai, et ne put remporter la victoire qu'après que le prévaricateur
eût subi son supplice.
Sache donc que depuis le crime, toutes les nations païennes qui composent
ton existence d'aujourd'hui ont été condamnées à
l'anathème ; non seulement elles, mais leurs habitations, leurs possessions,
leurs troupeaux, leurs vêtements, leurs récoltes, leurs idoles,
et généralement tout ce qui leur appartient. Le Seigneur, en t'envoyant
par sa pure grâce à la conquête de ces pays et de ces peuples,
ne t'a pas laissé ignorer cette loi de l'anathème, puisque la
terre fut maudite après le péché. Toute ta forme corporelle
représente cette terre de malédiction ; et toutes les substances
ténébreuses, mensongères et illusoires qui agissent dans
cette forme corporelle, représentent toutes les nations impies qui remplissaient
la terre de Chanaan.
C'est à toi de marcher à la conquête qui t'est offerte,
avec la ferme intention de t'y conduire conformément à la loi
qui doit assurer tes succès : car si tu réserves la moindre partie
de l'anathème, si tu ne livres pas au feu et à la destruction
toutes les possessions des habitants, bien plus, si tu ne passes pas au fil
de l'épée tous les habitants eux-mêmes, sans distinction
d'âge ni de sexe, tu peux compter que non seulement tu ne parviendras
pas au but de tes saintes entreprises, mais que même ceux que tu aurais
dû soumettre deviendront tes vainqueurs et tes meures, et que tu seras
continuellement exposé à être battu par l'ennemi, emmené
en esclavage, et même exterminé, jusqu'à ce que tu aies
confessé ton crime, jusqu'à ce que tu aies déclaré
toi-même qu'elles sont les portions de l'anathème que tu as réservées,
et jusqu'à ce que la justice ait tiré la plus éclatante
vengeance de ta prévarication.
La loi du sort est infaillible quand elle vient visiter les prévaricateurs
contre les ordonnances sacrées du Seigneur, et contre celles que l'homme
de Dieu peut prononcer au nom de son souverain meure ; et si les hommes aveugles
ont introduit cet usage dans leurs ténébreux jugements sur les
simples prévarications inférieures, ils nous ont au moins montré
qu'ils avaient conservé l'idée de ce redoutable pouvoir du sort,
quoiqu'ils ne pussent plus en faire qu'un usage faux, et abusif, dès
qu'ils n'en possédaient plus l'esprit.
Songe donc que cette loi du sort, administrée par l'homme de Dieu, met
par là l'esprit dans sa voie directe, au moyen de quoi elle ne peut manquer
de conduire cet esprit à son but, comme un puissant remède que
le savant médecin sait appliquer à propos, de manière que
ce remède ne manque point d'aller chercher le mal dans ses plus profondes
retraites, de le rencontrer, et de le frapper, quelque mélangé,
et quelque combiné que ce mal soit avec des parties saines. Cette loi
du sort de l'esprit est toujours en activité sur toi, et elle ne manquera
point de découvrir d'abord quelle est celle de tes tribus qui se sera
laissée aller à violer l'ordonnance de l'anathème, ensuite
quelle est la famille de cette tribu qui renferme le prévaricateur, et
enfin quel est l'individu de cette famille qui sera lui-même le coupable
; cette recherche ne cessera jamais ni pour toi, ni pour aucun homme, et c'est
dans la grande vallée d'Achor qu'un jour à venir seront conduits
les prévaricateurs, avec tout ce qu'ils auront réservé
de l'anathème, et là ils seront lapidés par tout le peuple.
19.
Faites place à l'esprit. Ne voyez-vous pas comme il se presse de fendre
la foule ; c'est qu'il a à faire une oeuvre si importante, et il a tant
de zèle qu'il craint de perdre un instant. Il a d'ailleurs un si grand
espace à parcourir, qu'il craint de ne pas arriver jusqu'au terme, avant
que le temps qui lui est donné pour cet objet ne soit expiré.
Il faut qu'il se rende du lieu de sa demeure jusque dans les dernières
profondeurs de l'homme ; faites place à l'esprit, et laissez-le arriver
jusque dans les profondeurs de l'homme. Il n'y vient que pour y placer la parole
de la sainteté, d'où l'homme verra croître en lui à
la fois les sept vertus, qui seront les sept colonnes de cet édifice
fondé sur le roc vif, et qui doit être l'éternelle église
de notre Dieu.
Comment cette église serait-elle renversée ? Ses sept colonnes
reposent sur la sainteté, et elles s'élèvent jusque dans
la demeure du très-haut ; là elles puisent continuellement la
sève divine, et la rapportent jusqu'aux saints fondements du temple.
Comment cette église serait-elle renversée ? Ses sept colonnes
sont intimement liées à sa base et à son sommet tout à
la fois. La base, les colonnes, le sommet de l'édifice tout n'est qu'un
; il est impossible qu'il ne se meuve pas tout ensemble, et qu'aucune force
ne puisse jamais séparer la moindre partie.
Base de l'édifice, contemple-toi donc avec transport et avec délices
; occupe-toi sans relâche à te pénétrer de l'huile
de joie que les sept colonnes ne cessent de faire parvenir jusqu'à toi
; tous les fruits que tu produiras répandront la vie, la force, la sainteté.
Il faut que tu produises tous ces fruits-là sans relâche, puisque
les sept colonnes t'apportent sans relâche la sève de reproduction,
et que sans relâche le suprême auteur des êtres distribue
cette sève toujours nouvelle, à ces sept colonnes chargées
de te la transmettre. Ce n'est pas même ici comme pour la culture terrestre
où le cercle des temps doit tourner un grand nombre de fois sur les semences
de la terre, avant qu'elle puisse récompenser les soins du laboureur
; il faut que ce cercle des temps devienne pour toi comme imperceptible, et
qu'à tous les moments tu montres ta fertilité, parce qu'à
tout moment ta région est menacée de la disette.
Faites place à l'esprit ; il vient apporter à la base du temple
tous les moyens d'élever à demeure son édifice, et de le
faire subsister intact malgré la jalousie des Samaritains, et il fera
que ce temple s'attirera le respect et l'admiration de tous les peuples. Comment
cette admiration pourrait-elle avoir lieu, comment cet édifice pourrait-il
être si majestueux, si l'éternel architecte n'en avait lui-même
fourni les plans, et tracé les diverses distributions, et s'il ne l'engendrait
continuellement de sa propre source ? C'est pour cela que son esprit vient apporter
jusqu'à notre centre le plus intérieur, les paroles vivantes qui
se réactionnent mutuellement par leurs diverses puissances et propriétés,
et font sortir d'elles-mêmes cette lumière, et cette vie qui assure
une éternelle durée à ce temple qu'elles ont bâti
de leurs propres mains.
Oui, le cur de l'homme est un foyer où toutes les paroles divines
se pressent et s'accumulent, et où elles sont en une continuelle fermentation.
C'est cette fermentation des paroles divines dans l'homme qui, par leur mutuelle
réaction, produit le mouvement spirituel de notre âme, et la préserve
de l'état de mort et de stagnation ; quiconque n'a pas senti physiquement
cette fermentation intérieure, ne peut point encore avoir la moindre
idée de l'origine de l'homme, ni par conséquent de sa renaissance,
ou du nouvel homme. Car cette fermentation est le principe exclusif, et nécessaire
pour nous faire reprendre la forme que nous avons perdue, et si nous n'avons
pas le sentiment vif et physique de ce principe, comment aurons-nous le sentiment
des effets qui en doivent résulter, et des oeuvres que nous aurons à
produire, c'est-à-dire, comment pourrons-nous remplir notre destination
?
Ouvrons donc notre âme à cette accumulation des paroles divines
en nous, n'apportons aucun obstacle à leur fermentation mutuelle en les
empêchant de s'approcher, et de se réactionner physiquement en
nous, si nous voulons que nos paroles acquerrent à leur tour quelques
propriétés physiques. Recueillons précieusement les moindres
résultats de cette fermentation des paroles divines en nous, puisque
c'est ainsi qu'elles ont formé le monde, puisque c'est ainsi qu'elles
l'entretiennent, et opèrent continuellement l'existence de l'uvre
qu'elles ont produite, et puisque c'est ainsi qu'elles ont formé notre
âme, et qu'elles veulent de nouveau la former aujourd'hui, car les voies
de la sagesse ne sont d'une constance, et d'une uniformité si sublime,
que pour que l'homme ait plus de facilité à les retrouver lorsque
pour qu'il s'en est écarté, et pour que, du sein de ses ténèbres
mêmes, i1 puisse recouvrer des aperçus certains, et positifs sur
des lois qu'il n'aurait jamais dû oublier.
Nous avons vu ci-dessus avec quelle lenteur les différents sédiments
se rassemblaient dans la terre pour y former le roc vif, et les masses de pierre
; mais nous voyons aussi de quelle immense utilité sont pour nous ces
substances solides que nous extrayons du sein des rochers. Laissons, laissons
donc aussi accumuler en nous avec un respectueux et prudent désir les
influences vivantes, et les sédiments spirituels que la vérité
dépose journellement dans notre sein. Non seulement nous pourrons un
jour en extraire des pierres vives pour servir de base à nos édifices
de tout genre, non seulement nous en ferons des remparts pour nos forteresses,
non seulement nous pourrons en former des palais et des temples, mais nous pourrons
en former aussi de longs aqueducs qui amèneront l'eau des endroits les
plus éloignés dans les places et les lieux stériles, afin
d'y rétablir la vie et la végétation ; enfin nous pourrons
en former de solides et vastes ponts qui nous aideront à traverser en
sûreté les fleuves et les torrents ; car le Dieu des êtres
ne cherche autre chose que de réaliser dans nous toutes les lois vives
dont la nature et le temps ne cessent de nous présenter des images passagères
et matérielles.
Le réparateur lui-même ne laissa-t-il pas accumuler en lui dans
sa patience et dans sa paix toutes ces substances pures et salutaires que l'éternelle
sagesse faisait successivement déposer dans son sein, et par lesquelles
il devait un jour trouver en lui, lorsque les mesures seraient remplies, tout
ce qui serait nécessaire pour l'avantage de la postérité
humaine, pour la défendre de ses ennemis, pour fermer le puits de l'abîme,
pour former la clef de la voûte du temple, pour nous élever à
tous une forteresse impénétrable, et un temple que les temps n'altéreront
plus ? Et ce sont les jours de l'obscurité du réparateur qui furent
employés à ces utiles préparations, dont les résultats
devaient se propager au-delà des siècles.
Ce sont ces temps silencieux et gouvernés par la prudence et la retraite,
qui disposent l'homme à remplir un jour sa mission avec succès,
pour la gloire de son maître, pour l'avantage de ses propres frères,
et pour l'avancement du règne du Seigneur, en se remplissant ainsi chaque
jour des forces nécessaires pour aller attaquer les ennemis de la vérité,
et les plonger dans leurs ténébreux précipices. Ainsi saint
Luc nous apprend-il que le réparateur, en attendant l'heure de la consommation,
passait ses jours dans la prière et dans les déserts ; aussi Moïse,
que l'on doit regarder comme un des précurseurs de ce Divin réparateur,
passait-il ses jours dans les déserts de Madian, jusqu'au moment où
il reçut ordre du Seigneur d'aller délivrer ses frères,
et de commander à Pharaon de laisser aller le peu le de Dieu en liberté,
afin qu'il pût offrir ses sacrifices à l'Eternel.
20.
Si toutes les puissances divines se transformaient en autant de verbes brûlants,
et en autant d'instruments aigus et pénétrants qui, tous à
la fois rompissent les divers liens qui retiennent notre être pensant,
et le rendissent à sa liberté, et à toute sa sensibilité
Divine, quelle langue pourrait alors exprimer notre situation ravissante ? Voilà
cependant ce que nous pourrons attendre de notre renaissance, si nous sommes
assez persévérants pour la poursuivre avec une constante activité,
car au moment où nous nous y attendrons le moins, notre heure spirituelle
arrivera, et nous fera connaître, comme à l'improviste, ce délicieux
état du nouvel homme.
C'est dans cette classe que sont choisis ceux qui sont destinés à
administrer les sanctifications du Seigneur. C'est d'en haut que descendent
physiquement sur eux les influences purifiantes et fortifiantes qui deviennent
dans leur main comme un ferme bâton, plus puissant que la massue des héros
de la fable, plus élevé que le plus haut cèdre du Liban,
et avec lequel ils peuvent franchir sans danger toute l'immensité des
mers.
Les influences de la région inférieure sont bien loin d'avoir
une semblable propriété ; ce n'est que l'influence corrompue qui
s'élève ainsi de la région inférieure ; elle s'en
élève par notre défaut de surveillance, encore plus que
par un ordre d'en haut, qui quelquefois cependant l'envoie pour épreuve
; elle ne s'offre à nous que sous des formes irrégulières,
et sous des couleurs hideuses ; les formes mêmes qu'elle prend ne se soutiennent
pas, et ne font que se déformer continuellement, parce qu'elle n'a pas
le principe des formes régulières ; elle se montre comme à
l'improviste, et comme ayant profité de quelque issue que nous aurons
laissée ouverte ; elle se montre plus dans la prière que dans
d'autres circonstances, parce que là nous ouvrons plus de portes qu'à
l'ordinaire, et que cependant nous n'avons pas souvent là plus qu'à
l'ordinaire l'attention, et la force de poser des sentinelles à toutes
les portes que nous ouvrons.
Mais au moment où elle se montre ainsi à l'improviste, elle est
un moment immobile, et semble étonnée comme un voleur qui est
entré dans une maison qu'il a trouvée ouverte, et qui d'abord
est troublé, et inquiet si personne ne l'observe, qui cherche à
démêler quelle est la distribution de la maison, et est comme ébloui
des divers objets qu'il y aperçoit, et qui tentent d'autant plus sa cupidité
qu'il n'est pas accoutumé à se trouver en de semblables lieux,
ni à jouir de semblables richesses. Si l'on n'a pas soin de repousser
cette influence vivement dès qu'on l'aperçoit, elle poursuit ses
desseins criminels et peut parvenir enfin jusqu'à s'emparer de la maison,
et à en chasser le propriétaire.
Mais si l'on se met aussitôt en devoir de la déconcerter dans ses
projets, elle fuit sur le champ dans ses abîmes, ou bien sa forme s'altère,
varie, et se décompose, le tout plus ou moins promptement, et avec plus
ou moins de différences, selon que nous mettons plus ou moins de forces,
de promptitude, et de vivacité à nous opposer à ses entreprises.
L'influence qui vient d'en haut est au contraire le plus souvent sans forme
; elle précipite en bas tout ce qui est irrégulier et ténébreux
; elle presse tous nos principes d'activité, et les fait passer de force
au travers de nos substances composées et corrompues pour les dissoudre,
et faire paraître la lumière là où il n'y avait que
ténèbres; voilà pourquoi cette influence supérieure
nous donne tant de divers moyens de monter au dessus de notre état ordinaire
; pourquoi elle développe en nous tant de facultés dont notre
matière ne peut avoir ni la jouissance, ni la connaissance, et pourquoi
ces diverses propriétés dont nous sommes susceptibles se manifestent
par des rayons aigus et acérés comme ceux de la lumière
et du feu.
C'est aussi pour cela que l'écriture compare continuellement la parole
à des flèches acérées, et à une épée
à deux tranchants ; non pas seulement parce que cette parole a sans cesse
des ennemis à combattre et à renverser, mais encore parce qu'elle
prend sans cesse la naissance au milieu des entraves qui la resserrent, qui
la forcent à s'affiler et à s'aiguiser en quelque sorte pour se
faire jour au travers de toutes ces substance étrangères dont
elle est encombrée.
Telle est donc la pénible destinée de cette parole chérie
que la sagesse fait naître dans le nouvel homme, et qui ne s'y peut engendrer
qu'en rompant toutes les barrières qui la retiennent dans l'esclavage,
et dans la contrainte ; c'est la pression de l'influence supérieure qui
force cette parole à traverser ainsi péniblement ses entraves,
et à se manifester sous des traits aigus dont notre langue corporelle
est l'image, et dont nous trouverions des figures encore plus frappantes dans
la manifestation qui arriva aux apôtres à Jérusalem, si
notre plan ne nous défendait pas d'anticiper sur l'ordre des objets que
nous aurons à exposer dans cet écrit.
Cela n'empêche pas qu'en attendant nous ne voyions dans l'exemple de la
naissance de la parole en nous comment tout est révélation, puisque
tout est parole, et puisque toutes les paroles sont comme ensevelies dans des
abîmes, dont on ne peut les tirer qu'avec violence ; et cependant les
hommes ne veulent pas croire à une révélation tant on s'y
est mal pris pour les en convaincre, tandis qu'en les ramenant à eux-mêmes
on leur eût prouvé tellement la révélation universelle
et de tous les moments, qu'ils auraient été naturellement disposés
par là à ne voir ne reconnaître l'uvre du réparateur
que comme une plus grande révélation, que celle qui se passait
en eux ; et comme elle est du même genre, quoiqu'elle embrasse un plan
plus vaste, elle pourrait leur paraître plus admirable, comme étant
plus sublime, mais non pas plus extraordinaire. Ils auraient même appris,
par l'examen des diverses époques du genre humain, à reconnaître
les immenses services que cette révélation du Réparateur
leur avait rendus, en observant ces diverses époques sur l'homme particulier.
Car si l'homme a le bonheur de voir naître en lui le fils de l'esprit
ou le nouvel homme, il aperçoit bientôt la différence de
ce nouvel état pour lui à son état antérieur ; et
cette différence consiste en ce que, dans ce nouvel état, il est
sûr, par ses efforts et la persévérance dans sa prière,
d'obtenir les fruits de ses désirs purs, soit des lumières et
des développements, soit des consolations, soit des dons de l'esprit
pour la manifestation de la gloire de son maître, toutes choses que nous
pouvons maintenant regarder comme autant de révélations. Mais
dans son état antérieur, il n'avait pas la même certitude,
et malgré toutes les entreprises les plus courageuses, il ne pouvait
se flatter du même succès, et les espèces de révélations
dont il était susceptible alors, lui parvenaient d'une manière
plus voilée, plus figurative, et qui le laissaient souvent comme dans
l'attente des biens qu'on ne faisait que lui montrer.
L'homme ne devrait donc plus s'étonner de voir ce qui est dit dans la
révélation du réparateur. Matt. 11, 12, 13. Or, depuis
le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume des cieux
se prend par violence, et les violents l'emportent. Car jusqu'à Jean
tous les prophètes aussi bien que la loi ont prophétisé.
Il sentirait en même temps tout le prix de cette révélation
du Réparateur, c'est-à-dire, de l'uvre qu'il est venu opérer
pour la délivrance de notre parole, puisque ce n'est que par cette révélation
du Réparateur, et par les vertus de son oeuvre, que nous pouvons espérer
chacun de parvenir à notre révélation particulière,
ou à la naissance de notre nouvel homme, lequel, seul, peut nous mettre
à même de prendre désormais le ciel par violence, au lieu
qu'auparavant nous devions attendre qu'il se donnât, à moins que
nous ne fussions de la classe des êtres privilégiés.
En effet, de même que sous la révélation du Réparateur,
il est des êtres au-devant de qui le royaume du ciel est venu, sans attendre
qu'ils le prissent par violence, de même nous avons vu sous la loi et
sous les prophètes, plusieurs élus à qui la gloire de cette
révélation a été montrée d'avance, ce qui
les a remplis de joie, tandis que les autres hommes de leur temps, restaient
ensevelis sous le voile de la loi, et sous les diverses figures des prophéties.
C'était donc par cette étude de l'homme, par des encouragements
réitérés à faire naître en lui un nouvel homme,
et par la comparaison de ses divers états que l'on aurait dû travailler
à ouvrir les yeux des hommes de désir sur la nature des révélations
en général, sur la nature de nos révélations particulières,
et sur la nature de la seule révélation, d'où puissent
ressortir toutes les autres révélations quelconques, parce que
cette révélation unique, ayant produit dans l'origine tout ce
qui a été englouti par le crime, était aussi la seule qui
pût arracher au tombeau et aux ténèbres, tout ce que le
crime y tenait renfermé, et voilà pourquoi cette révélation
du Réparateur a été, est et sera à jamais la révélation
universelle.
21.
Comme images de l'unité universelle, nous devons établir universellement
des unités en nous, si nous voulons faire des progrès dans l'éducation
du nouvel homme. Car dans notre oeuvre générale comme dans toutes
nos oeuvres particulières, nous n'obtiendrons rien de permanent, nous
ne produirons rien de parfait, nous ne jouirons d'aucune paix, ni d'aucune lumière
réelle, si tout ce que nous obtenons, tout ce que nous produisons, tout
ce dont nous jouissons, n'est pas le fruit et le résultat d'une unité.
C'est peut-être ici l'avis le plus salutaire que nous puissions recevoir
dans ce bas monde.
La principale unité que nous devions chercher à établir
en nous, c'est l'unité du désir, par laquelle l'ardeur de notre
régénération devienne pour nous une passion si dominante,
qu'elle absorbe toutes nos affections, et nous entraîne comme malgré
nous, de manière que toutes nos pensées, tous nos actes, tous
nos mouvements soient constamment subordonnés à cette dominante
passion ; de cette unité fondamentale, nous verrons découler une
multitude d'autres unités qui doivent nous gouverner avec le même
empire, chacune selon sa classe ; ou pour mieux dire toutes ces diverses unités
sont tellement liées les unes aux autres, qu'elles se succèdent
et se soutiennent mutuellement, sans qu'elles soient jamais étrangères
entr'elles.
Ainsi, unité dans l'amour, unité dans l'uvre de la pénitence,
unité dans l'humilité, unité dans le courage, unité
dans la charité, unité dans le dépouillement de l'esprit
de la terre, unité dans la résignation, unité dans la patience,
unité dans la soumission à la volonté suprême, unité
dans le soin de nous revêtir de l'esprit de vérité, unité
dans l'espérance de recouvrer les biens que nous avons perdus, unité
dans la foi que notre volonté purifiée et unie à celle
de Dieu doit avoir son accomplissement dès ce monde, unité dans
la détermination à dissiper les ténèbres de l'ignorance
dont notre séjour nous enveloppe, unité dans la vigilance, unité
dans la constance à la prière, unité dans la continuelle
culture des écritures saintes, enfin unité dans tout ce que nous
sentons être propre à nous purifier, à nous alléger
de ce bas monde, et à nous avancer dans notre royaume qui est le royaume
de l'esprit, et le royaume de Dieu ; voilà la loi que nous devons nous
imposer.
Quoique ces différentes unités soient intimement liées
ensemble, et appartiennent à la même racine, ce n'est point à
dire pour cela qu'elles doivent toutes agir à la fois ; il n'y a que
Dieu dans qui toutes les unités paisibles, et douces, soient dans une
perpétuelle, et commune activité, parce qu'il n'y a que lui qui
soit la vraie, et radicale unité.
Mais nous devons nous attacher avec une activité entière à
celle de nos unités qui se présente à nous pour le moment,
si nous voulons en retirer les avantages qu'elle désire de nous procurer
; nous ne devons point lâcher prise que nous ne sentions que cette unité
a réellement pris en nous son essentiel caractère, et qu'elle
a transformé en une unité effective celle de nos facultés
sur laquelle elle est venue frapper.
Nous ne pouvons guère nous tromper là-dessus, ni nous en imposer
à nous-mêmes, parce que soit dans les oeuvres, soit dans l'acquisition
des lumières, et la pratique des vertus, nous avons une unité
intérieure à laquelle toutes nos unités diverses doivent
correspondre et qui, comme un juge intègre, nous donne l'assentiment
de nos bons et mauvais succès. Ajoutons par anticipation que cette unité
intérieure qui est en nous, nous donne l'assentiment de nos bons et mauvais
succès dans la marche de nos unités diverses, par la raison qu'elle
est liée elle-même à l'unité suprême et universelle.
C'est donc notre unité intérieure qui devient l'arbitre de nos
unités partielles, et qui nous fait sentir si elles ont atteint leur
complément.
Nous verrons ailleurs comment en effet ces unités partielles doivent
opérer de semblables résultats en nous, pour remplir l'objet de
notre existence, et de leur loi, puisqu'il n'y a pas un être dans la nature
qui ne doive produire également une unité selon sa classe, et
même une unité qui présente sensiblement le tableau de tout
ce qui existe. Ainsi, à plus forte raison, notre être pensant doit-il
jouir d'un semblable privilège, puisqu'il est chargé spécialement
de représenter l'être saint, éternel et divin, au lieu que
les substances de la nature ne manifestent que les puissances de cet auteur
universel des anges, des esprits et de tout l'univers.
Quel est maintenant le sublime avantage que nous devons espérer d'obtenir
si nous établissons en nous-mêmes, par des soins soutenus, ces
diverses unités particulières, virtuelles, et vertueuses, dont
notre unité intérieure est la base, et le foyer ?
Cet avantage est de multiplier tellement nos rapports avec l'unité suprême,
que quand nous avons atteint le nombre nécessaire de ces rapports, pour
que notre ressemblance avec elle soit au moins ébauchée, cette
unité suprême, elle-même, ne craint point de se rendre à
l'attrait divin qu'elle éprouve éternellement pour sa créature,
et pour son image, elle ne craint point se substituer son action, paisible et
vivifiante, à nos actions pénibles et laborieuses, de s'emparer
tellement soit de nos unités partielles, soit de notre unité intérieure,
que notre marche spirituelle nous devienne aussi naturelle que si nous n'avions
pas quitté le séjour de la sainteté ; enfin de faire en
sorte que nous n'ayons plus de répugnance à éprouver dans
nos oeuvres plus d'obscurité dans nos connaissances, plus de fatigue
dans l'exercice de nos vertus. Délicieuse perspective dont nous sommes
malheureusement ici-bas si éloignés, qu'il faut être déjà
avancé dans la carrière pour qu'elle ne nous paraisse pas absolument
illusoire, et chimérique.
Dieu suprême, comment nous flatter en effet que dans l'état d'opprobre
et d'iniquité où nous languissons, nous puissions habiter en toi,
et que tu daignes habiter en nous ! Comment ton unité universelle s'unirait-elle
à des unités aussi incomplètes que celles qui se manifestent
journellement dans l'homme ? Bien plus, comment s'unirait-elle à des
nombres dont l'irrégularité est si manifeste ?
Ne craignons point de le dire : c'est une faveur de cette sagesse infinie qu'elle
suspende ainsi sa jonction avec nous, et qu'elle diffère de lever le
voile du temple jusqu'à ce que nous soyons plus forts pour soutenir l'éclat
de sa lumière ; car non seulement elle nous éblouirait, mais cela
pourrait aller jusqu'à nous faire perdre la vue.
Lorsque nous avons peint antérieurement quels seraient les délices
que nous éprouverions, si toutes les puissances divines se transformaient
pour nous en autant de verbes brûlants, nous avons supposé que
l'esprit de l'homme aurait déjà fait tous ces travaux préliminaires,
toutes ces collections d'unités partielles dont son unité intérieure
lui donne la règle et la mesure, et le met en rapport, et en correspondance
avec l'unité suprême, et universelle ; sans cela, malheur à
lui, si cette unité suprême faisait un mouvement si marqué,
et si important ! Malheur à lui si elle lui découvrait toute sa
gloire !
Car, ne trouvant point en lui de justes analogies avec son unité qui
doit toujours triompher, (et cela par sa puissance et sa force, quand elle ne
trouve pas à triompher par son amour et par ses bienfaits), elle le ferait
périr de honte par son énorme disproportion, et en lui faisant
connaître combien il est défiguré ; elle dissoudrait toutes
les puissances fausses qui seraient en activité en lui ; elle le laisserait
dans le néant spirituel absolu, où il ne pourrait éprouver
que le désespoir d'atteindre à un terme si éloigné
; et au lieu de l'animer de l'unité de la vie qu'elle porte en elle-même,
elle le réduirait à une unité de mort par l'impossibilité
de former aucun rapport de vérité, ni aucune correspondance spirituelle
divine avec lui.
Nous pouvons en donner une raison bien simple, c'est que les unités partielles
que nous devons sans cesse établir en nous sont les intermèdes
indispensables pour que l'action divine se tempère avant de pénétrer
jusqu'à notre centre ; et de même que la divinité ne se
communique que par ses manifestations, et par ses puissances ; de même
aussi nous ne pouvons lui ressembler que par les manifestations de nos facultés,
et de nos vertus qui sont les organes, et les puissances de notre âme.
22.
Si nous pénétrions davantage dans l'industrieuse sagesse de notre
Dieu, nous suspendrions bientôt nos murmures contre les obstacles que
nous rencontrons dans notre région terrestre. Tous ces obstacles, toutes
ces difficultés, nous sont envoyés pour différer cette
explosion divine, dont nous sommes si peu dignes, que, je le répète,
nous chercherions à nous cacher dans les cavernes de la terre, si l'on
nous en laissait connaître le moindre aperçu, avant notre terme.
En même temps, ils servent à développer en nous toutes ces
unités partielles dont nous avons parlé précédemment,
et qui doivent nous aider à rétablir nos relations avec notre
principe, et à nous rendre de nouveau son image. Car ce serait en vain
que nous croirions nous être rendus de nouveau son image, si nous n'avons
pas porté toutes nos unités jusqu'à la mesure où
elles peuvent atteindre ; puisque c'est le complément, et la juste mesure
de ces unités qui peut seule nous rendre les traits de notre ancienne
ressemblance avec notre principe.
Regardons-nous donc ici-bas comme dans un lieu de préparation, où
l'on demande de nous que nous rendions à nos facultés, les dispositions
qui leur sont absolument nécessaires pour pouvoir être employées
à l'uvre. Travaillons sans cesse à ce que l'unité
de notre foi devienne propre à transporter les montagnes, à ce
que l'unité de notre dépouillement devienne insensible aux privations,
à ce que l'unité de notre charité nous mette en état
de brûler, et de donner notre vie pour nos frères, à ce
que l'unité de notre courage nous donne les moyens de subjuguer tout
ce qui est matière ; combat dans lequel nous avons si beau jeu, puisque
la matière est indifférente, et prend toutes les formes que nous
voulons lui donner. Enfin, exerçons continuellement toutes les unités
de nos vertus, et de nos dons spirituels, et ne doutons pas que lorsqu'elles
auront atteint une mesure approuvée par la sagesse, elles ne reçoivent
de sa main le complément dont elles seront capables.
Mais gardons-nous de vouloir agir avant cette heureuse époque, et par
les mouvements de notre impatience. Avant de croire aux fruits de la loi, il
faut commencer par croire à la loi ; car, selon l'Évangile, comment
croire au réparateur si l'on ne croit pas d'abord à Moise, et
à la loi qui ont parlé de ce réparateur ? Or la loi de
l'homme de l'esprit est de ne pas faire un mouvement dans la carrière
supérieure, sans que ce mouvement ne soit ordonné, et précédé
par une parole, qui devient pour lui ce que Moïse, et les prophètes
étaient pour les appelés, et les élus à la loi de
grâce. Et si l'homme ne croit pas que telle doit être sa marche
respectueuse, et soumise, il ne croirait pas davantage aux merveilles que désirerait
son impatience, parce que c'est de ces merveilles-là que la parole doit
prophétiser.
Loin donc de nous lamenter sur les obstacles, et sur les lenteurs auxquelles
nous sommes heureusement condamnés, remercions la providence qui nous
fournit par là l'occasion de recevoir avec avantage tous les fruits de
la loi, lorsque les temps de cette loi seront accomplis ; remercions-la de ce
qu'elle nous fournit par là l'occasion de nous procurer une situation,
ou une manière d'être assez utilement préparée, pour
que lorsque l'heure de la naissance du nouvel homme est arrivée, on ne
puisse pas nous appliquer directement à nous-mêmes, ce que Siméon
dit à la naissance du Réparateur : savoir que cet enfant était
né pour la ruine de plusieurs.
Car si ce nouvel homme naissait jamais pour notre ruine au lieu de naître
pour notre salut, comment pourrions-nous jamais entrevoir et connaître
le royaume qui ne peut se montrer réellement qu'à ce nouvel homme,
et à cet enfant chéri conçu en nous par l'esprit du Seigneur
?
Telle est cette unité intérieure à laquelle correspondent
toutes nos unités particulières et sur laquelle l'unité
universelle attend avec encore plus d'impatience que nous, qu'elle puisse se
reposer en paix. Telle est cette mine inépuisable dans laquelle il n'y
a point de richesses que nous ne puissions trouver ; mais qui est devenue comme
étrangère à celui même qui en est le propriétaire,
parce que les hommes avides des sciences externes ont porté à
l'extérieur toutes les facultés de leur esprit, au lieu de les
porter sur cet intérieur qui leur eût tout appris, et leur eût
prodigué tous les trésors.
Par cette marche imprudente, ils ont laissé fermer cette mine par les
décombres qui y tombent journellement, et elle est devenue tellement
couverte qu'ils n'ont plus cru à son existence et ont fait ensuite tous
leurs efforts pour nous empêcher d'y croire à notre tour, et de
chercher à la travailler.
Les plus sages d'entre eux ont cru qu'en bâtissant des temples au Seigneur
avec des pierres taillées par des instruments de métal, et façonnés
par eux, ils avaient rempli les plans divins au sujet du culte, et des hommages
que la divinité attend des mortels ; ils n'ont pas vu que c'était
de ce temple impérissable qu'elle attendait le triomphe de sa gloire
; de ce temple où les instruments matériels sont tout à
fait inutiles soit pour tailler les pierres, soit pour les tirer des carrières,
soit pour les transporter, soit enfin pour les poser à demeure dans la
place qu'elles doivent occuper dans l'édifice.
C'est donc à extraire les pierres des carrières, à les
tailler, à les transporter, à les poser à demeure dans
la place qu'elles doivent occuper dans l'édifice, que la sagesse et l'esprit
du Seigneur s'occupent journellement à notre égard ; et les instruments
qu'ils emploient pour cela, ce sont les mêmes obstacles, et les mêmes
contrariétés spirituelles que nous rencontrons dans notre carrière,
et dont l'homme novice aux secrets de Dieu ne connaît pas assez le prix
pour sentir qu'il n'y a pas une de ces épreuves soutenues avec foi et
courage, qui ne doive se terminer pour lui par la naissance et le développement
d'une unité ; et que c'est par ces accumulations d'unités acquises
par autant d'épreuves, et de victoires, qu'il doit voir s'élever
en lui le nouvel homme ou l'édifice des élus.
Il ne soupçonne pas que cet édifice des élus nous transforme
en un véritable ciel où habitent à la fois tous les esprits
du Seigneur, toutes les puissances du, Seigneur, tous les dons du Seigneur,
toutes les vertus du Seigneur, de manière que nous devenions une espèce
de citadelle, et de forteresse, toujours armée, toujours en défense
; toujours prête à veiller à la sûreté des
habitants, et à leur procurer tous les secours, et tous les avantages
que notre état de guerre nous permet d'espérer dans ce bas monde.
Sans ces épreuves ou ces moyens d'acquérir nos unités,
mus serions rejetés hors de la place comme autant de bouches inutiles,
et nous serions remis à la discrétion des assaillants, C'est-à-dire
à leur rage et à leur fureur.
Armons-nous donc de courage, et de confiance quand l'esprit juge à propos
d'employer ses instruments sur notre être spirituel, et ne nous scandalisons
point, ne nous rebutons point quelle que soit la forme sous laquelle ces instruments
se présentent, et s'approchent de nous. Ayons continuellement devant
les yeux le psaume 68:7-8, etc. : Que ceux qui attendent après toi, ô
Seigneur, ne rougissent point à cause de moi, que ceux qui te cherchent
ne soient point confondus à mon sujet, ô Dieu d'Israël ! Parce
que c'est à cause de toi que j'ai supporté les reproches, et que
la honte a couvert ma face.
S'il est donc vrai que l'esprit, que le Réparateur lui-même se
soient cachés et se cachent tous les jours sous la forme de ces instruments
salutaires, ne les repoussons pas à cause de l'âpreté ou
de la bassesse des couleurs qu'ils empruntent ; ne nous laissons point gagner
par la confusion malgré leur abjection ; parce que c'est à cause
de Dieu que la honte couvre ainsi leur face, et que si nous manquons l'occasion
qu'ils nous offrent de partager un jour la gloire qu'ils ont de vivre dans la
grande unité, en partageant avec eux, ici-bas, les fatigues, et les reproches
qu'ils essuient pour nous élever jusqu'à eux, nous ne jouirons
ni de la même communion qu'eux avec la grande unité, ni du développement
merveilleux de notre unité intérieure, ni de celui de nos unités
particulières ; c'est-à-dire, que nous ne formerons point ce temple
éternel dont l'homme trouve en soi tous les matériaux.
23.
Quand les hommes considèrent les objets soit naturels, soit artificiels
qui se présentent à eux pour la première fois, leur premier
mouvement n'est-il pas de se demander quel peut être l'emploi de ces objets
et pour quelle fin ils ont l'existence ? C'est par là qu'ils parviennent
bientôt à connaître quel est le but ou l'esprit de toutes
les choses utiles, nécessaires ou agréables qui les environnent.
Pourquoi donc ne se demandent-ils pas avec le même soin quel doit être
l'emploi de l'homme ? Ou plutôt pourquoi leur répond-on si mal
lorsqu'ils font cette question ? C'est qu'ils sont encore faibles, et comme
dans l'enfance lorsqu'ils auraient envie de s'interroger eux-mêmes, et
que ceux à qui ils s'adressent ensuite, sont tombés même
au-dessous de cet état d'enfance par rapport à cette grande question.
Nous ne craignons point que l'âme de l'homme désavoue les sublimes
réponses dont nous avons montré jusqu'à présent
qu'elle portait la source dans son propre sein. Plus elle percera dans sa propre
immensité, plus elle y trouvera de nombreuses confirmations des titres
précieux, et de la sainte destination dont nous l'avons annoncée
comme dépositaire ; et il n'y aura que l'homme léger, timide,
aveugle et paresseux qui méconnaîtra l'emploi pour lequel nous
avons reçu l'existence.
Celui au contraire qui aura eu le courage de contempler avec soin sa véritable
essence, qui aura distingué soigneusement sa pensée d'avec l'être
ténébreux dont nous sommes accompagnés pour un temps, qui,
enfin, se sera conduit avec cet être inférieur, et subordonné
comme avec ce serviteur de l'Évangile qui, en arrivant des champs est
obligé de se ceindre, de préparer à manger à son
maître, et d'attendre que ce maître ait fini son repas pour prendre
le sien, c'est-à-dire, qui n'accordera jamais rien aux besoins de sa
matière, avant que son esprit ne soit satisfait, comme étant le
maître, et devant être le premier servi, celui-là, dis-je,
trouvera de lui-même, non seulement quelle est la destination de l'homme,
mais aussi quelle est la voie qui doit le conduire à en obtenir l'accomplissement.
Or cette voie sera pour lui, n'en doutez pas, celle que nous avons indiquée
jusqu'ici, presque à tous les pas, et que nous nous faisons un plaisir
de retracer, parce que c'est de la voie que nous avons besoin, puisque nous
avons un voyage à faire.
Ainsi donc, en descendant en lui-même, il trouvera un grand temple, où
il entendra parler un zélé pasteur qui, sans qu'il le voie, lui
criera de toutes ses forces : lamentation, exclamation, purification, sanctification,
supplication, consécration, administration ; voilà à la
fois ta tâche et les moyens de la remplir. C'est par là que s'accompliront
les saintes promesses que l'Eternel a faites par serment à tes pères
; c'est par là que tu deviendras l'héritage du Seigneur après
qu'il t'aura délivré de la fournaise de fer où l'on adorait
les astres, qu'il t'aura pris pour son peuple au milieu des autres nations,
qu'il aura voulu être lui-même ton Dieu au milieu de tous ces dieux
passagers qu'honorent tous les autres peuples, et qu'il t'aura mis en possession
de ce pays où tu seras assez plein de lui pour pouvoir jurer par son
nom (Deutéronome, chap. 4 et chap. 6).
Car c'est dans la manifestation du nom du Seigneur que se trouve la plénitude
de sa gloire, et cette manifestation ne peut avoir lieu parmi les nations, que
par l'organe du peuple qu'il a choisi à ce dessein ; c'est-à-dire,
par l'organe de l'homme ; voilà pourquoi il ne cesse de solliciter cet
homme réfractaire de s'occuper de sa destination sacrée.
Il l'en sollicite par le besoin qu'il en a mis dans son âme, il l'en sollicite
par tous les emblèmes que l'univers lui présente continuellement,
mais qui, étant impuissants pour opérer une si grange oeuvre,
sont bornés au rang d'emblèmes, et laissent à l'homme le
soin d'en exprimer la réalité ; il l'en sollicite par toutes les
lois représentatives, et figuratives, civiles, politiques, historiques,
naturelles, et surnaturelles ; enfin, il est venu l'en solliciter lui-même
pour le déterminer à se livrer à cette sainte entreprise,
et il a commencé par faire renaître en lui ce nouvel homme qui
seul sera digne de s'en acquitter dignement lorsqu'il aura acquis son âge
compétent, et qu'il aura atteint les mesures tracées par les lois
éternelles de la sagesse qui peuvent bien, ici-bas, subir quelque extension,
et comme une sorte de subdivision qui les réduit, mais qui ne change
point leur caractère.
Pourquoi Dieu sollicite-t-il ainsi l'homme par tant de moyens si variés,
si répétés, si soutenus et si continuels ? C'est pour qu'il
soit en tout point l'image et la ressemblance de cette éternelle divinité
; car ce n'est point assez pour cette ressemblance que l'homme puisse lire dans
les merveilles de la sagesse, ce n'est point assez qu'il puisse les peindre,
et les exprimer par ses oeuvres, ce n'est point assez que sa parole puisse répéter
autour de lui les oeuvres de cette divinité suprême, il faut que,
comme elle, il puisse exercer de pareils droits volontairement, et par le privilège
sacré de son saint caractère, afin que, partageant les puissances
de son éternel principe, il en partage aussi la gloire, et soit ainsi
la réelle image de ce principe, au lieu de n'en être, comme la
nature, que l'image figurative ; et voilà pourquoi la sagesse divine
le sollicite avec tant d'amour, et tant d'industrie, et évite avec tant
de soin de le forcer, parce qu'elle considère, et respecte, pour ainsi
dire en lui, ce privilège honorable dont elle-même l'a rendu dépositaire.
Lors donc, homme, que tu seras parvenu à cette terre que Dieu a promise
par serment à tes pères ; aie grand soin d'y observer fidèlement
les lois et les ordonnances du Seigneur, si tu veux te maintenir longtemps dans
tes possessions, et si tu ne veux pas que les nations que tu dois vaincre te
rendent elles-mêmes leur esclave. Car si le Seigneur considère,
et respecte, pour ainsi dire, le privilège honorable dont il t'a rendu
dépositaire, ce ne sera jamais que lorsque tu concourras avec lui à
l'accomplissement de ses desseins, et à la manifestation de son nom ;
et il ne prend pas moins le soin de sa justice que celui de sa gloire ; autant
il cherche à ne te pas forcer dans tes oeuvres pures et glorieuses, autant
il a de puissance pour t'arrêter dans tes oeuvres fausses, et pour résister
aux efforts de ta volonté criminelle.
Ainsi ce n'est point assez que tu abjures ces efforts impuissants d'une volonté
criminelle, il faut encore que tu te surveilles pour ne suivre que les efforts
d'une volonté prudente, et dirigée par les lumières de
ta simple sagesse naturelle, si tu veux qu'une sagesse supérieure à
la tienne vienne s'établir en toi, et y fasse éternellement son
séjour.
Lors donc qu'il te sera permis de prendre possession de la portion de la terre
promise qui te sera accordée, souviens-toi que c'est le Seigneur même
qui t'aura donné les moyens d'y entrer, et que tu n 'as d'autre mérite
que d'avoir mis ces moyens en usage. Souviens-toi que c'est lui-même qui
a produit cette terre, où tu trouveras tant de richesses et tant d'abondance.
Souviens-toi que s'il ne t'y protégeait pas continuellement lui-même
tu ne pourrais pas y rester en sûreté un seul instant. Et voici
à quoi peut se réduire le sens de ces tableaux spirituels.
Avant de dire : au nom du Seigneur, attends toujours que le nom du Seigneur
soit descendu en toi. Ce n'est point de mémoire que tu dois prononcer
ce nom puissant. C'est par sentiment, c'est par impulsion, et comme étant
pressé par le pouvoir de son charme irrésistible. Voudrais-tu
être comme ceux qui le prononcent journellement d'eux-mêmes, et
dans qui l'idée qu'ils en prennent, et le respect qu'il devraient lui
porter se confond avec les mouvements les plus insensibles de leur âme,
et n'y laisse pas de plus profondes traces ? Il en est qui sont bien plus coupables
encore, aussi ne le prononcent-ils que pour leur condamnation ; mais ce tableau
serait trop affligeant, et trop dangereux pour l'il du nouvel homme, il
vaut mieux lui en laisser ignorer l'existence, et lui montrer pourquoi il doit
attendre que le nom du Seigneur soit descendu en lui, avant d'oser dire : au
nom du Seigneur.
Qu'étais-tu, homme, lorsque l'Éternel te donnait la naissance
? Tu procédais de lui, tu étais l'acte vif de sa pensée,
tu étais un Dieu pensé, un Dieu voulu, un Dieu parlé, tu
n'étais rien tant qu'il ne laissait pas sortir de lui sa pensée,
sa volonté, et sa parole. Il n'a pas changé de loi, il ne peut
y avoir que lui qui t'engendre, et ce n'est que par lui que tu peux engendrer
des oeuvres régulières. S'il n'engendre donc pas son nom en toi
avant que tu dises : au nom du Seigneur, tu n'agis plus que de mémoire
quand tu prononces ce nom, et voilà pourquoi tant d'hommes le prononcent
en vain sur la terre, et nous prouvent d'une manière si affligeante que
malheureusement, l'homme n'est, ne vit, et n'agit que dans la vanité
et le néant.
24.
Si le nouvel homme veut que la parole soit vivante en lui, il ne pourra obtenir
cette faveur, qu'en mourant dans cette même parole ; et s'il lui est donné
de pouvoir mettre à profit les incommensurables longanimités du
temps, c'est afin qu'il puisse parvenir à ce glorieux terme par des progressions
douces et insensibles qui le préparent à recevoir la jonction
de la grande unité sans être ébloui par son éclat,
ou consumé par sa chaleur brûlante ; c'est en même temps
pour que les combats qui lui sont offerts dans ces diverses progressions soient
toujours en mesure avec son courage et avec ses forces.
Car même dans l'ordre de la simple morale ordinaire, si nous mourrions
un peu tous les jours, nous éviterions par là de mourir tout à
la fois, comme cela arrive à presque tous les hommes, qui par cette raison
trouvent la mort si dure ; et la mort physique finale de notre corps ne nous
paraîtrait pas plus fâcheuse que celle momentanée par laquelle
nous passons à chaque instant. Bien plus nous vivrions aussi un peu tous
les jours, en raison des portions de mort que nous aurions détruites.
Faute de cette précaution, et à force de s'enfoncer dans la vie
fausse, l'homme vulgaire perd journellement les facultés qui lui avaient
été accordées par la nature et par la vérité,
pour se soutenir pendant son voyage terrestre. Aussi les hommes livrés
au torrent sont-ils toujours au-dessous de la mesure. Leur cur n'a plus
de goût pour la vertu ; leur oreille n'a plus de tact pour la vraie musique
; il n'est pas jusqu'à leurs facultés animales et digestives,
qui ne deviennent nulles par leur intempérance.
Le nouvel homme dont la destinée est si élevée au-dessus
de la sagesse commune doit, comme nous l'avons dit, mourir continuellement dans
la parole, s'il veut que la parole vive en lui ; et il y doit mourir progressivement
afin qu'elle puisse y vivre un jour dans toute sa force, et dans toute sa plénitude.
Il faut qu'il voyage silencieusement sur les bords du fleuve, qu'il combatte
à tous les pas les animaux qui se rencontrent, et qu'il surmonte les
obstacles de chaque jour. Par là, il reçoit insensiblement une
triple création qui purifie son corps, son âme et son esprit, qui
les remplit du feu de la vie, parce que le feu le couvre, et le pénètre
de la parole du témoignage.
Voyons donc ainsi croître en paix ce nouvel homme ; voyons-le sacrifier
à tout moment tout ce qui n'est pas du ressort de la parole, et faire
en sorte, par ce moyen, que la parole prenne en lui la place de tout ce qui
la gênait, et l'empêchait de venir démontrer à cet
homme qu'il est une pensée du Dieu des êtres, une parole du Dieu
des êtres, une opération du Dieu des êtres. Voyons-le par
ces sacrifices journaliers, et continuels, mourir par degrés dans la
parole, et s'ensevelir tellement dans la confiance en cette parole, qu'elle
puisse elle-même ressusciter en lui dans les mêmes mesures, et qu'elle
finisse par y manifester complètement, et universellement son action
de vie, lorsqu'il aura fini de son côté, par manifester en elle
complètement, et universellement son action de mort.
Alors ce nouvel homme sera réellement sorti de l'état d'enfance
où est encore ce fils chéri de l'esprit que nous avons déjà
vu naître, et même patente au milieu des docteurs à son âge
de douze ans, mais qui n'est point encore parvenu à cet état de
virilité que nous peignons par anticipation, et qu'il ne faut point confondre
avec l'état heureux qui nous attend après notre mort corporelle,
si nous avons suivi les lois de la sagesse.
Car cette résurrection de la parole en nous, cette virilité enfin,
dont nous offrons d'avance quelques traits, nous peut être accordée
dans ce bas monde, si nous en nourrissons l'espérance, et que nous nous
conduisions conformément à l'instinct qu'elle nous suggère
; et si nous n'avions pas d'autres explications à donner du bonheur de
l'homme que celles qui nous sont offertes dans les instructions vulgaires, nous
ne croirions pas avoir assez fait pour nos semblables.
Voyons donc, comme dans un lointain, ce nouvel homme, jouissant abondamment
des droits de son être, et des faveurs innombrables du principe régénérateur
qui a bien voulu pénétrer en lui ; voyons-le comme les digues
d'un grand fleuve, qui les resserrent, et le contiennent dans leurs bords de
manière qu'il n'en sorte plus et qu'il transporte paisiblement ses eaux
fertilisantes dans toutes les contrées qu'il parcourt ; mais voyons encore
plus comment il se prépare à cette magnifique destination.
C'est en disant à la prière : sois toujours à côté
de moi, sois toujours avec moi, et en moi ; sois toi-même l'ouvrier qui
creuse le lit du fleuve, et ne permets pas qu'un seul moment se passe sans que
je n'en aie enlevé quelques pierres, arraché quelques racines,
ou ôté quelques immondices, afin que, de jour en jour, le cours
de ce fleuve devienne plus libre, et qu'enfin tout mon être en soit abreuvé.
Loin de redouter ces épreuves spirituelles qu'il doit rencontrer sur
sa route, et dont nous avons peint ci-dessus les avantages, il dira, avec Jérémie
48:2 : Moab dès sa jeunesse a été dans l'abondance, il
s'est reposé sur sa lie ; on ne l'a point fait passer d'un vaisseau dans
un autre, et il n'a point été emmené captif. C'est pourquoi
son goût lui est toujours demeuré, et son odeur ne s'est point
changée.
Le nouvel homme qui considérera ces paroles instructives, apprendra combien
il est utile pour nous qu'il y ait plusieurs régions, afin que nous puissions
être éprouvés de nouveau, et payer double dans les régions
suivantes, si nous n'avons rien payé dans les régions antérieures
; il apprendra combien il est avantageux pour nous que nous subissions différentes
servitudes dans ces diverses régions, puisque toutes ces servitudes,
quand elles nous sont envoyées par la main du Seigneur, ne peuvent avoir
pour but que notre amélioration. Car, même dans l'ordre de la nature,
combien d'arbres n'ont-ils pas besoin d'être transplantés ? Et
en effet, si nous n'avions pas besoin de passer par ces diverses purifications,
il n'y aurait qu'une seule région ; et si nous n'avions pas besoin de
ces diverses contemplations, il n'y aurait qu'un seul climat. Quelle superbe
économie que celle de la sagesse de notre Dieu ! Il laisse régner
au-dehors, sur son administration à notre égard, les couleurs
rigoureuses de la justice, pour imprimer partout la terreur, et la crainte de
sa puissance ; mais il dirige secrètement toutes les voies de cette administration
vers notre utilité réelle, et vers notre véritable avancement,
afin que, si nous avons dû commencer par le craindre, nous ne puissions
nous empêcher de finir par l'aimer.
C'est même pour cela que les prophètes nous sont si chers, parce
que ce sont eux qui ont commencé les premiers à nous dévoiler
ces secrets divins de l'amour de notre principe qui, embrassant à la
fois, et d'un seul coup, tous les siècles, voit toujours le terme consolant
de ses oeuvres, tandis que nous, misérables mortels, nous n'en apercevons
ici-bas que les pénibles commencements.
Jacob, prévoyais-tu les consolations dont serait comblée un jour
ta postérité, lorsque tu descendais dans l'Égypte, et que
tu pleurais sur la dureté de l'ordre du roi qui y avait fait descendre
avant toi tes enfants ? Ta douleur même t'avait fait oublier les promesses
que l'Éternel avait faites à Abraham, et que tu ne pouvais pas
ignorer. Tu ne t'occupais que de la rigueur de ton sort, et tu ne songeais pas
que d'après le serment de l'Eternel, ta postérité serait
mise un jour en possession de la terre de Canaan, au milieu des prodiges, et
des merveilles qui manifesteraient les desseins glorieux que ce Dieu souverain
avait sur son peuple, en le préparant par la servitude de l'Égypte.
Et toi, Israël, lorsque tu fus envoyé à Babylone, espérais-tu
voir la réédification de ton temple ? Et ne pris-tu pas même
pour une dérision, et un mensonge le conseil que Dieu te faisait donner
par ses prophètes, de te livrer avec soumission entre les mains du roi
d'Assyrie, tant tu étais loin de te persuader que de Dieu eût sur
toi des desseins bienfaisants et salutaires ? Enfin, peuple choisi, toi qui
languis pour la troisième fois dans la servitude, ne te rappelles-tu
pas les paroles de ton législateur, oh, s'ils savaient par où
toutes ces choses finiront ! (Deutéronome 32, 29), et ne sens-tu pas
que sans cette triple épreuve, tu n'aurais pas été assez
pur pour soutenir la majesté de ton Dieu ?
Car c'est à toi particulièrement qu'il est réservé
de le voir dans sa gloire ; non pas dans une gloire terrestre et humaine, comme
l'ignorance et la cupidité ne cessent de t'en flatter, mais dans la gloire
de l'esprit, de la parole, et de la puissance, puisque c'est par ces divins
caractères que tu l'as connu le premier parmi tous les peuples de la
terre, et que c'est une loi irréfragable que les choses finissent par
où elles ont commencé.
D'ailleurs ce triomphateur que tu attends dans son règne terrestre, n'a-t-il
pas déjà paru au milieu de toi dans sa gloire humaine ? Et n'était-ce
pas toi qui chantais hozanna, hozanna, hozanna lorsqu'il entrait dans Jérusalem
? N'est-ce pas toi qui jetais tes vêtements sous ses pieds ? Et enfin
ne t'a-t-il pas déclaré que son royaume n'était pas de
ce monde ?
Nouvel homme, nouvel homme, instruis-toi à ces grands exemples. Soumets-toi
humblement à toutes les servitudes qu'il plaira au Seigneur de t'envoyer.
Ne te livre point de toi-même au mouvement ; tu serais comme Moab, tu
emporterais ta lie avec toi, et le mouvement ne te servirait de rien ; laisse
agir sur toi cette main vigilante, elle ne te fera jamais faire de mouvements
qui te soient nuisibles, et elle ne te fera réellement entrer dans les
grandes épreuves de l'esprit, que quand elle t'aura donné le temps
de déposer ta lie, parce qu'alors tu te sépareras de cette lie
sans retour, et que tu porteras la vie, la santé, et la bonne odeur dans
les vaisseaux où elle te versera.
25.
Quelles étaient les menaces que Dieu faisait au peuple d'Israël
en cas qu'il s'éloignât des préceptes, et des ordonnances
que le Seigneur lui avait donnés par ses envoyés ? C'est qu'il
serait déçu dans toutes ses espérances; c'est qu'il bâtirait
des maisons, et qu'il ne les habiterait point, c'est qu'il épouserait
des femmes, et que des étrangers les déshonoreraient, c'est qu'il
aurait des fils et des filles et qu'il ne les élèverait point,
c'est qu'il planterait des vignes et sèmerait des champs et qu'il n'en
recueillerait point les récoltes.
Mais quelles sont au contraire les promesses que Dieu a faites à ce même
peuple, s'il a soin de demeurer fidèle à sa loi ? Les voici (Deutéronome
6:10) : Le Seigneur, votre Dieu vous fera entrer dans la terre qu'il a promise
avec serment à vos pères Abraham, Isaac et Jacob, et il vous donnera
de grandes, et de très bonnes villes que vous n'aurez point fait bâtir,
des maisons pleines de toutes sortes de biens, que vous n'aurez point fait faire,
des citernes que vous n'aurez point creusées, des vignes, et des plants
d'oliviers que vous n'aurez point plantés.
Pourquoi de si grandes promesses sont-elles attachées à la fidélité
des Juifs à observer sa loi ? C'est que sa loi est le fruit, et l'esprit
de son nom, et c'est que son nom est le fruit, et l'esprit de son essence ;
or, que pouvons-nous connaître qui attire plus son action suprême
sur nous, que ne le fait sa propre essence ? Il nous donne donc la clef de son
amour quand il nous dit partout dans les écritures, qu'il se souviendra
des tribus d'Israël à cause de son nom, qu'il ne perdra point de
vue Jérusalem parce que son nom a été invoqué sur
elle ; enfin qu'il ne permettra point que son nom soit méprisé
par les nations, et qu'il déploiera toute sa puissance pour le venger
des insultes qu'il aura reçues.
Mais parmi toutes les nations en est-il une qui porte en elle plus éminemment
que l'homme le nom de ce Dieu suprême ? Et parmi les hommes, en est-il
d'autre que le nouvel homme qui puisse être susceptible de manifester
la gloire, et les avantages attachés à ce puissant privilège
? C'est donc en lui que nous devons apprendre à en admirer le merveilleux
caractère. En effet, nous ne craindrons point de nous égarer en
lisant, dans ce nouvel homme, la marche que le peuple hébreu a suivie
lui-même sous les yeux de la suprême sagesse qui l'a arraché
des mains de ses ennemis par des prodiges, et des signes si extraordinaires.
Bien plus, regardons ce nouvel homme comme l'organe de la parole divine, par
lequel elle veut se communiquer aux nations ; regardons-le comme cet ange qui
transmettait à Moïse sur la montagne du Sinaï les lois du Seigneur,
afin que le peuple fût instruit des ordonnances divines, et qu'il apprit,
en les observant, à diriger ses pas vers la sagesse, et à rentrer
dans les voies de sa primitive origine.
Oui, nouvel homme, nous pouvons voir en toi la montagne du Sinaï tout entière,
avec toutes les merveilles qui s'y sont passées. Nous pouvons voir à
ta naissance miraculeuse, ce lieu sacré se couvrir de nuages célestes
d'où sortent des feux, et des éclairs ; nous pouvons voir les
animaux trembler à cet aspect et le peuple lui-même n'oser en contempler
l'éclat, et te prier, comme les Hébreux prièrent Moïse,
de voiler ta face pour ne pas les éblouir ; nous pouvons te voir demeurer
seul pendant quarante jours sur cette montagne, pour y recevoir tous les degrés
de ton ordination dans la loi temporelle ; nous pouvons te voir recevant de
Dieu les préceptes du Décalogue, et nous les exprimer par ton
essence même encore plus que par ta parole ; nous pouvons t'entendre nous
dire au nom de ce Dieu, dont tu as seul approché :
" Je suis le Seigneur votre Dieu qui vous ai tirés de l'Egypte,
de la maison de servitude,
Vous n'aurez point des dieux étrangers devant moi,
Vous ne vous ferez point d'images taillées, ni aucune figure de ce qui
est en haut dans le ciel, et en bas sur la terre, ni de tout ce qui est dans
les eaux sous la terre,
Vous ne les adorerez point, et vous ne leur rendrez point le souverain culte.
Car je suis le Seigneur votre Dieu, le Dieu fort et jaloux, qui venge l'iniquité
des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et quatrième
génération dans tous ceux qui me haïssent,
Et qui fais miséricorde dans la suite de mille générations
à ceux qui m'aiment, et qui gardent mes préceptes,
Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur votre 'Dieu, car le Seigneur
ne tiendra point pour innocent, celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur
son Dieu.
Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat.
Vous travaillerez durant six jours, et vous y ferez tout ce que vous aurez à
faire.
Mais le septième jour est le jour du repos consacré au Seigneur
votre Dieu. Vous ne ferez en ce jour aucun ouvrage, ni vous, ni votre fils,
ni votre fille, ni votre serviteur, ni votre servante, ni vos bêtes de
service, ni l'étranger qui sera dans l'enceinte de vos villes.
Car le Seigneur a fait en six jours le ciel, la terre et la mer, et tout ce
qui y est enfermé, et il s'est reposé le septième jour.
C'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat, et l'a Sanctifié.
Honorez votre père et votre mère, afin que vous viviez longtemps
sur la terre que le Seigneur votre Dieu vous donnera.
Vous ne tuerez point.
Vous ne commettrez point de fornication.
Vous ne déroberez point.
Vous ne porterez point faux témoignage contre votre prochain.
Vous ne désirerez point la maison de votre prochain. vous ne désirerez
point sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son buf, ni son âne,
ni aucune de toutes les choses qui lui appartiennent. "
Telles sont en effet les lois, et les commandements que le nouvel homme trouve
en lui-même, au moment de sa naissance ; et il les prononce avec tant
de force et tant d'éclat à toutes les substances de son être,
qu'il devient, pour lui-même, l'effroi de tout ce qui n'est pas conforme
à la justice, et le premier organe de la gloire qui est due au Seigneur,
comme étant le principal ministre, et le plus zélé défenseur
de son culte.
Dès ce moment, ce nouvel homme devient chargé de la conduite de
son propre peuple qui est lui-même ; il va être chargé d'ordonner
les Lévites et les prêtres qui auront l'emploi d'immoler les victimes,
et de couvrir l'autel des sacrifices.
Il va être chargé de bâtir l'arche d'alliance conformément
au plan qui lui en a été montré sur la montagne ; c'est-à-dire,
conformément à ces bases radicales et fondamentales, qu'il a reçues
de la main de l'Esprit divin, en même temps qu'il a puisé en lui
son existence.
Il va être chargé de la direction de toute l'armée d'Israël,
pour la faire tantôt camper autour de l'arche d'alliance, et tantôt
marcher contre les ennemis du Seigneur.
Il va être chargé de veiller à la subsistance du peuple
aussi bien qu'à sa sûreté et à sa défense
; et quand il verra son peuple se livrer à l'incrédulité,
il invoquera l'Éternel, et fera en ce nom puissant couler l'eau du rocher
devant les yeux des incrédules.
Il va être chargé de livrer une guerre sanglante à tous
les peuples qui s'opposent dans lui à son avancement, et à ses
progrès.
Il va être chargé d'exterminer l'armée des Amalécites
et des Amorréens, non point avec des armes fabriquées de la main
des hommes, mais avec les armes sacrées qu'il porte dans son essence,
et en élevant les mains de son âme vers l'Éternel.
Il va être chargé de punir le peuple qui aura écouté
la voix de Balaam, et des faux prophètes ; il pourra précipiter
dans l'abîme, ceux du peuple qui auront été assez impies
pour oser offrir un encens étranger.
Il va être chargé de recevoir, de dessus le propitiatoire, les
oracles du Seigneur, pour l'administration de son culte, et pour les jugements
du peuple.
Il va être chargé de faire parcourir la terre promise par des envoyés
qu'il prendra parmi le peuple et de lui raconter, par l'organe de ces envoyés,
toutes les merveilles qu'elle renferme.
Il va être chargé de renouveler l'alliance que l'Eternel a faite
autrefois avec le peuple, et de lui rappeler les malédictions qui le
menacent, s'il n'est pas fidèle à la loi du Seigneur, de même
que les bénédictions qui l'attendent, s'il prend confiance dans
les préceptes de l'Eternel.
Mais il ne sera point chargé d'introduire le peuple dans la terre promise;
l'ordination qu'il a reçue ne lui permet que de l'accompagner dans les
déserts, et pendant ses quarante-deux campements ; son oeuvre particulière
se terminera donc en-deçà du fleuve où se trouve en figure
la borne de notre loi temporelle ; et là, il rentre dans l'ordre du peuple
pour être introduit avec ce même peuple, par une autre main, dans
le règne figuratif de la loi spirituelle, qu'il va trouver également
en lui, en attendant qu'il y découvre le règne figuratif de sa
loi divine.
26.
Homme de paix, homme de désir, combien de fois ne t'es-tu pas oublié
dans des occupations frivoles et illusoires, qui prenaient à tes yeux
tellement l'apparence de la réalité, qu'elles effaçaient
pour toi jusqu'à la passivité du temps ! Pourquoi ne pourrais-tu
espérer la même jouissance, et la même victoire sur le temps,
en t'abandonnant à la culture d'un objet réel, et dont les traces
peuvent survivre à la puissance corrosive de tous les siècles
? La différence que tu y trouverais, c'est que ces objets illusoires
te laissaient encore dans un plus grand vide, et dans les plus grandes ténèbres
après que leur charme était passé ; au lieu que les objets
réels prolongent leurs douces influences, longtemps après que
leur action s'est approchée de toi.
En voici la raison. Tu es toi-même un être réel, et qui tient,
sans aucun doute le rang le plus distingué parmi les réalités
émanées ; lors donc que tu uses des droits de ton être,
et que tu essaies d'en développer les privilèges, tu te lies par
là à d'autres réalités supérieures à
toi pour un temps, plus libres que toi parce qu'elles n'ont point été
coupables et ne subissent point d'expiation, enfin plus élevées
que toi au-dessus de ce temps qui fait ton supplice, et qui te sert de prison.
En te liant à elles, tu te lies en même temps à leur liberté
selon tes forces, selon tes degrés de régénération,
et selon les mesures de miséricorde qui te sont accordées. Ainsi
donc en te liant à elles, elles te saisissent, et te font planer avec
elles dans ces cercles spacieux, où tu trouves les voies si douces, puisqu'il
ne s'y rencontre aucun obstacle, et que tout y est plein de lumière.
C'est ainsi qu'Ezéchiel, uni à une de ces réalités,
se transporte de Babylone à Jérusalem pour y voir les abominations
que les prêtres commettaient dans le temple, et les effrayer ensuite par
les terribles menaces de la justice du Seigneur; c'est ainsi qu'Habacuc, uni
à l'une de ces réalités, se transporte à Babylone
pour porter de la nourriture au prophète Daniel ; c'est ainsi que Philippe,
uni à l'une de ces réalités, est transporté sur
le chemin de l'eunuque de la reine d'Éthiopie, pour lui dessiller les
yeux de l'esprit des écritures saintes. C'est ainsi que saint Paul, uni
à l'une de ces réalités, est transporté au troisième
ciel où il entend des choses ineffables ; enfin c'est ainsi que Job,
David, et tous les prophètes du Seigneur, unis à ces réalités,
passaient leurs jours et leurs nuits dans les contemplations des merveilles
de Dieu, dans la jubilation du sentiment de la grandeur de l'homme et même
dans les nourrissantes douleurs de la charité quoiqu'elles soient mille
fois plus aiguës que les douleurs qu'enfante le monde, font cependant l'ambition
de l'homme de Dieu, parce qu'il sait qu'il y doit trouver la consolation et
la vie.
C'est donc par ton union à de semblables réalités que tu
établis insensiblement en toi ce règne spirituel qui suspend pour
toi le poids du règne temporel et te met à couvert de l'air épaissi
qu'on y respire.
Tu n'as pas oublié que ta parole, en imitation de la parole de l'Eternel,
ne doit point rétrograder devant tes ennemis, et que, quand tu leur as
une fois prononcé la ferme résolution où tu es de les subjuguer,
tu ne dois plus leur permettre de résistance, jusqu'à ce que ton
arrêt sur eux soit accompli. Eh bien, porte la même résolution
dans le dessein d'unir ton être à l'une de ces unités supérieures
qui ne s'aperçoivent pas du temps ; oublie-toi dans la recherche de ce
trésor inestimable, ces unités feront que tu ne t'apercevras pas
du temps plus qu'elles et elles te feront jouir, par anticipation, de cette
paix sainte qui habite avec elles dans leur céleste atmosphère,
mais qui ici-bas, n'est connue i pour y servir de victime continuelle au temps.
Mais ne te livre point à l'impatience, comme les Hébreux dans
le désert, si tes succès ne sont pas aussi rapides que tes désirs
seront ardents ; souviens-toi " de tout le chemin par où le Seigneur,
leur Dieu, les a conduits pendant quarante ans, pour les punir et pour les éprouver,
afin que ce qui était caché dans leur cur, fût découvert,
et que l'on connût s'ils seraient fidèles ou infidèles à
observer ses commandements ; souviens-toi qu'il les a affligés de la
faim, et qu'il leur a donné pour nourriture la manne qui était
inconnue à leurs pères, pour leur faire voir que l'homme ne vit
pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ;
souviens-toi enfin que le Seigneur, leur Dieu, s'est appliqué à
les instruire et à les régler, comme un homme s'applique à
instruire et à corriger son fils. "
D'ailleurs, homme mon frère et mon ami, par cette douce vertu, ne retraçons-nous
pas une vive image de notre principe ? Que fait-il autre chose du haut de son
trône, que de manifester une inaltérable longanimité par
laquelle il se montre patient envers tous les obstacles, et envers toutes les
résistances ? Formons-nous donc, comme lui, une sainte retraite au milieu
des atmosphères corrompues dont nous sommes environnés. Soyons-y
comme le passereau solitaire sur le toit, et que nos lamentations mêmes
soient perpétuellement tempérées par l'espérance
et par une sécurité inébranlable. Si nous sommes les enfants
de notre Dieu, il ne nous perd pas de vue. Les suspensions et les langueurs
doivent entrer aussi bien que les jouissances, dans les plans qu'il a formés
sur nous, et nous devons être sûrs qu'il s'occupe assez soigneusement
de nous, pour que nous le regardions toujours comme notre père, lors
même que nous nous trouvons loin de lui.
Oui, nous pouvons, comme lui, par la patience, montrer notre unité, notre
supériorité sur le temps, c'est-à-dire, notre spiritualité,
notre Divinité. Lors donc que nous avons ainsi vaincu le temps par la
patience, voici ce que la main bienfaisante de ce principe souverain nous prépare
:
La matière se précipite au-dessous de l'esprit, l'esprit s'élève
au-dessus de notre corps ténébreux ; il se fait en nous un partage
du pur et de l'impur, et une unité supérieure nous découvre
un vaste champ. Sans son divin secours, l'homme rampe comme dans la fange. À
peine, du fond de son antique demeure, peut-il découvrir au loin quelques
rayons de la céleste clarté, et son oreille épaisse et
dure ne soupçonne pas même l'harmonieux concert que les enfants
de la lumière forment devant le trône de l'Eternel. Mais, dès
que cette vie suprême a laissé tomber sur l'homme sa rosée
vivifiante, quelles paroles peindraient les douceurs et les consolations qui
l'attendent ? Quelles paroles pourraient faire comprendre l'état de la
pensée du nouvel homme, lorsqu'il se trouve livré à la
contemplation des oeuvres de la sagesse, et à la jouissance des ineffables
ravissements qui saisissent son âme, pour peu qu'elle approche de l'atmosphère
de l'éternité !
Sois bénie, source immortelle de tout ce qui est ! En toi seule est l'être
et la vie ; en toi seule est le sentiment de toute existence ; en toi seule
est l'expansion de la joie et du bonheur de toute créature. Hors de toi,
rien ne peut être, car où tu ne serais pas, il n'y aurait plus
de sentiment d'existence, il n'y aurait plus de bénédiction, et
ce sont là les éléments éternels de ta vie.
Nouvel homme, ô toi enfant chéri de l'esprit, lorsqu'il t'arrivera
" de mettre le pied dans cette terre promise, après que Dieu t'aura
rendu maître de ce peuple d'une taille haute et surprenante, de ces enfants
d'Enac que tu auras vus toi-même, que tu auras entendus, et à qui
nul homme ne peut résister ; tu sauras que c'est le Seigneur lui-même
qui passera devant toi comme un feu dévorant et consumant, qui les réduira
en poudre, qui les perdra, qui les exterminera en peu de temps devant ta face,
selon qu'il te l'a promis. Après que le Seigneur ton Dieu les aura détruits,
devant tes yeux, ne dis pas dans ton cur : c'est à cause de ma
justice que le Seigneur m'a fait entrer dans cette terre, et qu'il m'en a mis
en possession, puisque ces nations ont été détruites à
cause de leurs impiétés, car ce n'est ni par ta justice, ni la
droiture de ton cur qui sera cause que tu entreras dans leur pays pour
le posséder, mais elles seront détruites à ton entrée,
parce qu'elles ont agi d'une manière impie, et que le Seigneur voulait
accomplir ce qu'il a promis, avec serment, à tes pères Abraham,
Isaac et Jacob ".
Oui, nouvel homme, ce sera par cette justice et cet hommage rendu au souverain
principe que tu te maintiendras dans ce séjour du repos et de la lumière.
Ce sera par là que tes forces s'accroîtront et se soutiendront,
ce sera par là que quoiqu'au milieu du temps, tu t'oublieras au-dessus
du temps dans les saintes contemplations des merveilles qui se découvriront
à ton être, et qui te surprendraient autant que ta propre naissance,
si tu n'étais pas préparé à ces prodiges par le
sentiment de ton existence divine.
Enfin, c'est par cette justice et cet hommage rendu au souverain principe que
tu pourras développer, de plus en plus, tes rapports avec ces unités
supérieures qui seules peuvent effacer pour toi toutes les traces du
temps, en te faisant continuellement parcourir avec elles les régions
que le temps ne saurait embrasser dans son cercle, puisqu'il est mixte, et qu'elles
sont simples, puisqu'il ne leur offre qu'une fragile barrière que leur
action simple pénètre toujours, tandis que son action combinée
et obtuse ne saurait jamais les pénétrer.
27.
Nouvel homme, " Lorsque tu seras entré dans la terre promise, souviens-toi
de n'y sacrifier à ton Dieu que dans le lieu qu'il aura choisi pour que
tu lui rendes le culte qui lui est dû. Non seulement tu n'imiteras point
ces nations impies qui ont dressé les autels sur tous les hauts lieux,
sous des arbres touffus, et qui là offrent leurs sacrifices au Soleil,
à la Lune, et à toute la milice du ciel, mais tu renverseras tous
ces hauts lieux, tous ces autels et toutes ces idoles qui y sont honorées
; tu ne laisseras pas subsister la moindre trace de ce culte impie, selon que
le Seigneur ton Dieu te l'a ordonné, et tu viendras dans le lieu que
le Seigneur t'aura indiqué pour lui immoler tes victimes. "
Ce lieu, tu l'as déjà connu, tu l'as déjà vu, dès
que tu as reçu la naissance ; car ce lieu est ce même fils chéri,
conçu de l'esprit en similitude de celui qui est le fils unique du Seigneur
son éternelle génération.
Tu éviteras donc, avec grand soin, d'aller sacrifier au Seigneur dans
d'autres lieux de ton être, que dans ce Saint des Saints qui est le seul
asile sacré qu'il ait pu se réserver dans les du temple de l'homme.
Tu éviteras, avec grand soin, d'aller dresser un autel à tes pensées,
ni aux tableaux si variables des spéculations de ton esprit.
Tu éviteras, avec grand soin, d'aller dresser un autel aux conjectures
et aux ténébreux aperçus de ton intelligence.
Tu éviteras avec grand soin, d'aller dresser un autel à tous les
mouvements faux du cur de l'homme, qui ne tendent qu'à établir
en lui un culte sacrilège, puisqu'il se rend lui-même par là
l'idole du temple, et qu'il en chasse la véritable divinité.
Tu éviteras, avec grand soin, de dresser un autel à toute la région
des astres, " si tu ne veux pas qu'un jour à venir tes os restent
exposés sur la terre, à toutes les étoiles du firmament,
comme le furent les os du roi Jéroboam".
Mais, c'est dans ce fils chéri et conçu de l'esprit, c'est sur
cette pierre fondamentale que tu dresseras ton autel au seul vrai Dieu, parce
que c'est là seulement où il puisse être honoré,
puisque ce n'est que là où il peut trouver un être qui soit
réellement son image et sa ressemblance, et qui ait les facultés
nécessaires pour entendre sa langue divine, et comprendre les oracles
de sa sagesse éternelle : aussi ce n'est que là où tu pourras
entendre sa voix sacrée, recevoir des réponses qui remplissent
ton intelligence, et satisfassent à tous les désirs de ton cur
et à tous les besoins de ton esprit.
Compare les doctrines des autres dieux avec celle que tu pourras apprendre du
Dieu unique, dans le sanctuaire unique, qu'il s'est choisi dans le cur
de l'homme. Ces autres dieux t'enseigneront des merveilles sujettes au temps,
des merveilles qui, si elles s'accomplissent quelquefois, seront encore plus
souvent le jouet des vicissitudes de la région mixte à laquelle
ces dieux sont servilement attachés, des merveilles qui malgré
leur accomplissement même s'effaceront de ta mémoire après
que l'événement sera passé, et ne te laisseront pas plus
de traces que les faits qui t'ont occupé dans ton enfance.
Ils te donneront aveuglément ce qui leur est donné, sans qu'ils
en puissent prévoir les conséquences, et sans qu'ils sachent si
ce sera pour ton avantage ou pour ta ruine ; parce qu'ils sont aveugles eux-mêmes,
qu'ils ne devraient être que les organes de la lumière, et que
si tu ne prends pas les plus grandes précautions pour préserver
ces organes mêmes de tous les mélanges qui les menacent, ils pourront
se transformer en principes à tes yeux, et prendre devant toi le titre
et les caractères du maître, tandis qu'ils n'ont été
envoyés que pour être les serviteurs ; heureux encore si ce ne
sont pas leurs ennemis mêmes qui viennent siéger sur leur trône,
et t'entraîner ainsi de la méprise à la superstition, de
la superstition à l'idolâtrie, de l'idolâtrie à l'iniquité
et à l'abomination !
Avec le Dieu unique qui a choisi son sanctuaire unique dans le cur de
l'homme, et dans ce fils chéri de l'esprit que nous devons tous faire
naître en nous, tu n'as point les mêmes dangers à craindre,
et tu n'auras que des fruits salutaires à recueillir, parce qu'il est
l'être simple, l'être vrai, le seul être qui soit impassible
à toute influence qui ne serait pas celle de la vérité
; aussi s'est-il réservé à lui seul le pouvoir de la faire
connaître, et de la manifester dans toute sa pureté !
C'est là ce qu'il faisait enseigner au peuple hébreu sous des
figures par son serviteur Moïse. La terre dont vous allez entrer en possession
n'est pas comme la terre d'Egypte d'où vous êtes sortis, où
après qu'on a jeté la semence, on fait venir l'eau par des canaux
pour l'arroser, comme on fait dans les jardins (image des ces soins pénibles
que demande le culte des dieux artificiels, et dont les faveurs dépendent
des lois physiques de la nature qui peuvent suspendre le cours du Nil et plonger
la terre dans la stérilité et la disette), mais c'est une terre
de montagnes et de plaines, qui attend les pluies du ciel, que le Seigneur votre
Dieu a toujours visitée et sur laquelle il jette des regards favorables
depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin. Si donc vous
obéissez aux commandements que je vous fais aujourd'hui d'aimer le Seigneur
votre Dieu, et de le servir de tout votre cur, et de toute votre âme,
il donnera à votre terre Les premières et les dernières
pluies afin que vous recueilliez de vos champs le froment, le vin et l'huile.
Oui, nouvel homme, voilà ce vrai temple où seulement tu pourras
adorer le vrai Dieu de la manière dont il veut l'être, puisque
tous les temples représentatifs et figuratifs qu'il a permis à
sa sagesse de t'accorder pendant ton passage dans les régions visibles
ne sont que les avenues de ce temple invisible, auquel il désirerait
voir arriver en foule toutes les nations de l'univers. Le cur de l'homme
est le seul port où le vaisseau lancé par le grand souverain sur
la mer de ce monde, pour transporter les voyageurs dans leur patrie, peut trouver
un asile sûr contre l'agitation des flots, et un ancrage solide contre
l'impétuosité des vents.
Ne lui en interdisons pas l'entrée, si nous ne voulons pas de sa part
les reproches de l'ingratitude et de l'inhumanité ; au contraire, ayons
un soin continuel de tenir ce port en état, et d'ôter sans cesse
les sables qui peuvent s'accumuler devant lui, et que la mer y apporte à
tous les moments ; ayons grand soin d'en ôter les vases et les sédiments
qui s'y déposent journellement, et qui couvrant le fond solide empêcheraient
que l'ancre du vaisseau ne pût y mordre et s'y attacher ; ayons surtout
grand soin de préparer tous les secours qui seront en notre pouvoir pour
soulager les malheureux navigateurs que la mer aura fatigués, et faisons
en sorte qu'ils y trouvent toutes les consolations qu'ils pourront désirer,
afin que ce port soit chaque jour plus fréquenté, et devienne
ainsi utile et cher à toutes les nations de l'univers ; par là
nous rétablirons entre nous, et nos frères de tous les pays, une
liaison salutaire qui nous fera jouir d'avance des bienfaits de cette communion
universelle pour laquelle nous avons reçu l'existence, et qui est le
premier objet de l'ambition du nouvel homme.
Il est inutile de lui dire à ce nouvel homme, que ce vaisseau lancé
par le grand souverain des êtres est le nom du Seigneur, puisque c'est
par ce nom puissant que ce nouvel homme a reçu la naissance. Il est inutile
de lui dire que ce nom puissant doit s'ancrer en lui pour pouvoir laisser passer
la tempête, et continuer ensuite sa route jusqu'à ce qu'il ait
pu rendre à leur destination les voyageurs dont il est chargé.
Ce nouvel homme connaît toutes ces grandes vérités, puisqu'il
sait qu'il n'est né, qu'il n'existe et ne doit exister que pour la conservation
de la loi du Seigneur, et pour coopérer de tout son pouvoir aux desseins
bienfaisants que la Sagesse divine enfante sans cesse pour le bonheur de la
postérité humaine.
Mais nous ne pouvons nous dispenser de retracer encore ici quels sont les merveilleux
effets que ce nom puissant opère dans nous, quand il daigne descendre
jusqu'à notre misère, et distribuer ses influences bienfaisantes
sur tous nos membres et sur toutes nos facultés. Ils m'entendront ceux
qui seront instruits, quand je leur dirai que ce nom fait arriver en nous comme
à l'improviste une affection, pour ne pas dire une sensation si neuve,
si douce et si consolante qu'il semble que notre première existence soit
abolie et effacée, et qu'on lui en substitue une d'un genre que nous
n'aurions pu concevoir, par aucun récit qu'on aurait essayé de
nous en faire, si ce nom lui-même ne nous apportait pas son influence.
Homme, qui que tu sois, si par ta persévérance et par ta prière,
tu peux obtenir que la main bienfaisante qui veille sur nous te fasse jamais
sentir ainsi ta double existence, enferme précieusement ces joies dans
ton coeur, et prosterne-toi. Peut-être après ces douces faveurs,
seras-tu livré de nouveau à des langueurs et à des suspensions.
Mais ces orages se passeront comme au-dessus de ta tête ; le grain sera
semé, il sera enfermé dans la terre ; là, il continuera
dans sa paisible obscurité son heureuse croissance, malgré les
vents, les neiges, les glaces et les frimas dont la surface de la terre pourra
être couverte ; et il ne manquera pas de montrer ses fruits et sa fertile
abondance lorsque les temps de la production et de la récolte seront
arrivés.
28.
Pourquoi craindrais-je de revenir trop souvent à la charge pour avertir
ce nouvel homme des lois qu'il doit suivre, s'il veut arriver à son terme,
et des joies et des consolations qui l'attendent dès le moment qu'il
sera sous la main du Seigneur ? N'est-ce pas par des coups réitérés
que le manuvre parvient à briser le rocher, et à en détacher
la pierre qui doit entrer dans l'édifice ? N'est-ce pas par un travail
soutenu qu'il parvient à lui donner la forme et le poli qu'elle doit
avoir avant d'être mise place ?
Souviens-toi donc, nouvel homme, à quel prix tu devras te maintenir dans
le poste que le Seigneur t'aura donné. Moïse disait aux Hébreux
: " Si votre frère, fils de votre mère, ou votre fils, ou
votre femme qui vous est chère, ou votre ami que vous aimez comme votre
âme, vous veut persuader, et vous vient dire en secret : allons et servons
les dieux étrangers qui nous sont inconnus, comme ils l'ont été
à vos pères, les dieux de toutes les nations, dont nous sommes
environnés, soit de près ou de loin, depuis un bout de la terre
jusqu'à l'autre, ne vous rendez point à ses persuasions, et ne
l'écoutez point, et ne soyez touché d'aucune compassion sur son
sujet, ne l'épargnez point, et ne tenez point secret ce qu'il aura dit
; mais tuez-le aussitôt. Que votre main lui donne le premier coup, et
que tout le peuple le frappe ensuite. "
Nouvel homme, c'est dans toi-même que se peuvent trouver tous ces parents
infidèles, auxquels il t'est défendu de pardonner. N'en ménage
aucun. Quand ce serait le plus cher d'entre eux qui tâcherait de s'insinuer
dans ton esprit, et de t'attirer à un culte trompeur pour quelqu'autre
portion de toi-même que celle où la voix de ton Dieu s'est fait
entendre, lorsqu'il a allumé lui-même sa lampe vivante dans le
sanctuaire de ton propre temple, rejette-le loin de ta fureur. Plus tu exerceras
de sévérité envers ces parents séducteurs, plus
tu assureras le règne et la gloire de ton maître, parce que plus
tu conserveras par là l'unité, la simplicité et la sainteté
de ce fils chéri qui doit le représenter sur la terre.
Accoutume-toi aussi d'avance à embrasser par un grand coup d'il
le cercle que tu dois parcourir, et qui, non seulement comprend l'éternité,
et le temps, avec toutes les causes de tout genre qui le font mouvoir mais encore
toutes les lois que cette sagesse éternelle a envoyées à
l'homme dès l'instant de sa chute, qu'elle déroule successivement
devant lui, à mesure que tourne la roue des siècles, et dans lesquelles
il peut toujours reconnaître le même esprit, le même amour,
la même justice, la même bienfaisance, soit qu'il observe ces lois
dans leur premier âge, soit qu'il les observe dans leurs divers états
de développement ; car c'est l'unité qui les a dictées,
c'est aussi l'unité qui les dirige, qui les fait croître, et qui
leur fait manifester leur lumière, lorsque le temps en est arrivé.
La seule différence, c'est que ces lois t'ont paru pénibles, et
fatigantes tant que tu n'as été admis qu'à la première
enceinte de ce sanctuaire, parce que cette enceinte est limitrophe des nations
étrangères contre lesquelles il te fallait continuellement être
en garde, au lieu que quand tu pénétreras dans les enceintes intérieures,
ces lois te paraîtront douces, et calmes comme l'atmosphère de
l'éternité, parce que ce seront elles qui agiront pour toi, et
dans toi, et qui te feront goûter le repos.
C'est là ce sabbat que le Réparateur dont tu es devenu l'image,
et le frère, a apporté sur la terre et a désiré
qu'il pénétrât dans le cur de tous les hommes, parce
qu'il était lui-même ce lieu de repos et qu'il savait combien son
oeuvre paraîtrait calme, et délicieuse, en comparaison de l'uvre
compliquée de tous les agents inférieurs ; car lorsqu'il dit que
l'homme était maître du sabbat même, il n'entendait guère
parler que de cette oeuvre laborieuse, et pleine de tourments, qui avait occupé
ci-devant la postérité humaine, et ce divin Réparateur
venait l'abolir pour y substituer l'uvre de la paix, et le sabbat de l'amour.
Aussi, que nous dit la sagesse quand nous voulons contempler nos voies, et les
sentiers pénibles de notre retour vers la lumière ? Elle nous
dit dissipez vos ténèbres matérielles, et vous trouverez
l'homme ; dissipez vos ténèbres spirituelles, et vous trouverez
Dieu. Quand le chaos de la nature se débrouilla, l'homme parut comme
étant l'organe de la vérité pour l'administration de l'univers.
Quand le chaos spirituel où l'homme coupable s'était plongé
fut dissipé, le Réparateur se montra comme étant la vie
de l'esprit, et le suprême agent de notre délivrance et de notre
régénération. C'est alors que la source du fleuve put dire
aux eaux qui s'écoulaient : Vous êtes ma génération.
C'est alors que se prononcèrent réellement ces passages prophétiques
et figuratifs, répétés si souvent dans les écritures
: Vous connaîtrez que je suis le Seigneur ; je serai votre Dieu, et vous
serez mon peuple.
Si nous n'avons donc pas dissipé nos ténèbres matérielles
pour trouver l'homme, et nos ténèbres spirituelles pour trouver
Dieu, comment pouvons-nous sentir en effet s'accomplir cette vérité
en nous, comment pouvons-nous de nouveau sentir Dieu engendrer notre âme,
comment pouvons-nous connaître ce sabbat qui ne se trouve que dans Dieu,
comment pourrons-nous voir paraître en nous le nouvel homme, comment pouvons-vous
voir s'élever en nous cet édifice, et ce temple impérissable
où le feu sacré doit brûler éternellement, et où
les victimes ne doivent pas cesser d'être immolées pour la manifestation
de la gloire et de la puissance du Dieu qui ne peut être connu et honoré
que par l'organe de ceux qui sont saints ?
Cependant ne nous abusons point. Nous n'arrivons ici-bas à cet heureux
terme que pour en jouir pour quelques moments passagers, et par intervalle,
vu la privation à laquelle nous sommes condamnés ; et nous ne
pouvons entendre d'une manière constante, et non interrompue la parole
continue qui crée toujours. Mais n'est-elle pas assez grande cette vérité
que nous pouvons apprendre dès ce monde, savoir: que le cur de
l'homme est la région que la Divinité a choisie pour son lieu
de repos, et qu'elle ne demande qu'à venir l'habiter ? N'est-ce pas une
assez grande vérité pour nous que de savoir que Dieu n'a choisi
un semblable lieu de repos que parce que le cur de l'homme est amour,
tendresse, et charité, et que, par conséquent, ce secret nous
découvre la véritable nature de notre Dieu qui est d'être
éternellement amour, tendresse et charité, sans quoi il ne chercherait
pas à habiter chez nous, s'il n'y devait pas trouver ces indispensables
rapports ?
Ame de l'homme, songe donc à te soigner, et à te nettoyer avec
vigilance, puisque tu es destinée à recevoir un pareil hôte
; songe que tu dois être le miroir de l'éternel, oui, le miroir,
et le reflet actif de son amour. Quoique tu ne passes, pour ainsi dire, qu'un
jour sur la terre, tu y demeures assez longtemps pour observer, et pour connaître
non seulement que tel est le terme de ton existence, mais encore quelle est
la voie qui t'est tracée pour te maintenir dans le poste quel qu'il soit,
qu'il plaît à la sagesse suprême de te confier pendant ce
séjour passager.
Nous voyons que chaque jour le Soleil parcourt un arc de son grand cercle ;
nous voyons que chaque jour cet arc est le seul qu'il parcourt pour nous, et
nous voyons qu'il en suit tous les points avec une régularité
parfaite. Prenons là l'exemple et la leçon que nous devons suivre.
Regardons-nous tous comme des astres qui ont chacun un arc à parcourir
dans la grand sphère de l'uvre de notre Dieu. Depuis le pôle
jusqu'à la ligne, quelle que soit notre latitude, parcourons notre arc
avec fidélité, et sans laisser échapper le moindre murmure,
sans le moindre mouvement de jalousie, ni de désir d'avoir à paraître
sur un climat plus fortuné que celui auquel nous sommes attachés.
Parcourons notre arc comme fait continuellement le Soleil, sans examiner si
nous brillons sur l'Arabie heureuse, ou sur les sables de l'Afrique, et sur
les déserts de la Tartarie ; parcourons notre arc, comme lui, en purifiant
les régions qui se trouvent sous nos pas, et en ne laissant jamais ternir
notre éclat par les souillures et les influences infectes qui s'élèvent
de ces régions.
N'ambitionnons pas d'embrasser dans notre cours un champ plus vaste que celui
qui nous est prescrit ; si un seul homme avait suffi pour veiller aux besoins
de toutes les régions de1'univers, l'éternelle sagesse n'aurait
pas créé ce nombre incalculable d'individus qui composent la famille
humaine.
Soleil divin, toi dans qui tous les esprits et toutes les âmes ont puisé
leur existence, toi qui domines sur le centre de notre monde spirituel, comme
le Soleil élémentaire domine sur le centre de notre globe, à
toi seul appartient le pouvoir d'éclairer à la fois, comme lui,
tous les points de notre atmosphère, et de balancer le poids des ténèbres
par l'abondance et la vivacité du jour que tu répands sur toutes
les parties de la région divine que nous habitons ; à toi seul
appartient le pouvoir de nous communiquer même cette portion de lumière
que tu charges notre âme de verser ensuite sur les divers climats spirituels
où tu nous attaches.
29.
Nous ne sommes encore parvenus dans cet écrit que jusqu'au second âge
du nouvel homme, et nous n'avons point encore ouvert l'entrée du règne
divin, parce que le nouvel homme est encore dans sa croissance, et n'a point
atteint l'âge de sa virilité ; pendant qu'il croit, faisons ici
sur le règne prophétique une observation essentielle : c'est que
les esprits de Python n'ont point agi sur les patriarches et sur les prophètes,
comme ils l'ont fait dans tous les temps sur le genre humain. Abraham, Jacob,
Noé, Moise, David, Ezéchiel, Jérémie, Daniel, ont
suivi la voie naturelle dans mille circonstances de leur vie, où la lumière
supérieure se reposait pour eux. On leur montrait les événements
prophétiques les plus éloignés, on leur montrait souvent
même en songe, et puis on les livrait à la loi du temps, et aux
ténèbres naturelles qui enveloppent toute la famille humaine.
Quant à ceux qui furent dépositaires de la loi sacerdotale, ils
avaient le droit de consulter le Seigneur, et d'appliquer l'Ephod, et le Seigneur
seul leur répondait. Mais ces privilèges s'étant affaiblis
par les iniquités des prêtres et le règne prophétique
n'ayant eu qu'un temps, les nations de la terre se sont laissé engloutir
à la fois et dans les ténèbres, et dans les abominations
pythoniques. Ne doutons pas même qu'à la fin des temps ces abominations
ne deviennent comme universelles, et que les nations ne descendent presque toutes
sous la direction d'esprits particuliers et inférieurs, qui n'étant
point liés à la grande source de la lumière, égareront
les hommes chacun de leur côté. Il naîtra une multitude de
sciences, de sectes, de prodiges, et de faits merveilleux qui se combattront
les uns et les autres. C'est là le sens de l'Évangile : On verra
s'élever peuple contre peuple, royaume contre royaume.
Car toutes ces routes seront autant de divergences et de subdivisions ; mais
la masse corrompue de ces sciences verra toutes ces parcelles se séparer,
et se dissoudre à mesure qu'elles s'élèveront ; et c'est
cet état de fermentation réciproque, et de division universelle
entre ces fausses sciences, et entre ces faux savants qui les fera disparaître
et les dissipera, pour ne laisser régner que la vérité
qui sauvera les restes du monde.
On peut, à certains de ces signes, reconnaître que ces temps sont
déjà ouverts sur la terre, par la multitude de visions, d'inspirations,
d'associations spirituelles qui s'élèvent de toutes parts, et
qui, se dévorant les unes et les autres, se précipitent mutuellement
vers la destruction. On peut le reconnaître aussi à ce que la plupart
de ces prodiges éloignent d'autant plus l'esprit de l'homme, de la seule
route simple et intérieure qui puisse le sauver. Aussi nous est-il dit
dans l'Evangile que malgré toutes ces merveilles prédites pour
la fin des temps, il n'y aura cependant point de foi sur la terre.
Seigneur, l'iniquité des hommes serait trop grande pour ne pas lasser
ta patience, et pour ne pas enflammer ta justice ; sûrement, il y a des
hommes de paix, et des élus déjà parvenus à ta demeure
sainte, qui par leurs vertus et leur encens te consolent des abominations accumulées
des autres hommes ; c'est par leurs prières qu'ils te consolent, et retiennent
ton bras, en attendant que les mesures étant comblées, tu fasses
éclater ta fureur, qui ne pourra manquer de se développer, lorsqu'il
n'y aura plus de foi sur la terre, puisque lorsque tu ne trouveras plus d'asile
dans le cur de l'homme, tu briseras l'homme dans ta sagesse et dans ta
justice, comme un vieil édifice qui n'est ni sain, ni sûr, et où
tu ne pourrais plus habiter.
Mortels, ensevelis dans le sommeil, relevez-vous, et voyez combien cette fureur
sera terrible puisqu'elle doit balancer, et emporter le poids des iniquités
qui se seront accumulées pendant toute la durée des siècles,
et apprenez d'avance que c'est vous qui déterminez vous-mêmes la
mesure des fléaux et des vengeances que vous devez faire un jour tomber
sur vous ; apprenez, dis-je, à ne plus blasphémer votre Dieu,
parce que si vous devez vous attendre à trouver en lui une justice, et
une puissance supérieures à toutes vos abominations, pourquoi
ne croiriez-vous pas également y rencontrer une douceur, et des bienfaits
supérieurs à vos vertus, et à vos mouvements les plus purs,
et les plus animés du feu de l'esprit ? Si vous déterminiez vous-mêmes
la mesure de vos maux et de vos tourments, vos avez également le droit
de déterminer vous-mêmes la mesure de vos joies et de vos récompenses,
et ne doutez pas que le cur de votre Dieu n'aimât mieux mille fois
vous récompenser que de vous punir.
Mais vous avez préféré vous livrer à des routes
illusoires et séductrices, vous avez préféré les
images de la vérité, à la vérité elle-même
; bien plus, vous n'avez pas pris le soin d'examiner de quelle main vous venaient
ces images, et sur le brillant de leurs couleurs, vous avez cru devoir en orner
vos habitations, vous avez cru devoir vous en décorer vous-mêmes,
sans songer que vous vous engagiez par là à observer les lois,
les ordonnances et les volontés de celui qui vous envoyait ces décorations.
Voilà comment les iniquités se sont glissées sur la terre,
voilà comment se combleront les mesures de l'abomination, parce que chaque
souverain ou plutôt chaque usurpateur ne manquera pas de répandre
abondamment ces trompeuses, mais attrayantes décorations pour augmenter
son règne, et s'attirer la foi, et les hommages de ceux qu'il aura subjugués
par de semblables prestiges.
C'est par ces voies fausses et erronées qu'il amène les hommes
à n'avoir de facultés que pour des connaissances de l'ordre inférieur,
qui ne sont elles-mêmes que des apparences mortes et mensongères
; c'est par là qu'il fait que ces sortes de lumières troubles
et incertaines deviennent les seuls éléments de l'homme, et la
seule mesure de son esprit. Aussi, quel effet peuvent opérer alors sur
les hommes, les tableaux vifs et les allégories spirituelles envoyées
par la vérité ? Cet effet est nul ou faux à leurs yeux,
ils rapportent le tout à des sciences inférieures, ou à
l'invention de l'historien ou bien ils n'y voient rien.
Or, pourquoi ces figures prophétiques si éloquentes, et ces formes
si pittoresques que l'esprit prend sans cesse, ont-elles si peu d'empire sur
l'esprit des hommes, si ce n'est parce qu'ils ont entièrement perdu de
vue les modèles et les grandes vérités et qu'ils se sont
ensevelis dans les images qui ne demandaient pour leur part aucun effort de
leur intelligence, ni de leurs autres facultés morales et divines ?
Le nouvel homme a déjà vu briller trop clairement en lui sa propre
lumière de son essence pour ne pas échapper à de pareils
pièges. Il dira avec David (Ps. 15:7, etc.) : " Je bénirai
le Seigneur de m'avoir donné l'intelligence et de ce que, jusque dans
la nuit même, mes reins m'ont repris et instruit. Je regardais le Seigneur,
et l'avais toujours devant mes yeux, parce qu'il est à mon côté
droit pour empêcher que je ne sois ébranlé. C'est pour cela
que mon cur s'est réjoui, et que ma langue a chanté des
cantiques de joie, et que de plus, ma chair même se reposera dans l'espérance,
parce que vous ne laisserez point mon âme dans l'enfer, et ne souffrirez
point que votre saint soit sujet à la corruption. Vous m'avez donné
la connaissance des voies de la vie, vous me comblerez de joie en me montrant
votre visage des délices ineffaçables sont éternellement
à votre droite. "
En effet, le nouvel homme est celui qui gardera soigneusement en lui la parole
du Seigneur, de peur qu'il ne la transporte ailleurs. Il travaillera jour et
nuit pour conserver dans son cur la chaleur de l'esprit, et pour en conserver
la lumière dans les trésors de son intelligence. Il regardera
le corps de l'homme comme un vase d'un puissant métal, qui soutient l'action
du feu sans se briser, et sans se fondre. Il se dira : avant que j'eusse reçu
sensiblement pour moi cette naissance spirituelle qui m'éclaire si puissamment
sur ma vraie nature, le Seigneur me comblait cependant de ses biens. Comment
m'abandonnera-t-il après m'avoir donné l'existence ? Il m'a enseigné
à distinguer la joie que nous goûtons en lui ; comment ne viendrons-nous
pas tout entiers pour la posséder ? Comment nous contenterions-nous de
la joie qui ne serait attachée qu'aux images, quand nous pouvons goûter
la joie attachée aux réalités, et surtout quand les images
nous sont offertes comme au milieu d'un abîme, et au sein des plus profondes
ténèbres ?
Quelle grâce ne nous faut-il pas d'en haut, et quels efforts ne nous faut-il
pas faire pour nous tenir fermes sur les bords du précipice où
nous marchons !
Le nouvel homme ne connaît le besoin de ces secours indispensables, et
c'est parce qu'il les a reçus, qu'il se remplit d'indulgence et de pitié
pour ses malheureux concitoyens qui sont encore dans l'attente. Il sait que
nous ne connaissons Dieu ici-bas que par les objets sensibles ; qu'à
notre mort nous commençons à le connaître par les centres
spirituels, mais que ce n'est qu'à notre entière réintégration
que nous le connaîtrons par lui-même. Il voit que c'est une attente
qui décourage les mortels, et qui les mène dans le désert
par les sentiers de l'impatience. Il frissonne de douleur de savoir que la voie
du retour n'est pas, à beaucoup près, si large que la font les
hommes, avec toutes leurs doctrines qui semblent n'être que des recettes
empiriques et de charlatans.
Alors il dit au Seigneur : Ne laissez pas les hommes dans des voies qui nuisent
à votre oeuvre même, que j'ai si grand désir de voir s'accomplir.
Venez au secours de leur faiblesse, puisque vous seul pouvez les préserver
de la mort, et leur donner les forces et tous les appuis qui leur manquent.
Puis se tournant vers l'ennemi, il lui dit : Faut-il que le sang de mon esprit
coule pour assouvir ta soif et te faire lâcher ta proie ? Le voici : laisse
aller mes frères en liberté. Ce n'est pas seulement en mon nom
que je te parle, c'est au nom de celui qui vient de me rendre à la vie;
mais si tu ne veux pas croire en mon nom, ni au nom de celui qui m'a envoyé,
crois au moins à l'uvre qu'il a faite dans mon être et dont
tu ne peux nier la réalité puisqu'elle t'est prouvée par
mon existence que ton oeil ne peut méconnaître et que tu ne peux
t'empêcher de sentir.
30.
Un des plus merveilleux prodiges que l'homme puisse apercevoir, c'est celui
qu'il sent se passer en lui-même, lorsqu'il fait quelque pas dans la carrière
de sa régénération. Ce qu'il éprouve est comme si
toutes les grâces qu'il a reçues se rassemblaient en une forte
union, pour combattre et les obstacles que ses anciennes souillures ont pu élever
en lui, et tous ceux que l'ennemi a élevés lui-même, et
élève tous les jours sur ces bases qui sont ses propres oeuvres,
et les fondements de son temple d'iniquité. L'homme sent que non seulement
on le bénit dans toutes ses substances, mais encore que toutes ses substances
deviennent bénissantes à leur tour, et qu'il peut par le secours
de ces grâces divines qui descendent en lui, devenir un baume bienfaisant,
et répandre partout la plus agréable odeur.
Aussi, son désir et son zèle s'accroissent à ces douces
expériences ; sa prière se transforme, pour ainsi dire en une
sainte fureur, et il veut prendre le ciel par violence. Dieu de ma vie, viens
donc vivre dans ma vie, afin que je puisse approcher la mort sans mourir, mais
au contraire afin que je puisse à mon tour faire revivre la mort, comme
tu m'as fait revivre moi-même lorsque j'étais mort.
Hélas ! Les hommes ne se touchent que par la mort au lieu de, se toucher
par la vie ! Quels étaient les desseins de la justice, lorsqu'après
leur crime elle les a précipités dans l'abîme terrestre
où nous vivons, et qu'elle les a placés les uns auprès
des autres ? C'était pour qu'ils se servissent mutuellement de témoignages
de leur égarement, et de signes de leur misère. C'était
pour qu'ils eussent continuellement devant les yeux le triste tableau de l'horreur
où le péché les avait réduits. C'était pour
que chacun d'eux voyant son frère dans les ténèbres, dans
l'inquiétude, dans les tribulations, dans les souffrances et dans les
puissances de la mort physique et morale, il s'attendrît, il rit un retour
sur lui-même, et qu'en reconnaissant humblement les droits de la justice
qu'il verrait exercer avec tant de constance et de sévérité,
il tâchât, par ses larmes et sa pénitence, d'en calmer le
courroux et d'en tempérer la rigueur.
Par ce moyen, les hommes, après s'être servis réciproquement
de témoignages de leur égarement, et de signes de leur état
d'expiation, auraient pu se servir ensuite les uns aux autres, de signes d'amendement,
de résignation, d'encouragement à la prière pour fléchir
la colère divine, et sans doute ils seraient arrivés bientôt
après, à se servir mutuellement de signes de grâces célestes,
de pardons, de consolations, et de jouissances qui eussent changé pour
eux le règne de la mort, et les eussent placés, en quelque sorte,
dans le royaume de la vie, avant même qu'ils eussent quitté cette
région terrestre et mixte, à laquelle l'unité paraît
devoir être si étrangère. N'en doutons pas, telles étaient
les vues de la sagesse sur la postérité de l'homme puisque cette
sagesse ne cherche qu'à remplir toute la terre.
Mais les hommes ne sont les uns pour les autres, ni des signes de consolation,
ni des signes d'amendement, ils font même tous leurs efforts pour effacer
d'entre eux ces témoignages de leur égarement, et ces signes de
leur misère qu'ils devaient s'offrir réciproquement, et il ne
sont devenus les uns pour les autres, que des réalités actives
d'imprudence, d'orgueil impie, d'iniquité, et de corruption pestilentielle.
Nous voyons bien, à la vérité, dans la nature, le même
air, la même source de vie se communiquer à toutes les plantes,
et cependant les unes nous le rendent rempli de baumes et de parfums, tandis
que d'autres ne le rendent que corrompu et plein d'infection ; mais ce n'est
point cette image pénible qui fait la véritable affliction du
nouvel homme, c'est de voir que le malheureux homme offre à nos yeux
le même tableau, et avec des couleurs cent fois plus choquantes et propres
à jeter la désolation dans toutes les substances de l'esprit.
La vie divine pénètre les âmes, comme l'air pénètre
tous les corps. Elle pénètre les âmes pour qu'elles puissent
germer et produire des fleurs sans nombre, et dignes de parer le jardin d'Eden.
Mais ces mêmes âmes, au lieu de remplir l'atmosphère de la
douce odeur des aromates bienfaisantes, ne répandent dans la région
de l'homme que les poisons les plus pénétrants et les élus
fétides.
Pleurons de honte et d'humiliation de nous trouver si loin de notre patrie ;
de nous trouver continuellement serrés et déchirés par
le cilice de l'iniquité. Le sang ruisselle de tous nos pores, et de peur
que la douleur ne soit pas assez vive, nous tournons le glaive mutuellement
dans nos plaies, et nous nous servons tous de bourreaux les uns aux autres.
Amis, amis, bornons-nous à nous servir réciproquement de sacrificateurs,
et efforçons-nous chacun de faire sortir de l'âme de nos frères,
des victimes pures, qui puissent être présentées sur l'autel
des holocaustes.
Voyez ce nouvel homme; il a laissé jusque dans lui, par 1'organe de ses
prières, l'antidote puissant qui seul peut détruire ces animaux
malfaisants dont le cur de l'homme est le repaire. Il a raclé chaque
jour, comme Job, la sanie de ses ulcères, avec le morceau, de pot de
terre qui lui restait ; aussi, l'esprit du Seigneur est venu renouveler son
sang et lui rendre la santé. Aussi, son âme deviendra un jour le
trône du Seigneur. Du haut de ce siège superbe, il étonnera
les nations dans sa gloire, il lancera la foudre contre ses ennemis, il tracera
les lois de sa puissance aux peuples innombrables qui habiteront dans ses domaines
; il publiera des lois de grâce pour ceux qui voudront rentrer dans les
voies de la vérité ; il distribuera des prix et des récompenses
à ceux qui se seront dévoués au service de son maître,
et qui n'auront respiré que pour la gloire de la maison du Seigneur.
Veille donc sans cesse, ô homme de paix, ô homme de désir,
pour que le trône soit ferme et inébranlable, puisque si ce trône
n'est pas en état, tu peux par ta négligence, retarder l'uvre
et la manifestation des merveilles et des grâces du Seigneur. Que serait-ce
donc si ce trône n'était pas érigé au nom de la vérité
? Dieu vous dirait, comme dans Amos (5:20, etc.) : " Je hais vos fêtes
et je les abhorre ; je ne puis souffrir nos assemblées ; en vain vous
m'offrirez des holocaustes et des présents, je ne les recevrai point,
et quand vous me sacrifierez les hosties les plus grasses pour vous acquitter
de vos vux, je ne daignerai pas les regarder. Otez-moi le bruit tumultueux
de vos cantiques ; je n'écouterai point les airs que vous chantez sur
la lyre ; mes jugements fondront sur vous comme une eau qui se déborde,
et ma justice comme un torrent impétueux. Maison d'Israël, m'avez-vous
offert des hosties et des sacrifices dans le désert, pendant quarante
ans ? Vous y avez porté le tabernacle de Moloch, l'image de vos idoles,
et l'étoile de votre Dieu qui n'étaient que des ouvrages de vos
mains. C'est pour cela que je vous ferai transporter au-delà de Damas,
dit le Seigneur qui a pour nom le Dieu des Armées. "
Le nouvel homme ne veut pas d'un Dieu qui soit ainsi l'ouvrage de ses mains
; voilà pourquoi il n'a d'autre soin, d'autre désir que de laisser
agir sur lui la main du Seigneur. Il la sent pénétrer jusque dans
l'intérieur de son être. Elle commence par réveiller en
lui la sensibilité spirituelle par son approche ; elle lui communique
une nourriture douce et vivifiante, qui flatte son goût et qui répand
des parfums délicieux pour son odorat ; ce sont là les premiers
sens spirituels qui prennent naissance dans l'homme, par la main de l'esprit.
Cette main bienfaisante lui ouvre ensuite les yeux pour le rendre témoin
des merveilles de sa sagesse et de sa puissance ; elle a soin de proportionner
pour lui les tableaux à la jeunesse de sa vue, et à la faiblesse
de ses organes ; mais, dès qu'il a une fois les yeux ouverts sur les
richesses de la main divine qui lui communique tous ces trésors, il ne
peut plus en détacher ses regards, et il parvient, par l'usage et le
temps, à en discerner encore mieux la valeur et la richesse.
Cette main divine lui ouvre alors le sens de l'ouie, pour le convaincre que
tous les trésors ne sont pas muets et silencieux comme les trésors
de la terre et son oreille est charmée par l'harmonie des concerts qu'elle
entend, de même que par l'éloquence vive, lumineuse et persuasive
de toutes les langues dont il, est environné.
Enfin, cette main divine délie la langue même de ce nouvel homme,
afin qu'il puisse prouver à ceux qui lui parlent, qu'il a le bonheur
de les entendre, et qu'il n'a point laissé tomber leurs paroles. Dès
lors, la vie entière de ce nouvel homme va être un accroissement
continuel, et un développement de tous ses sens et de toutes ses facultés
spirituelles, par lesquels il témoignera que l'esprit est venu en lui,
et qu'il l'a rendu son organe ; il tâchera de persuader ses semblables
que cette main l'esprit est exclusivement la seule qui puisse faire toutes ces
diverses opérations dans son âme, comme nous voyons que la nature
est la seule qui les opère dans les sens physiques de notre corps, et
que nous ne pouvons que nuire à notre conformation à notre régularité,
si nous gênons, en la moindre chose, cette opération de la main
divine ; il leur apprendra aussi que le don de la parole est le dernier de nos
sens spirituels que la main divine délie dans notre âme, comme
nous voyons que la parole matérielle est le dernier développement
que reçoivent les enfants.
31.
Il est temps que le nouvel homme commence sa mission. Son âge terrestre
est rempli ; son âge céleste va commencer. La première loi
qu'il va subir en entrant dans cet âge céleste, c'est le baptême
corporel, et ce baptême, il faut qu'il le reçoive de la main de
son guide, afin de pouvoir ensuite recevoir le baptême divin de la main
du Créateur. C'est notre compagnon fidèle qui est chargé
d'opérer sur nous ce baptême corporel, parce que sa fonction est
de nous défendre, de nous préserver, de nous purifier de tout
ce qu'il y a d'hétérogène autour de nous, afin de rompre
la barrière qui nous sépare de notre seul, et universel principe
de réaction qui est la Divinité.
Cependant ce baptême que nous nommons ici corporel ne tombe point sur
la forme extérieure du corps, parce que cette forme a des actions de
son ordre pour la soigner, et pour la baptiser selon leurs mesures ; et même
si cette forme n'était pas pure dans ses éléments extérieurs,
le baptême dont nous parlons, ne pourrait pas avoir lieu, parce qu'il
tombe sur les principes de la forme, et qu'il ne pourrait parvenir jusqu'à
ces principes, si la forme extérieure lui offrait quelques obstacles
par ses souillures. En même temps ce baptême s'opère par
le moyen de l'eau principe, dont notre compagnon fidèle peut user pour
agir sur nos principes ; et cette propriété de l'eau principe
est indiquée physiquement par l'eau élémentaire que tout
le monde sait être le principe de toute corporisation matérielle.
C'est sans doute une honte, et une humiliation pour nous d'avoir à recevoir
ce baptême corporel régénérateur, par la main d'une
créature spirituelle, dont nous sommes destinés à être
un jour les maîtres et les juges, puisque nous devons juger les anges,
et la justice même (1ère Cor. 6:3) ; mais telle est la suite de
l'immense transposition qui s'est faite au moment du péché, et
c'est encore une grâce infiniment grande que nous fait ici la miséricorde
divine, de permettre que la main de la créature spirituelle puisse rompre
nos chaînes, pour nous mettre dans le cas de recevoir la vie supérieure,
et créatrice dont nous sommes si prodigieusement éloignés.
Cet ange fidèle, et rempli d'amour pour nous, désire sûrement
avec beaucoup d'ardeur, opérer sur nous cette oeuvre salutaire, mais
il le désire aussi pour son propre compte, parce que, selon ce qui a
été dit précédemment, il ne peut jouir de la vie
divine que par notre organe. Néanmoins, comme tout son être est
humilité, il attend, dans sa douce patience, que les moments soient arrivés,
que les mesures soient à leur point, et surtout, que l'ordre lui soit
donné de remplir son uvre ; car il s'est dévoué à
l'obéissance, nous offrant par là, le premier l'exemple de la
manière dont nous devons nous conduire envers Dieu.
Ce sont tous ces mouvements-là qui se sont passés dans saint Jean-Baptiste,
lorsque le Réparateur vint le trouver près du Jourdain pour être
baptisé par lui ; il savait que celui qui serait envoyé devait
baptiser dans l'esprit, et dans le feu ; il savait qu'il n'était pas
digne de dénouer les cordons de ses souliers ; il n'osait par humilité,
baptiser le Seigneur ; ce ne fut que quand il en eut reçu l'ordre de
sa pari, qu'il s'y détermina ; et ce saint Jean nous est donné
dans l'Évangile comme marchant dans l'esprit, et la vertu d'Elie, ou
comme étant Elie lui-même, c'est-à-dire, l'esprit du Seigneur
: aussi était-il le précurseur.
Lorsque ce baptême corporel est opéré sur nous par l'eau
de l'esprit, alors le nouvel homme sort des eaux où il avait été
plongé, et c'est quand il a mis le pied sur la terre qu'une voix du ciel
se fait entendre, et dit : C'est mon fils bien-aimé dans lequel j'ai
mis toute mon affection. Jusque-là ce nouvel homme était bien
le fils de Dieu, puisqu'il avait été conçu par l'esprit
et que par ce même esprit, il avait reçu la naissance ; mais son
nom, et sa famille divine n'avaient point été promulgués,
et tant que cette barrière qui devait céder à l'eau de
l'esprit n'aurait point été rompue, le nouvel homme n'aurait pu
recevoir de la part de son père cet aveu authentique par lequel il le
reconnaît pour son fils, et lui assure par là, non seulement son
existence parmi les nations, mais aussi les droits les plus constants à
son légitime héritage.
Ce n'est donc qu'alors que la Divinité commence à faire réellement
son entrée en nous, et que nous avons l'espoir de voir descendre en nous
les trois principes divins qui viendront s'y établir, pour y opérer,
par leur suprême indissolubilité, une union intime des trois principes
qui nous constituent personnellement, union qui, de ces trois principes, ne
doit faire en nous qu'un seul principe, et les manifester toujours dans cette
unité forte, et harmonique, dans quelque lieu, dans quelques circonstances,
dans quelque oeuvre, et dans quelque portion de nous-mêmes que nous en
ayons besoin.
Cette entrée de Dieu en nous est le principal désir et l'objet
essentiel de la Divinité ; aussi nous n'avons qu'une idée bien
faible des efforts qu'elle fait pour remplir ce but ; et s'il y a quelque chose
de lamentable dans notre existence, c'est de sentir, et d'éprouver que
nous fermons nous-mêmes l'accès à cette Divinité,
c'est de sentir physiquement qu'elle circule continuellement autour de nous,
pour trouver un sentier par où elle puisse s'introduire jusque dans notre
cur, et que nous, au contraire, nous nous efforcions tellement de lui
rendre la voie étroite, qu'elle soit obligée de se froisser, et
de se mettre en sang pour pénétrer en nous, et nous apporter la
vie ; c'est de sentir que l'amour qu'elle a pour nous lui rend supportables
toutes ces douleurs, et qu'elle ne murmure point, qu'elle ne se rebute point
de verser des larmes pourvu que le feu de sa charité perce les obstacles
et triomphe dans la sainte gloire de son amour tandis que nous, dans nos abominables
ténèbres et dans nos voies pleines d'iniquité, nous fermons
l'oreille à ses sollicitations, et nous restons insensibles à
sa tendresse.
Cependant quelles sont les vues qu'elle a sur nous, c'est de nous appeler, et
de nous faire relever du milieu des morts, c'est de nous délivrer de
la fange, et de l'infection dans laquelle nous sommes étendus, c'est
de nous rendre assez lumineux par le feu de son esprit, pour que nous puissions,
les uns et les autres, nous servir de guides, et de points de ralliement dans
nos abîmes, et nous arracher ensemble par sa divine puissance, à
ce séjour sépulcral dans lequel nous ne sommes autre chose que
de vrais cadavres.
Or, le moindre rayon de sa parole suffit pour opérer en nous ce prodige,
pour nous remplir tout entiers de force, d'amour et de lumière, et substituer
en nous des vertus et des facultés caractérisées, à
la place de cet état ténébreux, et insignifiant qui est
le propre de la région que nous habitons ; et c'est le rayon de cette
parole que nous nous efforçons soigneusement de repousser de nous, comme
s'il devait nous donner la mort.
Le nouvel homme n'a point voulu suivre ces voies erronées. Il a été
conçu dans Nazareth, il a vécu parmi les Nazaréens, et
selon les usages et les lois des Nazaréens et quand son âge a été
arrivé, il s'est porté vers le Jourdain, qui est la frontière
de la terre promise ; là il s'est soumis humblement à la main
de son guide, et de son précurseur qui s'est baissé pour prendre
les eaux du fleuve, et les a répandues sur la tête, et sur toute
la personne intérieure de ce Nazaréen.
Ce baptême invisible dont le baptême visible du Réparateur
nous donne l'intelligence, opère un double effet sur le nouvel homme.
Non seulement ce nouvel homme entend, comme le Réparateur, ces paroles
consolantes : c'est mon fils bien-aimé dans lequel j'ai mis toute mon
affection ; mais il aperçoit, comme lui, dans la profondeur de son être,
des trésors cachés dont il n'ignorait pas toute la valeur, mais
qui ne lui étaient pas encore découverts, et qui ne pouvaient
l'être que par l'organe de ce baptême invisible qui ne peut lui
être administré que par son guide. Dès l'instant que ce
baptême invisible lui est administré, la voix divine peut entrer
en lui comme dans sa propre forme, et le pénétrer dans toutes
les facultés qui le constituent ; et c'est à mesure qu'elle le
pénètre ainsi de toutes ses facultés, qu'il découvre
en lui-même les richesses dont il est doué par sa nature divine,
et l'emploi qu'il doit faire de ces richesses pour la gloire de celui dont il
les a reçues.
Ces richesses consistent principalement en sept canaux spirituels, qui attendaient
tous l'ordination sacramentelle, pouvoir commencer à reprendre leur activité,
et pour redevenir les organes de la source suprême, dont ils doivent transmettre
les eaux fertilisantes dans toutes les régions frappées de stérilité
; ces sept canaux se trouvent avoir entre eux la correspondance la plus parfaite,
et quoiqu'ils aient chacun un caractère, et une propriété
différente, l'un ne peut agir sans le concours des autres, ou sans que
ses rapports avec les autres canaux ne soient déterminés. C'est
ainsi que, par la manifestation que la vérité universelle nous
offre dans l'harmonie musicale, aucun son ne peut exister sans que ses relations
ne soient établies sur le champ avec tous les autres sons.
Tel est l'instrument divin que la source supérieure a confié au
nouvel homme, ou plutôt, a bien voulu régénérer en
lui pour le remettre à portée de célébrer de nouveau,
par des chants réguliers, la gloire de son auteur, de son maître,
et de son père ; oeuvre que l'homme ne peut accomplir que par le secours
de cet instrument spirituel, et lié dans toutes les harmonies, parce
que comme c'est l'unité qu'il doit célébrer, il ne pourrait
s'en acquitter avec justesse, s'il n'avait pas dans la main le représentatif
de cette unité ; oeuvre qui n'aurait jamais dû s'interrompre, si
l'homme avait suivi les plans de sa destination originelle, mais qui, malgré
l'interruption qu'elle a subie par le cruel pouvoir qu'a eu le crime d'obstruer
en nous ces précieux canaux, est toujours prête à revivre,
et à développer toutes les merveilles dont elle est susceptible,
dès que l'homme veut former une résolution sincère de se
mettre en état, par ses efforts constants, et son intime humilité,
de recevoir le baptême invisible de son guide qui seul peut l'amener aux
portes de la région de la vie.
32.
Plus le nouvel homme est frappé d'admiration en découvrant en
lui de si grandes merveilles et un instrument spirituel si précieux,
plus il sent la nécessité de se livrer avec ardeur au soin de
nettoyer de plus en plus tous ces canaux, et d'en étudier avec une vigilance
infatigable tous les sons, pour que le concert qu'ils doivent former ne produise
jamais que l'harmonie la plus parfaite, et pour que les plans de la source suprême
ne soient pas dérangés une seconde fois.
C'est pour cela qu'il va se jeter dans le désert ; non pas seulement
dans le désert matériel des circonscriptions locales et terrestres,
mais dans le désert de l'esprit, et dans le désert de bleu ; c'est-à-dire
que, sentant combien il est peu digne de s'approcher encore de cet esprit, et
de ce Dieu dont il a été rejeté si loin par le crime, il
va se replier dans lui-même pour rassembler ses forces, et ses lumières
dispersées, afin que quand il aura eu le bonheur de leur faire reprendre
leur unité, il puisse s'offrir dans de plus justes mesures à celui
qui est la mesure même.
D'ailleurs, il est conduit à ce courageux isolement par un sentiment
de justice et d'équité. C'est par nous, dit-il, que le crime a
été conçu et opéré, c'est par nous que la
subdivision de notre être a eu lieu, c'est par notre propre volonté
que nous avons mérité d'être séparés de notre
principe, c'est donc par nous, et par notre propre volonté que nous devons
mériter d'être ramenés, et réunis à ce principe.
Heureux encore, et cent fois heureux, non seulement qu'on nous ait avertis que
ce rapprochement nous était possible, mais encore qu'on nous en ait montré
à la fois le terme, et les moyens, par le jour que le baptême invisible
de notre fidèle compagnon vient de répandre dans l'âme de
l'homme.
C'est donc par cet esprit d'humilité, de justice, et de courage que le
nouvel homme va être poussé dans le désert ; là,
avec la lumière qu'il vient de recevoir, il va parcourir les plus profondes
retraites de son être, et il ne se reposera ni jour ni nuit, qu'il n'en
ait éloigné toutes les immondices, tous les malfaiteurs et tous
les animaux nuisibles.
De profondes doctrines nous ont déjà appris que dans ce désert
il sera tenté en réalité de la manière dont le premier
homme le fut dans le domaine primitif qui lui fut confié ; elles nous
ont appris qu'il le sera dans son corps, dans son âme et dans son esprit
en raison des trois principes qui nous constituent ; elles nous ont appris qu'il
ne pourra jamais mieux se défendre qu'en opposant à son ennemi
la parole qui sort de la bouche de Dieu, comme le Réparateur nous en
a donné l'exemple, en ne répondant au tentateur que par des passages
de l'Ecriture ; elles nous ont appris que cet homme, en épreuve doit
passer quarante jours et quarante nuits dans le désert pour accomplir
la rectification de ce quaternaire qui caractérise l'âme humaine,
et qui a été défiguré par le péché
; ainsi nous n'appuierons point sur ces grands objets.
D'ailleurs c'est dans lui, c'est dans son âme que ce nouvel homme fera
la découverte de tous ces principes ; et il ne serait pas un nouvel homme
s'il n'apprenait ces hautes vérités que par tradition, et s'il
n'en acquérait pas la connaissance intime par expérience, et par
sentiment. Tâchons donc seulement de ne point perdre de vue le chemin
qu'il va suivre dans ce désert.
Le premier pas qu'il y va faire, est de sentir que son être physique n'est
que le rempart de la citadelle qu'il doit défendre ; que ce rempart doit
non seulement opposer une résistance invincible aux ennemis ; mais que
c'est même de ce rempart qu'il doit lancer sur eux les foudres et les
éclairs pour les empêcher d'approcher, et les effrayer par la terreur
de sa puissance. Mais comme il a clairement reconnu que sans le baptême
invisible qu'il vient de recevoir, il n'aurait jamais la force d'entreprendre
des oeuvres aussi pénibles que celles qui s'offrent à lui, il
fera en sorte que ce même baptême s'étende successivement
sur toutes les portions de son être.
Ainsi il invoquera le nom du Seigneur pour que ses éléments soient
maintenus dans la mesure, et la justesse qui leur conviennent, afin que le rempart
conserve son assiette ; il invoquera le nom du Seigneur pour que les éléments
supérieurs réactionnent, et fortifient continuellement ce rempart,
et qu'il soit préservé par là de toute dégradation,
afin de pouvoir mieux résister à ses ennemis ; il invoquera le
nom du Seigneur pour que le principe de sa vie corporelle concoure sans cesse
avec l'action de ses éléments constitutifs, et la réaction
des éléments supérieurs, de manière que leur harmonie
les rende comme inséparables, et forme un triangle puissant, et irrésistible
sur qui le désordre ne puisse avoir aucun empire ; il nourrira ainsi
son être élémentaire de la force, de la patience, de la
ferme constance, du courage, de l'élévation au-dessus des maux
et des dangers, tant il sent que cet être élémentaire n'est
en effet que le rempart de la forteresse, et qu'il lui faut songer avec non
moins de soin, à mettre en état de défense et de sûreté
le corps de la place.
Voyez donc ce nouvel homme au milieu de sa solitude, tantôt errer dans
les sentiers écartés, tantôt s'asseoir accablé d'amertume,
et verser des torrents de larmes, tantôt s'absorber dans la profondeur
de ses pensées, toujours gémir, toujours désirer, toujours
attendre les moments de consolation, et de triomphe qui lui sont annoncés,
toujours prier pour que son espérance ne défaille point malgré
l'austérité de son désert, malgré l'âpreté
de sa nourriture, et malgré les rudes épreuves qu'il doit subir
à chaque instant ; voyez-le en même temps se défendre toujours
par des moyens simples, et toujours puisés dans l'amour et le respect
qu'il a pour son Dieu.
En effet, toutes les fois qu'un objet quelconque se présente à
sa pensée, et cherche à lui faire naître des désirs,
quelque légitimes qu'ils soient en apparence, avant de s'arrêter
à cet objet il se retourne toujours vers Dieu, et dit :
J'ai senti que mon Dieu était le principe de toutes choses, qu'il n'y
avait rien qui ne tint de lui sa force, ses propriétés, ses vertus,
et tout son prix, je ne dois donc jamais me déterminer à livrer
ma pensée et mon cur à aucun objet, avant d'avoir cherché
si mon Dieu n'a pas en lui de quoi me tenir lieu de cet objet ; car s'il a en
lui de quoi me tenir lieu de cet objet, je serais insensé de ne pas me
dévouer exclusivement à lui, de former d'autres alliances qu'avec
lui, puisque tout autre objet que lui n'est que secondaire, et ne peut m'offrir
qu'une joie passagère, et bornée, comme l'est l'essence particulière
de cet objet, au lieu qu'en faisant une alliance exclusive avec mon Dieu, je
trouverai en lui tous les objets secondaires qui existent hors de lui, quoique
par lui, et je les y trouverai dans une existence durable, permanente et universelle,
puisqu'ils seront liés là à la source éternelle
et impérissable qui les créera et les engendrera continuellement,
et sans qu'ils puissent jamais cesser d'être, et de me combler de joies
et de délices.
Par cette réponse simple et prise dans l'esprit de la vraie foi, il éloigne
insensiblement de lui tous les enchanteurs, qui ne peuvent résister à
une pareille marche, et qui peut-être sont plus aisément dispersés
par là que par une résistance ouverte et par des combats déclarés.
C'est à mesure que ce nouvel homme fortifie le rempart de la citadelle,
qu'il acquiert de ces vastes et simples développements instructifs pour
l'administration de l'intérieur.
Il en peut apercevoir de solides raisons. D'abord, plus ce rempart est fidèlement
gardé et maintenu dans ses justes mesures, moins il peut y avoir de communications
et d'intelligences entre les ennemis qui sont au-dehors et ceux des habitants
mal intentionnés qui pourraient être dans l'intérieur de
la place ; peut-être même que faute de pouvoir communiquer avec
l'ennemi, et frappés par l'exemple de ceux de leurs concitoyens qui restent
fidèles, ils se rangeront d'eux-mêmes du côté de la
bonne cause, et qu'ainsi toutes les forces se réunissant pour le salut
commun de la forteresse, la prudence, la sagesse, les lumières, le courage
se multiplieront parmi les habitants, et chaque jour ils découvriront
de nouvelles clartés, et de nouveaux expédients pour décourager
les assiégeants, et leur faire lâcher prise, et peut-être
aussi pour les exterminer lorsque l'occasion se présentera de les combattre
corps à corps.
Secondement, comme toutes ces forces et ces lumières ne peuvent se trouver
dans le nouvel homme, qu'autant qu'elles y descendent de la voie supérieure
par les diverses progressions de la sagesse, et par l'usage sacré que
l'homme a le bonheur d'en faire, c'est encore le bon état du rempart
de la place qui peut favoriser et seconder l'approche de ce secours ; car nous
avons vu que notre Dieu était un être actif et effectif ; nous
avons vu qu'il cherchait à faire pénétrer partout son activité
et son effectivité ; mais, par la loi des analogies dont il est à
la fois le modèle et la source, il ne peut s'unir qu'à de l'activité
et qu'à de l'effectivité. Ainsi, ce n'est qu'autant que nous tâchons
d'accumuler l'activité spirituelle et effective dans nos éléments
par l'invocation du nom du Seigneur, que l'activité divine peut se communiquer
à notre intérieur et s'y développer d'une manière
utile et réelle.
Il faut, avant que cette activité divine puisse descendre en nous et
s'y établir d'une manière profitable, qu'elle puisse y trouver
des organes actifs et assez remplis de force pour pouvoir correspondre à
tous ses mouvements, et réaliser dans leur mesure, les plans qu'elle
tracera en grand dans la sienne. Enfin, on ne saurait trop le répéter,
il faut que le nouvel homme se soit sacrifié, régénéré,
spiritualisé, et même divinisé, pour que l'action divine
puisse descendre avec joie en lui, comme étant sûre d'y trouver
une demeure qui lui convienne, et où sa gloire, ses puissances et tous
ses trésors ne soient pas exposés à rester sans fruits,
ou à être dérobés par l'ennemi.
33.
Ce soin et cette vigilance sur notre être extérieur, paraîtront
si indispensables au nouvel homme, qu'il n'aura pas de peine à les regarder
comme les principaux, et peut-être même comme les seuls qui devraient
occuper l'homme ici-bas. En effet, c'est cet être extérieur qui
est sur la frontière, c'est par là que doivent se manifester la
sagesse, la force et la magnificence des habitants du royaume ; c'est là
que viennent affluer et aboutir tous les résultats des sages délibérations
qui ne doivent cesser de se tenir dans l'intérieur de l'empire ; nous
ne devrions avoir d'autres fonctions que de veiller et de concourir à
l'exacte exécution de ces sages délibérations, parce que
nous ne sommes que les agents de l'Etat, et nous n'en sommes point les législateurs
; nous pourrions nous acquitter fidèlement de notre emploi, sans la moindre
inquiétude sur les lumières et la sagesse qui ne manqueront pas
dans le conseil, tant que nous n'en interrompons pas la marche et l'exécution
par notre négligence à tenir notre poste en bon état.
La raison pour laquelle nous pouvons rester sans inquiétude sur les lumières
et la sagesse du conseil, c'est que ce conseil se tient, ou doit se tenir dans
notre intérieur ; c'est que ce conseil repose sur notre intérieur,
et que par conséquent, notre intérieur étant, par nature,
voisin de ce conseil, ne peut manquer d'en découvrir les lumières
et d'en recevoir continuellement en lui les décrets et les délibérations,
comme un fleuve qui coule naturellement dans son lit.
Si nous laissions ainsi la voie de notre intérieur ouverte à cette
sagesse et à ces lumières, elles couleraient aussi infailliblement
dans nous que ce fleuve coule dans ce lit qui lui est toujours ouvert, et nous
n'aurions pas plus à craindre que lui que la source pût jamais
se tarir. Notre croissance spirituelle extérieure se ferait comme la
croissance corporelle des plantes qui transforment constamment en écorce,
en branches, en feuilles, en fleurs, en fruits, les sucs qui leur sont envoyés
par le principe de leur vie végétale, sans qu'elles aient besoin
de s'occuper comment cette sève radicale et créatrice pourra leur
faire parvenir de nouveaux sucs, pour les nouveaux résultats qu'elles
sont toujours prêtes à réaliser, et nous n'aurions pas plus
d'inquiétude sur l'écoulement de la source vivante de la nature,
dans leurs divers canaux qui sont propres à remplir les plans de cette
nature ; parce que nous serions sûrs que la source divine a des plans
mille fois plus vastes et plus durables, et une abondance incomparablement plus
inépuisable.
Source divine, ô source divine, qu'est-ce qui rend ainsi tes plans si
vastes, et ton abondance si inépuisable ? C'est cette sainte analogie
que tu as daigné établir entre l'homme et toi. C'est parce que
tu nous as placés immédiatement au-dessous de toi, que le fleuve
de ta vie s'écoule en nous, comme s'il était entraîné
par le poids de ses eaux dans la pente naturelle que tu leur as données
toi-même, en nous accordant l'existence ; c'est parce que tu as donné
à notre cur la capacité de s'accroître à mesure
que les eaux divines s'accumulent en lui, que tu aimes à faire descendre
en nous ce fleuve sacré qui est aussi éternel que toi-même
; et tu cherches à diriger vers nous le cours de ces eaux, parce que
tu sais que le cur de l'homme est le seul qui puisse les recevoir dans
toute leur mesure, les conserver dans toute leur virtuelle efficacité,
et les employer à cette fertilisation, et à cette végétation
universelle qui, dès avant les siècles, était le désir
de ton être, et l'objet de ton existence.
Ame de l'homme, ce n'est point à l'homme de peindre les délices
dont tu peux être embrasée, lorsqu'après avoir établi,
par la grâce supérieure, une mesure juste, forte, durable et à
toute épreuve dans ton être extérieur, qui est comme la
frontière de l'état, tu sens descendre en toi ces eaux divines,
ces douceurs divines, ces lumières divines, ces vertus divines qui te
donnent à la fois, et la vie, et le sentiment de la vie qu'elles t'apportent,
et la sainte confiance que tu participes à leur immortalité ;
mais l'homme peut t'avertir que le moment n'est point encore venu de te livrer
à ces sublimes joies.
Songe qu'ici-bas tu n'es encore que dans le désert. Songe que tu es encore
au milieu des lions dévorants ; songe que tu es suspendue, comme par
un fil, au-dessus de l'abîme ; songe que tu es ici pour gémir,
pour agir, et non pas pour jouir ; ainsi, tiens-toi en garde même contre
les délices de ces jonctions divines qui, étant trop anticipées,
pourraient t'abuser sur ton oeuvre, si tu les écoutais trop longtemps
et avec trop de complaisance. Tempère-les plutôt par le sentiment
de ton infirmité ; tiens-toi toujours prête à en faire le
sacrifice, afin de te mieux préparer à les recevoir un jour, d'une
manière qui ne soit nullement dangereuse pour toi, et qui te soit entièrement
profitable ; enfin, reçois-les avec une joie mêlée de crainte
et de tremblement que tu aies le malheur de ne pas les faire échapper,
en entier, aux dangers dont sont menacés tous les trésors sacrés
qui descendent dans ce bas monde ; ne t'occupe que de les faire arriver à
leur terme sans accident et sans avarie, et ne consume pas à la jouissance
de tes propres satisfactions, le temps que tu dois employer à l'avancement
de l'uvre de ton maître, et à veiller contre les déprédateurs
de ses richesses.
N'oublie pas qu'il y a deux portes dans le cur de l'homme ; l'une inférieure,
et par laquelle il peut donner à l'ennemi l'accès à la
lumière élémentaire, dont il ne peut jouir que par cette
voie ; l'autre, supérieure, et par laquelle il peut donner à l'esprit
renfermé avec lui l'accès à la lumière divine qui
ne peut ici-bas lui être communiquée que par ce canal. Si au lieu
d'ouvrir la porte supérieure pour la consolation de l'ami qui est renfermé
avec toi dans ta prison, tu ouvres la porte inférieure, et que tu donnes
accès en toi à ton adversaire, tu deviens un champ de bataille
où ton ami fidèle, déjà en privation par sa charité
pour toi, est encore exposé tantôt à un combat cruel, tantôt
à des attaques déchirantes, quand il voit que tu te déclares
aussi contre lui, et toujours à une situation lamentable par l'horrible
voisinage que tu lui as procuré, et par la malheureuse nécessité
où il est par ta négligence, ou par tes crimes, de demeurer auprès
de son ennemi, et du tien, de se trouver renfermé dans la même
enceinte, de le voir journellement te corrompre par son infection, et d'être
obligé de respirer ces influences pestilentielles.
Juge donc ce que ce serait, si après avoir laissé introduire en
toi cet ennemi de toute vérité, tu ouvrais ensuite la porte supérieure
de ton être, et que la vérité elle-même fût
dans le cas d'y descendre en raison de sa pente naturelle ! Détournons
les yeux de ce tableau, ou du moins ne le contemplons qu'autant qu'il nous sera
utile et nécessaire pour appeler en nous une plus grande force que celle
qui nous reste, après les torts considérables que nous aurions
déjà eus envers notre fidèle ami ; appelons cette force
supérieure pour qu'elle vienne se joindre à celle de cet ami fidèle,
et à la nôtre, afin que cette triple puissance tombe comme une
foudre sur le déprédateur, et le funeste ennemi que nous avons
laissé entrer en nous, afin qu'elle le fasse rentrer dans ses abîmes,
et qu'elle referme ensuite sur lui d'une manière sûre cette porte
inférieure que nous n'aurions jamais dû lui ouvrir.
Voilà en effet quelle est l'uvre du nouvel homme pendant son séjour
dans le désert, c'est d'obtenir d'en haut une clef puissante pour lier
l'ennemi dans ses cavernes ténébreuses, c'est de séparer
le pur de l'impur, comme il avait été recommandé aux Hébreux,
c'est de rendre la respiration de l'air céleste et divin à cet
ami fidèle, à qui le premier homme fait continuellement respirer
un air infect depuis le crime ; enfin, c'est d'arracher des mains de l'ennemi
les portions des trésors divins, et les étincelles de la vérité
même que nous lui avons laissé quelquefois dérober, en ouvrant
si imprudemment notre porte supérieure, sans avoir pris la précaution
de chasser l'ennemi dans ses abîmes, et de fermer soigneusement sur lui
la porte inférieure.
Car, c'est là la tâche qui nous reste à remplir depuis que
la faiblesse de l'homme primitif a laissé pénétrer l'iniquité
dans nos domaines ; lorsqu'il mangea de l'arbre de la science du bien et du
mal, il rassembla, près l'un de l'autre, son être qui habitait
dans la lumière, et son adversaire qui habitait dans les ténèbres
; c'était cette réunion monstrueuse que la sagesse divine voulait
empêcher, en le prévenant de ne point manger de cet arbre de la
science du bien et du mal, qui devait lui donner la mort ; c'est donc la rupture
d'une pareille association que nous devons opérer aujourd'hui, si nous
voulons nous mettre en état de manger des fruits de l'arbre de vie, sans
commettre la plus abominable des profanations.
Je le répète, ce dernier tableau serait trop affligeant et trop
désespérant pour ceux qui n'auraient pas acquis les yeux, l'âge
et la force du nouvel homme ; et ils ne pourraient considérer, sans danger,
les horribles prostitutions auxquelles les fruits de l'arbre de vie ont été
exposés par l'iniquité des mortels ; mais c'est à l'expiation
et l'abolition de ces prostitutions que le nouvel homme est particulièrement
occupé ; voilà pourquoi il ne peut plus jouir d'un seul moment
de repos, puisque l'ennemi, non seulement se défend sans cesse et craint
de rentrer dans ses abîmes, mais cherche au contraire à faire ouvrir,
quand il le peut, la porte supérieure du cur de l'homme, afin de
multiplier de plus en plus les abominations qui doivent finir par inonder la
terre, comme elles l'ont inondée avant le déluge.
34.
Ces occupations et ces soins du nouvel homme sont si urgents et si importants
qu'il va rester encore un temps dans le désert pour assurer les fondements
de l'uvre. S'il a reçu la naissance spirituelle, s'il a été
nourri du verbe jusqu'à l'âge de sa mission, c'était pour
son propre avantage, et pour sa délivrance personnelle ; actuellement,
il lui faut songer à l'uvre de son maître. Il lui faut tellement
fermer la porte inférieure du cur de l'homme, après en avoir
chassé l'ennemi, que la porte supérieure et divine puisse s'ouvrir
sans inconvénients, et sans craindre ces horribles prostitutions que
cet ennemi ne cesse de projeter, et de machiner selon tous les moyens qui sont
en lui.
Tel était l'esprit des trois tentations par lesquelles il attaqua le
Réparateur ; il ne cherchait, sous l'apparence de la piété
et de la foi, qu'à faire descendre les vertus divines dans sa région,
et à les faire employer à un usage faux, afin que les fruits en
fussent tous à l'avantage de ses vues cupides et criminelles. Tel était,
dis-je, l'esprit de ces trois tentations, parce que ce prince dés ténèbres
ne marchant point dans la lumière, ne peut connaître que la même
route erronée qu'il a suivie dès le commencement, et il attaquait
le Réparateur, comme il avait attaqué le premier homme, et comme
il attaque journellement tous les mortels.
Mais le Réparateur, au contraire, se conduit envers lui comme l'homme
aurait dû le faire dans le temps primitif, comme le nouvel homme se conduira
désormais, et comme tous les mortels devraient se conduire. C'est-à-dire,
que se regardant seulement comme le ministre et le serviteur de Dieu, il ne
peut prendre sur lui de se déterminer à céder à
aucune proposition quelconque sans l'autorisation de son maître, et il
se contente de rapporter la loi et les volontés de ce maître à
celui qui veut le séduire ; il lui fait entendre par là qu'il
ne peut se rendre légitimement à ce qui lui est suggéré,
et que la volonté de son maître était sa première
loi, il doit la consulter avant d'agir, et la suivre dès qu'elle lui
est connue.
Peut-être même des yeux intelligents trouveront-ils dans la douceur
de cette réponse, et dans la citation des volontés supérieures,
un indice de la manière dont l'homme aurait dû se diriger dans
son état de gloire, et de la fonction qu'il aurait eu à remplir
envers l'être égaré ; car cette citation de la loi et de
la volonté supérieure eût été une sorte d'instruction
que l'homme eût donné au prévaricateur, et qui peut-être
l'eût engagé à faire un retour sur lui-même, et à
rentrer dans la vérité.
Mais il aurait dû faire cette citation, non pas comme la fit Eve en disant
au serpent, en chancelant et déjà troublée : Dieu nous
a commandé de ne point manger du fruit de l'arbre qui est au milieu du
paradis, et de n'y point toucher, de peur que nous ne fussions en danger de
mourir ; mais avec la ferme résolution de rester fidèle au précepte,
et de s'opposer par une suite de cette fidélité à toutes
les tentatives du prévaricateur. Voilà donc encore un des fruits
que le nouvel homme peut communiquer à ses frères, en attendant
les nombreuses récoltes qui sortiront de lui lorsqu'il aura terminé
le cours de ses épreuves et de ses combats dans le désert.
Ce fruit est la manière dont nous pouvons nous délivrer de l'ennemi
lorsqu'il nous tente par quelque proposition insidieuse, par des images illusoires
et par des insinuations accoutumées. Disons-lui, comme le nouvel homme
: Je ne suis pas mon maître, je ne suis que le serviteur de Dieu, c'est
à lui que je le renvoie pour faire juger tes plans et tes propositions.
L'ennemi ne tiendra pas contre ce langage ; ou, s'il a l'intention de poursuivre
ses entreprises et ses tentatives, il viendra frapper contre la loi même
qui le brisera et le couvrira de honte et de confusion.
Combien faudra-t-il d'efforts et de soins à ce nouvel homme avant qu'il
ait fermé ainsi à l'ennemi toutes les issues ! Car il ne faut
pas qu'il y ait un seul point de son être où cet ennemi puisse
accomplir le moindre de ses projets séducteurs, et établir ces
fausses joies avec lesquelles il enchaîne journellement les mortels. Ce
sont là ces assemblées de jeux et de divertissements où
Jérémie disait qu'il ne se trouvait point.
Aussi ce nouvel homme vous dira comme Jérémie 15:15 : " Seigneur,
vous qui connaissez le fond de mon cur, souvenez-vous de moi, venez en
moi, et défendez-moi contre ceux qui me persécutent... Votre parole
est devenue la joie et les délices de mon cur, parce que j'ai porté
le nom de votre prophète : ô Seigneur, Dieu des armées...
Je ne me suis point trouvé dans les assemblées de jeux et de divertissements....
Je me suis tenu retiré et solitaire... Pourquoi ma douleur est-elle devenue
continuelle... ? C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur : Si vous savez
distinguer ce qui est précieux de ce qui est vil, vous serez alors comme
la bouche de Dieu. Je vous rendrai à l'égard de ce peuple comme
un mur d'airain et inébranlable. Ils vous feront la guerre, et ils n'auront
sur vous aucun avantage, parce que je suis avec vous pour vous sauver et pour
vous délivrer... Je vous dégagerai des mains des méchants,
et je vous préserverai de la puissance des forts. "
Rappelons-nous qu'il n'y a pas un seul point de l'être de l'homme sur
lequel ces sublimes paroles ne doivent se prononcer, et que Dieu ne demande
autre chose, sinon que le nouvel homme soit en état de les entendre continuellement.
Nous avons été déjà trop loin pour être étonnés
de cette merveilleuse miséricorde. La grandeur de l'homme est un témoignage
évident de la grandeur de l'uvre de Dieu envers la malheureuse
famille humaine; et réciproquement la grandeur de l'uvre de Dieu
est une démonstration de la grandeur de l'homme. Cette oeuvre est telle
qu'il suffirait de la contempler et de l'apercevoir pour renaître, et
pour nous rétablir dans les régions saintes de l'amour et de la
sagesse, de manière que non seulement le monde des ténèbres
et des illusions disparût pour nous, mais que même tous les mondes
de lumière semblassent se trouver dans notre âme, comme ils se
trouvent dans la pensée de Dieu.
Ô nouvel homme, combien tu deviens respectable à tes propres yeux
quand tu sens ce qu'opère pour toi l'auteur des choses ! Il est le Dieu
unique, tu es son fils ; peut-il y avoir quelque chose qui ne soit divin dans
l'uvre qui s'opère en toi et lui ! Peut-il y avoir quelque chose
qui ne soit pas l'acte même de ton Dieu ! Aussi tu ne vivrais pas, et
tu serais déjà mort, si tu ne croyais pas à celui qu'il
a envoyé en toi.
En même temps, c'est par cette vive confiance, c'est par cette fidélité
aux volontés de son maître, que le nouvel homme va rendre à
son être l'activité qui lui est propre ; il sent qu'il nage dans
le sang du Réparateur, comme dans une mer abondante qui enveloppe tout
l'Univers ; il sent que les germes engendrés par ce sang ne sont point
périssables comme les germes terrestres, et produits par les simples
puissances secondaires ; il sent que les fruits qui en proviennent ne sont point
nuls ni sujets à la loi du temps, et il est dans l'admiration de les
retrouver en lui dans leur vive activité, lors même qu'il semblait
avoir perdu de vue leur existence ; il sent que leur activité se communique
à son propre germe, et le dispose à réaliser toutes leurs
vertus, à l'image et à la ressemblance de celui qui a bien voulu
le choisir pour son frère.
Aussi il n'a nul doute que ce sang dans lequel il nage ne rétablisse,
dans tous les points de son être, la vie qui leur manque, et la force
et la sécurité dont ils ont besoin, pour conserver intact l'intérieur
de la place, et échapper à la fureur de ceux qui l'attaquent et
le poursuivent ; car si son être est l'abrégé universel
de tout ce qu'il y a dans les deux mondes, il faut qu'il recouvre toutes les
mesures qui lui appartiennent sous ce rapport, et qu'ainsi les deux mondes qui
sont en lui, rentrent dans leurs relations, dans leur justesse et dans leurs
propriétés originelles.
C'est là le sens de sa véritable réconciliation et régénération
; ainsi il faut qu'il soit réconcilié en lui avec ces principes
et actions élémentaires, avec toutes les régions temporelles,
avec les deux régions spirituelles, célestes et terrestres, avec
toutes les régions surcélestes, avec toutes les régions
saintes et avec toutes les régions divines; puisque toutes ces régions-là
sont en lui, et qu'elles n'ont pas été placées en lui pour
y demeurer dans l'inertie et dans la mort.
Le premier homme avait laissé dévaster ces sept domaines par le
crime, et nous a exposés tous à la nécessité de
travailler, comme lui, à les réhabiliter dans nous, avant de travailler
à les réhabiliter autour de nous. L'agent suprême prêta
son secours au premier homme, dès l'instant du crime, pour l'aider à
entreprendre avec succès le grand oeuvre de sa réhabilitation.
Ce même agent suprême ne cesse de prêter son secours au nouvel
homme, pour l'aider à se régénérer dans ses lois,
et dans ses mesures particulières ; c'est pour cela qu'il a vu renaître
en lui les sept canaux qui devaient primitivement le rendre l'instrument actif
de la Divinité, c'est pour cela qu'il s'est retiré dans le désert,
afin de se séparer totalement de ce qui n'avait point de rapport avec
ses éléments primitifs. Enfin, c'est pour cela que, rempli de
confiance en celui qui ne l'a point perdu de vue, et dans tous les germes de
régularité, de force, de justesse, de lumières, de sagesse,
de puissances et de vérités que cette main suprême a semés
en lui, il va abandonner son désert, et répandre au-dehors les
fruits que, grâce à la toute puissance, il a su leur faire produire
par sa culture soigneuse et vigilante.
35.
Comment ce nouvel homme paraît-il avoir des rapports si parfaits, et des
droits si actifs sur la nature, au point de pouvoir changer les substances qui
la composent, et de leur donner des propriétés si puissantes,
en comparaison de celles qu'elles annonçaient avant qu'il eût paru
? C'est qu'il a déjà fait les noces de Cana. C'est qu'il a déjà
changé en lui l'eau en vin ; c'est qu'il a déjà revivifié
en lui les six urnes, c'est-à-dire, les six actions élémentaires
qui composent la circonférence visible de tout ce qui est matière,
et que, par cette revivification, il a donné accès en lui, à
leur principe central et septénaire qui leur donne le mouvement et la
vie, et qui peut la transmettre par leur moyen à tout ce qui ne l'a pas
reçu, et est encore dans le séjour de la mort, et de l'inaction
; c'est qu'en donnant accès en lui à ce principe central et septénaire,
il a rendu à sa forme corporelle la propriété originelle
qui lui appartient par sa nature, d'être supérieure à toutes
les formes de l'univers, et de leur prouver sa supériorité ; c'est
qu'en rendant à sa forme corporelle sa propriété originelle,
il peut prouver, à toutes les autres formes que sa destination primitive
fût en effet de produire de pareils résultats, et de semblables
régénérations sur toutes les formes de la nature qui auraient
été soumises à son empire.
Voilà pourquoi rien n'est comparable à l'imprudence de celui qui
essaie de faire des entreprises quelconques dans cet ordre de choses supérieures,
sans avoir commencé par rendre à sa forme les propriétés
essentielles dont elle devrait être le dépositaire et l'organe
; mais aussi s'il parvient à rendre à sa forme ses propriétés
originelles, il n'y a point de résultats qu'il n'en puisse attendre,
puisqu'elle est au-dessus de toutes les formes de la nature.
Que serait-ce donc si le nouvel homme était régénéré
dans tout son être ? Il ferait de plus grandes choses que le Réparateur
même, parce que le Réparateur n'a fait que semer les germes de
l'uvre, et que le nouvel homme peut entrer en moisson, puisque chaque
jour, la récolte se mûrit. Le Réparateur a ressuscité
des morts individuels ; le nouvel homme pourra ressusciter des tribus entières.
Le Réparateur a calmé les flots d'un lac, le nouvel homme pourra
calmer les flots de l'océan. Le Réparateur a rendu la vie à
quelques aveugles, le nouvel homme pourra ouvrir les yeux à tout ce qui
l'entoure. Le Réparateur a délivré des hommes détenus
corporellement par les liens de l'ennemi, le nouvel homme pourra rompre, à
la fois, toutes les chaînes de tous les hommes de désirs.
En opérant toutes ces merveilles, il dira : Seigneur, c'est à
votre nom que toute la gloire en est due, parce que vous vous êtes humilié
pour élever l'homme, vous n'avez fait que voler légèrement
devant lui, comme l'aigle vole devant ses petits pour leur enseigner à
voler à leur tour et à exercer leurs forces, et vous avez voulu
qu'il devînt, par vos leçons, aussi grand qu'il aurait dû
l'être, s'il n'avait point abandonné l'ancien poste que vous lui
aviez confié. Vous n'avez voulu opérer devant l'homme que dans
votre état d'abaissement, et d'humiliation, afin que, par sa fidélité
à suivre votre exemple et vos ordonnances, il pût parvenir à
opérer dans votre gloire, et c'est pour cela que vous lui avez promis
qu'il ferait de plus grandes choses que vous. Mais quelque grandes que soient
les oeuvres qu'il pourra faire, il ne pourra cesser de célébrer
d'autant plus vos louanges, parce que c'est vous qui l'avez régénéré,
et que c'est par vous seul qu'il a acquis le pouvoir d'opérer en vous.
Tel fut l'esprit de sagesse et d'humilité qui dicta la réponse
du Réparateur à sa mère lorsqu'elle lui dit : Ils n'ont
point de vin. Car lorsque le Réparateur lui répondit : Femme,
qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon oeuvre n'est pas encore venue
; il contempla sa grande puissance par laquelle il devait un jour ouvrir la
source des eaux vives dans le ciel, et voir le fruit nouveau de la vigne dans
le royaume de son père ; mais les hommes n'étant point encore
préparés à partager divinement ces avantages, puisqu'ils
sont encore sous le joug de l'apparence, il déclare que son heure n'est
point encore venue, et il se borne à laisser opérer son action,
devant eux, sur des substances élémentaires ; opération
assez frappante pour les remplir d'étonnement, et de respect pour celui
qui en est l'auteur ; tandis que la sublime opération divine dont elle
est l'image, eût échappé à leurs regards, et fût
devenue entièrement inutile pour eux.
Cette opération devenait en même temps un type instructif pour
ceux dont l'intelligence avait acquis quelques développements ; non seulement
elle annonçait le renouvellement de la nature, mais elle fit naître
au maître d'hôtel une observation significative quand il dit à
l'époux : Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on a
beaucoup bu, il en sert alors de moindre, mais pour vous, vous avez réservé
jusqu'à cette heure le bon vin.
Le sens de cette réponse peut en effet annoncer la différence
du règne de la matière, et du règne de l'esprit, parce
que le règne de la matière ne va jamais qu'en dégénérant,
puisque son principe, ses moyens, son terme, tout est borné en elle,
et finit par le néant ; au lieu que le règne de l'esprit ne peut
aller qu'en s'accroissant continuellement, et promet toujours à l'homme
de nouvelles jouissances ; or cette différence était clairement
indiquée, puisque c'est le Réparateur lui-même qui avait
agi directement, et spirituellement sur l'eau dont il avait fait remplir les
urnes. En outre, le sens de l'observation du maître d'hôtel annonçait
avec encore plus de clarté le caractère, et le terme de la loi
ancienne, et l'esprit de la loi nouvelle que l'amour divin venait apporter sur
la terre.
Car cette loi ancienne étant circonscrite dans les mesures du temps,
et proportionnée à l'état terrestre de la famille humaine,
devait subir un terme, et ne pouvait manquer d'occasionner la satiété
quand les besoins spirituels de l'homme auraient été plus développés,
au lieu que la loi nouvelle, remplaçant l'homme dans la ligne de vie,
devait lui procurer des jouissances toujours croissantes comme l'infini, et
des trésors toujours plus doux, et plus abondants. Or il n'y avait que
le Réparateur qui pût ainsi apporter le bon vin à la fin
du repas ; et cette oeuvre fut l'occasion d'une grande joie dans la région
supérieure et divine, car le grand monde ne peut manquer d'éprouver
un ravissement lorsque le petit monde entre dans ses mesures particulières,
vu le rétablissement des similitudes qui est le principal désir
de ce grand monde.
Lisons ici une seconde raison pour laquelle le nouvel homme a acquis tant de
droits et de propriétés si puissantes, et si merveilleuses. C'est
que pendant le séjour qu'il a fait dans le désert, il a appris
à connaître le nom de l'ennemi qui était attaché
à sa poursuite ; il a connu sa région, ses facultés, sa
puissance, les causes éloignées ou prochaines qui l'ont placé
près de lui, le nom et l'autorité des chefs sous lesquels il agit,
ses rapports, ses correspondances, les plans généraux et particuliers
qui lui sont tracés, et les moyens qu'il emploie chaque jour pour tâcher
de parvenir à ses fins désastreuses ; plus le nouvel homme a fait
de profondes découvertes sur le mobile, et la marche de ce malfaiteur,
plus il a été en état de déranger ses plans et de
faire manquer tous ses pièges, parce que comme l'esprit de l'homme ne
peut rester dans le néant, et dans le vide d'action, il ne peut non plus
éloigner de lui l'influence fausse, sans que l'influence vraie ne le
remplisse.
Le nouvel homme a donc reçu aussi dans le désert la connaissance
du nom de celui qui le protège et l'accompagne dans sa carrière
d'épreuves et de combats ; il a connu non seulement le nom de celui qui
le protège, mais le rang qu'il occupe dans la hiérarchie céleste,
ses rapports, ses correspondances, les vastes desseins que la sagesse lui a
confiés pour la direction de son élève, et les motifs sacrés
pour lesquels cette sagesse l'a envoyé près de lui.
Le fruit que le nouvel homme a retiré de toutes ces découvertes,
c'est d'avoir laissé pénétrer en lui une sorte d'impétuosité
spirituelle qui s'est emparée de son courage, de son amour, de sa parole,
de sa pensée et qui n'est que la correspondance de cette impétuosité
divine avec laquelle l'action supérieure cherche à se précipiter
en nous pour y prendre la place des ténèbres et de la mort.
Mais il n'a recueilli un pareil fruit qu'après avoir éprouvé
une sensation, à la fois, bien lamentable et bien consolante. Car comment
contempler avec indifférence le tableau des malheurs de l'homme et des
ressources qui lui sont offertes contre ces malheurs ! Aussi le nouvel homme,
frappé alternativement par ces deux forces opposées, est parvenu,
par leur comparaison, à sentir sa dignité, et sa noblesse. Après
avoir frissonné sur les misères de l'homme, il a frissonné
sur sa grandeur, qui ne l'aurait pas rendu si malheureux s'il n'avait pas eu
de si immenses moyens de devenir coupable ; et réciproquement après
avoir frissonné sur la grandeur de l'homme, il a frissonné sur
ces misères ; et c'est par le choc de toutes ces violentes sensations
que l'âme du nouvel homme s'est mise à découvert, que le
principe supérieur a pu opérer sur elle un contact puissant qui
l'a revivifiée, et qui l'a pénétrée de cette active
et sainte impétuosité qui est le vrai caractère de la vie.
36.
Le Seigneur a choisi l'âme de l'homme pour y faire sa demeure ; il voudrait
s'y promener à loisir dans les sentiers spacieux qu'il s'y est préparés.
Il y déploie toute sa majesté, et pour qu'elle puisse être
mieux aperçue, il y fait briller des astres éclatants dont la
lumière répand une splendeur ineffable jusque dans les retraites
les plus cachées de cet asile sacré. Il s'y est formé un
temple où ses Lévites sont employés journellement au culte
de leur Dieu, et à la pratique des cérémonies saintes.
Chaque jour il y consacre l'huile de vie qui doit servir à renouveler
perpétuellement les sources sacramentelles de tous les dons de son esprit.
Il a placé dans le lieu le plus éminent de ce temple une chaire
de vérité ; il y fait asseoir son envoyé pour annoncer
aux nations la parole de joie qu'il puise dans la langue éternelle.
Moïse, ceux qui étaient assis sur ta chaire, le Seigneur nous ordonna
de les écouter, et de pratiquer ce qu'il recommandait d'après
la loi. Saint réparateur, tu nous ordonnas d'écouter tes apôtres
que tu envoyais dans le monde pour annoncer ta parole, puisque tu ne priais
que pour eux, et pour ceux qui croiraient à leur prédication.
Comment ne croirions-nous donc pas aux apôtres qui habitent dans le temple
de l'homme, puisque nous avons dû croire aux prophètes qui ont
déjà prophétisé en lui ?
Comment, dis-je, ne croirions-nous pas aux apôtres qui habitent dans le
temple de l'homme, dans ce temple plus ancien que les temples temporels des
deux alliances, dans ce temple où celui qui prêche la parole, est
non seulement assis sur la chaire de Moise, et sur la chaire de la seconde loi,
niais encore sur la chaire de la loi primaire, de cette loi assez ancienne pour
être assise, elle-même, sur la chaire de l'unité ?
C'est là cette montagne sur laquelle le nouvel homme va monter pour parler
à tout le peuple qui l'environne, et après qu'il se sera assis,
et que toutes ses pensées se seront rassemblées autour de lui
comme étant ses disciples, il ouvrira la bouche et leur dira :
" Bienheureux ceux qui sont assez pauvres d'esprit pour se laisser dérober
par leur ennemi secret leur gloire et leurs avantages temporels, et laisser
leur propre monde briller au-dessus d'eux, et les plonger dans l'obscurité,
parce qu'étant exclusivement occupés à la recherche de
leur principe et de leur rapprochement de la vérité, ils se rendront
assez semblables à elle pour qu'elle vienne les visiter, et les rendre
par là possesseurs du royaume des cieux, dans le temps même que
leur propre monde, où l'homme de péché qui est lié
à eux les croira dans l'indigence et, l'ignominie ! "
" Bienheureux ceux qui ne s'offenseront point des efforts et des tentatives
que cet homme de péché fera pour leur nuire ; mais qui seront
tellement occupés à la culture de leur terre, qu'ils ne se laissent
pas même distraire par les reproches qu'il leur fera intérieurement
d'être sans lumières, sans éclat, sans honneur, sans richesses,
sans estime à ses propres yeux qui ne font qu'un avec les yeux du monde
! C'est avec justice que la terre leur sera donnée, qu'elle leur appartiendra,
et qu'ils la posséderont, puisqu'ils en auront gagné la possession
par une culture si exclusive, et par des soins aussi assidus. "
" Bienheureux ceux dont l'homme intérieur est dans les larmes, et
dont le cur est tourmenté par l'abondance de l'amertume ! C'est
une preuve que la parole du Seigneur est descendue en eux, et qu'elle y comprime
toutes les substances de mensonge ; c'est une preuve que la parole s'est imprégnée
elle-même de leurs douleurs jusqu'à en être gonflée
; c'est une preuve qu'ils ont senti les pleurs de la parole de vie qui s'est
répandue dans l'âme des prophètes de tous les temps, qui
n'a cessé de parler par eux des pleurs des prêtres, des pleurs
de la terre d'Israël, des pleurs des voies de Sion, des pleurs du rempart
et de la muraille, des pleurs de la récolte de la vigne, des pleurs des
habitations des pasteurs, qui s'est transformée en larmes de sang, dans
l'uvre du Réparateur, qui s'est empressée de recommander
à l'homme de laisser librement pleurer la parole en lui, et de pleurer
abondamment avec elle, puisque ce n'est qu'ainsi que le péché
sortira de lui pour y être remplacé par la joie pure, par le sentiment
actif de la liberté de sa nouvelle existence, et par les plus douces
et les plus ineffables consolations de la vie. "
" Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de
la justice, qui auront aimé leur être jusqu'à se déterminer
à goûter la mort, pour lui fournir les moyens de goûter la
vie, et pour se mettre en état de prononcer le jugement qui est remis
à tous les enfants des hommes ! Car le vieil homme est toujours en litige
avec l'homme nouveau, et si l'homme intérieur prononce avec force le
jugement et l'arrêt contre le vieil homme, l'homme nouveau n'est-il pas
sur le champ remis dans tous ses droits, comme cela arrive dans les contestations
des hommes par le seul effet de la sentence des juges de ce monde ? L'effet
n'en doit-il pas être plus grand dans les choses qui tiennent à
un ordre vif ? Et n'est-ce pas là le vrai moyen qui est offert à
l'homme d'être rassasié de la justice ? "
" Bienheureux ceux qui sentent que nul autre qu'eux-mêmes ne peut
leur faire une réelle offense, puisque nul autre qu'eux-mêmes ne
peut percer jusqu'à leur essence ? Il seront uniquement occupés
à leur propre surveillance, et à ne pas souffrir qu'ils se fassent
eux-mêmes le moindre toit et le moindre outrage ; et cette sévérité
sans borne les absorbera tellement, comme étant la seule nécessaire
et la seule utile pour eux, qu'ils seront naturellement disposés à
être miséricordieux envers les autres, puisque les autres ne peuvent
pas les offenser. Par cette véritable et vivifiante indulgence envers
les autres, le nouvel homme peut leur faire naître le désir de
se surveiller eux-mêmes à leur tour, et les ramener par là
à la vie de leur être qui consisterait à ne se faire à
eux-mêmes aucune offense ; et voilà de quelle manière il
obtiendra que Dieu soit miséricordieux à son égard, s'il
était assez malheureux que de s'oublier au point de l'offenser. "
" Bienheureux ceux qui auront assez purifié leur cur pour
qu'il puisse servir de miroir à la divinité, parce que la divinité
sera elle-même un miroir pour eux ! Le nouvel homme ne doute pas que par
ce moyen il ne parvienne intérieurement à voir Dieu, parce qu'il
sait que tel était l'objet de l'existence de l'homme primitif ; en conséquence
il posera des sentinelles à toutes les avenues de son être pour
empêcher qu'aucune influence altérée ne pénètre
jusqu'à lui, et ne ternisse l'éclat de ce miroir divin qu'il porte
en lui. Ces sentinelles seront fidèles à garder leur poste, parce
que c'est avec autorité que l'homme peut les placer, et qu'elles ne peuvent
manquer de remplir avec soin leurs fonctions, lorsqu'il se détermine
à leur en prononcer les ordres "
" Bienheureux ceux qui soupirent après la paix de l'esprit, et qui
y marchent par le sentier des oeuvres pacifiques, en ne se livrant à
aucun des partis opposés et furieux qui se battent journellement dans
l'homme ! En se délivrant ainsi de la tourbe tumultueuse de leur propre
monde, ils prendront pour leur père le souverain auteur de la tranquillité
suprême, et de l'éternelle paix, et deviendront par là les
légitimes enfants de Dieu, puisqu'ils manifesteront le caractère
distinctif de cette source où ils ont puisé la naissance et qui
ne peut manquer d'être calme, puisqu'elle est perpétuellement remplie
du sentiment inaltérable de son infinité, de son éternité,
de son universalité. Ainsi ils pourront dire à leurs ennemis :
tremblez, fuyez, vous ne pouvez rien contre moi, parce que je porte en moi un
nom qui signifie le fils de votre Dieu. "
" Bienheureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice
! Ils ressemblent à ceux qui sont pauvres d'esprit, et c'est la même
récompense qui leur est réservée ; car il n 'y a que le
nouvel homme qui souffre de persécution pour la justice, attendu qu'il
n'y a que lui qui soit affamé de la justice, et que l'ennemi laisse tranquille
tous les autres, puisque les autres ne le troublent point, ne le révoltent
point, et ne le gênent point dans ses mesures fausses et injustes ; mais
quand la lampe est mise sous le boisseau, elle décèle les malfaiteurs
qui s'étaient cachés dans la maison, et elle les oblige ou à
fuir, ou à entrer en combat avec le maître du logis pour empêcher
qu'il ne les dénonce, et qu'il ne les livre à la justice. Quelles
persécutions, et quels combats le nouvel homme n'aura-t-il donc pas à
éprouver puisqu'il allume des lampes dans tous les lieux de sa maison,
et qu'il anime contre lui à la fois tous les malfaiteurs qui s'y étaient
introduits et qui la menaçaient d'une grande ruine ? Mais aussi quelles
réjouissances, et quelles consolations ne doit-il pas se promettre pour
avoir si bien surveillé la maison qui lui a été confiée,
puisque cette maison est la maison du Seigneur ? Le ciel même sera sa
récompense, puisque le ciel n'attendait que le moment où cette
maison serait ainsi nettoyée et purgée des malfaiteurs pour venir
y faire son habitation. "
37.
Vous savez qu'il est écrit (Ezéchiel 33:8), si lorsque je dirai
à l'impie : impie, vous mourrez très certainement, vous ne parlez
point à l'impie afin qu'il se retire de sa mauvaise voie, et qu'il meure
ensuite dans son iniquité, je vous redemanderai son sang à vous-mêmes.
Et moi je vous dis que ce n'est pas seulement le sang des autres que la justice
vous redemandera, mais qu'elle vous redemandera le vôtre même si
nous avez négligé de l'employer à la défense de
votre propre règne, que vous vous soyez contentés d'en chasser
l'iniquité, et que vous n'en ayez pas chassé jusqu'à la
moindre faiblesse. "
" Vous êtes l'or, vous êtes le talent distribué par
le maître à ses serviteurs ; souvenez-vous qu'il ne le distribue
que pour en retirer des fruits abondants, et pour qu'il soit continuellement
dans la main des banquiers. Si vous ne l'avez pas fait valoir, la justice vous
redemandera non seulement le fonds, mais encore les intérêts que
ce fonds aurait dû lui rapporter, et elle vous ôtera même
ce fonds avec lequel vous auriez pu obtenir de ces intérêts à
l'avenir. Comment parviendrez-vous à vous acquitter avec elle ? Vous
êtes le sel de votre terre, s'il devient fade, avec quoi le salera-t-on
? Et votre terre ne deviendra-t-elle pas fade elle-même ? "
" Votre leçon entière est dans ces paroles : Les serviteurs
que mon père aime, sont ceux qui le servent en esprit et en vérité.
Ainsi ne vous en tenez pas à une simple croyance au principe divin dont
votre âme immortelle a reçu la vie. Ne vous en tenez pas même
à cette foi vive que par votre union avec lui vous pouvez tout opérer
pour votre bien, et celui de vos frères qui demeurent avec vous dans
votre temple particulier, mais faites en sorte de ne vous donner aucun repos
jusqu'à ce que cette vive foi se soit convertie en actes positifs, et
en faits réels. Us serviteurs que le père aime, ce sont ceux qui
prouvent leur foi en la divinité de leur nature par la divinité
des fruits qu'ils produisent, et par le soin qu'ils prennent que dans eux les
triples nombres s'accomplissent ; sans quoi le cercle reste ouvert, l'uvre
n'est pas achevée et reste incomplète, et vous ne pourrez pas
dire que vous serviez Dieu en vérité, puisque vous ne le servez
pas en oeuvres effectives. "
" Vous pouvez honorer Dieu par vos prières, mais vous pouvez l'honorer
encore plus par les services que vous vous rendrez à vous-mêmes
en son nom, et dans l'esprit de sa gloire et de la manifestation de sa lumière,
car ces sortes de services seront pour lui, au lieu que vos prières sont
principalement pour vous, et comme des préservatifs contre les dangers
qui vous menacent et des appuis contre les faiblesses qui vous rongent. "
" Ceux qui ne servent leur Dieu qu'en intelligence, ne connaissent pas
la vie réelle, puisqu'ils ne vivent que dans les images, aussi ne sont-ils
récompensés que par des images. Il faut que votre cur et
toutes les propriétés de votre être deviennent autant d'agents
et d'organes actifs sans aucune interruption, si vous voulez vivre dans les
réalités et servir votre meure en esprit et en vérité.
"
" On vous a dit que le cur de l'homme était la terre où
Dieu voulait continuellement semer le grain. Vous avez donc la propriété
de le faire fermenter et produire en y joignant les sucs nourrissiers et végétatifs
dont vous êtes l'organe et le foyer. La vérité sème
moins en vous qu'elle n'espère en recueillir, afin de vous laisser la
gloire et le mérite d'avoir concouru à l'uvre, et le droit
de demander votre rétribution lors de la récolte. Voyez combien
la terre périssable que vous habitez rend de richesses et de fruits innombrables,
pour quelques grains d'un blé corruptible que le laboureur sème
dans son sein. Lors donc que le grain de l'éternelle vérité
se sème dans la terre vive, jugez quelle immense moisson il en doit résulter,
surtout si vous ne cessez de sentir que c'est de Dieu que viennent à
la fois la terre vivante, le grain, et le laboureur. "
" Lorsque le Seigneur sème quelque grain en vous, commencez donc
par le recouvrir précieusement de toutes les terres déjà
remuées auparavant, c'est-à-dire de la confiance, de la vigilance,
et de la constance à veiller à la conservation de ce dépôt
précieux. Que jamais les séduisantes amorces de la contemplation
ne laissent à votre esprit le temps d'interrompre votre cur dans
son uvre ; sans quoi vous mettrez le grain à découvert au
lieu de le laisser fermenter dans la terre ; il se desséchera, ne pourra
porter aucun fruit, ou bien il sera dévoré par les oiseaux "
" Souvenez-vous que si l'âme de l'homme est destinée à
servir de temple à l'éternel auteur de ce qui est, il faut qu'elle
ait en elle, à la fois, toutes les formes capables de contenir toutes
les propriétés de cet être infini, selon toutes leurs vertus,
actions, et subdivisions, sans quoi ce suprême et majestueux Créateur
de tout ce qui existe, ne pourrait pas entièrement et librement habiter
en elle. Souvenez-vous alors que si l'âme de l'homme est destinée
à servir de temple à l'Eternel, vous n'avez plus un seul mouvement
qui doive demeurer en votre possession, puisque le souverain auteur qui a produit
ces formes pour lui servir de demeure et qui vient les habiter, doit être
le seul à qui en appartienne la disposition ; c'est pourquoi le Réparateur
nous a défendu de jurer par notre tête, puisque nous n'en pouvons
rendre un seul cheveu blanc ou noir ; car pour jurer par quelque chose, il faut
posséder quelque chose; or nous ne possédons rien, pas même
notre être puisqu'il n'est que la forme, et le domaine de Dieu. "
" Vous avez appris du Réparateur, à dire : notre père
; et vous ne pouviez l'apprendre que de lui, puisque, jusqu'à lui, vous
étiez sans Dieu en ce monde (Ephésiens 2:12) vu que vous n'étiez
venus en ce monde que pour vous être séparés de Dieu ; et
s'il ne s'était pas rendu fils de Dieu pour vous enseigner par ces paroles
consolantes, et par sa personne, que l'homme est le fils de Dieu, vous auriez
oublié à jamais, que Dieu est votre père. Vous n'auriez
pu prononcer ce nom qu'il fallait reconnaître pour ouvrir la porte à
votre réconciliation, et vous auriez été assimilés
à celui qui ne se souvient plus qu'il a porté autrefois le glorieux
titre de fils de Dieu. "
" Ce Réparateur vous a enseigné à demander à
votre père, votre pain quotidien, et à être préservés
du mal ; si votre âge l'eût permis, il vous eût découvert
de plus grandes merveilles encore dans les miséricordes de votre Dieu,
il vous eût découvert que ce Dieu ne cesse de vous offrir ce pain
quotidien, en ne cessant de vous communiquer sa sainte et exclusive action qui
devrait nous animer tous ; ainsi toute notre sagesse devrait se porter à
ne pas refuser les secours qu'il nous offre journellement, et notre seule prière
pourrait se réduire à lui demander la grâce de ne pas repousser,
comme nous le faisons, les dons, et les faveurs dont il nous accable. Car le
nouvel homme n'a de différence d'avec les imprudents, qu'en ce qu'il
accepte ce pain quotidien, et qu'il s'en nourrit, tandis que les autres le rejettent,
le dédaignent, et nient ensuite son existence. "
" Vous savez ce que le Réparateur déclara à ceux qui
espéraient être reconnus comme enfants de Dieu pour avoir guéri
des maladies, et chassé des démons en son nom ; il leur dit :
le Seigneur répondra : Allez-vous en, je ne vous ai jamais connus. En
effet, le nouvel homme vous apprendra que ces oeuvres sont au nombre des droits
de votre être, et qu'elles ne sont pas, à beaucoup près,
l'objet principal de votre renaissance. Les Juifs n'avaient-ils pas été
traités avec colère ? Oui, ces oeuvres sont tellement au nombre
des droits de votre être, qu'il vous est recommandé de vous purifier
de vos péchés. Or, cette purification ne peut se faire qu'en chassant
de chez vous l'ennemi, qui est le prince de l'iniquité, et de la souillure
; et quand vous serez parvenus à le chasser entièrement de chez
vous, ne sera-ce pas une propriété naturelle de votre essence
pure que de le chasser de chez les autres ?"
" Songez donc que l'objet véritable de l'uvre du nouvel homme
est de se régénérer dans la vie divine, qui est l'amour,
et la lumière : songez que vous ne pouvez obtenir de degré de
jouissance sans que Dieu vous connaisse, et sans qu'il soit intimement uni avec
vous, comme il le fut avec Moïse lorsqu'il l'appela, et qu'il le connut
par son nom. Songez que vous ne pouvez être ressuscités (Romains
8:9) et être sauvés sans confesser que le Réparateur est
ressuscité, parce que vous ne pouvez le confesser sans le savoir, sans
le sentir, et dès lors, sans être ressuscités avec lui.
Souvenez-vous ensuite que le Réparateur n'était pas encore ressuscité,
lorsqu'il dit aux Juifs ces paroles que vous venez d'entendre sur le pouvoir
de chasser les démons, et que c'est une preuve de plus que ce pouvoir
n'est que secondaire dans l'ordre de votre régénération.
"
" Il vous a été dit que quelque chose que vous demandassiez
au père, au nom du Réparateur, vous l'obtiendriez ; mais comment
demanderez-vous au nom du Réparateur si ce nom ne vous est pas connu,
c'est-à-dire, s'il n'a pas pénétré jusque dans l'intelligence
de votre cur, par la douceur de sa vivante activité ? Voici donc
comment vous pouvez espérer que ce nom se fasse connaître à
vous, et comment vous pouvez vous en servir utilement. "
" Toutes les fois que votre esprit se sentira dans l'indigence, et dans
le besoin, présentez au Réparateur le dénombrement des
grâces antérieures qu'il vous a faites. Dites-lui : " Je suis
celui à qui vous avez remis telle et telle dette, je suis celui que vous
avez fortifié dans telle occasion, je suis celui en qui vous avez développé
telle lumière, je suis celui que vous avez préservé dans
telles circonstances, je suis celui que vous avez étonné tant
de fois par la douceur si inattendue de vos joies toujours nouvelles ; enfin
je suis celui pour qui vous avez fait, et pour qui vous faites encore de continuels
miracles de miséricorde, et d'allègement dans nos peines, dans
nos dangers, et dans nos ténèbres. Il reconnaîtra ses propres
oeuvres dans ce dénombrement que vous lui présenterez, et il s'approchera
encore davantage de vous, afin que vous puissiez parvenir un jour à demander
en son nom, à son père, tous vos besoins. "
38.
" Vous savez qu'il est écrit que vous ne devez point jeter vos perles
devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, et qu'ils ne
se tournent contre vous. Ce précepte regarde en particulier l'homme qui
soupire après sa régénération ; il prend une telle
idée de la grandeur des trésors qui lui sont promis, et une idée
si horrible de la souillure de son être, qu'il craint toujours de laisser
en lui quelque substance corrompue qui, comme les pourceaux, aille fouler aux
pieds les perles qu'on lui présenterait, et qui ne se tourne contre celui
qui lui aurait offert tous ces trésors. Lorsque vous deviendrez des hommes
nouveaux, ne parlez point de la vérité à ce qui, dans vous,
ne sera pas encore régénéré dans l'innocence, et
dans la foi de l'esprit ; contemplez-vous pour savoir s'il n'y a pas encore
en vous quelque chose qui soit à un tel point de faiblesse, et de ravalement,
qu'on doive lui laisser ignorer même qu'il y a un remède universel
; savoir, celui de l'amertume. "
" Ce n'est qu'aux facultés, déjà dans le sentier de
la vie, que vous devez communiquer l'utile mystère des douleurs de la
pénitence de l'esprit, qui seule nous découvre si clairement les
deux êtres qui sont en nous, et qui, seule, offre à l'homme comme
autant d'échelons, pour l'aider à monter sur l'autel du sacrifice,
jusqu'à ce que le feu de l'esprit descende sur lui, comme au temps de
la loi des holocaustes, et l'enlève ensuite avec lui dans la région
de la vie. "
" Ainsi vous reconnaîtrez que vos péchés sont couverts,
quand vous sentirez que la sagesse laisse descendre en vous quelque base nouvelle
et féconde, sur laquelle puisse s'élever l'universel édifice
; car cette sagesse ne vous enverrait pas un tel présent, si elle n'avait
auparavant, emporté tous les décombres et toutes les ruines que
vos égarements avaient produits. "
" Ayez donc constamment le soin de rompre la chaîne de vos crimes,
et de la laisser à demeure sous vos pieds, afin que rien en vous ne repousse
les trésors qui vous seront prodigués par la sagesse qui veille
sur vous ; car elle vous en enverra de plus considérables encore que
ceux que l'ennemi vous avait fait perdre, parce qu'elle est mille fois plus
riche, et plus bienfaisante qu'il ne peut être méchant et pervers.
Elle enverra des anges pour enlever les pierres de vos sépulcres, et
après vous avoir fait sortir vivants de vos tombeaux, ils s'assoiront
sur ces pierres comme un signe éternel que la mort ne reprendra plus
ses droits sur vous. "
" Le terme final, et la destination du nouvel homme ne doivent-ils pas
l'emporter sur les degrés obscurs et pénibles de sa réconciliation,
et n'est-il pas attendu dans un temple plus brillant, et plus vaste que ne peut
le lui faire concevoir aujourd'hui toute l'étendue de ses pensées
? Ne faut-il pas que tout soit précipité pour que la grande clarté
lui soit rendue ? Sanctifiez-vous, disait Josué au peuple, car le Seigneur
fera demain parmi vous des choses merveilleuses. "
" Quelles sont ces merveilles ? C'est de faire planer le nouvel homme au-dessus
des mondes, d'être pour lui un signe perpétuel de gloire et de
triomphe, et de le faire asseoir sous les portiques sacrés, pour y chanter
éternellement les cantiques du Seigneur. Car, si vous êtes assez
fidèles aux lois, et aux ordonnances du Seigneur pour que son nom vous
remplisse, et se mette en possession de tout votre être, c'est ce même
nom qui engendrera en vous toutes vos substances vives, ou toutes les formes
des vertus divines ; vos facultés seront les agents, et les organes de
ces formes, la sagesse les conservera dans leurs justes mesures, et dans leurs
proportions, pour que tout ce qui est en vous manifeste l'harmonie du Père
céleste qui vous a donné la vie ; ainsi votre Dieu tout entier
passera en vous : et voilà comment vous deviendrez la ressemblance de
votre principe, et l'image active du grand monde et de l'éternité.
"
" Ne vous attachez qu'aux désirs que la sagesse vous envoie : vous
les connaîtrez au calme qu'ils feront naître dans votre cur,
et à la lumière qui les accompagnera, puisqu'ils seront les fils
de la lumière, et que la sagesse n'envoie jamais des désirs au
cur de l'homme, sans lui envoyer, en même temps, tous les moyens
de les satisfaire, parce qu'elle est l'unité, parce qu'elle n'opère,
et n'engendre que l'unité, et qu'elle ne peut agir que dans ses propres
lois qui sont toutes liées dans cette unité. Défiez-vous
donc des désirs qui ne viendront que de votre propre sagesse. Vous les
reconnaîtrez aux mouvements impétueux, et inquiets qu'ils exciteront
en vous, de même qu'aux innombrables difficultés dont leur accomplissement
se trouvera hérissé, et qui ne pourra jamais avoir lieu sans retarder,
au moins pour un temps, votre avancement dans la carrière simple et libre
de la vérité. "
" Pressez-vous de faire votre oeuvre, fût-ce même avant son
temps, s'il était possible ; non seulement vous acquerrez par là
les moyens d'obtenir de plus grandes richesses dans les possessions de la lumière,
et de l'esprit, mais vous pourrez encore jouir paisiblement du repos pendant
la chaleur du jour, tandis que ceux qui auront été moins actifs,
ainsi que ceux qui se seront abandonnés à l'insouciance, et à
la négligence, seront obligés de supporter tant de fatigues, que
peut-être ils n'y résisteront pas, et finiront par être réduits
à la disette, et à une effroyable misère. "
Ne vous arrêtez donc pas aux obstacles que les infidèles qui demeurent
dans votre sein voudront opposer à votre oeuvre. Dites-leur : vous aurez
beau rejeter ma parole, j'en étourdirai vos oreilles, et je vous poursuivrai
jusqu'à ce que les ordres de mon maître soient exécutés,
et que vous rendiez hommage à sa gloire. Est-ce à moi de mesurer,
et de juger les voies du Seigneur ? J'ai accepté dans l'humilité
de mon âme, le nom de son prophète, et de son envoyé, et
plein du désir de faire honorer son nom, et sa puissance, je ne veux
pas qu'il ait à me reprocher de n'avoir pas averti ceux qui s'égarent.
C'est sur vous qui habitez en moi, et qui êtes les plus proches de mes
semblables, que je dois manifester son empire, et à qui je dois annoncer
son nom. C'est sur vous que je dois faire tomber toutes les plaies d'Egypte,
jusqu'à ce que vous ayez rendu la liberté au peuple choisi. "
" Je ne dirai pas même, en allant vers vous, comme disait Moïse:
A quels signes me reconnaîtront-ils ? Vous me reconnaîtrez à
la puissance du Seigneur qui est descendue dans l'âme de l'homme, et qui
a fait que nul prophète égal à l'homme ne s'est élevé
dans Israël. Vous me reconnaîtrez à ce que tout homme est
né pour être triomphant dans son propre royaume, quoiqu'il doive
s'attendre à la vérification de cette parole, nul prophète
n'est bien reçu dans son pays terrestre. "
" Donnez donc un libre cours aux paroles du salut, et de la régénération
qui ont été accordées au nouvel homme. Aidez-le à
exterminer les agents de l'iniquité, à précipiter dans
la mer les animaux impurs qui auront servi d'asile aux esprits de ténèbres,
et à faire ouvrir à demeure les sept canaux de la sainteté
; la vie qui en descendra vous communiquera un nom dont vous ne pouvez concevoir
les merveilleuses puissances, et les richesses ineffables ; faites-vous seconder
du feu du ciel pour que tout ce qui est en vous tremble devant le Seigneur,
et pour que vous marchiez sur les traces du fils du grand Azarias, en qui la
parole sainte et divine consumait toutes les substances qui sont étrangères
à l'esprit. "
" De même que l'action continuelle de Dieu est de chasser loin de
lui l'erreur et les ténèbres, et d'étendre perpétuellement
le royaume de la vie, malgré tous les ennemis dont ce royaume est environné
et menacé, de même lorsque ce Dieu s'unit à vous, il vous
est possible d'opérer les mêmes oeuvres dans votre royaume particulier,
puisque l'action de Dieu, en changeant de lieu, ne change ni de force, ni de
pouvoir, et qu'elle ne fait alors en vous, que ce qu'elle fait sans interruption
hors de vous. "
" Il vous a été dit de ne point vous mettre en peine pour
le lendemain, et qu'à chaque jour suffisait son mal. Cela vous a été
dit alors de la nourriture et du vêtement, et de toutes ces choses dont
les païens se mettent en peine, comme si Dieu ne savait pas qu'ils en ont
besoins, et qu'ils ne sût pas les donner par surcroît à ceux
qui cherchaient premièrement le royaume de Dieu et la justice ; mais
vous pouvez également appliquer ces paroles à la nourriture, et
au vêtement de vos âmes, qui vous seront donnés en abondance,
si vous cherchez réellement le royaume de Dieu, et sa justice ; car s'il
est vrai qu'à chaque jour suffit son mal, à chaque jour aussi
suffit sa consolation, puisqu'il est dit que votre père qui est dans
le ciel fait lever son soleil sur les bons, et sur les méchants, et qu'il
fait pleuvoir sur le champ des justes, et des injustes. Ainsi il n'y a pas de
jour que le Soleil divin ne se lève pour vous sur la terre de vos âmes,
de vos esprits, et de vos curs. "
" Il est écrit que si votre main droite vous est un sujet de scandale,
et de chute, vous la devez couper, et la jeter loin de vous, parce qu'il vaut
mieux qu'une partie de votre corps périsse, que non pas que tout votre
corps soit jeté dans l'enfer. Ces paroles ne tombaient alors que sur
les crimes où les désordres de votre matière pouvaient
vous entraîner. Mais elles frappaient secrètement aussi sur les
cupidités de l'esprit, et sur ces faux prophètes qui vous portent
perpétuellement à rompre l'alliance que vous avez faite avec votre
Dieu, et à en contracter avec des dieux qui ne sont point des dieux,
qui se présentent à vous vêtus comme des brebis, et qui
au-dedans, sont des loups ravissants. Car la porte de la vie est étroite,
et il y en a peu qui la trouvent ' et qui y entrent, tandis que la porte de
la perdition est large, et le chemin qui y mène est spacieux, et il y
en a beaucoup qui y passent. "
C'est ainsi que le nouvel homme, assis sur la montagne, versera dans lui-même
la lumière d'en haut et qu'il s'enseignera avec une doctrine intérieure
et vivante, et non pas avec une doctrine extérieure, morte et superficielle,
comme font les docteurs et les Pharisiens.
39.
Le nouvel homme entrera dans son temple aux jours septenaires, ou aux jours
du sabbat de l'esprit, parce qu'il sera fidèle à la loi ; quand
il sera entré et qu'il se lèvera pour lire, on lui présentera
le livre du prophète Isaïe: et il l'ouvrira (61:1) où sont
écrites ces paroles : L'esprit du Seigneur s'est reposé sur moi.
C'est pourquoi il m'a consacré par son onction. Il m'a envoyé
pour prêcher l'Evangile aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le
cur brisé, pour annoncer aux captifs qu'ils vont être délivrés,
et aux aveugles qu'ils vont recouvrer la vue, pour renvoyer libres ceux qui
sont accablés sous leurs fers ; pour publier l'année des miséricordes,
et des grâces du Seigneur, et le jour auquel Dieu rendra à chacun
selon ses oeuvres.
Il fermera le livre et dira : C'est de moi que ces paroles ont été
écrites. J'ai attiré sur moi l'esprit du Seigneur par les désirs,
et les larmes de mon esprit ; j'ai attiré sur moi les vertus du Seigneur
par ma soif de sa justice, et mon ardeur pour sa sagesse ; j'ai attiré
sur moi la mission du Seigneur en faveur des affligés par mon zèle
pour sa gloire, et pour le soulagement de mes frères ; j'ai attiré
sur moi la parole du Seigneur par la constance, et l'importunité de ma
parole, parce que nous ne pouvons rien obtenir du Seigneur qu'en lui présentant
des similitudes sur lesquelles il puisse faire descendre, et reposer son action.
Mais cette action ne peut descendre, et se reposer sur nous, sans ajouter à
la purification que nous avons commencée par nos efforts, et qui n'est
jamais complète, si la main du Seigneur ne vient elle-même consommer
l'uvre.
C'est pourquoi cette action du Seigneur ne vient jamais sur l'homme sans exciter
en lui de saints frémissements qui, en le purgeant de ses souillures,
lui font sentir physiquement combien est effroyable la faiblesse à laquelle
il est réduit, tant que l'alliance n'est pas renouvelée, et en
même temps, combien est grande la puissance de l'être infini qui
embrasse tout, que meut tout, qui pénètre tout, et qui a donné
à l'âme humaine le droit de le contempler, et de sentir sa vivante
activité.
Malheur à l'âme humaine qui, après avoir ainsi renouvelé
son alliance avec l'esprit, et la parole du Seigneur, ne tremble pas de respect
pour la mission dont elle est chargée, et ne remplit pas avec une sainte
faveur, toutes les fonctions de son ministère ! Malheur à elle
si, ayant obtenu de nouveaux pouvoirs, et des dons plus vastes pour faire descendre
plus abondamment sur elle, et dans sa région, les grâces, et les
frayeurs de la parole, .et de l'esprit du Seigneur, elle use de ces dons avec
des désirs qui ne soient pas ceux de l'esprit même, avec une foi
qui ne soit pas celle de l'amour et de la lumière, et avec des facultés
qui ne soient pas entièrement, et exclusivement dévouées
à l'uvre qu'elle doit accomplir sur la terre ! Elle se rendra coupable
du corps et du sang du Seigneur (1ère Corinth. 11:27) ; elle mangera
et boira sa propre condamnation, elle deviendra faible et malade, et tombera
dans le sommeil.
Mais si elle n'écoute que les désirs de l'esprit de vérité,
quelque dures que ses paroles puissent paraître à tous ceux de
la synagogue, elle ne doit point craindre leur colère, ni les vengeances
dont ils la menacent. Elle prospérera malgré eux, parce qu'elle
sera soutenue par la main du Seigneur, ils auront beau la chasser de leur ville,
et la mener jusque sur la pointe de la montagne où leur ville est bâtie,
afin de la précipiter, elle passera au milieu d'eux, et se retirera.
Quand elle sera ainsi unie à la main vigilante du Seigneur, celles de
ses facultés qui seront possédées des démons impurs
ne pourront approcher d'elle sans que ces esprits de ténèbres
ne jettent de grands cris, et ne lui disent : Laissez-nous, qu'y a-t-il entre
vous et nous, âme nazaréenne ? Je sais qui vous êtes, vous
êtes le saint de Dieu ; êtes-vous venue pour nous tourmenter avant
le temps ? Mais elle leur répondra avec menaces : Taisez-vous, et sortez
de moi, et ils en sortiront sans leur avoir fait aucun mal.
Ce nouvel homme voyant en lui tant de ces hommes tourmentés par des esprits
impurs, tant de malades, et d'infirmes qu'on lui apportera de tous côtés
pour qu'ils les guérisse, sentira ses entrailles émues de compassion,
de les voir ainsi languissants, et dispersés comme des brebis qui n'ont
point de pasteurs ; et il dira à ses bons intellects : la moisson est
grande, mais il y a bien peu d'ouvriers ; priez donc le maître de la moisson
pour qu'il envoie des ouvriers en sa moisson. Il ne cessera de les encourager
par son exemple, à devenir eux-mêmes des ouvriers qui puissent
l'aider dans son oeuvre. Il ne cessera de les prévenir combien cette
oeuvre rencontrera d'invisibles contradicteurs qui ne pourront pas en avoir
l'intelligence, parce qu'ils ne demeurent que dans les ténèbres.
Aussi ces contradicteurs diront-ils que c'est par le prince des démons
que tous ces ouvriers chassent les démons, aimant mieux se couvrir eux-mêmes
de confusion par cette réponse insensée, que d'avouer leur défaite,
et la supériorité de celui qui vient manifester leur ignorance.
Car ils verront des hommes muets possédés du démon ; ils
verront que c'est par la parole du nouvel homme que ces hommes muets recouvreront
l'usage de leur langue, après qu'il les a délivrés de leur
démon ; et cependant ils ne craindront pas de confondre celui qui guérit,
avec celui qui occasionne la maladie; celui qui ôte la parole, avec celui
qui la rend. Bien plus, ils ne craindront point de tomber en contradiction devant
ces démons même qu'ils veulent regarder comme les princes de ces
oeuvres puissantes, et merveilleuses, puisque ces démons reconnaîtront
eux-mêmes la force, et le nom de celui qui les chasse, et lui diront :
Vous êtes 1e nouvel homme, vous êtes le Christ, vous êtes
le fils de Dieu (Luc, 4:41).
Ils se scandaliseront de le voir enseigner d'une manière qui remplira
tout le monde d'étonnement, parce que sa parole sera accompagnée
de puissance et d'autorité ; et il sera en butte aux contradictions des
Pharisiens, des docteurs de la loi qui viendront de tous les villages de la
Galilée, du pays de Judée, et de la ville de Jérusalem,
et qui étant assis près de lui, verront sa vertu agir par des
prodiges, et la guérison des malades.
Car le nouvel homme voyant en lui-même un paralytique, et la foi de ceux
qui l'apportent à ses pieds, lui dira : Mon ami, vos péchés
vous sont remis.
Alors les Pharisiens, et les docteurs de la loi, l'accuseront de blasphèmes,
prétendant qu'il n'y a que Dieu qui puisse remettre les péchés,
tandis que par leur loi même, dont ils sont les docteurs, et les princes,
il y avait des sacrifices pour l'expiation, et pour le péché,
et que ces sacrifices étaient offerts par la main d'un homme qui, dans
cette circonstance, était l'intermède, l'organe, et l'agent de
la divinité.
Mais le nouvel homme, connaissant d'avance leurs pensées, aura commencé
par la guérison intérieure du malade, afin d'avoir l'occasion
de leur donner une instruction salutaire, et lumineuse, en leur représentant
qu'il n'est pas plus difficile de dire levez-vous, et marchez, que de dire vos
péchés vous sont remis ; parce qu'aux yeux du fils de l'homme,
toutes les puissances émanent de la même source, et que, sûrement,
le premier service qu'il puisse se rendre à lui-même, c'est d'employer
celles qui tombent sur la guérison de ses facultés intérieures,
et de ne s'occuper de la guérison de son corps, que quand son intérieur
est rétabli, sans quoi, loin d'avancer son perfectionnement, et sa régénération,
il ne ferait que rendre ses facultés plus coupables, en les dispensant
de la coulpe de leurs péchés, tandis qu'il leur laisserait la
substance de leurs péchés.
Mais ayant commencé à user des droits originels de l'âme
humaine (qui étaient de remettre les péchés) par remettre
les péchés au paralytique, en récompense de la foi qui
l'animait, il voudra encore frapper les yeux matériels des docteurs de
la loi par un prodige corporel, et par la guérison matérielle
du malade ; et sachant combien les puissances sur l'esprit s'élèvent
au-dessus des puissances qui ne tombent que sur le corps, il prouvera la guérison
intérieure, ou le pouvoir qu'il a eu de remettre les péchés
par la guérison extérieure, puisqu'une puissance moindre est nécessairement
comprise dans une puissance supérieure, ce qui nous enseigne combien
nos maux sont liés à nos désordres moraux, et que si notre
intérieur était mieux réglé, nous aurions infiniment
moins d'infirmités corporelles. Pénétré de ces principes,
le nouvel homme, ayant délié dans le paralytique les chaînes
du péché qui suspendraient l'action de tous ses organes, dira,
avec assurance, à ces organes délivrés de leurs entraves
: Levez-vous, je vous le commande, emportez votre lit, et vous en allez en votre
maison. Le paralytique se lèvera, emportera son lit, et s'en ira en sa
maison au grand étonnement de ceux qui seront les témoins de ce
glorieux événement.
Le nouvel homme sera si constamment occupé de son oeuvre, qu'il pourra
ramener ainsi tout son être à ses éléments primitifs,
en travaillant sans relâche, à réaliser ce qui est dit dans
les prophètes : Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. C'est-à-dire,
en faisant en sorte que chaque portion de son être exprime activement
la sainteté de Dieu, et dise : saint, saint, saint, comme nous avons
vu précédemment, que telle était la vraie propriété
que nous découvrait l'analyse divine de notre être ; c'est-à-dire
enfin, que tous les points de cet être qui est en nous, devaient être
mûs par les consciences vives, et progressives des diverses régions
de l'esprit, par où nous pouvons, et devons passer, jusqu'à ce
que nous soyons universellement pleins de la conscience divine. Or, si l'être
intérieur du nouvel homme arrivait à cet heureux terme, quels
maux physiques pourraient, dans son corps, résister à sa puissance
? Et ne pourrait-il pas dire avec assurance, à tout ce qui sera paralytique,
en lui : Levez-vous, je vous le commande, emportez votre lit, et vous en allez
votre maison ?
40.
Voici le moment où le nouvel homme à l'instar des disciples du
Réparateur, va aller prêcher dans les villes et dans les villages
d'Israël qui est la terre de l'homme ; voici le moment où au nom
de l'esprit, il pourra retracer l'élection de douze disciples, en développant
en lui les dons qui brillèrent dans les douze envoyés par le Réparateur.
Il offrira, en lui-même, un reflet de cette élection, en raison
du pouvoir secret, et de l'opération continue quoiqu'invisible d'une
ancienne loi qui a établi primitivement douze canaux pour la communication
de la lumière, de l'ordre, et de la mesure parmi les nations ; loi à
laquelle tous les dispensateurs des lois divines ont été fidèles,
et qui a été observée dans tous les temps, même de
la part des simples sectateurs des sciences élémentaires qui ont
universellement consacré douze signes dans les régions du firmament
matériel.
Il n'ira point porter les fruits de cette élection aux Gentils, ni dans
les villes des Samaritains, parce que ces nations sont les représentants
figuratifs des peuples réservés pour le jugement ; mais il ira
plutôt vers les brebis perdues de la Maison d'Israël ; vers les régions
qui autour de lui ont été troublées et égarées
par les influences du crime, mais qui n'ont point encore fermé leur cur
à la pénitence ; et il dira à ces nations pour les encourager,
que le royaume du ciel est proche ; il rendra au milieu d'elles par ses larmes,
par ses prières, et par ses efforts la santé aux malades, la vie
aux morts, la liberté à ceux qui seront dans les chaînes
du démon ; il n'épargnera rien pour remplir toute sa terre de
l'abondance de ses oeuvres.
Lorsqu'il entrera dans quelque ville, ou dans quelque village, de la terre de
l'homme, il y cherchera quelqu'un qui soit digne de le loger, et il demeurera
chez lui jusqu'à ce qu'il soit dans le cas de s'en aller. En entrant
dans une maison, il la saluera en disant : que la paix soit dans cette maison.
Si cette maison en est digne, la paix viendra sur elle, et si elle n'en est
pas digne, la paix retournera à lui ; parce que la paix ne Peut se confondre
avec les nations qui n'en sont pas dignes.
Mais lorsque le nouvel homme trouvera en soi quelque maison ou quelque ville
qui ne veuille point le recevoir, ni écouter ses paroles, il secouera
en sortant de cette ville ou de cette maison la poussière de ses souliers;
et cette ville et cette maison deviendront plus coupables que Sodome et Gomorrhe,
parce que Sodome et Gomorrhe n'ont entendu qu'une doctrine extérieure
qui ne tombait que sur leurs sens corruptibles, et qui ayant été
méprisée de leur part, a fait tomber la colère du Seigneur
sur leurs corps et sur leurs demeures terrestres, au lieu que le disciple dont
nous parlons portera à cette ville et à cette maison, la doctrine
du nouvel homme qui frappera sur les fondements mêmes les plus intérieurs
de leur être, et qui, si elle vient à en être dédaignée,
doit leur attirer les fléaux les plus effrayants, et les punitions les
plus cuisantes.
L'esprit qui envoie ainsi le nouvel homme dans sa propre terre le préviendra
qu'il l'envoie comme une brebis au milieu des loups, en lui recommandant d'être
prudent comme le serpent, et simple comme la colombe. Il le préviendra
de toutes les résistances qu'il éprouvera de la part des hommes,
c'est-à-dire des nations impies et incrédules qui habitent dans
le royaume de ce nouvel homme. Il lui dira : Ces nations vous feront comparaître
dans leurs assemblées, ils vous feront fouetter dans leurs synagogues,
et vous serez présentés à cause de moi aux gouverneurs
et aux rois pour me rendre témoignage devant eux, et devant les Gentils.
Lors donc que l'on vous mettra entre leurs mains, ne vous mettez point en peine
comment vous leur parlerez, ni de ce que vous leur direz ; ce que vous leur
devez dire vous sera donné à l'heure même car ce n'est pas
vous qui parlez, mais l'esprit de votre père qui parle en vous
Vous serez haïs de tous à cause de mon nom
Tel sera le sort du nouvel homme lorsqu'il parcourra les diverses régions
de son être, parce qu'il trouvera partout en lui des hommes d'iniquité
qui le repousseront, qui chercheront à le faire tomber en confusion ;
mais l'esprit du Seigneur sera avec le nouvel homme ; et il sentira naître
en lui les réponses qu'il aura à faire pour le triomphe de celui
qui l'aura envoyé, car le nouvel homme ne viendra de la part de l'esprit
que pour en combattre les ennemis.
Tous les hommes peuvent faire cette observation sur eux-mêmes, étant
bien sûrs qu'avec du soin et de l'attention, ils entendraient toutes les
réponses qu'ils auraient à faire dans toutes les circonstances
s'ils étaient plus dans l'habitude de scruter, et de profiter des lumières
du nouvel homme ; et à l'imitation des disciples du Réparateur,
ils pourraient compter que si, étant persécutés dans une
ville, ils se retiraient dans une autre, ils n'auraient pas achevé de
parcourir toutes les villes d'Israël que le fils de l'homme ne fût
venu, c'est-à-dire qu'ils n'auraient pas parcouru ainsi toutes les maisons
de l'homme que le nouvel homme ne se fit connaître en eux, et ne les récompensât
par sa venue de toutes les humiliations qu'ils auraient souffertes.
Car il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert,
ni de secret qui ne doive être connu ; espoir le plus consolant que l'homme
puisse attendre ici-bas, puisqu'avec les notions qu'il peut avoir déjà
acquises par tout ce qui a précédé, il connaît les
immenses trésors renfermés en lui, et doit être tout ému
d'admiration en présumant ce qu'il sera un jour, lorsque se seront faites
toutes les révélations de toutes les merveilles qui sont encore
scellées dans son sein, et qui le rendront resplendissant comme la lumière,
actif comme le feu, et pur comme la vérité.
Cependant ces merveilles qui seront un jour découvertes dans l'homme
ne sont encore que les images et les représentations de celles qui paraîtront
à ses yeux, lorsque le souverain être, dont il est la ressemblance,
aura découvert tout ce qui est caché de lui pour nous, soit dans
les diverses enveloppes du temps, soit au-delà de cette borne universelle
qui met un voile si épais entre nos yeux spirituels, et le royaume de
la lumière.
C'est donc ici où nous pouvons nous remplir d'une espérance qui
devrait nous faire tressaillir de joie, en lisant ces douces paroles qu'il n'y
a rien de caché dans l'univers, dans l'homme et dans Dieu, qui ne doive
être découvert rien de secret dans l'universalité entière
qui ne doive nous être connu ; homme de paix, homme de désir, nouvel
homme, si vous ne trouvez pas là de puissants encouragements, et comme
autant d'immenses véhicules pour vous soutenir et vous faire avancer
dans la carrière, vous n'êtes pas dignes d'y avoir mis le pied.
Faites donc ce qui fut recommandé aux disciples du Réparateur.
" Dites-vous donc à vous-mêmes dans la lumière de ce
qui vous a été dit dans l'obscurité, prêchez en vous
sur le haut des maisons ce qui vous aura été dit à l'oreille.
Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme,
mais celui qui peut perdre dans l'enfer et le corps et l'âme ; il ne tombe
pas un passereau sur la terre, sans la volonté de votre père.
Les cheveux mêmes de votre tête sont tous comptés. "
Que votre passion la plus active soit d'avancer ainsi le lumière dans
tout votre être, afin que ce qui est encore caché en vous soit
découvert, et que par vous ensuite se découvre et se manifeste
ce qui est caché dans Dieu et dans l'univers ; parce qu'il est écrit
: quiconque me confessera et me reconnaîtra devant les hommes (à
commencer par tout ce qui dans votre intérieur), je le reconnaîtrai
aussi devant mon père qui est dans le ciel ; et quiconque me renoncera
devant les hommes, je le renoncerai aussi devant mon père qui est dans
le ciel. Songez que ce père et ce ciel sont en vous, et que chaque jour
de votre vie, ces paroles peuvent avoir pour vous leur accomplissement. Prenez
donc garde de faiblir dans votre oeuvre, par la lâcheté, par des
considérations inférieures, ou par le défaut de confiance
en celui que vous devez reconnaître dans tous les points des facultés
qui vous constituent. Il est dit : Celui qui ne prend pas sa croix, et ne me
suit pas, n'est pas digne de moi, celui qui conserve sa vie la perdra, et celui
qui perd sa vie pour l'amour de moi la conservera ; parce que les peines, les
travaux, et les afflictions, sont cette violente compression par laquelle seule
se peut exprimer de toutes parts la substance divine qui est en vous, et qui
n'en peut sortir et se faire connaître que par une salutaire contraction.
C'est par là aussi que s'expriment de vous les substances fausses qui
voilent et resserrent cette même substance divine depuis le péché,
et voilà comment se prépare le jugement que vous prononcerez un
jour parmi votre peuple sur les justes, et sur les injustes ; sur les bons et
sur les méchants. Car vous savez qu'il est écrit: " Celui
qui vous reçoit me reçoit ; et celui qui me reçoit, reçoit
celui qui m'a envoyé. Celui qui reçoit le prophète, en
qualité de prophète, recevra la récompense du prophète,
et celui qui reçoit le juste, en qualité de juste, recevra la
récompense du juste : et quiconque donnera seulement à boire un
verre d'eau froide à l'un de ces plus petits comme étant de mes
disciples, je vous dis en vérité qu'il ne sera point privé
de sa récompense. "
Voilà les instructions que vous devez répandre avec abondance
parmi votre peuple, afin que le nouvel homme soit honoré comme il doit
l'être, et qu'il puisse communiquer la vie qu'il a reçue à
tous ceux à qui il est envoyé pour les délivrer des ténèbres
et de l'esclavage de la mort, car si quelqu'un rougit de lui et de ses paroles,
le nouvel homme rougira aussi de lui, lorsqu'il viendra dans sa gloire, dans
celle de son père et des saints anges.
41.
Il se trouvera peut-être en vous quelques êtres de désir
qui, comme saint Jean, ayant appris dans sa prison les oeuvres que vous faites,
enverra vous demander si vous êtes celui qui doit venir en vous, où
si l'on doit en attendre un autre ; vous leur répondrez donc comme le
Réparateur répondit à saint Jean : " Allez dire à
Jean ce que vous entendez, et ce que vous voyez. Les aveugles voient, les boiteux
marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts
ressuscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres, et heureux celui qui
ne prendra point de moi un sujet de scandale et de chute ! " Mais vous
direz à votre tour en parlant à cet être de désir
qui sera envoyé vers vous : " Qu'êtes-vous allé voir
dans le désert ? Un roseau agité par le vent ? Un homme vêtu
avec luxe et avec mollesse ? Un prophète ? Oui, certes, je vous le dis
et plus qu'un prophète, car c'est de lui qu'il a été écrit,
j'envoie devant vous mon ange qui vous préparera la voie ; je vous le
dis en vérité qu'entre tous ceux qui sont nés des femmes,
il n'y en a point de plus grand que Jean-Baptiste, mais celui qui est le plus
petit dans le royaume du ciel est plus grand que lui. "
Oui, vous pourrez dire : voilà cet ami fidèle qui ne m'a point
quitté dans ma détresse et dans ma douleur, et qui a été
mis en prison à cause de moi ; voilà celui dont le baptême
spirituel et physique m'a rendu un nouvel homme, voilà le précurseur
qui a crié dans le désert à tout mon peuple : rendez droites
les voies du Seigneur. Il est plus qu'un prophète, puisque les prophètes
n'ont annoncé la lumière que sous des voiles et des images qui
n'en étaient que comme des ombres, au lieu qu'il a montré et indiqué
lui-même cette lumière, et l'a fait toucher au doigt, comme saint
Jean découvrit au monde le Réparateur, lorsqu'il dit en le voyant
venir : Voici l'agneau de Dieu. Voici celui qui ôte les péchés
du monde. Il est plus qu'un prophète en ce que, comme saint Jean, c'est
par sa bouche qu'a passé l'annonce et le signalement du salut des nations.
Voilà pourquoi entre tous ceux qui sont nés des femmes ou de la
douleur, de la justice, et de la condamnation aux privations, il n'y en a point
de plus grand que lui, puisqu'il est venu pour servir de précurseur au
règne de la lumière, et pour vous introduire dans les sentiers
de la vie ; mais l'homme nouveau, c'est-à-dire, celui qui est le plus
petit dans le royaume du ciel est plus grand que lui, attendu que cet homme
nouveau, au lieu d'être né de la douleur, de la justice et de la
condamnation, est né de la consolation, de l'amour, de la miséricorde,
et de la grâce, et qu'au lieu de n'être que le précurseur
de la vie et de la lumière, il vous apporte lui-même cette vie
et cette lumière qu'il a reçues de son père et dont il
a établi l'organe et le dispensateur.
Mais que dire de ces nations impies au milieu desquelles cet homme nouveau et
son précurseur sont envoyés? " Elles sont semblables à
ces enfants qui sont assis dans la place, et qui crient à leurs compagnons,
et leurs disent: nous avons joué de la flûte pour vous réjouir,
et vous n'avez point dansé ; nous avons chanté des airs lugubres
pour vous exciter à pleurer, et vous n'avez point témoigné
de deuil. " Car le précurseur de l'homme nouveau, ou notre fidèle
compagnon est venu dans la douleur, et dans les larmes, comme étant né
des femmes, et les nations impies ont dit : Il est possédé du
démon. L'homme nouveau est venu dans la joie et dans la consolation,
comme étant né de l'esprit, et de l'amour, et elles ont dit :
c'est un homme de bonne chère, et qui aime à boire ; c'est un
ami des Publicains, et des gens de mauvaise vie. Elles ont traité le
nouvel homme, et le fidèle compagnon qui a été son précurseur,
comme elles ont traité le Réparateur, et celui qui marchait devant
lui dans la vertu et l'esprit d'Élie, pour préparer les voies
à la miséricorde.
C'est ainsi qu'elles ont traité les deux lois, et les deux alliances.
La première de ces alliances était la voie des travaux, des afflictions,
et des cérémonies pénibles et laborieuses, parce qu'elle
était la figure des précurseurs, et comme eux était née
des femmes, puisque ses ministres étaient descendus de la race charnelle
du péché répandu, par la première femme, sur toute
la postérité humaine. La seconde était l'alliance de la
paix, et du repos, puisque celui qui venait l'apporter sur la terre, était
né de son propre amour, de sa propre volonté, de sa propre charité,
et venait développer devant nous, sa génération éternelle,
afin d'élever notre esprit, jusqu'à cette sublime et pure région
où cessent toutes les fatigues, et toute la tristesse de l'esprit.
Mais les nations impies qui se sont rendues ennemies de ces deux alliances ont
combattu la première ou l'ont négligée, parce qu'elle imposait
des fardeaux trop pesants ; et elles n'ont pas profité de la seconde,
parce que ceux qu'elle leur imposait était si peu matériels, qu'elles
les ont trouvés sans consistance, faute d'en vouloir considérer
le prix, et d'en essaye toute la valeur ; c'est ainsi que les premiers prévaricateurs
n'ont point profité de la voie laborieuse de réconciliation qu'ils
auraient trouvée dans le premier homme, avant sa chute, et qu'ils ont
bien moins encore profité des secours qui lui ont été accordés
après son crime. Car, ordinairement une prévarication en engendre
presque toujours une plus grande ; et la punition que la justice inflige aux
coupables, est de les laisser devenir encore plus coupables, quand ils ne redoublent
pas d'efforts pour rentrer dans les voies de la vérité, par les
voies du repentir, et de la pénitence, à la vue des secours qui
leur sont envoyés.
Aussi, " malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi, Bethsaïde,
parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de vous
avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a déjà
longtemps qu'elles auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre.
C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement, Tyr et Sidon,
seront traitées moins rigoureusement que vous. Et toi, Capharnaüm,
t'élèveras-tu toujours jusqu'au ciel ? Tu seras abaissée
jusqu'au fond des enfers, parce que si les miracles qui ont été
faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle subsisterait
peut-être encore aujourd'hui ; c'est pourquoi je vous déclare qu'au
jour du jugement, Sodome sera traitée moins rigoureusement que vous.
Homme, mon frère, et mon ami, considère donc les miracles qui
ont été faits au milieu de toi, et tâche d'éviter
le jugement qui menace en toi Corozaïn, Bethsaïde, et Capharnaüm.
L'effet de la première prévarication du père des humains
avait été de plonger toute sa postérité dans la
région du destin ; ce malheureux homme avait abandonné sa demeure
spacieuse, et libre, où nulle borne ne contraignait ses voies, et ne
pouvait lui donner d'inquiétude sur son sort. Il l'avait changée
pour une demeure gênante, incommode, assujettie à des lois rigoureuses,
et sévères, enfin pour une demeure si périlleuse qu'il
ne peut jamais savoir qu'elle sera pour lui l'issue du destin qui la dirige,
et qui y commande avec un effroyable empire. Il s'était livré
à une région où l'apparence le promène sans cesse
d'illusions en illusions, et où des armées de fantômes se
succèdent continuellement devant lui pour lui dérober la vue de
la réalité. Par là il s'était imposé une
loi terrible, celle de travailler à rentrer, à quelque prix que
ce fût, dans la région de sa liberté, s'il ne voulait pas
courir les risques de rester dans la région de son esclavage, sans autre
espoir que les ténèbres, et sans autre appui que le pouvoir aveugle
d'un maître féroce et dur, qui ne connaissant pas le repos, ne
peut en laisser à aucun de ceux qui viennent s'établir dans ses
domaines, et se ranger sous ses dominations.
Il faut donc aujourd'hui que le malheureux homme ne cesse de verser des sueurs
de sang pour transmuer cette effroyable demeure en une demeure de liberté
et de joie, où son sort n'ait plus les mêmes alarmes à lui
causer, ni la même inquiétude à lui présenter ; mais
au contraire où il marche comme autrefois dans des sentiers sans borne,
et qui lui offrent à tous les pas, les perspectives les plus consolantes.
Il faut qu'il transmue son corps de mort, en un corps d'activité, de
puissance, et de domination sur toutes les lois inférieures par lesquelles
ce bas monde est constitué, et maîtrisé ; il faut qu'il
transmue toutes les illusions qui poursuivent ici-bas son cur, et sa pensée,
en
autant de signes certains et invariables, qui soient au moins comme les indices
de ces vérités éternelles, dans lesquelles il avait puisé
la naissance, et qu'il n'aurait jamais dû abandonner. En un mot, si c'est
lui-même qui est venu se former un destin, et se coucher sous son joug,
il faut que ce soit lui-même qui retire sa vie divine de dessous le joug
de ce destin, et qui la lui arrache douloureusement pour la rétablir
dans son aisance primitive.
C'est là où la vie suprême, touchée de sa misère,
n'a pu s'empêcher de venir partager ses maux et ses privations, pour le
mettre à même de partager ensuite avec elle, cette liberté
qu'il avait perdue ; notre fidèle compagnon est descendu avec nous dans
notre abîme, comme le Réparateur est descendu dans l'abîme
universel ; il verse des sueurs de sang avec nous, pour nous aider à
opérer cette transmutation qui eût été si visiblement
au-dessus de nos forces ; cet ami fidèle, en travaillant avec tant de
constance à notre régénération, a développé
en nous le nouvel homme qui nous a appris combien nous pouvions devenir terribles
pour nos ennemis, puisque nous étions la parole et le nom de Dieu, et
qu'il n'y a rien de si terrible que la parole et le nom du Seigneur (Ps. 110:9).
Il nous a appris que notre essence qui est le nom et la parole du Seigneur pouvait
communiquer à nos facultés le droit d'être aussi le nom,
et la parole du Seigneur, comme l'Eternel communique son nom, sa parole, et
ses puissances à tous les êtres émanés de lui, et
employés comme les ministres de ses volontés, et les dispensateurs
de ses bienfaits ; et par là, cet ami fidèle nous apprend que
les portes de la vie sont encore ouvertes pour nous, puisque les portes de la
vie sont en nous. " Je vous rends gloire, mon père, Seigneur du
ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et
aux savants, et que vous les avez révélées aux simples,
et aux petits. Oui, mon père, cela est ainsi, parce que vous l'avez voulu.
Mon père m'a mis toutes choses entre les mains, et nul ne connaît
le fils que le père, comme nul ne connaît le père que le
fils, et celui à qui le fils aura voulu le révéler. Venez
à moi, vous tous qui êtes fatigués, et qui êtes chargés,
et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis
doux, et humble de cur, et vous trouverez le repos de vos âmes ;
car mon joug est doux, et mon fardeau est léger. "
42.
Si le nouvel homme est dépositaire d'aussi grands privilèges,
quel flambeau suivra-t-il pour en communiquer les fruits, et pour en donner
les témoignages, et les signes à ceux qui les lui demanderont
? Ce sera le flambeau de l'analogie, et de la similitude auquel il s'attachera
fidèlement ; et comme il aura le sentiment intime, et invincible de la
nature spirituelle de son être, et de la divinité de la source
d'où il a reçu tout ce qu'il est, et tout ce qu'il possède,
il commencera par observer les interrogateurs qui naîtront en lui.
Si par l'examen qu'il en fera, il les trouve non seulement chancelants sur ces
bases fondamentales, mais encore disposés à en nier l'existence,
et ne s'approchant de lui que par l'esprit du doute, et comme pour l'éloigner
lui-même des sentiers de sa foi, et le faire tomber en confusion, il ne
leur répondra rien ; ou il leur dira, comme le Réparateur disait
aux Juifs qui lui demandaient des prodiges et des miracles : Ils n'en auront
point d'autres que celui du prophète Jonas. Parce que ce miracle est
visible dans l'âme de l'homme qui est ici-bas emprisonné pendant
trois jours élémentaires, pour n'avoir pas voulu remplir sa mission
auprès des anciens Ninivites, et que, par conséquent, l'homme
a, en lui-même, un miracle suffisant pour être inexcusable de n'avoir
pas de foi.
Mais si ces interrogateurs qui naîtront en lui, lui paraissent pleins
de la même persuasion que lui ; s'ils viennent à lui avec une conformité
de confiance, et de désir qui tende à leur avancement spirituel,
et à la gloire de leur commun maître, il n'hésitera pas
à leur ouvrir tous ses trésors, parce qu'il y sera entraîné
par le rapport, et la similitude qui se trouveront entre eux et lui, et en outre,
il aura le vif espoir que ces êtres de désir, s'unissant à
lui, ils obtiendront plus aisément, par leur réunion, les grâces,
et les secours dont ils ont, et auront toujours besoin, comme n'étant
que les serviteurs de Dieu ; il n'aura, dis-je, le vif espoir que cette réunion
obtiendra plus facilement la manifestation des puissances divines, et que par
là s'accroîtra le nombre des adorateurs du vrai Dieu.
L'homme nouveau ne fera en cela que marcher sur les traces du Réparateur
dans toute la conduite qu'il a tenue envers ceux qui l'ont fréquenté,
et sollicité pendant son séjour sur la nerre. Car il ne commençait
point par se rendre aux désirs de ceux qui lui demandaient des miracles,
mais il leur demandait : Croyez-vous que je puisse opérer ce que vous
désirez ? Et quand i1 s'était assuré de leur foi, il déployait
sa puissance en leur faveur, et ils étaient guéris ; il en est
à qui il n'avait pas besoin de faire de semblables questions, parce que
leur foi se découvrait visiblement par leur ardeur à s'approcher
de lui.
Il en est aussi qui n'avaient pas même besoin de lui donner semblables
démonstrations pour que leur foi lui fût connue, parce que, comme
étant le suprême modèle du nouvel homme, il lisait plus
clairement que lui encore dans leur intérieur, puisque le premier caractère
et le premier droit de l'esprit est de lire dans l'esprit, de communiquer, et
de pénétrer dans tout ce qui est esprit. Mais il attendait toujours
pour développer les trésors de sa sagesse et de ses pouvoirs,
qu'il se fût assuré de la foi de ceux qui en étaient l'objet,
soit par ses questions, soit par leurs témoignages visibles, soit par
sa vue intime et pénétrante, trois modes d'éclaircissement
qui doivent également être à la disposition du nouvel homme,
selon ses proportions et ses mesures, et qui sont tracés d'après
la triple enceinte qui nous environne, puisque nous sommes plus ou moins élevés
dans notre foi, selon que nous sommes liés à l'une ou l'autre
de ces trois enceintes. Mais quand le réparateur ne trouvait dans ceux
qui l'approchaient, aucune espèce de foi, ni dans leurs réponses
à ses questions, ni dans les démonstrations de leur zèle,
ni dans leur intérieur, il les renvoyait sans les satisfaire, et il fermait
soigneusement ses trésors pour ne pas les exposer à l'insulte
et à la profanation.
Ainsi à l'imitation du Réparateur, le nouvel homme ne s'offensera
point des réponses de Nathanaël, parce qu'au milieu de sa franchise
et de sa sincérité, il découvrira la droiture de son cur,
et la pureté de la foi de cet Israélite.
Il sera touché des pleurs de Magdeleine, et des soins qu'elle prendra
d'oindre ses pieds et de les essuyer avec ses cheveux, et il lui remettra ses
péchés.
Il sera dans l'admiration de la foi du centenier, lorsqu'il entendra dire :
" Je ne suis pas digne que vous entriez en ma maison, dites seulement une
parole, et mon serviteur sera guéri, car quoi que je ne sois qu'un homme
soumis à d'autres, ayant néanmoins des soldats sous moi, je dis
à l'un : allez là, et il y va, et à l'autre : venez ici,
et il vient, et à mon serviteur : faites ceci, et il le fait. "
Il ne fermera pas son cur ni ses puissances à ses disciples lorsqu'étant
sur la mer au milieu d'une tempête, ils le réveilleront dans leur
frayeur, et lui diront : maître sauvez-nous. Il se contentera de les accuser
de timidité et de peu de foi en eux-mêmes, mais il verra par leur
demande même combien ils se reposent sur lui de leur salut, et il commandera
alors aux éléments de se calmer.
Bien moins encore se refusera-t-il à ceux qui viendront à lui
avec une confiante humilité, et qui attendront de sa seule approche l'accomplissement
de leurs désirs ; " et quand cette femme, qui depuis douze ans a
une perte de sang, s'approchera de lui par derrière, et touchera le bord
de son vêtement, en disant en elle-même : si je puis seulement toucher
son vêtement je serai guérie ; il se retournera, et la voyant,
il lui dira : ma fille ayez confiance, votre foi vous a guérie, et cette
femme sera guérie à la même heure. "
A plus forte raison exaucera-t-il les demandes de ceux qui en adresseront, comme
ce lépreux qui viendra à lui en disant : Seigneur, si vous voulez,
vous pouvez me guérir. Le nouvel homme étendra la main, le touchera,
et lui dira : Je le veux, soyez guéri, et sa lèpre sera guérie
au même instant.
Mais ce nouvel homme donnant lui-même l'exemple de l'humilité rendra
même hommage à la loi temporelle et aux canaux visibles qui lui
auront transmis ses droits et sa puissance ; puisqu'il est écrit que
le salut vient des Juifs... Aussi au milieu de tous ces prodiges, il dira à
ceux qu'il aura guéris : " Gardez-vous bien de parler de ceci à
personne, mais allez vous montrer au prêtre, et offrez le don prescrit
par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage " ; c'est-à-dire,
rendez hommage avec moi à la loi, et aux voies de celui de qui nous tenons
tout. Comme le nouvel homme sait que c'est par la foi que s'entretient et se
conserve l'humilité, il sait aussi que c'est par l'humilité que
la foi se conserve et s'entretient, et que sans ces deux vertus tous les dons
de l'esprit se retirent. C'est pour cette raison sainte, et de première
nécessité, qu'à l'image du Réparateur il ne se laissera
toucher que par les désirs qu'il saura être nés de la foi
et de l'humilité, puisqu'il en donnera lui-même le premier exemple,
n'ayant obtenu sa renaissance qu'au prix de cette foi et de cette humilité
qu'il manifeste dans ses oeuvres les plus glorieuses. Car c'est aussi pour cette
raison que le Réparateur n'a cessé de recommander la foi et l'humilité
dans toutes les instructions qu'il a répandues.
Or, quelle est cette foi tant recommandée par le Réparateur ?
C'est celle qui s'est développée dans le nouvel homme, c'est celle
qui repose sur le sentiment de la sainteté et de la force de son être,
quand par sa fidélité aux mouvements secrets que nous recevons
tous, il aura obtenu que la main bienfaisante de la sagesse vienne le délivrer
de ses ténèbres, et rompre ses chaînes, pour lui faire connaître
les régions de la vie et de la lumière qui sont en lui, et qui
étaient seulement enveloppées de nuages. Mais de même qu'un
seul rayon du soleil qui perce au travers des nuages suffit pour dissiper l'obscurité,
de même le moindre rayon de notre être qui peut sortir de ses gouffres
et de ses abîmes est suffisant pour nous éclairer sur l'étendue
de nos possessions, pour découvrir à nos yeux tous les plans des
ennemis qui sont sans cesse occupés à ravager notre terre, et
pour nous donner la force de renverser tous leurs projets. Voilà pourquoi
le Réparateur disait à ses disciples que s'ils avaient de la foi
gros comme un grain de sénevé, ils diraient à une montagne
de se jeter dans la mer, et elle s'y jetterait ; ce serait le combat de la vie
contre la mort ; il ne serait donc pas étonnant que la mort eût
tous les désavantages, et que la vie eût tous les triomphes.
C'est en même temps cette persuasion des pouvoirs de l'homme qui était
affligeante pour le Réparateur, quand il voyait ses disciples hésiter
dans leurs oeuvres et dans leur confiance. Que devait-il donc éprouver,
quand il trouvait des hommes ensevelis dans leurs ténèbres au
point d'être les premiers adversaires et les premiers destructeurs de
cette persuasion, et surtout quand ces hommes étaient placés dans
la chaire de l'instruction ? Aussi comment a-t-il traité les scribes
et les Pharisiens et les docteurs de la loi !
Si la foi est réellement le nouvel homme, l'humilité en est réellement
la nourriture. Aussi n'est-ce que dans l'humilité et dans une sainte
frayeur que l'on sent Dieu, que l'on apprend ses secrets et que l'on peut apprendre
à en faire un utile usage ; or, que pouvons-nous faire tant que nous
ne sentons pas Dieu physiquement en nous ? Voilà pourquoi le Réparateur
ne cessait de dire aux Juifs, " qu'il ne pouvait rien faire de lui-même,
qu'il ne jugeait que selon ce qu'il entendait, mais que son jugement était
juste, parce qu'il ne recherchait pas sa volonté propre, mais la volonté
de son père qui l'a envoyé. " Voilà pourquoi aussi
il ne cessait de leur donner les raisons de leur peu de foi, en leur reprochant
qu'ils ne s'appuyaient point sur les véritables témoignages, et
qu'ils tiraient toute leur gloire des hommes ; comment pourriez-vous croire,
vous qui recherchez la gloire que vous vous donnez les uns aux autres, et qui
ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? (Jean 5:44).
43.
Le propre de l'esprit de ténèbres est de tenir l'homme dans la
défiance de ses propres droits ; ou s'il ne peut empêcher qu'il
en acquière quelquefois la connaissance, il a soin de les envelopper
de couleurs illusoires qui retiennent ce malheureux homme toujours au-dessous
de sa vraie mesure, et qui lui font continuellement immoler la réalité
aux images et aux apparences. C'est par là qu'il est parvenu presque
par toute la terre à faire substituer les traditions à la loi,
la lettre à l'esprit, et les ténébreuses passions humaines
aux lumières de vérité qui ont éclairé les
prophètes. L'homme, depuis le crime, s'est trouvé entraîné
dans la pente de cette région terrestre et morte qui ne tend qu'à
s'affaisser, et qui ne peut qu'affaisser l'homme avec elle quand il cesse de
se rappeler son illustre origine ; l'ennemi de l'homme ajoute encore journellement
à ce poids déjà si qui faisait dire à Salomon :
Cette demeure terrestre abat l'esprit dans la multiplicité de ses soins.
(Sagesse 9:15).
Ce n'est donc que par la plus ardente vigilance, que le nouvel homme saura résister
à tant d'obstacles. Car il va trouver en soi-même, et la tradition
qu'a reçue sa mémoire, et la loi qu'a reçue son esprit
; et s'il se livre aux oeuvres de sa loi, ou aux oeuvres de l'esprit, la voix
de la tradition s'élèvera contre lui, et cherchera à le
troubler et à lui faire paraître criminelles les oeuvres de la
loi et de l'esprit.
Il sait que sa nature spirituelle et divine l'appelle à opérer
des oeuvres de paix et à travailler au rétablissement de l'ordre
universel ; il sait que cette même nature divine et spirituelle qui l'anime
est au-dessus du temps, et est faire pour ne point connaître de temps
; ainsi toutes les fois que l'occasion se présentera de remplir son oeuvre,
il la saisira, fut-ce même le jour de sabbat terrestre. Mais alors cette
voix du sabbat s'élèvera contre lui, et voudra transformer son
bienfait en une véritable prévarication ; c'est probablement pour
nous retracer ce symbole de l'homme, et de cet affligeant assemblage qui se
trouve en lui, que le Réparateur guérit un jour de sabbat, au
milieu de la synagogue, cet homme qui avait une main sèche ; car en effet
cette synagogue représenta parfaitement alors la réunion de la
lumière et des ténèbres, où d'un côté
agissait la vertu active de celui qui venait rendre aux hommes de l'esprit l'usage
de leur main desséchée ; et de l'autre l'opposition d'un peuple
matériel et grossier qui s'appuyait sur la lettre même de sa loi
pour combattre l'esprit de la véritable destination de notre être.
Mais ce n'était pas seulement pour nous retracer le symbole de cet affligeant
assemblage que le Réparateur en agit ainsi, c'était encore plus
pour communiquer aux hommes aveugles l'instruction dont cette oeuvre de guérison
n'était que l'occasion et le sujet. Aussi quand elle eut excité
le murmure des Juifs il leur dit : " Qui est celui d'entre vous qui ayant
une brebis qui vienne à tomber dans une fosse le jour du sabbat, ne la
prenne, et ne l'en retire ? Or, combien un homme est-il plus excellent qu'une
brebis ? Il est donc permis de faire du bien le jour du sabbat, "
Il leur parla plus fortement encore au sujet des épis que ses disciples,
passant le long des blés un jour de sabbat, avaient rompus et mangés
: " N'avez-vous point la dans la loi que les prêtres, au jour de
sabbat, violent le sabbat dans le temple et ne sont pas néanmoins coupables
? Et cependant je vous dis que celui qui est ici est plus grand que le temple.
Que si vous saviez bien ce que veut dire cette parole : J'aime mieux la miséricorde
que le sacrifice, vous n'auriez pas condamné des innocents, car le fils
de l'homme est maître du sabbat même. "
Le nouvel homme éclairé de la même lumière, expliquera
sans cesse la tradition par la loi, la lettre par l'esprit, et l'esprit par
a volonté du suprême auteur des choses. Ce nouvel homme n'oubliera
donc pas que ce n'est point au temple à prescrire la loi et les formes
des sacrifices qui doivent s'opérer dans son sein, que c'est au temple
à recevoir cette loi et ces sacrifices, tels qu'il convient au prince
des prêtres selon l'ordre de Melchisédech de les lui prescrire
; que ce temple n'a d'autre obligation que de se maintenir toujours dans l'ordre
convenable, et d'être prêt à toutes les heures où
il plaira à ce prince des prêtres d'y venir offrir son encens.
Aussi il aura la sage précaution de ne jamais oser commencer lui-même
à s'approcher des cérémonies saintes, sans qu'il sente
que le temple est prêt, que toutes les lampes y sont allumées,
que le feu de l'esprit a pénétré ses murs, ses fondements,
ses colonnes, et a décoré toutes les parties de ce temple d'une
manière digne du sacrificateur qui doit s'y rendre, et des saints mystères
qui s'y doivent opérer.
Il sentira par ce moyen que non seulement le fils de l'homme est au-dessus du
sabbat temporel, mais que le temple même a aussi ce magnifique privilège,
puisque ce temple n'est autre chose que le nouvel homme, et que le nouvel homme
participe à tous les droits et à toutes les propriétés
de l'esprit du Seigneur ; il reconnaîtra alors que de même l'esprit
du Seigneur est le chef et le maître du nouvel homme, de même le
nouvel homme devient par lui le chef et le maître de la loi ; que si c'est
au nouvel homme à attendre et à recevoir de l'esprit du Seigneur
les lumières, la sainteté et la vie, c'est au temple bâti
par la main des hommes à attendre et à recevoir du nouvel homme
l'administration de toutes ces choses, et qu'ainsi l'esprit du Seigneur se trouve
à la fois par là, le maître du nouvel homme, la maître
du temple, le maître du sabbat, le maître de la loi, puisqu'il comprend
tout, puisqu'il dirige tout, puisqu'il pénètre tout, et que ce
n'est que dans lui que les propriétés des choses, leurs vertus,
leurs figures, et leur esprit peuvent trouver leur explication, et leur véritable
accomplissement.
Il se trouvera peut-être dans le nouvel homme des Juifs, qui lui demanderont,
comme autrefois les docteurs de la loi et les Pharisiens demandaient au Réparateur
: Pourquoi vos disciples violent-ils la tradition des anciens? Car ils ne lavent
point leurs mains lorsqu'ils prennent leur repas. Lorsqu'ils ne seront pas susceptibles
de s'élever à ces sublimes régions de l'esprit qui expliquent
tout, il les fera tomber en confusion, en leur objectant leur propre conduite
sur des points d'une plus grande importance ; et il leur dira : " Pourquoi
vous-mêmes, violez-vous le commandement de Dieu pour suivre votre tradition
? Car Dieu a fait ce commandement : honorez votre père, et votre mère
; et cet autre : que celui qui outrage de paroles son père ou sa mère,
soit puni de mort. Cependant vous dites : quiconque dira à son père
ou à sa mère : tout don que je fais à Dieu vous est utile,
satisfait à la loi, encore qu'après cela il n'honore, et n'assiste
point son père ou sa mère, et ainsi vous avez rendu inutile le
commandement de Dieu par votre tradition. Hypocrites que vous êtes, Isaïe
a bien prophétisé de vous quand il a dit : ce peuple est proche
de moi en paroles, et il m'honore des lèvres, mais son coeur est bien
éloigné de moi... toute plante qui n'aura point été
plantée par mon père qui est dans le ciel, sera arrachée.
"
Il n'y a point de vérité au-dessus de ces dernières paroles,
et qui mérite plus l'attention du nouvel homme, parce que ces paroles
embrassent à la fois toutes les lois, tous les temps, et tout le jugement
; voilà pourquoi ce nouvel homme s'en fera comme une armure avec laquelle
il brisera sans cesse les traits de l'ennemi ; voilà pourquoi il commencera
par lier le fort, afin de pouvoir entrer dans sa maison, et piller ses armes
; ayant sans cesse devant les yeux que s'il ne s'associe pas continuellement
avec l'esprit, s'il ne s'efforce pas de naître continuellement de l'esprit,
s'il ne met pas tous ses soins à être planté par l'esprit,
enfin s'il n'est pas avec l'esprit, il sera contre l'esprit ; et s'il n'amasse
point avec l'esprit, il dissipera.
Il sait que " tout péché, et tout blasphème sera remis
aux hommes, mais que le blasphème contre l'esprit, ne leur sera point
remis, Il sait que si quelqu'un parle contre le fils de l'homme, il lui sera
remis, mais que s'il parle contre l'esprit, il ne lui sera remis ni en ce monde-ci,
ni en l'autre. " Or il croirait blasphémer contre l'esprit, que
de ne pas amasser continuellement avec l'esprit, puisque ce serait comme s'il
croyait à une autre puissance qu'à celle de l'esprit. Il croirait
parler contre l'esprit que de ne pas se lier perpétuellement avec l'esprit,
parce que ce serait comme s'il croyait pouvoir vivre d'une autre vie que de
la vie de l'esprit.
Ainsi non seulement il s'abstiendra de tous les blasphèmes contre le
fils de l'homme, qui pourront être susceptibles de pardon, en ce qu'ils
ne tombent que sur l'homme temporel, ou sur l'enveloppe de l'esprit ; mais ce
nouvel homme ne laissera pas même subsister en lui les moindres traces
d'offenses encore plus secondaires, et plus susceptibles de rémission,
tant il sera occupé à se prémunir contre les blasphèmes
irrémissibles, ou à se remplir si bien de l'activité de
1'esprit, qu'un jour à venir on ne puisse pas lui reprocher de n'avoir
pas été dévoué exclusivement à l'esprit,
et qu'on ne lui fasse pas payer jusqu'à la dernière obole, c'est-à-dire
tous les moments qu'il n'aurait pas passés dans cette confiance entière
et absolue que l'homme doit avoir à l'esprit, et c'est ici que se vérifie
cette terrible parole : beaucoup d'appelés, et peu d'élus ; car
tous les hommes étaient nés pour accomplir cette importante loi.
Or qui ne frissonnera pas sur le petit nombre, qui puisse être traité
comme lui ayant été fidèle, et sur la multitude que l'ennemi
en a éloignés depuis l'origine, et qu'il en éloignera jusqu'à
la fin par ses illusions de tout genre, et surtout, en leur faisant sacrifier
la loi à la tradition, l'esprit à la lettre, et la réalité
à l'apparence ? Qui ne frissonnera pas, dis-je, de voir à quel
petit nombre seront réduits ceux qui feront, avec assez de fidélité,
la volonté de l'esprit, pour qu'un jour on dise de chacun d'eux : celui-là
est le frère, la sur, et la mère de l'esprit.
44.
Le vieil homme est tombé sous le joug d'une triple mort, que l'on désigne
sous le nom de la mort du corps, la mort de l'âme, et la mort de l'esprit
; mais qui, ayant eu primitivement pour cause, et pour principe, la mort ou
l'abolition de ses titres de pensée, parole, et opération de l'Eternel,
doit se considérer sous le nom de la mort de son être divin, qui,
en effet, est aujourd'hui comme enseveli dans un sépulcre, en comparant
sa déplorable situation avec l'état glorieux dont il a joui ;
il faut donc que le nouvel homme ait pour tâche de se procurer une triple
résurrection, c'est-à-dire, qu'il arrache sa pensée, sa
parole, et son action aux ténébreuses régions où
elles sont en esclavage, qu'il retienne sa pensée, sa parole, et son
action sur le bord du précipice, dans lequel l'ennemi cherche journellement
à les entraîner, et qu'il prévienne pour l'avenir la mort
de sa pensée, de sa parole, et de son action, dans toutes les circonstances
où l'ennemi pourra les menacer.
Voilà une des faces sous lesquelles nous pouvons considérer la
triple résurrection du nouvel homme ; et ce point de vue est d'autant
plus réel, qu'il n'est que la trop ressemblante image de la périlleuse
destinée de toute la postérité humaine ; d'ailleurs, il
est l'extrait, et le tableau réduit de l'uvre universelle qui s'opère
en grand sur toute cette postérité de l'homme.
Car, cette grande oeuvre, embrassant tous les temps, toutes les régions,
et toutes les générations de la famille humaine, a dû agir
dès l'origine pour arracher la proie à l'ennemi, qui l'avait déjà
emportée dans la maison de servitude, ou dans le tombeau ; elle a dû
agir depuis pour reprendre des mains de cet ennemi, les victimes qu'il saisissait
journellement, et qu'il emmenait également dans ses sombres demeures
; enfin elle agira encore dans l'avenir, pour empêcher que cet ennemi
ne puisse s'emparer si aisément de nouvelles victimes, ou qu'au moins
il ne puisse venir les saisir jusque dans le bercail ; et ne doutons pas que
ne se trouve là l'esprit des trois époques des lois de restauration
parmi les hommes, l'esprit de la triple manifestation de la sagesse éternelle
dans le temps, et le trinaire qui caractérise essentiellement toutes
les opérations qui ont été ou accomplies, ou simplement
annoncées, et figurées par les divers élus que cette sagesse
éternelle a envoyés, en différentes fois, sur la terre,
pour la délivrance des mortels, pour leur soulagement, et pour leur instruction.
Car pourquoi verrions-nous dans ces sources de restauration qui ont été
ouvertes, une voie sacerdotale et lévitique, une voie spirituelle et
prophétique, et une voie de liberté et de lumière qui ne
peut être regardée que comme une voie divine ? Pourquoi verrions-nous
dans cet ordre sacerdotal, des Lévites, des prêtres, et un seul
grand prêtre ? Pourquoi verrions-nous dans le peuple hébreu qui
nous représente toute la famille humaine, un état d'esclavage,
un état de combat, et un état de victoires et de triomphes, si
tous ces tableaux n'avaient pas pour but de nous donner une instruction qui
étendît notre esprit, et qui nous fût applicable à
nous-mêmes ?
Oui, le nouvel homme peut y lire à découvert cette triple résurrection
si nécessaire à notre être, pour qu'il jouisse de quelque
repos, et si conforme à cette triple mort, ou à cette triple concentration
que nous éprouvons si douloureusement, quand nous voulons jeter un instant
nos regards sur nous-mêmes, et qui nous convainc d'une manière
si triste, et si démonstrative de cette triple mort, ou de cette triple
concentration dans laquelle le premier homme a plongé ses facultés
spirituelles, et a entraîné les facultés spirituelles de
toutes sa malheureuse postérité.
La première et la plus pénible de ces trois résurrections
que le nouvel homme aura à opérer en lui, est d'arracher de toutes
les substances fausses dont il est environné, celles de ses pensées,
de ses volontés, et de ses actions qui s'y sont englouties, et pour ainsi
dire amalgamées, et qui y sont comme dans un vrai tombeau, où,
non seulement, elles ne jouissent point du jour, et de la lumière, mais
où elles tendent continuellement vers une effroyable putréfaction
; en effet, il est impossible de concevoir une opération plus douloureuse
que celle de séparer ainsi les différents métaux que nous
avons laissé souder ensemble, puisqu'il n'y a qu'une fusion entière
qui puisse nous y faire parvenir ; niais ce qui paraît au-dessus des forces
ordinaires, n'est point au-dessus des forces du nouvel homme, puisqu'il est
le fils de l'esprit, et qu'il a bu le médicament salutaire, ou ce puissant
dissolvant que Jérémie compare à un marteau qui brise les
pierres (23:29).
La seconde résurrection sera de retenir sur les bords du précipice,
celles de ses pensées, de ses volontés, et de ses actions qui
seraient prêtes à y tomber, s'il n'employait toute sa vigilance
à les arracher des mains qui les portaient déjà dans le
sépulcre ; mais le même pouvoir dont il se sera servi dans la première
résurrection lui sera également utile dans la seconde, et ce seront
encore de nouvelles victimes qu'il retirera des bras de la mort.
La troisième résurrection sera celle qu'il opérera d'avance
sur celles de ses pensées, de ses volontés, et de ses actions
qui, à l'avenir, pourraient être exposées aux attaques de
l'ennemi, et qu'il voudrait essayer de corrompre afin de les engloutir avec
lui dans ses abîmes, parce qu'il ne suffira pas au nouvel homme de n'embrasser
que les époques passées, et présentes, dans la manifestation
de sa puissance, et de sa sagesse ; il lui faudra embrasser même les époques
qui ne sont pas encore, puisque tel est le plus grand privilège de l'esprit
; aussi travaillera-t-il sans relâche pour obtenir que la main suprême
l'environne, le soutienne, et le protège de manière à ce
que l'ennemi ne puisse plus désormais avoir sur lui aucun empire, et
il y parviendra lorsqu'il aura subjugué tout ce qui est en lui, et qu'il
pourra dire de lui, ce que le Réparateur disait de la corruption extérieure
: J'ai vaincu le monde.
Mais pour avoir encore de cette triple résurrection une idée plus
simple, plus rapprochée, et par conséquent plus facile à
saisir, considérons-la dans une époque où la mort ait déjà
produit ses ravages dans toutes les facultés spirituelles de l'homme
; ce tableau, étant à la portée du plus grand nombre, ne
pourra en être que plus utile.
En effet, nous pouvons mourir dans nos oeuvres, si nous portons nos pensées
fausses, et nos volontés criminelles, jusqu'à la consommation
; nous pouvons mourir dans nos volontés corrompues, si elles se lient
aux plans désordonnés que nos pensées peuvent adopter,
quand même nous n'irions pas jusqu'à les réaliser dans nos
oeuvres ; enfin nous pouvons mourir dans nos pensées, si nous les laissons
remplir de tableaux contraires à la vérité, et à
la gloire de l'esprit, quand même nous ne les adopterions pas dans nos
volontés, et quand même nous ne les laisserions point se transformer
en actes.
Voilà donc la triple résurrection que chaque homme doit opérer
sur soi-même, s'il veut parvenir à la dignité du nouvel
homme ; et jamais nous ne pourrons avoir la moindre idée de nos droits
primitifs et de notre véritable renaissance, si nous ne rétablissons
pas à demeure en nous une source d'actions régulières,
une source de mouvements vrais, et une source de pensées saines, parce
que ces trois sources découlent ensemble de la source unique, et éternelle
de l'esprit.
Le nouvel homme, après s'être convaincu de ces vérités,
non seulement par sa persuasion intime, mais encore par sa propre expérience,
verra une douce surprise, que le Réparateur n'a pas eu d'autre dessein
que de faire ouvrir les yeux aux hommes sur ces devoirs indispensables, et si
salutaires, lorsqu'il a employé sa puissance à ressusciter trois
morts au milieu du peuple d'Israël. Car c'est une chose frappante, et qu'on
ne saurait trop remarquer que la différence des lieux où chacun
de ces morts a été rappelé à la vie. Lazare fut
ressuscité dans le tombeau où il était depuis quatre jours,
et où il sentait déjà mauvais. Le fils unique de la veuve
de Naïm fut ressuscité dans le chemin, et pendant qu'on le portait
dans le sépulcre, la fille de Jaïre, chef de la synagogue, étant
âgée de douze ans, fut ressuscitée dans la maison de son
père. Comment n'apercevrions-nous pas, dans ces trois résurrections
opérées par le Réparateur, cette triple résurrection
que nous devons faire tous en nous-mêmes, et qui est à la fois,
et l'uvre principale, et la récompense du nouvel homme.
En effet, ce Lazare ressuscité dans le tombeau, et déjà
livré à la putréfaction, est le type de nos actes dépravés,
et des prévarications que nous avons portées jusqu'à l'uvre,
et à la consommation, c'est-à-dire, jusque dans la demeure de
la mort, et de la corruption, qui nous est figurée ici-bas par les sépulcres
matériels. Le fils unique de la veuve de Naïm, ressuscité
dans le chemin du tombeau, est le type de nos volontés criminelles qui
ont adhéré aux plans faux de notre pensée, mais qui n'ont
été arrêtées dans la voie du tombeau, c'est-à-dire,
avant d'arriver à leur consommation, et aux actes iniques qui en auraient
complété la corruption, et leur auraient fait connaÎtre
la putréfaction sépulcrale. Enfin la fille du chef de la synagogue,
ressuscitée dans la maison, est le type de cette mort que nous pouvons
éprouver dans notre pensée, quand nous la laissons infecter de
plans coupables, et injurieux à l'esprit de vérité, qui
ne veut pas que nous adoptions d'autres plans que les siens, qui a daigné
choisir la pensée de l'homme pour être le chef de la synagogue
universelle, et qui désire sans cesse que cette pensée de l'homme,
et tous les enfants qui peuvent émaner d'elle, répandent partout
la vie qui les anime.
45.
Sans doute ce ne sera qu'après avoir ainsi purifié tout son être,
et opéré en soi cette triple résurrection, que le nouvel
homme fera, en lui-même, l'élection dont nous avons parlé
d'avance, ou l'élection des douze vertus qui doivent le manifester dans
toute l'étendue de ses propres régions ; avant cette époque
il était si incapable de faire une pareille élection, qu'il n'aurait
même jamais pu en concevoir l'idée, et encore moins l'exécuter,
si l'esprit de vérité n'était venu prendre en lui la place
de toutes ses substances de mensonge. Aussi il sent plus que jamais combien
nous nous exposons, quand nous osons marcher par nous-mêmes dans la carrière
spirituelle ; et c'est 1'esprit qui le dirige, c'est dans le prince des justes,
c'est dans ce Réparateur qu'il apprend de nouveau à s'attacher
à cette sainte réserve, puisque le Réparateur lui-même,
ou le prince des justes ne veut pas faire par soi l'élection de ses douze
apôtres mais qu'il passe toute une nuit en prières avant de les
choisir (Luc 6:12).
Ce ne sera pas seulement cette ordonnance intérieure de lui-même
qu'il soumettra au mouvement de l'esprit ; mais dans toutes les circonstances
de sa vie, il aura sans cesse à la bouche ces paroles du psaume 101:3
: En quelque jour que je vous invoque, exaucez-moi. Il ne voudra pas même
d'une vertu qui né vienne que de lui, parce qu'il sait combien elle serait
fragile ; mais il ouvrira en lui les substances de ses vertus afin que l'esprit
vienne s'en emparer, les vivifier, et les gouverner dans toutes les circonstances.
Ainsi il priera sans cesse l'esprit de venir demeurer dans sa pénitence,
dans son humilité, dans son courage, dans sa résignation, dans
sa prière, dans sa foi, dans son amour, dans ses lumières, dans
son espérance, dans sa charité, dans toutes les affections pures
de son âme, et dans tous les mouvements de son essence spirituelle et
divine, afin qu'il ne puisse plus être vaincu dans les combats qu'il aura
à soutenir.
Il verra avec quel art les hommes évitent les dangers naturels qui les
menacent, avec quelle sagesse ils préviennent les maux que leur expérience
leur a appris à prévoir, avec quelle intelligence ils savent mettre
les éléments en combat, et les opposer les uns aux autres pour
se préserver des ravages que ces éléments pourraient leur
occasionner, s'ils les laissaient livrés à la force cachée,
et impétueuse qui les pousse sans cesse aux désordres. Car il
voit l'homme avoir la disposition de ces éléments, et pouvoir,
à son gré, tempérer le feu par l'eau, le froid par la chaleur,
le sec par l'humide, et varier les propriétés dans lesquelles
il demeure, par l'application des substances diverses que la nature a placées
sous sa main avec une prodigue abondance.
Le nouvel homme ne mettra pas en doute que l'esprit n'ait les mêmes pouvoirs
dans les régions où sa pure essence et sa suprématie l'appellent
à régner en maître et en souverain ; il ne doutera pas que
cet esprit ne possède, selon sa classe, incomparablement plus de dons,
de prévoyance, et de sagesse, que n'en peut jamais posséder l'homme
qui est réduit à la région élémentaire, quelle
que soit l'industrie que cet homme ait pu y déployer. Il ne doutera pas
que cet esprit n'ait à sa disposition des nombres incalculables de propriétés,
et de substances de sa propre nature, en comparaison de ce peu de substances
élémentaires que nous pouvons employer ici-bas, à la conservation
de notre matière, et à la production comme à l'entretien
des oeuvres de nos mains.
Plein de cette salutaire persuasion, le nouvel homme quand il sera faible et
fatigué, dira à l'esprit : apposez une de vos forces sur ma faiblesse,
et elle la fortifiera. Quand il sera lâche et froid, il dira à
l'esprit : apposez une de vos substances ardentes sur ma froideur, et elle la
réchauffera. Quand il sera emporté par son ardeur impétueuse
il dira à l'esprit : apposez une de vos substances calmes sur mon impétuosité,
et elle la tempérera. Quand il sera dans les ténèbres,
il dira à l'esprit : apposez une de vos substances lumineuses sur mon
obscurité, et elle l'éclairera. Quand il sera ébloui par
la lumière, il dira à l'esprit : apposez sur mes yeux une de vos
substances intermédiaires, et je ne craindrai plus de perdre la vue ;
quand il sera environné de ses ennemis, il dira à l'esprit, mettez
entre eux et moi un de vos boucliers, et je serai à l'abri de toutes
leurs attaques. Quand il se sentira comme suspendu par un fil au-dessus des
abîmes, il dira à l'esprit : étendez jusqu'à moi
une de vos mains, et je marcherai sur ces abîmes comme sur le plus ferme
terrain.
Voilà de quelle manière le nouvel homme se liera à l'industrie
de l'esprit pour se guérir de tous ses maux, pour se préserver
de tous ses dangers, et pour subvenir à tous ses besoins ; car nous ne
devons point craindre de répéter une vérité si essentielle,
et si consolante ; savoir, que l'esprit se prête mille fois plus aisément
encore à ce soulagement de nos besoins spirituels, que la nature ne se
prête à celui de nos besoins matériels, parce qu'il nous
aime, et que la nature ne peut nous aimer, mais qu'elle ne peut que nous abandonner
aveuglément toutes les substances qu'elle engendre, pour que nous nous
occupions ensuite à les employer à notre avantage, selon notre
sagesse, et selon nos lumières. C'est donc ainsi que se conduira Ie nouvel
homme envers l'esprit ; il tâchera de tellement captiver sa bienveillance,
qu'il puisse, avec une entière confiance, lui dire : En quelque jour
que je vous invoque, exaucez-moi.
La meilleure manière de pouvoir arriver à cet heureux terme, et
de pouvoir réellement dire avec confiance à l'esprit : En quelque
jour que je vous invoque exaucez-moi, c'est de mettre bien soigneusement à
profit les substances salutaires qu'il veut bien nous remettre pour le soulagement
de nos infirmités. Plus nous en retirerons d'utilité, plus il
nous en distribuera d'autres avec abondance, de façon que notre prière
pourrait à 1a fin se transformer en une invocation active et perpétuelle,
et qu'au lieu de dire cette prière, nous pourrions la réaliser,
et l'opérer à tout moment, par une continuelle préservation
et guérison de nous-mêmes.
Considérons donc ce nouvel homme environné de toutes les substances
de l'esprit, et les appliquant par sa foi effective, ou par sa prière
en actes, à tous les besoins qu'il peut éprouver dans son oeuvre
; voyons-le à tous les pas qu'il fait dans sa carrière, se procurer
des nouvelles grâces, de nouveaux appuis, de nouveaux bienfaits, et par
cette fidélité, et ce vif dévouement, s'identifier tellement
avec l'esprit que ces mêmes grâces, ces mêmes appuis, ces
mêmes bienfaits descendent sur lui comme gratuitement, mais d'une manière
qui lui soit comme naturelle, qu'il les reçoive à tout instant,
sans qu'il les cherche, et sans qu'il soit surpris cependant de les voir ainsi
prévenir même tous ses besoins.
Par cette douce perspective, jugeons ce que devait être pour nous cet
état glorieux où nous ne sommes plus, mais dont le nouvel homme
nous autorise à croire que nous pouvons encore apercevoir les traces
ici-bas. Car ce nouvel homme ne doit être autre chose pour nous que le
développement et la manifestation de ce qu'était l'homme primitif,
avant que les suites du crime l'eussent englouti dans sa ténébreuse
prison.
Voyons-le donc développer les trésors cachés en lui, et
dont le Réparateur nous a montré tant de fruits semés dans
le champ évangélique ; voyons-le au milieu d'un peuple qui est
au nombre d'environ cinq mille, n'ayant que cinq pains et deux poissons pour
les nourrir. Il les fera asseoir par troupes, cinquante à cinquante.
Il lèvera les yeux au ciel, il prendra les cinq pains et les deux poissons,
les bénira, les rompra, les donnera à ses disciples, afin qu'ils
les présentent au peuple ; ils en mangeront tous, ils seront rassasiés,
et on emportera douze paniers pleins des morceaux qui seront restés.
Une fois il prendra sept pains, et quelques poissons pour quatre mille hommes
; ils en mangeront tous, et seront rassasiés, et on emportera sept paniers
pleins des morceaux qui seront restés. Une autre fois voyons-le, comme
Elisée, multiplier vingt pains pour mille personnes, et il s'en trouvera
aussi de reste.
Tous ces faits ne sont que des témoignages, et des fruits des dons que
l'esprit a fait germer dans le nouvel homme ; ils ne font qu'annoncer cette
nourriture spirituelle, active, et physique que ce nouvel homme peut sans cesse
multiplier en lui en faveur des divers peuples qui habitent les diverses régions
de son être ; car s'il est uni à la source de la vie, il n'y a
plus rien en lui où il ne puisse faire parvenir des ruisseaux de cette
source vivante, et où ces ruisseaux ne puissent tellement accumuler leurs
eaux fécondes, que la fertilité s'y établisse, et fournisse
abondamment la subsistance à tout ce qu'il y aura dans ses domaines légitimes,
d'indigent, et d'affamé.
Si l'intelligence veut s'élever encore au-dessus de ce nouvel homme,
et se porter jusqu'aux lois, et aux voies que la sagesse divine emploie pour
faire descendre ses grâces et ses faveurs sur les malheureux mortels,
elle verra dans les faits rapportés ci-dessus, premièrement, la
puissance suprême apaisant notre faim, et guérissant notre misère
par le nombre de notre misère même ; secondement, elle y verra
cette même puissance suprême nous réserver, en outre, le
nombre nécessaire de sources abondantes pour nous seconder dans notre
régénération. Enfin elle y verra cette même puissance
suprême, agissant ensuite par un nombre pur, sur l'homme régénéré,
et nous rendre de nouveau, par là possesseurs de ce même nombre
pur qui fut jadis notre caractère distinctif.
46.
La raison pour laquelle le nouvel homme, en s'unissant à la source de
vie, se trouve dépositaire de si grands trésors, et pouvant manifester
dans lui-même de si grandes, et de si salutaires multiplications, c'est
que cette source de vie lui fait découvrir, au fond de son être,
sept sources actives qui, unissant mutuellement leurs forces diverses, développent
les unes par les autres, leurs propriétés particulières,
et cela d'une manière qui ne peut plus s'interrompre, et qui rend ces
sources intarissables, puisque c'est la source de la vie qui les anime, et qui
les entretient.
Ce sont là comme autant de bases sacramentelles que nous portons tous
en nous-mêmes, et sur lesquelles doit s'élever tout édifice
sacerdotal auquel l'homme fut destiné par sa nature première,
et selon les plans de son origine. Ce sont là les sept colonnes produites
par cette pierre innée en nous, et sur laquelle le Réparateur
a dit qu'il voulait bâtir son Eglise.
Cette pierre est carrée, et taillée par le ciseau de l'esprit,
et elle doit servir de base à ce temple divin destiné à
remplacer dans le nouvel homme les tentes qui, jusqu'alors, ont été
le seul asile de l'arche sainte, ou de la vérité. C'est là
cette porte du temple qui était carrée, selon le prophète
Ezéchiel (41:21) et à laquelle répondait la face du sanctuaire,
étant en regard l'une devant l'autre. C'est par cette porte que les oracles
du sanctuaire doivent se promulguer au peuple, selon Isaïe (9:8) : Le seigneur
a envoyé sa parole à Jacob, et elle a été vérifiée
dans Israël, tout le peuple le saura, Ephraïm, et les habitants de
Samarie. C'est par cette même porte que doivent entrer les nations pour
venir adorer dans le temple de Jérusalem, et ce sont les sept colonnes
élevées dans le temple qui font que ce temple est parfaitement
solide, et que les nations peuvent y habiter en sûreté, puisque
Salomon nous dit (Proverbes 9:1) que la sagesse elle-même s'est bâtie
une maison, et qu'elle a taillé sept colonnes.
Nouvel homme, contemple-toi donc avec respect. Tu as, en face de toi, le sanctuaire
ou l'unité éternelle et divine ; tu as, au fond de ton être,
la base fondamentale du temple, et tu trouves en activité dans ce temple,
les sept sources sacramentelles qui, étant vivifiées par la source
de vie, doivent à jamais fertiliser toutes les régions qui te
composent. C'est à toi de veiller sans cesse pour que les eaux de cette
source de vie ne se détournent point de leur cours naturel, et qu'elles
viennent journellement se rendre dans tes sept canaux spirituels. Jamais elles
ne se détourneront d'elles-mêmes, parce que, par leur propre pente,
elles tendent à venir chercher leur repos en toi : mais si tu n'as pas
un soin continuel de leur préparer les voies, en faisant tailler, et
polir par l'esprit la pierre fondamentale de ton temple, et en la maintenant
exactement dans son aplomb, ces eaux divines se répandront, au lieu d'entrer
dans tes sept canaux spirituels, et elles ne te procureront aucun avantage ;
parce que c'est cette pierre fondamentale de ton temple qu'elles ont choisie,
comme étant la seule mer assez immense pour leur servir de réservoir.
Cette pierre fondamentale est réellement la racine de ces sept sources
sacramentelles que le nouvel homme découvre en lui lorsqu'il a subi les
épreuves préparatoires, et indispensables, comme c'est là
où il a découvert ce divin instituteur dont nous avons parlé
précédemment, et qui, étant assis sur la chaire antérieure
à toutes les chaires temporelles, a prononcé devant lui, sur la
vraie montagne, les discours et les instructions qui doivent servir de guide,
et de règle au peuple d'Israël, s'il veut maintenir dans les privilèges
de son élection.
La racine de ces sources sacramentelles se trouvant donc la pierre fondamentale
de notre temple, nous portons en nous-mêmes le témoignage et le
caractère vivant qui doit nous faire respecter des nations ; et le nouvel
homme peut dire à l'imitation du Réparateur : " Comme le
père a la vie en lui-même, il né aussi au fils d'avoir la
vie en lui-même, et il lui a donné la puissance d'exercer le jugement
parce qu'il est fils de homme... " Aussi il peut dire comme le Réparateur:
" Je ne reçois point le témoignage d'un homme... j'ai un
témoignage plus grand que celui de Jean... et mon père qui m'a
envoyé a rendu lui-même témoignage de moi. "
Le nouvel homme peut, dis-je, tenir ce langage, parce que quand il a découvert
en lui la pierre fondamentale du temple, il a reconnu également qu'elle
n'était que le fruit, l'extrait, le produit et le témoin de l'unité
même, et que si cette pierre fondamentale était le témoin
de l'unité, l'unité à son tour était le témoin
de cette pierre fondamentale, puisque le fils est le témoin du père,
comme le père est le témoin du fils.
C'est ce double témoignage qui assure à jamais la dignité
de ce nouvel homme, et qui fait la base de sa confiance et de sa sécurité
; c'est, en même temps, ce qui donne tout leur prix et toute leur vertu
à ces sept sources sacramentelles, qui dérivent de cette pierre
fondamentale sur laquelle doit se bâtir l'Eglise, comme cette pierre fondamentale
dérive de l'unité. Aussi l'harmonie se fait connaître dans
ces sources, puisqu'elles sont l'expression de l'harmonie qui doit régner
dans la pierre fondamentale à l'imitation de celle qui règne dans
l'unité ; elles sont toutes intimement liées, quoiqu'ayant des
caractères distincts, et elles se prêtent un secours mutuel, non
point pour s'éclipser les unes et les autres, mais pour faciliter leurs
diverses manifestations.
Or, leurs manifestations, quoique diverses, tendent cependant à un but
commun et unique qui est la propagation, et la communication de la chose sacrée
; car un sacrement porte ce nom, parce qu'il est la voie par laquelle les choses
saintes et divines se transmettent là où elles manquaient, et
où elles étaient nécessaires pour que la mort et le néant
disparussent ; et sous ce rapport nous voyons encore s'agrandir devant nos yeux
la dignité de l'homme qui est choisi pour être la pierre fondamentale
du temple, et en outre pour posséder les sept sources spirituelles par
où la vie divine veut bien se communiquer dans les lieux arides et stériles.
Or nous ne pouvons plus ignorer aujourd'hui ce qui développe en lui ces
sept sources sacramentelles, puisque nous avons, à tant de reprises,
présenté l'homme comme étant la pensée, la parole,
l'opération de l'éternel, et comme ayant eu un besoin indispensable
du secours de la parole pour que la parole lui fût rendue, et pour qu'il
pût parvenir à la dignité du nouvel homme.
Disons donc que le nouvel homme ne possède en lui ces sept sources sacramentelles
ou ces sept sacrements, que parce qu'il a reçu réellement en lui
le sacrement de la parole, et que c'est ce sacrement de la parole qui a fait
jaillir en lui ces sept sources, qui auparavant étaient dans la stagnation
et dans la mort ; mais comme ce sacrement de la parole n'a pu atteindre jusqu'à
ces sept sources sacramentelles du nouvel homme, sans avoir opéré
auparavant sur la pierre fondamentale du temple, il s'ensuit que cette pierre
fondamentale du temple, doit d'abord être pénétrée
et revêtue de ce sacrement de la parole, pour que les sept sources qui
en vont provenir soient toujours dans l'abondance, et que les fleuves divins
puissent les remplir sans interruption et dans toute leur pureté.
Recueillons-nous ici devant Dieu, devant cet éternel principe de toute
vie et de toute existence, à qui seul puissent être offerts des
hommages mérités, et qui n'appartiennent à aucun être.
Recueillons-nous devant lui, dans notre respect, et dans notre admiration de
ce qu'il a permis que l'âme de puisse partager ainsi la douceur de son
existence divine, et l'administration de ses trésors sanctifiants ; recueillons-nous,
dis-je, dans un saint tremblement, afin que notre essence immortelle rassemble
ainsi toutes ses puissances pour ne pas recevoir en vain ce sacrement de la
parole, et pour qu'elle puisse contenir les eaux de ce fleuve immense que ce
sacrement couler en elle.
Ayons sans cesse devant les yeux le sort si glorieux du nouvel homme que le
sacrement de la parole vient de régénérer. Il a été
sacré par cette parole, et pour ainsi dire, comme sacramentisé
dans son essence ; dès l'instant tout est devenu sacrement en lui, et
tout a été sacramentisé dans son être, puisque les
sept sources sacramentelles qui ont jailli de sa pierre fondamentale embrassent
sa région terrestre et corporelle, sa région céleste et
spirituelle, et sa région divine.
Après avoir été ainsi sacramentisé dans tout son
être, il a sacramentisé à son tour tous les objets qui l'environnent,
et tous les êtres qui attendaient que ces sources sacramentelles fussent
ouvertes pour recevoir les eaux du fleuve de la vie ; et tel est le sort dont
l'homme eut joui s'il eut conservé sa dignité première
; tel est celui dont il peut ici-bas recouvrer de vives traces, en s'humiliant
devant le sacrement de la parole, et en administrant avec sagesse et une sainte
frayeur les dons qui sortiront de ses sept sources sacramentelles ; tel est
enfin le sort qui doit encore s'embellir pour lui un jour à venir, s'il
sait s'unir à demeure à ce sacrement de la parole dont il est
fait pour être éternellement sacramentisé.
47.
Ce sacrement de la parole donne trois noms au nouvel homme, conformément
aux trois facultés qui nous distinguent. Ainsi dans son action il s'appellera
célérité de l'uvre ; dans son amour il s'appellera
unité des reflets de l'affection divine ; dans sa pensée il s'appellera
le matin perpétuel du plus beau jour, et tout son être en se développant
ainsi fera sentir tellement ses forces à l'ennemi qu'il tremblera de
frayeur en apprenant que le lion se réveille, et le menace de ne pas
lui laisser un moment de repos, mais de le poursuivre jusqu'à ce qu'il
ait lâché sa proie, et qu'il soit brûlé par le feu
de la parole du nouvel homme.
Comment la parole a-t-elle traité Ephraïm et Juda, ces peuples qui
ont rompu, comme Adam, l'alliance qu'ils avaient faite avec elle, et qui dans
leur culte avaient violé les ordres du Seigneur ? (Osée 6:7).
Je les ai traités durement par mes prophètes, je les ai tués
par la parole de ma bouche (dit le Seigneur ; id. 5) et je rendrai claire comme
le jour l'équité des jugements que j'exercerai sur eux. Si c'est
ainsi qu'ont été traités des peuples prévaricateurs
qui étaient cependant le peuple choisi, la justice ne traitera-t-elle
pas plus sévèrement encore le prince de l'iniquité, et
le père de toutes les abominations de la terre ? Et c'est au nouvel homme
qu'est remise l'exécution de ces terribles jugements dans tout son être,
avant de les exercer sur les nations qui sont hors de lui.
Aussi il s'assoira jour et nuit sur son trône, il ne quittera point la
salle du conseil, que les décrets qui en émanent n'aient été
portés par des messagers fidèles jusqu'aux extrémités
de ses possessions et de son empire particulier; que ces décrets n'aient
été reçus avec tremblement de la part des peuples coupables,
et qu'il n'ait le témoignage authentique que ces décrets ont produit
leur effet et qu'ils ont eu leur exécution, Le sceptre s'affaiblirait
si l'uvre ne s'accomplissait pas. L'homme doit veiller et ne respirer
que pour le triomphe de la loi ; et s'il veut que l'autorité ne perde
pas le respect qui lui est dû, il faut qu'elle n'ordonne rien en vain.
C'est afin qu'elle n'ordonne rien en vain que le nouvel bomme s'unira sans cesse
aux hommes de Dieu, pour qu'ils oignent ses membres de l'huile sainte, et qu'ils
les préservent d'être meurtris par l'ennemi, ou desséchés
par la langueur ; il priera le grand prêtre de venir renouveler en lui
les diverses alliances que Dieu veut toujours faire avec l'homme, et que l'homme
s'efforce toujours d'annuler ; il le priera de venir à toutes les heures,
et à tous les moments administrer dans le sein de son âme le sacrement
de la renaissance et de la revivification. Car sans cela, comment pourrait-il
rassembler les portions éparses du nom du Seigneur ? Or, voici comment
la sagesse a distribué les organes du nouvel homme, afin qu'il puisse
remplir sa destinée sainte, et rassembler les portions éparses
du nom du Seigneur.
Le cur est assis à la droite de l'âme, c'est lui qui doit
l'aider à mettre tous ses ennemis sous ses pieds. L'esprit est à
sa gauche, pour l'avertir de l'approche de l'ennemi. Quand il a le bonheur de
faire triompher la loi, et de mettre ses ennemis sous ses pieds, alors l'esprit
rentre dans la droite, et la droite rentre dans la ligne de l'unité.
Le Réparateur qui est le modèle divin du nouvel homme, n'est-il
pas annoncé partout comme étant la droite de Dieu ? L'esprit en
est la gauche ; il est chargé de veiller contre l'ennemi et de promulguer
les jugements de l'intelligence éternelle ; expressions qui n'ont lieu
que pour le temps, et sur lesquelles l'homme éclairé ne peut pas
faire de méprises ; parce qu'il sait qu'au-dessus du temps tous les noms
ne font qu'un seul nom, comme ils n'expriment qu'un seul acte. Mais dans le
tableau de cette disposition temporelle des oeuvres divines, le nouvel homme
voit pourquoi on nous a dit que notre vie était cachée dans le
Réparateur ; c'est que le Réparateur est la vie, et que nous ne
vivons que par le cur, et voilà une raison de plus pourquoi l'homme
est à la droite du Seigneur.
Oui, le cur est le ciel de l'homme, et son âme en est le Dieu. Le
Dieu ne peut pas mourir, mais ces cieux peuvent s'obscurcir, ils peuvent se
rouler comme un livre. Le seul moyen par lequel le nouvel homme empêchera
ses cieux de s'obscurcir, et de se rouler comme un livre, c'est qu'il s'est
fait un cur à l'image de Dieu, c'est qu'il s'est identifié
avec celui qui est la droite de Dieu, et par là, il est devenu semblable
à la vie. Hommes de paix, voulons-nous que notre ciel ne s'obscurcisse
pas non plus, et ne se roule pas comme un livre, faisons-nous un cur qui
ressemble à la droite de Dieu, qui combatte, comme elle, universellement
les désordres ; qui comme elle par son propre poids, précipite
l'iniquité ; qui, comme elle, laisse continuellement sortir de lui-même
des rameaux de toutes les vertus, et briller jour et nuit le chandelier à
sept branches ; qui comme elle, puisse suffire à notre propre sûreté,
et aux besoins spirituels des indigents ; enfin qui, comme elle, soit toujours
prêt à faire l'uvre de Dieu dans tous les genres, et dans
toutes les occasions.
Car le nouvel homme peut d'avance déclarer qu'à l'image du Réparateur
il doit être livré entre les mains des hommes, qu'il faut qu'il
souffre beaucoup, qu'il faut qu'il soit rejeté par les sénateurs,
par les princes des prêtres, et par les docteurs de la loi, et qu'enfin
il soit mis à mort, et qu'il ressuscite le troisième jour. Mais
ce nouvel homme dévoué au service de son maître ne voit
que les consolations qui l'attendent, et n'est point arrêté par
les maux qu'il doit souffrir, parce qu'il a bu le médicament d'amertume,
que par ce moyen son cur lui a engendré l'intelligence, et que
l'intelligence lui a engendré la parole avec laquelle il a une vive confiance
qu'il renversera à la fin ses ennemis. En conséquence, voici de
quelle manière il emploie les différents secours qui lui sont
accordés par l'esprit, et qu'il trouve en lui par les divers développements
de son être.
Il place la constance à l'orient, il place la purification à l'occident,
il place la confiance au nord, il place la sainte audace au midi, et ainsi il
marche à son oeuvre, toujours au milieu des vertus ; il ne se laisse
pas même affaiblir par la tendresse de ses frères qui veulent le
retenir, et l'empêcher d'aller à Jérusalem où il
doit souffrir, et être mis à mort ; il ne connaît que les
choses du ciel, et se " plaint vivement à ses frères de ce
qu'ils ne renoncent pas à eux-mêmes pour le suivre, et de ce qu'ils
n'ont de goût que pour les choses de la terre. Et que servirait à
un homme de gagner tout le monde, et de se perdre soi-même ? Par quel
échange se pourrait-il racheter, lorsque le fils de l'homme viendra dans
la gloire de son père, avec ses anges, pour rendre à chacun selon
ses oeuvres ? "
Telle est aussi la différence des voies par où les mouvements,
et les ordres nous arrivent. Quand nous recevons d'en haut des ordres ou des
conseils, le quaternaire procède par l'intelligence, l'adhésion,
le zèle, et l'uvre ; quand c'est notre âme qui se meut elle-même,
elle procède par l'affection, le jugement, la volonté et l'expression,
parce que, comme nous sommes dans les ténèbres, il faut nécessairement
que nous allions soumettre nos mouvements au grand juge qui siège dans
la région supérieure, et qui doit les sanctionner. Mais tant que
nous n'avons pas mis tout en ordre dans notre être, il se peut que des
intrus s'assoient sur le tribunal ; qu'ils sanctionnent, soit par ignorance,
soit par dépravation les plans les plus pervers, et qu'ils nous mettent,
par les oeuvres qui en résultent, dans le cas de ne pouvoir plus recevoir
d'en haut ni ordres, ni conseils. Car si un aveugle conduit un autre aveugle,
que peuvent-ils devenir l'un et l'autre, et n'est-il pas à craindre qu'ils
ne tombent tous les deux dans le fossé ?
C'est pour cela que mon cur a été frappé d'une plaie
que rien ne peut plus guérir sur la terre, parce que cette plaie est
semblable à celle qui a frappé le royaume de la vérité.
Aussi je ne chercherai point sur la terre le remède à la plaie
de mon cur. Je le chercherai, ce remède, dans le royaume de la
vérité, puisqu'il n'y a qu'elle qui ait pu résister à
l'ennemi, et qui puisse guérir toutes les plaies. Le royaume des cieux
lui-même pleure, et est rempli de tristesse depuis que le mal a versé
son venin, et que le prince des ténèbres s'est assis sur le tribunal
: comment le cur de l'homme ne serait-il pas dans le deuil, et dans les
lamies, puisque le royaume des cieux, et le cur de l'homme sont unis par
une alliance qui les rend comme inséparables ? C'est dans cette alliance
qui les rend comme inséparables, que se trouve aussi la seule consolation
qui soit faite pour l'homme ; car les pleurs du royaume de Dieu, en pénétrant
mon être, lui rendront l'intelligence, comme les pleurs de la vigne rendent
la clarté à nos yeux corporels.
Pleurez donc, vigne sacrée, pleurez avec abondance, nous recueillerons
soigneusement les pleurs que vous répandrez ; faites pleurer notre être
avec vous, puisque si notre être doit être uni a vous dans les consolations,
il doit l'être aussi dans votre tristesse. Ce sont vos pleurs qui seuls
peuvent guérir la plaie universelle, mais ce sont les pleurs de l'homme
qui doivent guérir ses plaies particulières. Plus il pleurera,
plus il devra espérer être près de sa guérison, puisqu'il
ne peut l'obtenir que par ses pleurs, et ses gémissements ; il ne fait
en cela que répéter l'image de votre oeuvre restauratrice ; plus
vous pleurez, plus vous annoncez, comme la vigne, une grande récolte,
et plus vous manifestez les vertus salutaires du printemps.
48.
L'homme de Dieu est obligé de se diminuer sans cesse, et de se proportionner,
comme Élie, à la petitesse du fils de la veuve de Sarepta pour
le ressusciter. C'est là ce qui rend son ministère si laborieux
; il faut que cet homme de Dieu soit toujours en contradiction, pour approprier
les vertus divines à notre demeure impure, et souillée. Car l'homme
de Dieu est établi pour être perpétuellement l'organe de
ces vertus, soit dans la prière, soit dans l'instruction, soit dans les
oeuvres.
Que le nouvel homme ne s'effraie pas de ces fatigues, le temps du repos les
lui fera toutes oublier. Le nouvel homme est un homme de vérité,
et l'homme de vérité ne connaît aucun obstacle. Au milieu
même de ses travaux, et de ses épreuves, il a toujours devant les
yeux ce passage de David : que toute la terre se réjouisse en Dieu. Servez
le Seigneur avec joie, entrez et présentez-vous devant lui dans de saints
ravissements. Sachez que le Seigneur est le vrai Dieu, que c'est lui qui nous
a faits, et que nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes. Aussi toute
la terre du nouvel homme est dans la sécurité, et dans la joie,
parce qu'il sent que ses os deviennent semblables aux os de la vie, et que la
vertu de la chair céleste, et du sang spirituel Pénètre,
et nourrit sa chair et son sang.
Hommes du torrent, vous voudriez connaître les volontés de Dieu
dans les différentes situations où vous vous trouvez, comme si
vous étiez unis à lui, tandis que rien ne se peut faire pour vous
sans cette union ; vous voudriez être unis à Dieu, comme si vous
étiez purifiés, tandis que cette union ne peut se faire qu'après
votre purification ; vous voudriez être purifiés, comme si vous
aviez fait tous vos efforts pour cela, tandis que votre purification ne peut
avoir lieu, qu'après de longs, et de pénibles sacrifices. Vous
voudriez que ces longs, et pénibles sacrifices fussent faits, comme si
les objets de ces sacrifices étaient déjà disparus de devant
vous, tandis que ces mêmes objets composent aujourd'hui toutes les substances
de votre être.
Commencez par mettre un voile entre vous, et les objets informes qui vous ont
déformé la vue, et l'intelligence ; ce premier pas vous conduira
aux sacrifices, les sacrifices vous mèneront à la purification,
la purification vous mènera à l'union avec le principe actif de
votre être, et ce principe actif vous dévoilera, à tous
les instants, les volontés de votre Dieu ; car votre Dieu est toujours
rempli de ses plans, et de ses desseins sur les hommes ; et lorsqu'il s'unit
réellement à nous, ce doit être d'une manière vive
et agissante, qui développe activement tous nos rapports et toutes nos
lois.
On nous a dit que Dieu était tout ; mais ce n'est point dans le langage
d'une morale vague, et stérile que nous pouvons comprendre cette vérité,
ce n'est que de lui, par lui, et dans lui qu'elle nous peut être intelligible.
Hélas, que font les hommes du torrent au milieu de richesses si abondantes
! Au lieu de s'unir à cette action une, ils se laissent journellement
attirer, et séduire par toutes sortes d'actions diverses, et multipliées
qui les détruisent, et les décomposent à force de les abuser.
Mais toi, ô sagesse sainte, toi qui ne perds jamais de vue tes enfants,
si tu leur laisse faire des fautes de négligence, et d'erreur, ne peuvent-ils
pas ensuite acquérir des vertus doubles, quand ils rentrent dans la voie
droite ? Car tu peux leur rendre, à la fois, et les fruits du temps qu'ils
ont employé, et les fruits du temps qu'ils ont perdu, puisque tu peux,
si tu le veux, abolir et effacer pour eux la différence des heures. Mais
que ces malheureux n'oublient jamais à quelles conditions cette différence
des heures sera abolie pour eux. Ce ne sera que quand chaque portion de leur
être sera devenue un organe de douleur, et de pénitence ; car sans
cette cuisante transpiration, la corruption restera en eux, et les rongera jusqu'à
la moëlle.
Aussi, la loi elle-même, prise dans son sens intégral et l'essentiel,
n'est-elle que la voie qui nous ramène à l'unité, et qui
a l'unité pour terme, c'est-à-dire, la jouissance de la réalité.
Car lorsque nous sommes dans l'unité, nous avons le sentiment de la jouissance,
et nous n'avons plus l'idée de la loi ; mais dès que nous sortons
de l'unité, la loi nous saisit, et voici qu'elles en sont les ramifications,
si nous ne veillons pas pour prévenir les termes inférieurs dans
lesquels elle peut nous faire descendre.
Le devoir est à côté de la loi, la fatigue à côté
du devoir, le découragement à côté de la fatigue,
et la misère à côté du découragement : dans
l'ordre même des jouissances légitimes de ce bas monde, et dans
tout ce que nous pouvons appeler ici-bas les douceurs, et le bonheur de l'esprit,
nous ne sommes guère plus en sûreté, tant que ce n'est pas
l'unité, elle-même, qui nous dirige, qui nous domine, et qui nous
maîtrise ; car le plaisir est à côté du bonheur, l'erreur
à côté du plaisir, le crime à côté de
l'erreur, et la mort à côté du crime.
Oh ! Homme, retourne, retourne vers l'unité ; elle seule te tiendra au-dessus
de tous les dangers, parce qu'elle te tiendra au-dessus de toutes les lois,
par l'abondance de sa sagesse, et l'immensité de sa lumière. N'imite
pas cet aveugle tyran qui tient les nations le col courbé sous son joug.
Tu vois que le monde est content, parce que l'esprit se tait en lui, et ne lui
demande rien, attendu que le corps y trouve tout ce qu'il demande. N'oublie
pas que dans l'ordre vrai, ce serait à l'esprit à avoir tout ce
qu'il demanderait, et qu'au contraire ce serait au corps à ne pas oser
élever sa voix, et à ne rien demander, mais à attendre,
comme un vil esclave, qu'on voulût bien lui donner son nécessaire.
Sans cela l'esprit se dégrade en se rendant, lui-même, le serviteur
de cet esclave. Ne sommes-nous pas déjà assez dégradés
par les soins forcés que nous devons journellement à cette forme
matérielle qui nous environne, et par l'obligation où nous sommes
réduits de panser honteusement cette bête de somme ? Sang de l'homme,
prophétise contre son injustice, et contre son crime ; prophétise
que tu es le fardeau de son iniquité. Il paie avec usure ses premiers
écarts, depuis que le sang est devenu son vêtement. Ce sang lui
avait été donné pour qu'il y noyât tous les sujets
de Pharaon, après y avoir passé lui-même à pied sec,
comme Israël dans la Mer Rouge ; mais au lieu de se séparer journellement
de ce vêtement qui le déshonore, il ne cesse d'y attacher encore
de nouvelles marques d'infamies qui puissent achever de rendre l'homme un objet
d'opprobre.
Oui, le sang est l'enfer terrestre ; loin de calmer la tempête, il ne
cherche qu'à la rendre si affreuse, que l'homme ne puisse éviter
d'être englouti au fond de la mer. Il ordonne aux quatre vents du ciel
de venir sans cesse agiter les flots de cette mer orageuse, et ces flots en
s'agitant, s'élèvent assez pour révéler les fondements
de l'autel de Baal. Ô sang, ô sang, chacune de tes paroles est une
révélation de l'impiété de l'homme, et une prophétie
du prince du mensonge ; voilà pourquoi tous nos jours se passent dans
l'illusion, et dans le néant. Voilà pourquoi nous vivons au milieu
des épaisses ténèbres de l'Egypte.
Mais si la parole du Seigneur doit un jour révéler les fondements
du monde (psaume 17:16), ne peut-elle pas aussi révéler les fondements
de l'âme de l'homme ? Et sans cela le nouvel homme pourrait-il encore
avoir de l'espoir ? Il dira donc : " Seigneur ressouvenez-vous de la sagesse
de vos desseins lorsque vous avez donné l'existence à l'homme.
Ce grand objet de votre antique alliance avec lui, pourriez-vous jamais l'oublier
? Si le sage se ralentit devant vous, c'est en vain qu'il a ouvert les yeux
sur les restes de l'uvre ; il devient l'objet des larmes des prophètes
qui le comparent aux lâches serviteurs ; car il ne peut plus chanter les
cantiques de la paix et du bonheur, ces cantiques que l'oreille de la sagesse
aime à entendre. "
Le nouvel homme l'entend au fond de lui-même ce cantique qui charme l'oreille
de la sagesse : " C'est d'en haut que viendra ma force, c'est d'en haut
que j'attendrai la lumière ; le poids de la puissance du Seigneur précipite
tous les ennemis dans l'abîme, parce que sa puissance contraint l'âme
humaine de développer la sienne à son tour, et que la puissance
de l'âme humaine est comme un retranchement autour de l'année du
Seigneur. "
Ame humaine, remplis-toi de confiance, et considère quels seraient tes
avantages, si tu daignais les mettre à profit. L'ennemi n'a qu'une seule
issue par où il puisse t'approcher, et cette issue, il t'est encore possible
de la lui fermer à ta volonté. Mais pour toi, tes puissances peuvent
se développer dans tous les sens, puisque tu es centre, et que tu tiens
au centre universel. Car c'est de toi que parlait le Réparateur lorsqu'il
disait : Comme mon père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis
par mon père, de même que celui qui me mange vivra par moi. Or,
manger le Réparateur, c'est transmuer toutes tes substances dans les
oeuvres et l'activité de son esprit, et faire en sorte que cet esprit
éternel et divin, pénètre dans toutes tes facultés,
comme les sucs de tes grossiers aliments pénètrent dans toutes
les fibres de ton corps.
49.
Ce n'est point par la répétition des paroles dans sa prière
que le nouvel homme est arrivé à cette union avec l'esprit, c'est
par le feu intérieur de son être qui s'est enflammé, et
qui a répandu autour de lui, une lumière semblable à celle
où il a pris son origine. La loi de l'affinité a opéré
le reste ; et même ce feu de son être intérieur ne s'est
allumé que par le souffle doux de la sagesse, qui ne cherche qu'à
rendre à chaque chose leurs propriétés.
Quiconque n'a pas senti ce souffle doux de la sagesse descendre sur lui, précipiter
en terre toutes les matières étrangères qui encombraient
ce feu, et l'empêchaient de se montrer dans toute la splendeur et la régularité
de sa forme, quiconque, dis-je, n'a pas fait cette utile expérience,
ne connaît pas encore la véritable voie.
En effet, c'est à cette voie que se font connaître les récompenses
promises à l'homme de désir qui s'est consumé dans la vigilance,
et dans le zèle à garder la citadelle qui lui est confiée
; à cet homme de désir qui s'est promis de ne jamais se livrer
à une spéculation de l'esprit, et de l'intelligence, sans avoir
auparavant consacré des efforts, et un temps, à quelque oeuvre
active de l'esprit ; tant il est persuadé que l'homme doit toujours craindre
de ne pas assez agir, et ne jamais craindre de ne pas assez savoir ; et cette
sage crainte de ne pas assez agir, établit en lui une vertu tout aussi
salutaire, celle d'être toujours prêt à suivre les ordres
de son maître, toujours plein de résignation à tous les
événements où ses services le peuvent entraîner,
enfin toujours heureux, dès qu'il peut se rendre intérieurement
le consolant témoignage qu'il a été zélé
pour la gloire de ce maître, et qu'il n'a point été en faute,
ni en retard dans son service.
C'est donc le souffle doux de cette sagesse qui développera dans le nouvel
homme sa véritable prière qui est l'action naturelle de son être
; car cette prière ne doit avoir d'autre but que de maintenir dans l'homme,
l'ordre, la sûreté, la mesure ; elle doit faire que l'ennemi soit
toujours tenu hors de la place, que le cur de l'homme soit toujours abreuvé
des sources des eaux vives, et que sa pensée soit comme un foyer où
les lumières divines se réunissent pour se réfléchir
ensuite avec plus d'éclat. Comme ce sont là les facultés
primitives de l'homme, si elles parviennent à atteindre le but de leur
destination, l'homme est réellement dans sa prière, ou pour mieux
dire, l'homme est alors réellement la prière, et le sacrifice
de la plus agréable odeur que le seigneur puisse recevoir. Mais où
est-il celui qui s'est réellement converti en une prière, et en
un sacrifice de la plus agréable odeur pour le Seigneur.
Dieu avait dit : " L'homme sera un centre où réfléchiront
tous les rayons de ma gloire. Il a reçu de moi, dans son corps, la base
de toutes les impressions, et de toutes les qualités des êtres
sensibles, comme il a reçu de moi, dans son esprit, la base de toutes
les impressions, et de toutes les propriétés supérieures.
C'est pour moi que j'ai disposé et placé l'homme dans ce haut
rang. J'ai eu pour but ma propre joie, ma propre gloire, et l'avancement de
mes desseins. Et cependant l'homme a dédaigné mes présents.
Il a dédaigné de travailler à ma gloire, et à l'avancement
de mes desseins. Comment traiterai-je ce serviteur infidèle ? Je le traiterai
comme les nations qui auront pris les idoles pour leurs dieux. Mille univers
entassés les uns sur les autres, ne déroberaient pas à
mes yeux ces coupables ; leur crime osa frapper mon trône, et la secousse
qu'il éprouva, ma justice s'en souvient encore. Hommes négligents,
hommes insensibles à ma gloire, et à l'avancement de mes desseins,
remplissez-vous du zèle de ma maison jusqu'à ce que les murs de
Jérusalem soient relevés, jusqu'à ce que vous soyez réellement
convertis en une prière active, et en un sacrifice d'agréable
odeur pour celui qui vous a créés. "
Quant au nouvel homme, il s'est réellement converti en une prière
active, et voici comment ses facultés ont recouvré les droits
de leur destination originelle. Il a dit : " J'invoquerai Dieu au nom du
Réparateur, j'invoquerai le Réparateur au nom de l'accomplissement
de la loi, j'invoquerai l'accomplissement de la loi au nom de la foi, j'invoquerai
la foi au nom de mes oeuvres et de la constance de mes saintes résolutions.
" Voilà les quatre fleuves que ce nouvel homme a trouvés
en lui ; il a trouvé aussi en lui le jardin d'Eden ; dès lors
il s'est rempli de confiance, et de zèle, et les moissons sont devenues
abondantes. Autrefois ces quatre fleuves ne faisaient qu'un, lorsque ce jardin
d'Eden était encore dans sa fertilité primitive. Mais les catastrophes
de la nature, en multipliant les montagnes et les vallées, ont divisé
les sources des fleuves, et en ont multiplié les courants.
Cette multiplicité peut, et doit ralentir l'uvre, mais elle ne
doit pas l'empêcher de s'accomplir. Toutes les voies de la sagesse sont
douces ; elle ne resserre la mesure de nos jouissances, que parce que nous avons
resserré la mesure de nos facultés, et que, vu notre actuelle
disproportion avec la lumière qui nous était destinée autrefois,
nous ne pourrions aujourd'hui, sans périr, la contempler dans tout son
éclat. Mais cette lumière se trouve encore assez vive, et assez
abondante non seulement pour suffire à nos besoins, mais encore pour
combler de délices celui qui met en elle toute son affection.
C'est pourquoi le nouvel homme a dit avec jubilation, et dans la plénitude
de son espérance : " Quand le feu du Seigneur aura enflammé
mon cur, et brûlé mes reins ; quand les hommes de Dieu auront
préparé tous les sens de mon âme, quand l'huile sainte aura
accompli ma consécration extérieure, et intérieure, alors
le Seigneur entrera en moi, il se promènera dans moi, comme autrefois
il se promena dans le jardin d'Eden. J'entendrai mon Dieu, je verrai mon Dieu,
je concevrai mon Dieu, je sentirai mon Dieu ; il aplanira lui-même les
voies par où il voudra faire marcher sa sagesse, il disposera mon cur
pour y pouvoir habiter comme dans un lieu de repos, et quand je voudrai me nourrir
des douceurs de la vertu, de l'empire des forces et des puissances, et de la
délicieuse contemplation de la lumière, je considérerai
le céleste habitant qui demeurera en moi, et il me procurera à
la fois tous ces biens. "
" Quand le céleste habitant qui demeure en moi m'aura procuré
tous ces biens, je sèmerai dans le champ de la vie les germes de ces
arbres puissants ; ils croîtront sur les rives de ces fleuves de mensonge
qui inondent le périlleux séjour de l'homme. Ils entremêleront
leurs racines pour soutenir les terres que ces fleuves baignent de leurs eaux,
et ils empêcheront qu'elles ne s'éboulent, et qu'elles ne soient
entraînées dans les courants. Ils pousseront de longs rameaux qui
ombrageront les bords des fleuves, et préserveront de l'ardeur du jour
le patient pêcheur qui viendra chercher sa nourriture, la ligne à
la main. Ces rameaux rendront un autre service au navigateur qui pourra y attacher
sa nacelle, et prendre un moment de repos après un voyage fatigant. Avec
plus d'ardeur encore saisira-t-il ces rameaux secourables dans les fréquents
naufrages dont sa dangereuse navigation est marquée journellement ; il
les saisira dans sa frayeur, et il les bénira de l'avoir aidé
à s'arracher au gouffre qui allait l'engloutir. "
" Tels sont les fruits que je dois attendre des vertus de ma pensée,
et de mon cur, si je suis zélé pour la gloire, et le service
du céleste habitant qui demeure en moi. Ce sont comme des aimants que
j'aurai placés hors de moi, qui soulèveront au-dessus de la terre
ma masse informe, qui m'attireront vers la véritable mine, et me serviront
de boussole dans les divers sentiers de ma carrière. Ce seront mes trésors
dans ce bas monde, et mon cur sera avec eux, puisqu'on nous a dit que
là où est notre trésor, là est notre cur.
"
Nous ne saurions trop l'affirmer, ce n'est point par la répétition
des paroles dans sa prière que le nouvel homme est parvenu à pouvoir
se remplir de ces douces espérances et à faire sortir de lui,
de ces paisibles intelligences qui répandent autour d'elles, le calme
et le repos ; c'est en rassemblant avec soin tout le feu de son être intérieur
qu'il en voit enfin s'élever une flamme pure, vive, et légère
qui purifie l'air, et qui l'agite doucement, en faisant exhaler un vent rafraîchissant
; voilà comment il est parvenu à découvrir en lui les quatre
fleuves du jardin d'Eden, subdivisés dans ces sept sources sacramentelles
qui sont les puissances de son âme, et qui n'auraient jamais pu recouvrer
leur activité naturelle, si l'âme de ce nouvel homme n'avait été
elle-même régénérée, et ordonnée de
nouveau par le sacrement de la parole.
50.
C'est une vérité, déjà souvent exposée que,
quoique l'homme soit né pour l'esprit, il ne peut cependant jouir des
douceurs et des lumières de l'esprit, qu'autant qu'il a commencé
par se faire esprit. Voilà pourquoi la sagesse active et invisible fait
descendre continuellement son poids sur l'homme, afin qu'il rassemble ses forces
et ses principes de vie spirituelle. D'ailleurs cette sagesse active et invisible
ne fait point ainsi descendre son poids sur l'homme, sans verser dans son cur
quelques-unes de ces influences vives dont elle est l'organe et le ministre,
et parmi lesquelles elle fait éternellement sa demeure.
Quand elle a ainsi préparé l'homme, et que l'homme ne l'a point
contrariée dans ses desseins, alors elle transporte l'esprit de l'homme
dans le séjour de cette lumière où il a pris son origine
; et là, l'homme s'abreuve à longs traits des douceurs qui appartiennent
à son existence ; il s'en abreuve sans trouble, et sans inquiétude,
comme la sagesse elle-même, parce que, par les soins qu'elle lui a rendus,
son cur est devenu pur comme elle, et indépendant des mouvements
si incertains de la fragile roue du temps ; le supérieur, et l'inférieur,
se trouvant pour lui dans une parfaite analogie, il sent que la paix qu'il découvre
dans ces régions invisibles, se trouve également en lui-même
; il ne sait si son intérieur est dans cet extérieur divin, ou
si cet extérieur divin est dans son intérieur ; ce qu'il sent,
c'est que tout cela semble n'être qu'un pour lui, c'est que toutes ces
choses et lui ont l'air de n'être qu'une seule et même chose.
Voilà pourquoi il ne craint point de revenir dans son intérieur
quand il a joui de ces consolations supérieures si ravissantes, parce
qu'il sent qu'il va en trouver de semblables en lui-même ; voilà
pourquoi aussi il ne craint point de s'élever de son intérieur
jusqu'à ces régions si sublimes, parce qu'il sait d'avance quelles
sont les consolations qui l'y attendent.
Mais il ne peut parcourir toutes ces régions soit intérieures,
soit extérieures, sans éprouver un désir qu'il partage
avec la sagesse même, puisqu'elle l'a éprouvé la première
à son égard, c'est celui de voir goûter le même bonheur
à ses semblables ; et c'est dans ce désir secret, puisé
dans notre propre source, purgée de ses souillures, et de ses ténèbres,
que nous découvrons la véritable destination du nouvel homme,
et par conséquent celle de l'homme primitif.
Si les hommes avaient voulu ne pas fermer les yeux sur la simple loi des compensations,
ils n'auraient pas eu besoin de s'élever si haut pour apercevoir cette
destination primitive ; en effet, en nous en tenant aux seules notions naturelles
de notre raison non égarée par le vice et la corruption, ne pouvons-nous
pas démêler le but de notre être dans les dons, et les moyens
qui sont à la portée de tous les hommes ? Je puis donc dire à
mon semblable : Es-tu né fort ? N'est-ce pas pour protéger le
faible ? Es-tu né riche ? N'est-ce pas pour verser tes biens dans les
mains de l'indigent ? Es-tu né avec des lumières ? N'est-ce pas
pour éclairer celui qui est enveloppé de ténèbres
? Es-tu né vertueux ? N'est-ce pas pour soutenir, par ton exemple, l'homme
sans force, ou effrayer, et faire trembler l'homme méchant ? Remonte
donc, par ces degrés, jusqu'à ta loi d'origine. Si tu as l'attention
de comparer soigneusement tous les degrés de cette grande chaîne,
tu arriveras à reconnaître que tu es né primitivement pour
une grande compensation.
Mais quels efforts ne faut-il pas à l'homme pour ne pas laisser obscurcir
sa vue sur des vérités aussi simples, et aussi naturelles au milieu
des nuages nombreux qui la couvrent ? Combien ces efforts de l'homme ne doivent-ils
pas s'augmenter encore pour parvenir à remplir cette sublime destination,
en supposant qu'il eût été assez heureux pour ne pas la
perdre de vue ? Car nous ne pouvons plus nous dissimuler que nous sommes environnés
de difficultés si nombreuses, et d'obstacles si puissants, que c'est
comme si l'on avait creusé pour nous une prison profonde au milieu d'un
vaste rocher, et que nous ne vissions autour de nous, que des enceintes de roc
vif, taillées à pic, et à perte de vue.
Non, il n'est pas difficile de voir que les hommes sont ici-bas comme autant
de prisonniers que l'on a retranchés de toute communication avec les
créatures vivantes, et que l'on a mis, pour ainsi dire, au secret. Nous
n'y pouvons jouir des entretiens, et de la consolation de personne ; un sévère
et farouche geôlier nous jette rudement notre grossière nourriture,
et se retire sans daigner même nous adresser le moindre mot de consolation.
Quelquefois, il est vrai, après de longs jours passés dans cette
désolante situation, on nous permet le léger adoucissement de
voir quelques-uns de nos proches, et de nos amis, mais seulement pour un instant
; puis on nous replonge dans notre affreuse solitude. Enfin quelquefois après
ces cruelles épreuves, on nous ouvre les portes de notre prison, et on
nous remet en liberté. Mais combien est petit le nombre de ceux pour
qui brille enfin le jour de la délivrance ! Combien d'autres au contraire
voient se multiplier leurs fers, et sont condamnés à ne jamais
connaître le moindre soulagement ! Combien en est-il qui doivent passer
leurs jours dans les cachots, et pour qui il n'y aura point d'intervalle entre
les horreurs de leur prison, et les horreurs de leur tombeau !
Quel est donc le triste état de la postérité humaine, où
l'homme de désir lui-même est réduit à pleurer en
vain, et à voir ses frères ou liés par de fortes chaînes
dans de ténébreux cachots ou transportés dans les sépulcres
de la mort et de la putréfaction ! Et cela sans qu'il lui soit possible
d'agir pour leur délivrance, ni de rien opérer pour eux ! Il n'est
que trop vrai, malheureux homme, que le temps, et la mort sont les rois de ce
monde. Tu as des désirs purs, tu as des désirs divins, tu as des
désirs qui concourent avec ceux dont le cur et la sagesse de Dieu
même sont remplis, et cependant ces désirs ne s'accomplissent point
! Et cependant l'uvre vraie se voit comme forcée de céder
le pas à l'uvre illusoire ! Et cependant notre Dieu, lui-même,
enveloppe sa gloire, et parait comme contraint de différer jusqu'à
un autre temps, pour en manifester les triomphes !
Seigneur, Seigneur, est-il donc vrai que tu aies besoin de l'homme pour l'accomplissement
de ton oeuvre ici-bas ? Oui, tu en as besoin puisque cette oeuvre n'est autre
chose que la réunion de l'homme avec toi. Seigneur, Seigneur, il serait
vrai que tu aurais besoin de l'homme ici-bas, et cependant, ce malheureux se
refuserait à tes désirs, et à tes besoins ! Oh, non, rien
ne peut égaler l'horrible férocité, et l'impie cruauté
de l'homme ; rien n'est déchirant comme l'idée de son effroyable
volonté. Frappe-le, Seigneur, avec la verge du temps, afin qu'il sache
que le temps l'abuse journellement. Frappe-le avec la verge du temps, afin qu'il
ne croie plus au temps. Alors le temps se frappera lui-même, alors le
temps sera plein de remords, et de honte d'avoir trouvé un terme à
ses desseins. C'est au temps, c'est à la mort, c'est à ces rois
de la terre que tu avais adressé tant de reproches par la bouche de ton
prophète David (Ps. 2).
Aussi il disait dans sa douleur : " Pourquoi les nations se sont-elles
soulevées avec un grand bruit, et les peuples ont-ils formé de
vains desseins ? Les rois de la terre se sont opposés, et les princes
se sont assemblés contre le Seigneur, et contre son Christ. Rompons,
disent-ils, leurs liens, et rejetons loin de nous leur joug. Celui qui demeure
dans les cieux se rira d'eux, et le Seigneur s'en moquera. Il leur parlera dans
sa colère, et les remplira de troubles, et de fureur. Mais pour moi,
j'ai été établi roi par lui sur Sion, sa sainte montagne,
afin que j'annonce ses préceptes. Le Seigneur m'a dit : Vous êtes
mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui. Demandez-moi, et je vous donnerai
les nations pour votre héritage, et j'étendrai vos possessions
jusqu'aux extrémités de la terre. Vous les gouvernerez avec une
verge de fer, et les briserez comme le vaisseau du potier. Et vous maintenant,
ô rois, ouvrez votre cur à l'intelligence : recevez les instructions,
vous qui jugez la terre. "
Nouvel homme, regarde-toi comme ce roi établi sur Sion, la sainte montagne
du Seigneur, afin que tu annonces ses préceptes ; demande à Dieu
tes propres nations pour ton héritage, et il étendra tes possessions
jusqu'aux extrémités de la terre, et jusque dans les âmes
de tes semblables. Car sa sagesse active, et invisible ne cherche qu'à
faire pénétrer jusqu'a toi ses douces influences, et à
te soutenir du haut de son trône, dans tes combats, afin de te faire remporter
des victoires ; elle transportera ensuite auprès d'elle ton esprit triomphant,
jusque dans ces paisibles régions où elle fait éternellement
sa demeure, et où l'homme aurait dû demeurer aussi éternellement
avec elle, s'il n'avait pas eu la faiblesse de les abandonner ; vérités
qui pourraient être rebattues à toutes les pages de tous les livres,
et qui ne devraient pas pour cela éprouver le reproche d'être trop
répétées ; car comment accuserait-on les écrivains
de trop dire une chose qui est la seule chose que l'on devrait dire ?
51.
Le Réparateur prit avec lui trois de ses disciples, il les mena sur une
haute montagne, et il fut transfiguré devant eux ; son visage devint
brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la neige. En même
temps ils virent paraître Moïse, et Elie qui s'entretenaient avec
lui.
Lorsque l'homme rassemble, et concentre ses forces, il sent que la vie divine
elle-même ne dédaigne pas d'influer activement sur lui, et de le
réchauffer de son feu doux et vivificateur ; cette vie divine qui l'a
formé ne craint pas de le former de nouveau ; après l'avoir formé
de nouveau elle ne craint pas de venir s'établir en lui, et de le soutenir
par ses saintes influences, et après s'être établie en lui
et l'avoir soutenu par ses saintes influences, elle ne craint pas de lui communiquer
ta joie dont elle est la source, et dont elle se nourrit perpétuellement
elle-même. Dans cette opération l'homme prend réellement
un nouveau caractère, car il est tellement pénétré
de la lumière divine, que son intérieur en est tout resplendissant,
et qu'il se forme au-dedans de lui comme un soleil vif et brillant que son corps
matériel ne peut connaître, et c'est là un des sens du passage
de saint Jean : La lumière brille dans les ténèbres, et
les ténèbres ne l'ont point comprise ; il est venu dans ses possessions,
et les siens ne l'ont point reçu.
Si l'homme portait plus soigneusement sa vue sur son être intérieur,
il parviendrait sûrement à découvrir en lui ce soleil radieux,
et à le voir physiquement des yeux de son esprit comme il peut voir dans
une glace la beauté de sa face avec ses yeux matériels ; car il
a toujours, devant son être intérieur, un miroir vivant qui lui
en réfléchirait la splendeur en nature. Il s'y verrait accompagné
de la droite et de la gauche de Dieu, qui ne cessent de le préserver,
et de le défendre, qui ont été opérantes temporellement
dans les deux alliances, ou initiations spirituelle et divine, et qui ont été
représentées corporellement aux trois disciples du Réparateur
par les précurseurs de ces deux initiations : Moïse qui avait conduit
le peuple jusqu'aux portes de la terre promise, et Elie qui était venu
préparer les voies à l'alliance éternelle de la paix, et
de la sainteté. Car le Réparateur ne montrait encore dans cette
transfiguration, que les sentiers où l'homme devait passer pour retourner
dans le royaume de la vie.
Mais l'homme intérieur ainsi accompagné visiblement de la droite,
et de la gauche de Dieu entend encore, au-dessus de lui, la Voix divine qui
prononce ces paroles consolantes : C'est mon fils bien-aimé, dans lequel
j'ai mis toute mon affection. Ecoutez-le ; de façon que, se trouvant
placé entre le ternaire divin et supérieur dont il émane,
et dont il est fils et le ternaire spirituel de ses propres facultés,
ou de ses trois disciples, il découvre en lui-même le tableau universel
de toutes les régions, des lois d'action, et de réaction qui ont
agi pour l'émanation de l'homme et qui agissent journellement pour sa
sanctification, et pour sa glorification. Et voilà les trésors
qui se dévoilent aux yeux du nouvel homme.
Il n'est pas étonnant que les trois disciples du nouvel homme le voyant
ainsi tout rayonnant de gloire, soient hors d'eux-mêmes, et que l'un d'eux
lui dise : Seigneur, nous sommes bien ici, faisons-y, s'il vous plaît,
trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Elie. Et quand
la nue vient à couvrir à leurs yeux ce ternaire supérieur,
et que la voix sortant de cette nue, se fait entendre, il n'est pas étonnant
que les trois disciples soient saisis d'une grande crainte, et qu'ils tombent
le visage contre terre. Mais le nouvel homme s'approchera d'eux, les touchera,
leur dira : Levez-vous, et ne craignez point. Alors ils lèveront les
yeux, et ne verront plus que le nouvel homme seul, parce que le ternaire supérieur
ne peut pas séjourner sur la terre.
Il leur fera le commandement de ne parler de cette vision à personne,
jusqu'à ce qu'il soit ressuscité d'entre les morts ; car si leur
vue avait eu tant de peine à en soutenir l'éclat, eux qui y avaient
été préparés, comment des oreilles impures et grossières
en auraient-elles soutenu le récit ? Il suffit, d'après cette
transfiguration, que les disciples du nouvel homme le regardent comme étant
le fils de la Divinité, et qu'ils s'attachent à son service avec
autant de zèle que s'ils étaient en présence un Dieu. Instruction
que le nouvel homme ne peut trop graver en eux pour les maintenir dans la vigilance,
et pour que, travaillant de concert avec lui, ils emploient continuellement
tous leurs efforts à conserver la mesure, l'ordre, l'activité,
et l'amour dans toutes leurs oeuvres, et dans tous leurs mouvements, afin que
lui avec eux, et eux avec lui, manifestent de plus en plus, dans une représentation
toujours plus parfaite cette unité suprême, dont le nouvel homme,
et ses trois facultés sont l'image.
En effet, sans cette transfiguration intérieure du nouvel homme, nous
ne connaissons que par les images de l'intelligence, la source où nous
avons pris notre origine, les rapports que nous avions eux avec elle primitivement,
ceux de ces rapports que nous avons conservés depuis la fatale chute
; ceux qui se sont rétablis de nouveau par le cana! des deux alliances,
et par conséquent les ravissantes espérances dont nous pouvons
encore nous remplir.
Mais dès que notre propre transfiguration nous a élevés
au-dessus du nuage, le nuage peut ensuite recouvrir la montagne ; nous ne perdons
point le souvenir de ce qui s'est opéré devant nous. Nous redescendons
pleins de respect pour l'essence qui nous anime, pleins d'amour et d'adoration
pour celui qui nous a faits ce que nous sommes ; nous gardons notre secret dans
le plus profond de notre cur, très persuadés que, dans cette
solitude intérieure, nous pouvons mieux honorer le souverain être,
qu'en révélant ses richesses, et ses trésors à des
yeux qui n'en seraient pas dignes.
Nous nous disons que si nous étions seuls sur cette montagne lorsqu'il
est venu nous y trouver, et nous pénétrer assez de ses vivifiantes
influences, pour transfigurer tout notre être par leur divine activité,
il peut nous venir trouver encore partout où nous serons, quand même
nous y serions seuls, puisque notre existence n'étant que le fruit de
ce ternaire éternel et créateur, dès que nous existons,
c'est une preuve que ce ternaire est en action en nous, sur nous, autour de
nous, lors même que nous n'en avons pas visiblement la connaissance ;
et c'est alors que nous commençons à être inscrits dans
le livre de vie, dans ce livre dont notre être intérieur doit lui-même
former et produire les lettres, et les déposer sans cesse dans les mains
de la sagesse, pour qu'elle les emploie, selon ses plans, et selon ses projets,
et qu'elle leur communique la vie, le sens, et l'intelligence dont elle juge
qu'elles peuvent être susceptibles pour l'avancement de l'uvre.
Aussi n'est-ce que depuis la transfiguration du Réparateur, que le nouvel
homme peut jouir de sa transfiguration personnelle, et de même que nous
ne connaissons pas notre être d'une manière intuitive, sans cette
transfiguration personnelle, de même nous ne saurions rien de la possibilité
de notre transfiguration personnelle, si la transfiguration du Réparateur
ne nous en avait donné la connaissance.
Oui, divin et exclusif Libérateur des hommes dans l'esclavage, il fallait
que tu fusses transfiguré pour que les trésors divins se déployassent
à notre vue, et la remplissent de leur éclat immortel. Sans toi
nous n'aurions pas su ce que c'était que notre origine, ce que c'était
que l'uvre, ce que c'était que la charité, ce que c'était
que la fontaine de vie. Sois béni à jamais, par toutes les générations,
et dans tous les siècles ! Que toutes les voix célèbrent
le Réparateur universel, l'agneau sans tache intérieure, et extérieure,
celui dont la nature est vivante de la vie même, celui qui a ouvert pour
nous les canaux des deux alliances, par lesquelles seules nous pouvions recouvrer
l'explication de notre être.
L'enfant qui vient de naître, quand est-ce qu'il peut jouir de la vue
? C'est quand la lumière a su se faire jour en lui, et ses yeux une portion
d'elle-même, sur laquelle elle va réagir désormais ; jusque-là
il est dans les ténèbres. Il en est de même de tous ses
autres sens, relativement à la puissance qui doit les mouvoir. Il en
est de même aussi de tous les sens de notre esprit, et de notre cur.
Nous serions à jamais restés dans l'engourdissement de toutes
les facultés de notre être spirituel, si le divin Libérateur
qui a été glorifié, n'avait dissous toutes les vapeurs
malfaisantes dont tous nos organes étaient obstrués. Point d'intelligence,
point de tact, point de mouvement, point de vie en nous, si ce suprême
agent n'avait lancé, dans chacun nos organes intérieurs, et cachés
un de ses rayons vivificateurs, sur lesquels il veut ensuite darder continuellement
son action, pour nous maintenir avec lui dans cette divine activité dont
il est la source, et qu'il nous a appelés à partager avec lui.
52.
Des vertus diverses et nombreuses nous environnent, et cherchent à pénétrer
jusque dans nous. Chacune d'elles dirige son souffle salutaire sur l'un de nos
organes, de même que par notre parole nous transmettons à ceux
qui nous écoutent les différents mouvements dont nous sommes animés.
L'une de ces vertus qui est supérieure à toutes les autres, dirige
son souffle divin sur le centre même de notre être, et par l'organe
de la parole dont elle est le principe, elle transmet en nous sa propre vie,
son propre amour, sa propre lumière : Philippe, celui qui me voit, voit
mon père (Jean 14:9). Tel est le langage que le nouvel homme peut tenir
à ses disciples, à l'instar du Réparateur ; parce qu'il
cherche comme lui à transmettre sa propre vie par le souffle de sa bouche
et par l'organe de sa parole à toutes les facultés de son être.
Mais ce nouvel homme doit multiplier et varier sans nombre son action et sa
parole selon les différentes régénérations qu'il
lui faut opérer en lui-même ; aussi tantôt il se montre environné
de gloire et de puissance pour remplir les peuples d'admiration pour son nom
et pour la grandeur de ses oeuvres ; tantôt il se peint comme une victime
dévouée au salut du peuple, et comme un être de réprobation
exposé à toutes les insultes et à tous les mépris
de ses ennemis. Tantôt il se peint comme l'ami, le sage instituteur de
ses frères à qui il distribue les divers préceptes qui
leur conviennent pour se diriger dans la carrière. Tantôt il se
peint comme l'homme de douleur, et même comme l'homme de péché,
en employant sans cesse ses larmes et ses sanglots pour fléchir la miséricorde.
C'est là ce qui rend si variés les caractères et les nuances
qui doivent le manifester aux yeux des siens ; et voilà pourquoi il est
si méconnaissable aux yeux de ceux qui ne sont vivants que dans l'extérieur.
Il leur échappe, ou il leur paraît contradictoire pour n'avoir
pas la monotone uniformité des êtres de matière qui n'ont
qu'une seule action à opérer, qui par conséquent ne reçoivent
qu'une seule réaction et laissent passer en vain au-dessus d'eux et autour
d'eux toutes les autres réactions qui ne sont point de leur classe inférieure,
et dont ils ne s'aperçoivent même pas ; tandis que ce nouvel homme
est en butte à la fois à toutes les réactions destructives
dont il faut qu'il se défende, et à toutes les réactions
régénératrices dont il faut qu'il se laisse pénétrer,
auxquelles il faut qu'il corresponde, et dont il faut encore qu'il transmette
les fruits et les vertus salutaires à tout le cercle particulier qui
le compose.
C'est aussi cette même raison qui rend si variés et si imperceptibles
les caractères de tous les écrits qui annoncent le Réparateur,
et où tantôt il instruit, tantôt il se voile, tantôt
il se 1amente, tantôt il se félicite de ses triomphes, tantôt
il s'offre comme victime, tantôt il se donne pour exemple à l'homme
et aux nations.
L'homme de régénération semble avoir été
conçu sous le règne patriarca1, il paraît être au
berceau au temps de David, où on lui donne une nourriture proportionnée
à son âge ; il paraît être dans l'adolescence sous
les prophètes où sa nourriture devient plus forte et ses mouvements
plus déterminés, et il semble être à l'âge
viril sous le Réparateur qui l'affranchit et 1'émancipe des entraves
de la minorité ; c'est à la mort de le remettre au rang des anciens
et des princes du peuple pour en obtenir la vénération et les
respects qui sont dus aux sages vieillards.
C'est par cette marche toujours croissante que le Réparateur a développé
le cours de ses manifestations sur la terre. La loi et les prophètes
ont duré jusqu'à Jean ; depuis ce temps-là le royaume de
Dieu est annoncé, et il souffre qu'on le prenne par violence. L'agneau
sacré avait été figuré par les sacrifices de l'ancienne
loi ; l'ecclésiastique et les prophéties nous l'avaient désigné
comme devant rendre la paix à la terre. Jean est le premier qui (comme
nous l'avons dit, n°41) ait fait connaître visiblement le Réparateur
sous le caractère de l'agneau qui venait ôter les péchés
du monde. C'est par sa bouche que sont passés l'annonce et le signalement
des nations.
Ce même Jean dans l'Apocalypse nous montre cet agneau sous un rapport
encore plus vaste. Il nous le montre immolé depuis le commencement du
monde ; il nous le montre ouvrant les sept sceaux, siégeant sur le trône
de Dieu, célébrant les noces divines, et servant de lampe et de
lumière au temple du Seigneur.
Hommes curieux, et avides d'intelligence, suivez dans cette chaîne la
progression de la miséricorde, et voyez par quelle abondance de paix
et de félicités tout doit se terminer; mais n'oubliez pas que
ceux qui auront suivi le modèle dans ses sacrifices, dans ses humiliations,
et dans sa pénitence, seront les seuls qui le pourront suivre un jour
dans sa gloire. Je ne crains point de vous assurer que c'est dans les Ecritures
où vous trouverez le guide éclairé qui vous fera parcourir
tous les sentiers de ces diverses progressions, et toutes les merveilles que
ces diverses époques renferment. Mariez donc continuellement vos principes
immortels avec les vérités des Ecritures saintes, et vous verrez
croître dans vous, et autour de vous de nombreuses générations.
Vous êtes cet époux muni de tous les avantages de la fortune, puisqu'il
a l'oreille et les faveurs de son maître, et l'Ecriture est une épouse
toujours rayonnante des grâces de la beauté et de la jeunesse.
Quelles délices peuvent se comparer à celles qui sont réservées
à la tendresse de vos deux curs ?
Vous pourrez trouver dans les Ecritures ce miroir interne dans lequel nous devrions
nous regarder sans cesse ; vous pourrez y trouver le tableau fidèle de
ces régions paisibles qui auraient dû être éternellement
votre demeure; vous y trouverez ces sources vives qui, s'accumulant continuellement
contre les obstacles que l'iniquité leur oppose, ne peuvent manquer de
les renverser et d'en triompher ; vous y trouverez le plus grand secret qui
puisse être communiqué à l'homme dans ce bas monde, qui
est d'apprendre à ouvrir vos propres facultés à ces vertus
bienfaisantes qui vous environnent et vous recherchent à tous les instants,
et par là de parvenir à en être pénétrés
plus profondément, plus universellement, de façon que cette union
vous devenant habituelle, vous ne sortiez plus de leur sphère, et que
vous vous formiez sur la terre une demeure céleste et durable.
Vous y apprendrez comment seront traités un jour vos ennemis, ou cette
Babylone, qui selon Isaïe (47), n'a point eu de miséricorde pour
ses captifs, qui a aggravé son joug sur le vieillard, et qui a dit :
Je dominerai éternellement... Il n'y a personne qui me voie... Je suis
la seule, et après moi il n'y en a point d'autre. Vous y verrez que cette
fille des Chaldéens ne sera plus appelée la reine du monde, que
les deux maux dont elle se croyait à couvert, la viduité et la
stérilité, lui viendront la fois dans le même jour, qu'elle
ne saura point d'où lui tous ces maux. Et on lui dira: " Reste avec
tes enchanteurs, avec la multitude de tes maléfices dans lesquels tu
t'es exercée dès ta jeunesse, essaie s'ils te serviront à
quelque chose, et si tu en deviendras plus forte... qu'ils demeurent et qu'ils
te sauvent ces augures du ciel qui contemplaient les astres, qui supputaient
les mois, afin de pouvoir t'annoncer les choses qui devaient t'arriver. Ils
sont devenus comme de l'étoupe, le feu les a dévorés, ils
ne délivreront point ton esprit des flammes ; ainsi périront tous
les arts dans lesquels tu as employé tant de travaux ; ceux qui étaient
tes agents dès ta jeunesse ont erré chacun dans leurs voies il
n'en est pas un qui puisse te sauver. "
Mais vous, hommes de désir, qui suivez les traces du vieil homme, vous
aurez le discernement de préférer aux
enchanteurs la voie simple des Ecritures qui lie naturellement l'homme à
Dieu. Qui pourrait compter sur les faits produits par des opérations
forcées ? Ils sont enfantés par la violence, ils doivent disparaître
lorsque le règne de la paix vient à se montrer ; mais avant cette
époque, il leur faudra un temps pour qu'ils s'effacent, et que les opérants
puissent rentrer dans la route des fruits naturels. Cette attente sera douloureuse,
en ce qu'elle tiendra l'homme dans la privation. Heureux encore si ces fruits
ne sont que prématurés, et s'ils ne sont pas viciés dans
leurs éléments, ou piqués des insectes malfaisants !
53.
Si tu demandes au nouvel homme quand est-ce que tu pourras comme lui goûter
les consolations dont il ne cesse de te parler, il te répondra : C'est
lorsque tu ouvriras ton oreille aux gémissements de ceux qui soupirent
après les sentiers ; les voix de tous ces hommes de désir, forment
une longue chaîne de sons lugubres et douloureux qui est comme l'annonce
des beaux jours d'Israël. Cette longue chaîne, le nouvel homme en
a mesuré toute l'étendue ; et cette mesure se trouve dans l'intervalle
du sabbat septenaire au sabbat huitenaire ou dominical.
Le fils d'Isaïe était le type de ce sabbat, non seulement parce
qu'il était le dernier des huit enfants de son père, mais encore
parce qu'il prit cinq pierres avec sa fronde, et qu'il attaqua et vainquit le
géant. Il ne voulait point se servir des armes étrangères,
elles embarrassaient sa marche et ses mouvements qui devaient être libres
comme ceux de l'esprit et de la sainteté.
Homme de désir, dites donc sans cesse avec le nouvel homme : Seigneur
quelle est la parole dont les sons s'élèvent jusqu'à toi
; c'est celle que tu réveilles dans l'homme, en descendant jusqu'au fond
de son être : tu frappes et tu t'insinues jusque dans les bases de son
temple, et tu fais sortir de lui des cris de louange, des cris de jubilation
ou des cris de douleur, selon les substances qu'il a laissé s'accumuler
ou se développer en lui, et qui se présentent à ton action.
Hélas, il faut auparavant que ton feu dessèche le fleuve des paroles
mortes et sans vie ! Ce fleuve coule sur un lit pestilentiel, dont il dérobe
le fond à nos yeux, et qui n'en devient par là que plus funeste.
Il coule sur le lit des paroles mortelles, et dont les sons ne se propagent
que dans une direction opposée à celle de la vérité.
Pourquoi les eaux du fleuve des paroles mortes n'absorbent-elles pas au moins
les vapeurs des paroles mortelles ? C'est qu'il s'en laisse infecter lui-même,
et il répand ensuite cette infection dans l'atmosphère ; et c'est
dans ce triste et malheureux séjour d'horreur et de disette, que l'homme
est néanmoins tenu de payer les rétributions légitimes
qui sont dues à son souverain.
Mais, remplissez-vous de confiance, vous tous, hommes de l'esprit, songez que
celui qui a bien voulu régénérer le nouvel homme a payé
lui-même cette rétribution au prince, et qu'il l'a payée
pour tous ceux qui s'unissent à lui dans l'esprit de justice et d'équité
dont il a donné l'exemple. N'a-t-il pas dit à ses disciples :
Allez-vous en à la mer, et jetez votre ligne ; et le premier poisson
qui s'y prendra, tirez-le, et lui ouvrez la bouche, vous y trouverez une pièce
d'argent de quatre drachmes, que vous prendrez et que vous leur donnerez pour
vous et pour moi ?
Quelle était cette mer ? C'est cet abîme dans lequel le crime primitif
nous a tous plongés. Quelle était cette ligne qui s'y devait jeter
! C'est ce rayon de miséricorde et d'amour, que la main du pêcheur
n'a pas craint, du haut de son siège éternel, de faire descendre
jusque dans cette mer si distante de lui et si ténébreuse. Quel
était ce premier poisson qui s'y devait prendre ? C'était ce vieil
homme qui tenait renfermé dans ses entrailles, le seul trésor
avec lequel nous pouvons payer l'imposition. Quelle est cette pièce d'argent
de quatre drachmes qui devait se trouver dans la bouche de ce poisson ? C'est
cette parole éternelle dont le quaternaire de l'homme est l'image ; c'est
cette parole qui seule pouvait régénérer la nôtre,
et qui seule pouvait payer pour elle comme pour nous, à César,
ce qui était dû à César.
Homme de paix, voilà sur quoi doit reposer votre confiance. La drachme
est retrouvée, ne vous séparez point de celui qui la fait sortir
du fond de la mer, et vous serez toujours prêts a vous acquitter, parce
qu'il a rendu la valeur et la vie à ce qui était mort et sans
vertu en vous. Le nouvel homme a aussi retrouvé cette drachme, il a saisi
avidement la ligne qui se présentait, il est sorti du fond de l'abîme,
il a satisfait aux droits de la justice, n'hésitez point à suivre
son exemple.
Mais ne faites pas ensuite comme tant de malheureux qui ont laissé effacer
les signes de cette drachme par les pouvoirs de la lime tranchante ; leur numéraire
ne porte plus l'effigie du prince. Ce numéraire ne peut plus circuler,
il laisse l'homme dans la disette la plus affreuse ; cherchez au moins s'il
ne vous reste pas quelques moyens d'échapper à la mort. Ecoutez.
L'effigie du prince est effacée, et votre numéraire est sans valeur
; mais le métal ne demeure-t-il pas encore ? Confiez-le à l'habile
artisan chargé par le souverain de rendre à ce numéraire
tout son prix. De nouveau il imprimera dessus l'effigie du prince, et vous pourrez
en son nom vous procurer votre subsistance, et acquitter les légitimes
impositions de l'État.
Vous pouvez abréger cette oeuvre pendant votre vie terrestre ; après
qu'elle sera terminée, vous serez obligés d'attendre, et de subir
toute la longueur du décret, pour que dans vous le mort ou le numéraire
reprenne sa vie, son caractère, et sa valeur.
Il est une eau féconde qui peut vous aider à prévenir ces
malheurs. Cette eau est cachée dans votre terre, il vous faut creuser
profondément pour la découvrir ; mais elle vous dédommagera
de vos peines. Cette eau n'est point corrosive comme celle du vaste océan
; elle n'est point fade, et insipide comme les eaux des fleuves qui roulent
sur votre globe ; elle est plus limpide que l'éther, plus douce que le
miel, plus active que les eaux les plus spiritueuses, enfin elle est plus inflammable
que le soufre et l'huile.
Par sa limpidité elle laisse passer en elle une immense quantité
de rayons de lumière, qui rapprochent de vous les objets les plus éloignés,
et vous éclairent sur la nature, et la destination de tout ce qui vous
environne. Par sa douceur, elle vous communique des affections si délicieuses,
que vous ne trouvez rien sur la terre qui puisse vous en procurer de semblables.
Par son activité elle brise en vous les humeurs les plus épaisses,
et leur rend cette libre circulation sans laquelle vos jours ne peuvent vous
promettre aucune durée ; enfin par sa propriété inflammable
elle peut, dans l'instant, porter le feu à la fois dans tout votre être,
et mettre en jeu toutes vos facultés spirituelles, et tous les organes
de ces facultés.
Mais ce n'est point à votre enceinte particulière, et individuelle
que se bornent les propriétés de cette eau si féconde ;
elle peut, par sa qualité inflammable, communiquer son feu à toutes
les régions supérieures, parce que cette même eau s'y trouve
avec encore plus d'abondance ; quand cette ineffable union s'opère, c'est
alors que la clarté deviendrait trop éblouissante pour des yeux
qui n'y seraient pas préparés, parce que sept fois plus grande
que quand elle ne se montrait que dans vous, et autour de vous, selon cette
prophétie d'Isaïe (30:26) : La lumière de la lune deviendra
comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept
fois plus grande, comme serait la lumière de sept jours ensemble, lorsque
le Seigneur aura bandé la plaie de son peuple, et qu'il aura guéri
la blessure qu'il avait reçue.
Allez donc creuser soigneusement votre terre puisqu'elle renferme cette eau
précieuse qui doit vous procurer de si grands avantages, car elle est
aussi la drachme qui peut faire de chacun de vous un nouvel homme
Mais si elle a le pouvoir de vous ouvrir les yeux sur les objets qui sont en
vous, sur ceux qui sont autour de vous, sur ceux qui sont au-dessus de vous,
elle a aussi le pouvoir de vous les ouvrir sur les objets qui sont au-dessous
de vous ; et c'est là où la douleur s'empare du cur du nouvel
homme.
Hommes de Dieu, consolez-moi, consolez-moi, mon cur est gonflé
d'affliction, consolez-moi, il est plein de douleurs comme le cur des
prophètes ; car il embrasse la vaste étendue du crime, et les
abîmes s'entrouvent devant moi. J'y vois les victimes qui y sont immolées
journellement sur l'autel de l'iniquité ; j'y vois ces infâmes
sacrificateurs égorger eux-mêmes les victimes malheureuses qu'ils
ont séduites sous l'appât des plus grands triomphes, et des plus
douces consolations. J'y vois les satellites de ces sacrificateurs parcourir
tous les sentiers de la terre pour surprendre de nouvelles proies, et les entraîner
dans la caverne du lion féroce, et je ne vois personne qui les défende,
et qui les arrache à la mort. Hommes de Dieu, que ce soient vos pleurs
qui coulent dans toutes mes veines en place de mon sang. Donnez-moi votre force,
et j'irai prendre tous ces prophètes de mensonge qui s'emparent de l'esprit
des rois d'Israël, et comme Elie sacrifia les faux prophètes de
Baal et d'Astarté, je les précipiterai dans le torrent de Cison.
Je foulerai aux pieds ces habitants d'Edom ; je les foulerai comme dans un pressoir,
et leur sang rejaillira sur mes vêtements, et rougira les bords de ma
robe (Isaïe 63).
Princes du mensonge, lorsque le prophète entre en fureur, pour la gloire
et le service de son maître, vous dites qu'il est insensé. Comment
le prophète garderait-il son sang-froid, son calme, et sa raison quand
son coeur est déchiré par des angoisses qui s'accumulent, et se
gonflent en lui comme un torrent ? Mais le délire du prophète
déconcerte la sagesse des princes du mensonge ; ils ne peuvent s'attirer
son hommage ; ils ne peuvent lui faire offrir l'encens à leurs projets
ambitieux, et ils se retirent remplis de rage et de confusion.
54.
Le nouvel homme est semblable à un arbre sur lequel la colombe vient
se reposer avec joie, après avoir volé jusqu'à épuiser
ses forces pour aller chercher la nourriture à ses petits. Le nouvel
homme est encore semblable à la trompette que l'on fait sonner dans les
places, et sur les tours élevées pour appeler le peuple à
la prière ; parce que le nouvel homme est le lieu de repos de la vérité,
et qu'il est chargé d'appeler journellement son propre peuple au sacrifice
; il est chargé de l'entretien de tous les canaux de la ville, et de
veiller à ce que les eaux vives puissent y circuler librement ; et il
est chargé d'avertir ses concitoyens que la ville qu'ils habitent est
une ville sainte, et dans laquelle on ne souffre aucun mendiant sans aveu, aucun
lâche, aucun paresseux, parce qu'il n'est personne qui ne puisse s'y procurer
légitimement, et abondamment sa subsistance ; car si l'un de ces habitants
ne se croit pas les forces nécessaires pour suffire seul à remplir
sa tâche, et à subvenir à ses besoins, il peut s'adresser
à l'un de ses frères, il peut s'unir avec lui, et cette union
ne lui laissera rien à désirer puisqu'il est écrit : Je
vous dis encore que si deux d'entre vous s'unissent sur la terre, quelque chose
qu'ils demandent, elle leur sera accordée par mon père qui est
dans le ciel.
Or si l'homme n'a pas besoin de chercher plus loin que lui-même pour trouver
la ville sainte avec ses habitants, à plus forte raison pourra-t-il trouver
dans lui-même ce second, ce concitoyen avec lequel il peut s'unir au nom
du Seigneur, pour lui demander tout ce dont son esprit peut éprouver
la disette, et le besoin. Souvent même cette seule réunion leur
procurera des secours inattendus, et dont ils seront tous surpris. Ainsi lorsque
leur barque sera agitée par un grand vent, le Réparateur marchera
près d'eux sur la mer, et dans leur frayeur il leur dira : c'est moi,
ne craignez point ; qu'alors ils le prennent seulement dans leur barque et la
barque se trouvera tout de suite au lieu où ils désireront aller.
Ce n'est que l'homme menteur et lâche qui craint de se lancer sur la plage
pour se rendre aux régions éloignées. Il se dit : La mer
est si grosse ! Les vents la tourmentent si fort ! Elle est remplie de tant
d'écueils ! Irai-je risquer de faire naufrage, et de m'engloutir ? Irai-je
risquer d'être battu par la tempête, au point d'être obligé
de me réfugier dans quelque port ennemi ? Non, j'attendrai prudemment
que les vents se calment ; je resterai à l'ancre jusqu'à ce que
le temps me permette d'espérer une navigation favorable.
Cur de l'homme, c'est toi qui es toi-même cette mer orageuse, et
couverte des débris de tous les naufrages que les navigateurs ont faits
depuis le commencement. Combien de richesses n'as-tu pas englouties dans ton
sein! Combien d'hommes de désir n'ont-ils pas trouvé en toi leur
sépulcre, au lieu d'y trouver un hospice et un lieu de consolation !
Combien d'animaux voraces ne se promènent-ils pas sans cesse dans tes
parages pour attendre leur proie ? Oui, tant que tu n'offriras au vaisseau qu'un
élément aussi perfide, et qu'une destinée aussi funeste,
il fera mieux de rester à l'ancre, que de s'exposer à une perte
certaine.
Cur de l'homme, rends donc la mer plus calme, et plus sûre ; détruis
tous ces écueils dont elle est semée, et hâte-toi de lancer
le vaisseau, et de déployer toutes ses voiles, car les nations étrangères
attendent impatiemment son arrivée pour avoir leur subsistance, et c'est
toi qui les tiens dans la disette, et dans la misère.
Mais l'homme ne s'est pas contenté de s'effrayer de l'entreprise ; il
a négligé même de lever l'ancre lorsque les vents étaient
les plus favorables, et il est resté dans l'insouciance sur l'indigence
des autres peuples, et sur celle dont il était menacé lui-même,
s'il ne remplissait pas sa mission.
Combien de fois, esclave malheureux, et chargé de chaînes, combien
de fois n'a-t-on pas mis à ta portée une lime éprouvée,
avec laquelle tu aurais pu rompre tes fers, et rentrer dans les régions
de la liberté, pour y être utile à ta patrie ! Au lieu de
profiter de ce secours, tu t'es uniquement occupé à mesurer toutes
les dimensions de tes chaînes, à te faire de soigneuses, et savantes
descriptions des métaux qui les composaient, et à tellement le
remplir de ces séduisantes analyses, que tu as cessé de croire
que tu eusses d'autre emploi, et peut-être même que tu as cessé
de croire que tu fusses esclave.
Détourne-toi de ces occupations qui t'abusent. Prends la lime quand on
te la présente, ne diffère pas un instant à t'en servir,
quand tu ne limerais chaque jour qu'une ligne de tes chaînes, cela te
serait plus profitable que de les décrire.
Qu'a fait le nouvel homme ? Il ne s'est pas levé un seul jour que ce
ne fût avec le désir, et la résolution d'élever un
autel à une vertu, et de lui offrir assidûment des sacrifices,
jusqu'à ce qu'il eût reçu d'elle les témoignages
de son intérêt pour lui ; il ne s'en est pas tenu même à
ces témoignages, il a persévéré dans ses assiduités,
jusqu'à ce que cette vertu fût, pour ainsi dire, identifiée
avec lui, et que lui-même fût comme naturalisé, et marié
avec elle. C'est par là qu'il a fait germer en lui les fruits vivants
de la vérité, de la miséricorde, et de la justice, et qu'il
a établi dans le centre de son être la consommation de la sanctification,
et de sa liberté.
Car il n'a point désespéré de voir couronner ses travaux,
et, dès qu'il s'apercevait qu'il lui manquait une vertu, il se mettait
en oeuvre pour s'en procurer la possession ; comme un homme qui s'aperçoit
qu'il s'est fait une ouverture à sa maison, n'a point de repos que cette
brèche ne soit fermée ; c'est-à-dire, qu'il ne s'est occupé
qu'à rebâtir cette ancienne maison que nous occupions autrefois,
et dont l'enceinte était formée par les vertus de l'esprit, et
du nom du Seigneur, ce qui nous maintenait à couvert de toutes les entreprises
de nos ennemis. C'est aussi parce que nous occupions autrefois cette enceinte
formée par les vertus de l'esprit, et du nom du Seigneur, que nous étions
assez spiritualisés, pour être chacun un des signes du Seigneur
; parce que tous les rayons de l'esprit, et du nom du Seigneur, se réunissaient
sur nous, et nous faisaient réfléchir son image.
Telle est encore notre loi malgré notre chute, et telle serait encore
notre espérance, si, comme le nouvel homme, nous ne nous levions pas
un seul jour sans que ce fût dans le désir, et la résolution
d'élever un autel à une vertu, et de ne point abandonner l'uvre,
jusqu'à ce que cet autel fût consacré, et que les cérémonies
saintes y fussent en pleine activité.
Mais l'adversaire, par les conseils de qui nous sommes tombés de ce poste
sublime, n'oublie rien de ce qui peut nous empêcher d'y remonter, et de
nous spiritualiser d'une manière assez caractéristique pour devenir
un des signes du Seigneur. Aussi voyons-nous que la tâche la plus consolante
de cet adversaire est de s'opposer à ce que les hommes deviennent des
indices constants et significatifs de la vérité ; et il a soin
que cette région illusoire sur laquelle il règne, n'ait pour caractère
dominant que le vague, l'incertitude, et le néant. Bien plus ; il s'efforce
encore davantage de transformer tous les hommes en autant de signes caractéristiques
du mensonge, des ténèbres et de l'iniquité.
Car combien de signes altérés, trompeurs, et abominables se sont
emparés de l'homme ! Combien de puissances fausses pensent en lui, pensent
pour lui, et le font penser malgré lui ! Combien de puissances fausses
parlent en lui, parlent pour lui, et le font parler malgré lui ! Combien
de puissances fausses agissent en lui, agissent pour lui, et le font agir malgré
lui, et voilà pourtant cet être dans qui la Divinité devait
passer tout entière, et dont il devait être à la fois la
pensée, la parole, et l'opération ; voilà cet être
qui est la pierre fondamentale sur laquelle le Seigneur a dit qu'il voulait
bâtir son Église ; voilà cet être qui à l'imitation
du Réparateur dont il est le frère, pouvait dire comme lui : Je
suis la lumière du monde (Jean 8:12).
Au lieu de remplir une aussi noble destination, son esprit, son cur, son
âme, toute sa personne est continuellement l'organe et l'esclave des signes
étrangers qui dirigent tous ses mouvements. Il est comme ces rois dont
toutes les facultés se sont concentrées et affaissées,
et qui ne sont plus susceptibles que d'être le jouet perpétuel
des opinions de leurs ministres passionnés.
Malheureux mortel, n'oublie donc plus que la Divinité doit passer en
toi tout entière ; avant ton crime, elle n'y aurait passé qu'avec
gloire, au lieu qu'aujourd'hui elle n'y peut passer qu'avec humiliation. Apprends
à reconnaître au moins, par là, la grandeur de ton origine
et de tes droits ; apprends à reconnaître ce que tu vaux, en considérant
que le Dieu s'est rendu ton fils, afin de devenir ton père une seconde
fois. Apprends à reconnaître la dignité et la sainteté
de tes alliances, et si tu n'es pas assez plein de respect pour toi-même,
pour ne point t'égarer sentiers de la justice, rentres-y promptement
par l'honneur, et par vénération pour ceux à qui tu appartiens.
Tâche de redevenir un des signes du Seigneur, ne fût-ce que de percer
les murs de ta maison, comme Ezéchiel, et de te faire porter comme lui,
la face couverte, pour l'instruction du roi, et de ton peuple prévaricateur.
Peut-être ce signe sauverait-il quelques âmes. Et quand même
il n'en sauverait aucune, tu recevrais toujours la récompense due au
fidèle serviteur qui a cherché la gloire de son maître.
Au moins songe à ta propre sûreté. Persuade-toi qu'un vaste
et subit incendie vient de prendre à ta demeure, songe que cet incendie
doit durer jusqu'à ce qu'il ne reste plus le moindre vestige de ton habitation,
puisqu'elle a été bâtie par le même feu qui la brûle.
Fais alors ce qui se pratique dans les incendies des édifices bâtis
par la main des hommes ; ils jettent promptement leurs meubles dehors ; ils
prennent leurs bijoux, leur or, leurs titres importants pour prévenir
la misère qui les menace.
Jette donc ainsi dehors avec vigilance, et célérité, tes
trésors les plus précieux, de peur qu'ils ne deviennent la proie
des flammes. Ne perds pas un seul instant ; la maison va s'écrouler,
elle peut t'écraser, ou le feu peut te fermer tellement les issues, que
tu n'aies plus aucun moyen d'échapper. C'est là le moment de déployer
ton intelligence, et ton courage ; et ce moment doit durer pendant toute ta
vie terrestre, puisque l'incendie ne doit cesser que lorsque le feu aura consumé
jusqu'aux derniers matériaux de l'édifice.
55.
Objets mensongers, puissances illusoires, puissances destructives, en vain vous
réunirez vos efforts contre le nouvel homme ; sa pensée croîtra
malgré vous : sa vertu ne sera point sujette à décliner,
et à se détruire, comme celle de tous les êtres composés
; elle suivra la ligne de l'infini. C'est quand notre pensée est descendue
par le crime, qu'elle a rencontré des bornes. C'est là où
la ligne de l'infini s'est trouvée rompue. Heureuses bornes dans notre
infortune ! Heureuse rupture ! Amour, c'est par là que tu as abrégé
notre séjour dans l'abîme. Toutes les régions de l'univers
ne sont-elles pas contiguës ? L'arbre qui a le pied caché dans la
terre, participe, par ses rameaux, à toutes les actions de l'atmosphère.
La pensée de l'homme enseveli dans les ténèbres de son
corps, pourquoi ne participerait-elle pas à toutes les actions de son
atmosphère céleste ?
Tristes rejetons de la postérité humaine, vous êtes tous
solidaires. Les douleurs de vos frères ne sauraient vous être étrangères.
S'ils sont dans l'atmosphère corrompue, leurs influences doivent se communiquer
jusqu'à votre demeure ; et vous avez alors la double tâche de vous
défendre de la corruption, et de poursuivre votre croissance.
Où sont-ils ceux qui, du sein même de leur prison, ont obtenu de
pouvoir purifier l'atmosphère, et rendre la santé à leurs
frères ? Où sont ceux qui ont les yeux ouverts sur l'abîme,
et que la prière y plonge pour en arracher les malheureux ?
Consolez-vous hommes de paix, vous n'êtes pas non plus séparés
de ceux de vos frères qui habitent une atmosphère pure ; la mort
ne sépare que le méchant ; c'est à lui d'attendre que l'on
vienne lui apporter des secours ; parce qu'en lui ôtant son enveloppe
de mensonge, on lui a ôté ce qui était tout pour lui. Souvenez-vous
de la parabole du mauvais riche ; il aurait désiré que Lazare
eût pu seulement tremper son doigt dans ses abîmes, pour en tempérer
l'ardeur dévorante, et cette consolation lui est refusée. Mais
l'homme juste n'est jamais un instant sans que le doigt de Dieu ne se trempe
dans son atmosphère ; aussi, tel que l'épi au milieu du champ
il voit sans sourciller la faux du moissonneur tout renverser autour de lui,
et s'approcher pour le renverser à son tour ; il sait qu'en quittant
cette terre il entre dans l'atmosphère de la pureté, et que là,
des yeux plus perçants encore que ceux de l'impie, le visiteront avec
vigilance pour le préserver, et l'aider à son insu.
L'enfant au berceau ne connaît pas la main qui le soigne, le sein qui
l'allaite. Malgré sa faiblesse et son ignorance, il n'est point abandonné,
il ne manque de rien. Pourrions-nous être plus abandonnés que lui
? Il ne repousse point la main qui le soigne, ni le sein qui l'allaite ; nous
n'avons pas besoin d'une autre science que la sienne. Voilà pourquoi
il est écrit : " Si vous devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez
point dans le royaume des cieux ; quiconque s'humiliera et se rendra petit comme
cet enfant, sera le plus grand dans le royaume des cieux, et quiconque reçoit
en mon nom un enfant tel que je viens de dire, c'est moi-même qu'il reçoit.
"
C'est pour cela que le nouvel homme plonge sans cesse dans son humilité
profonde, dira avec David (psaume 43:16) : " J'ai devant les yeux ma confusion
tout le jour, et la honte qui paraît sur mon visage me couvre entièrement...
Notre âme est humiliée jusqu'à la poussière, et notre
ventre est comme collé à la terre. Levez-vous, Seigneur, secourez-nous,
et rachetez-nous pour la gloire de votre nom. "
Il lui dira dans sa sainte confiance : " Seigneur, ne permettez pas que
vos ennemis nous traitent comme ils ont traité autrefois la ville de
Sion ; cette ville qu'ils appelaient la répudiée, et dont ils
disaient : Est-ce là cette Sion qui n'a plus personne qui la recherche
? " (Jérémie 30:17).
Vous disiez au peuple choisi : " Mais un jour tous ceux qui vous dévorent
seront dévorés ; tous vos ennemis seront emmenés captifs,
ceux qui vous détruisent seront détruits ; et j'abandonnerai au
pillage tous ceux qui vous pillent ". Si vous avez promis de traiter favorablement
votre peuple et son temple qui n'étaient à vos yeux qu'un peuple
temporel, et qu'un temple figuratif ; si vous avez promis de faire revenir les
captifs qui habitaient dans les tentes de Jacob, et d'avoir compassion de ses
maisons ; si vous avez dit : la ville sera rebâtie sur sa montagne et
le temple sera fondé de nouveau comme il était auparavant, quel
espoir ne doit donc point avoir l'âme de l'homme qui est votre véritable
peuple et votre véritable temple ?... Aussi j'attendrai sans inquiétude,
et rempli de foi comme David (ps. 44:4) que, vous qui êtes le très
puissant, vous ceigniez votre épée sur votre cuisse, que vous
vous signaliez par votre gloire et votre majesté.
Il lui dira : Je ne doute point que vous ne mettiez en consécration l'opération
et les oeuvres de mes mains, et que mes mains ne deviennent comme gonflées
par l'abondance de la justice, et par le zèle de votre service ; je ne
doute point que vous ne mettiez en consécration l'opération intérieure
de mon désir et de mon amour, et qu'ils ne deviennent semblables à
votre désir et à votre amour. Je ne doute point que vous ne mettiez
en consécration mon intelligence, et ma conception, et que vous ne les
rendiez propres à recevoir dans leur pureté les vifs rayons de
votre lumière, et de votre vérité, parce que vous avez
fait l'âme de l'homme pour être votre voie et votre organe ; et
que toute souillée, et tout impure qu'elle puisse être, vous ne
dédaignez pas de vous plonger dans ses souillures pour la purifier, et
afin qu'après avoir passé en elle dans votre humiliation et votre
souffrance, vous y passiez dans votre joie et dans votre gloire.
Et vous, hommes aveugles, hommes égarés, s'il vous restait le
moindre vestige de sentiment sur la nature de votre être et sur sa destination,
ne verseriez-vous pas des larmes de sang sur vos insensibilités passées
? Ne seriez-vous pas tourmentés de la honte d'avoir accumulé dans
la voie du Seigneur tant de décombres et tant de puissants obstacles,
et ne seriez-vous pas pressés du désir d'épargner au Seigneur
ces terribles et violentes épreuves auxquelles vous avez exposé
son amour ?
Voilà ces puissances illusoires, ces puissances destructives dont le
nouvel homme s'est séparé, et dont vous devez vous séparer
comme lui, si vous voulez comme lui, devenir les serviteurs et les amis du Seigneur,
au lieu de devenir ses adversaires. Prêtez-vous à l'action divine
; elle ne vous demande que de ne pas vous opposer à elle, et pour ce
simple abandon de votre part, elle va se livrer à vous tout entière,
et laisser en vous des témoignages vivants de son zèle. Elle va
s'étendre dans tous les canaux de votre être, et se mouvoir dans
votre esprit, comme la nature se meut dans votre être passager et sensible.
C'est ce mouvement de l'action divine qui a préparé la naissance
du nouvel homme, et c'est aussi ce mouvement de 1'action divine qui l'a opérée
; puisqu'il n'y a rien dans l'ordre des choses de l'esprit où le mouvement
de l'action divine ne doive présider. Cette naissance du nouvel homme
a été pour lui, comme ce jour qu'Abraham désira voir avec
ardeur, qu'il eut le bonheur de voir, et dont il se réjouit (Jean 8:56),
et c'est là aussi ce que signifiait cette parole du Réparateur
à ses disciples (Luc 10:24). Je vous déclare que beaucoup de prophètes
et de rois ont souhaité voir ce que vous voyez et ne l'on point vu, et
entendre ce que vous entendez et ne l'ont point entendu. Car de même que,
nul ne connaît qui est le fils que le père ; ni qui est le père
que le fils ; de même, nul ne connaît qui est le nouvel homme que
l'action divine, ni qui est l'action divine que le nouvel homme, ou celui à
qui il a donné le pouvoir de le révéler.
En effet, cette action divine et le nouvel homme sont unis par les liens les
plus indissolubles ; il ne peut rien sans elle, puisqu'elle est la plénitude
universelle, mais elle ne peut rien sans lui puisqu'il est son agent de prédilection
; c'est pourquoi il peut dire : Mon père m'a remis toutes choses entre
les mains. Mais s'il se réjouit de ce que son père lui a mis toutes
choses entre les mains, c'est moins parce que tous les esprits lui sont soumis
par là, que parce que son nom est écrit dans le livre de vie.
C'est parce que quiconque l'écoutera, écoutera son père
; c'est parce que telle est l'ardeur de son zèle pour la gloire de son
père céleste, qu'il n'aperçoit aucune perspective plus
consolante que celle de manifester les merveilles de ce père céleste
qui l'a engendré et qui l'engendre continuellement. Aussi au seul éclat
de la lumière dont brille ce nouvel homme, la mort et le néant
s'enfuiront dans leurs ténèbres.
C'est alors qu'il expliquera le nom du Seigneur en faisant éclater les
merveilles. Car, ces merveilles se sont concentrées dans le nom du Seigneur
depuis le moment fatal où s'est opérée la concentration
universelle ; mais le nom du Seigneur ainsi concentré a été
remis entre les mains du nouvel homme afin qu'il l'ouvrît, qu'il en répandît
ses parfums dans les régions préparées à les recevoir,
et que par le développement de ce nom il détruisît les barrières
du crime, pour y substituer l'ordre, la mesure, et la perfection.
Ce nouvel homme a aussi le pouvoir d'expliquer le nom du Réparateur puisqu'il
ne peut expliquer le nom du père sans expliquer le nom du fils ; aussi
en ouvrant ce nom il versera les consolations dans tout son être et dans
sa propre terre, comme ce nom a versé les consolations dans la terre
universelle.
Le nouvel homme expliquera aussi le nom de l'esprit, puisqu'il ne peut expliquer
le nom du père, et le nom du Réparateur sans expliquer le nom
de celui qui est leur véritable et essentielle opération ; et
c'est par l'explication de ce triple nom qu'il se rendra le fidèle serviteur
du Seigneur, parce qu'il ne s'appliquera jamais à l'explication active
de ce triple nom, sans être saisi d'une sainte frayeur que les canaux
de son être ne soient pas assez purifiés pour que la vérité
passe en lui sans y éprouver de la gêne et de la douleur.
56.
Voici le tableau des degrés par lesquels le nouvel homme peut monter
sur le trône de la gloire ; son être corporel est maintenu en activité
et en harmonie par les éléments, les éléments sont
opérés par leurs puissances, leurs puissances sont dirigées
par les esprits des régions, les esprits des régions sont excités
à leur oeuvre par l'âme sensible et désirante du nouvel
homme, son âme sensible et désirante est activée par l'esprit
saint. Là, l'âme divine du nouvel homme reçoit une pétulante
impulsion qui est l'aiguillon de feu et de vérité ; de là
elle arrive au respect et à l'amour du fils, d'où elle s'élève
à la sainte terreur du père qui la tient tout entière dans
la sagesse, le zèle, et la vigilante opération, jusqu'à
ce qu'elle soit réintégrée dans l'unité non subdivisée,
où elle ne connaîtra que l'amour qui est le caractère essentiel
et universel de celui qui est Dieu.
Le nouvel homme ne monte ces degrés que dans un tremblement continuel,
parce qu'il sait que le feu de l'esprit peut s'enflammer jusqu'à nos
mauvaises substances, et que par conséquent rien n'est comparable aux
précautions que nous devons prendre pour ne pas faire entrer Dieu en
nous, sans avoir mis hors de nous toutes ces substances fausses et susceptibles
de s'enflammer pour notre destruction, au lieu de s'enflammer pour notre véritable
perfectionnement. D'ailleurs s'il n'en résulte pas toujours un si funeste
embrasement, il en peut résulter au moins un terrible danger ; celui
de ne pas recevoir l'action de l'esprit en nous dans son abondance et dans sa
plénitude. Si vous voulez être parfait, disait le Réparateur
au jeune homme de l'Evangile, allez, vendez ce que vous avez, et le donnez aux
pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel, puis venez et me suivez.
Ces mots tombent en effet sur toutes les substances étrangères
à notre être que nous devons vendre si nous voulons être
parfaits, c'est-à-dire, si nous voulons que l'esprit circule en nous
dans sa plénitude et dans sa parfaite abondance ; et alors sans sortir
même de ce monde nous avons un trésor dans les cieux, ou plutôt
les cieux apportent eux-mêmes leurs trésors en nous, et nous font
part de leurs vivantes richesses, en nous faisant éprouver continuellement
leur stimulante activité.
Heureux celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu ! disait un de ceux
qui se trouvaient un jour à table avec le Réparateur (Luc 14:15).
Mais que lui dit le Réparateur pour lui montrer combien peu d'hommes
savaient non seulement chercher l'esprit dans sa plénitude, mais même
le laisser entrer en eux quand il se présentait, et vendre ce qu'ils
avaient pour lui faire place ? Il lui rapporte la parabole du festin et du grand
souper auquel un homme avait invité plusieurs personnes ; il lui rapporte
comment toutes ces personnes s'excusèrent sous divers prétextes,
l'un pour une maison qu'il vient d'acheter, l'autre pour une femme qu'il vient
d'épouser, etc. Il lui rapporte comment il dit à son serviteur
de faire entrer alors les pauvres, les estropiés, les aveugles, et même
tous ceux qu'il rencontrera dans les chemins et le long des haies, parce qu'il
veut que sa maison soit pleine.
Il va même une autre fois jusqu'à louer l'industrie des enfants
des hommes à la honte des enfants de lumière qui ne savent pas,
comme eux, mettre leurs richesses à profit, et s'en faire des amis pour
les temps de détresse. Car si cet économe était coupable
par ses injustices, il était remarquable par son adresse, et par son
industrie ; et c'était là tout ce que le Réparateur cherchait
à réveiller dans l'esprit des hommes, afin qu'après avoir
fait usage des dons qui étaient à leur disposition, il leur en
fût confié de plus considérables.
Il nous donnait même par là une instruction lumineuse sur la conduite
que l'ennemi tient généralement envers tous les hommes ; il s'est
rendu l'économe de nos facultés, et au lieu de diriger son administration
au profit et à l'utilité du maître, il ne songe qu'à
la sienne propre. Lors donc qu'il prévoit que le maître va lui
faire rendre ses comptes et le chasser de son poste, il cherche à se
ménager des personnes qui le reçoivent chez elles. Il fait venir
chacun des débiteurs qui sont en nous, il dit au premier : " Combien
devez-vous au maître ? Cent barils d'huile ? Reprenez votre obligation,
asseyez-vous là, et faites-en vivement une de cinquante ". Il dit
à un autre : " Combien devez-vous ? Cent mesures de froment ? Reprenez
votre obligation, et faites-en une de quatre-vingts ".
C'est ainsi que cet industrieux ennemi se conduit avec nous, cherchant à
diminuer nos dettes à nos propres yeux, à diminuer notre confiance
par des bienfaits injustes, et par une criminelle indulgence, et à nous
lier à lui par notre faiblesse, et par l'art avec lequel il a soin d'atténuer
nos obligations. Mais si la justice est imprescriptible, ni lui, ni nous ne
pourrons jamais frauder les droits du maître, et d'après les paroles
de ce maître, il est plus aisé que le ciel et la terre passent,
que non pas qu'une seule lettre de la loi manque d'avoir son effet (Luc 16:17).
Aussi on nous dira : Malheur à vous, Pharisiens, qui ressemblez à
des sépulcres qui ne paraissent point, et que les hommes qui marchent
dessus ne connaissent point. Parce que si nous écoutons l'ennemi, il
aura soin de nous faire tenir net le dehors de la coupe et du plat, tandis que
le dedans de nos curs sera plein de rapine et d'iniquité.
On nous dira : Malheur à vous, docteurs de la loi, qui chargez les hommes
de fardeaux insupportables, et qui ne voudriez pas les avoir touchés
du bout du doigt. Parce que plus mauvais que ce serviteur à qui le maître
avait remis sa dette, et qui sortant de là, étrangle son débiteur
pour s'en faire payer, nous aurons eu l'injustice de nous payer nous-mêmes
de ce qui ne nous était pas dû, et que nous n'aurons point payé
ce que nous devions.
On nous dira : Malheur à vous qui bâtissez des tombeaux aux prophètes,
et ce sont vos pères qui les ont tués ; ainsi vous témoignez
assez que vous consentez à ce qu'ont fait vos pères, puisqu'ils
ont tué les prophètes, et que vous leur bâtissez des tombeaux.
Parce que nous aurons servi nous-mêmes de tombeaux à ces prophètes,
étouffant la voix qu'ils ne cessent de nous faire entendre, et que même
nous leur aurons servi d'assassins et de meurtriers.
On nous dira : Malheur à vous qui vous êtes saisis de la clef de
la science, et qui n'y étant point entrés vous-mêmes, l'avez
encore fermée à ceux qui voulaient y entrer. Parce que, semblables
aux faux docteurs, nous aurons couru par mer et par terre pour chercher en nous
des approbateurs, sous prétexte d'y chercher des prosélytes, et
que quand nous les aurons trouvés, nous les rendrons cent fois plus coupables
qu'auparavant ; et parce que non seulement nous ne serons point entrés
avec eux dans l'esprit de vérité, mais encore nous l'aurons empêché
d'entrer en nous, malgré toutes les sollicitations que nous ne cessons
d'en recevoir de sa part.
Nouvel homme, nouvel homme, viens dissiper ces sombres nuages ; nous t'avons
vu tout à l'heure expliquer le nom du père, expliquer le nom du
fils, expliquer le nom de l'esprit, c'est-à-dire, développer activement
toutes les merveilles renfermées dans ces riches trésors. Pour
quelle raison nous as-tu expliqué ou développé tous ces
trésors ? C'est que ces trésors se sont eux-mêmes expliqués
ou développés sur toi, c'est qu'ils ont fait briller sur ta tête
le signe éclatant de leur lumière, et qu'ils ont embrasé
de leur feu tout ton être ; c'est qu'ils ont expliqué et développé
le germe sacré qui te constitue, et qu'ils ont rendu la voix à
cette pierre fondamentale qui est en toi, et sur laquelle l'éternel Dieu
des êtres a promis de fonder son église ; c'est qu'ils ont rendu
la voix à tout ce qui te compose, afin que tout ce qui te compose pût
célébrer la gloire du Seigneur, à l'image de la créature
universelle qui dans chacun de ses mouvements, à chacun des actes de
son existence, manifeste la puissance et la glorieuse domination de l'éternel
souverain des êtres.
Qui est-ce qui pourrait soutenir la vue de la majesté de l'homme, s'il
se montrait ainsi expliqué et développé par l'active influence
des puissants trésors dont il est né pour être la fidèle
expression, et dont il est sans cesse environné ! Qui est-ce qui pourrait
soutenir l'éclat de la majesté de Dieu qui serait en lui, et qui
le rendrait comme une parole universelle se promenant perpétuellement
depuis l'orient jusqu'à l'occident, et depuis l'occident jusqu'à
l'orient, afin que tout soit plein du nom du Seigneur, et que tous les sentiers
de la vie et de la justice soient sans cesse éclairés de la lumière
et de la vérité, dans la crainte que ceux qui s'y présenteraient
pour y marcher ne fussent exposés aux pièges et aux embûches
de l'ennemi qui ne tend qu'à retarder les pas de l'armée d'Israël
vers la cité sainte ?
N'oublions plus que telle est la tâche de la postérité humaine,
et que c'est pour cela que le nouvel homme s'appelle aussi fils de Dieu. Car,
il a fallu pour qu'il devînt un nouvel homme que les puissances suprêmes
se rassemblassent, se concentrassent dans leur force et dans leur unité,
et qu'elles se résolussent à prononcer hautement leur nom sur
lui.
Oui, Seigneur, c'est en prononçant votre nom sur l'homme de désir
que vous renouvelez tout son être, et c'est en prononçant votre
nom sur lui que vous le rendez à nouveau votre image, votre ressemblance,
et votre propriété, comme ces substances sur lesquelles nous apposons
nos sceaux et nos signes pour faire connaître celui à qui elles
appartiennent ; l'homme ne devient ainsi votre image et votre ressemblance que
parce qu'en prononçant votre nom sur lui, vous rassemblez aussi son propre
nom dans son essence et dans son unité, et qu'ainsi vous le rendez susceptible
d'opérer dans son enceinte la manifestation des merveilles que vous opérez
dans l'universalité de tous les règnes et de toutes les régions.
Aussi ne soyons pas étonnés que ce nouvel homme ne permette plus
un seul mouvement à sa volonté, puisqu'il est la pensée
du Seigneur, et qu'il ne se croit pas le droit de disposer de la pensée
du Seigneur.
Ne soyons pas étonnés que l'illusion et les ténèbres
n'aient aucun accès près de lui puisqu'il a toujours à
leur répondre : " Je suis une pensée du Seigneur, je ne puis
vous écouter, je ne puis me livrer à vous, puisque j'appartiens
à celui dont je suis la pensée, et que si je disposais de moi
je ne serais plus sa pensée et que par conséquent, je ne serais
plus rien ".
Ne soyons pas étonnés non plus que tout son être, non seulement
devienne brillant et lumineux comme les astres du firmament, mais même
qu'il soit tout plein d'yeux comme les roues d'Ezéchiel, puisqu'il doit
surveiller tout ce qui l'approche avec de mauvais desseins, et éclairer
tout ce qui vient près de lui avec la soif de la lumière.
Ne soyons point étonnés, dis-je, qu'il ait un oeil sur chacun
de ses yeux, sur chacune de ses oreilles, sur chacune de ses mains, sur chacun
de ses pieds, sur son cur, et sur sa langue ; car c'est le signe de son
activité, de sa vigilance, et de sa pénétration ; c'est
enfin là le sel qu'il doit selon la loi de Moïse, répandre
et mêler à tous ses sacrifices.
57.
Le moment s'avance où le salut des nations va faire son entrée
dans Jérusalem. Déjà il est à Jéricho où
le publicain Zachée va, pour remédier à sa petitesse, s'élever
sur un sycomore afin de pouvoir contempler celui dont il attend tout ; déjà
l'esprit du nouvel homme a pénétré tous les publicains
qui sont en lui, ils ne se bornent point à une foi inactive et morte,
mais ils descendent promptement de dessus leur arbre, et reçoivent avec
joie ce nouvel homme qui leur demande à loger chez eux ; leur foi fait
éclater en eux d'autres vertus, et ils disent au nouvel homme : Nous
allons donner la moitié de notre bien aux pauvres, et si nous avons fait
tort à quelqu'un en quoi que ce soit, nous lui en rendrons quatre fois
autant. C'est ce qui leur mérite de la part du nouvel homme ces douces
paroles : Cette maison a reçu aujourd'hui le salut, parce que celui-ci
est aussi d'Abraham ; car le fils de l'homme est venu pour chercher, et pour
sauver ce qui était perdu. Puis s'entretenant avec eux, le nouvel homme
leur rapporte la parabole des dix talents, et leur en enseigne le vrai sens.
Il leur apprend que si l'âme de l'homme est dépositaire des sept
puissances sacramentelles qui sont les canaux de la vie de l'esprit, elle l'est
aussi des dix sources de cette même vie spirituelle qui ne peut couler
dans ces canaux de l'esprit qu'après être sortie de la fontaine
éternelle à laquelle l'âme de l'homme est unie par une alliance
indissoluble.
Il leur enseigne que ces dix sources avaient été fermées
pour nous par le crime, et que nous ne pouvions être régénérés,
qu'autant que nous en avions recouvré la jouissance ; que les marcs d'argent
que le maître avait distribués à ses serviteurs, étaient
pour les aider à faire rouvrir, pour eux, ces sources salutaires et indispensables
à notre existence.
Il leur enseigne que chacun reçoit en raison du soin qu'il met à
faire valoir ce talent, mais que celui-là seul a atteint le véritable
but qui est parvenu à faire rouvrir pour lui ces dix sources, parce que
ce n'est que par là qu'il est redevenu l'image, et la ressemblance parfaite
de ce modèle parfait qui nous a formés pour le représenter.
Il leur montre que pour être coupable, il n'est pas besoin de laisser
perdre ce talent, de le dissiper, ou de le prostituer ; mais que même
celui qui le laisse enfouir offense l'esprit, puisqu'il semble croire que l'esprit
n'est pas actif, fécond, et générateur ; aussi il ne se
contente pas de faire retirer le talent au paresseux, et de le donner à
celui qui en avait gagné dix autres. Il condamne encore ce serviteur
inutile, à être jeté dans les ténèbres extérieures
; mais pour ceux qui se déclarent ses ennemis, et qui ne veulent pas
le reconnaître pour roi, il les fait exterminer en sa présence
: loi sévère que le nouvel homme exerce sur lui-même, avec
toute rigueur, sans quoi son règne ne s'établirait point.
C'est en répandant de semblables instructions dans lui-même, qu'insensiblement
il voit Jérusalem s'approcher de lui. Il dit alors à deux des
siens : " Allez à ce village qui est devant vous, et vous y trouverez
en arrivant une ânesse liée, et son ânon auprès d'elle,
déliez-la, et me l'amenez. Que si quelqu'un vous dit quelque chose, dites-lui,
que le Seigneur en a besoin, et aussitôt il la laissera emmener ; afin
que cette parole du prophète s'accomplisse, dites à la fille de
Sion : voici votre roi qui vient à vous plein de douceur, monté
sur une ânesse, et sur l'ânon de celle qui est sous le joug. "
Cette ânesse sous le joug, est aux yeux de l'homme universel l'ancienne
alliance lévitique qui tenait l'homme dans les chaînes des lois,
et des formalités cérémonielles des sacrifices de sang,
et de l'immolation des victimes ; le poulain de cette ânesse, sur lequel
personne n'a jamais monté, est aux yeux de l'homme universel, l'alliance
nouvelle qui ne pouvait être apportée et établie que par
la seule médiation du Réparateur, et qui n'aurait jamais été
connue sans lui, mais qui ne pouvait cependant être manifestée
qu'au sein de cette même loi lévitique, puisqu'elle en était
comme la fille, attendu qu'il est écrit que le salut vient de Juifs.
Aux yeux de l'homme particulier, l'ancienne alliance est l'image du vieil homme
détenu sous le joug du temps, et de ses impérieux ministres. La
seconde alliance est le nouvel homme, c'est cette âme divine dans sa pureté,
et la seule sur qui le Réparateur pût se reposer pour faire son
entrée dans Jérusalem ; aussi quels transports dans toutes les
régions du nouvel homme, lorsque le Réparateur et lui se retrouvèrent
ensemble dans ces rapports mutuels que nous n'aurions jamais dû perdre
de vue !
C'est alors que les habitants de cette ville sainte qui attendaient ce divin
prophète, étendent leurs habits, et jettent des branches d'arbre
sous ses pieds, " c'est alors que tous les disciples en foule commencent
à louer Dieu à haute voix en disant : béni soit le roi
qui vient au nom du Seigneur. Paix soit dans le ciel, et gloire dans les lieux
très hauts ! " Les Pharisiens ont beau murmurer, et prier le maître
de faire taire ses disciples ; il leur déclare que si ceux-ci se taisent,
les pierres même parleront.
Félicite-toi donc en effet, ô nouvel homme, de ce que le Réparateur
a voulu accomplir en toi la promesse qu'il a faite à Abraham de ne jamais
abandonner son peuple ; mais pleure sur le vieil homme, et sur tous ceux qu'il
a subjugués, et dis-lui : " Ah, si tu avais reconnu au moins en
ce jour qui t'est donné ce qui te pouvait apporter la paix! Mais maintenant
tout ceci est caché à tes yeux ; car il viendra un temps malheureux
pour toi, que tes ennemis t'environneront de tranchées, qu'ils t'enfermeront,
et te serreront de toutes parts, qu'ils te raseront, et te déchireront
entièrement, toi, tes enfants qui sont dans tes murs, et qu'ils ne te
laisseront pas pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps auquel
Dieu t'a visité. "
A l'instar du Réparateur, le nouvel homme va entrer dans son propre temple,
en chasser à coups de fouets les changeurs et les vendeurs de colombes,
en leur reprochant que de la maison de son père qui était une
maison de prière, ils ont fait une caverne de voleurs. Si les princes
des prêtres, les docteurs de la loi, et les sénateurs lui demandent
par quelle autorité il fait ces choses, il ne leur répondra point,
parce qu'ils ne peuvent pas dire si le baptême de Jean était des
hommes, où s'il était du ciel ; parce qu'ils ne connaissent point
l'union de l'âme humaine avec l'esprit du Seigneur, qui fait que le baptême
de Jean tenait à la fois à ces deux mondes, et par là était
l'image de l'autorité du Réparateur qui provenait aussi de la
réunion des puissances de ces deux mondes.
Car les docteurs de la loi sont trop ténébreux pour apercevoir
ce concours, et l'âme humaine n'est pour eux qu'un instrument passif,
semblable en tout aux êtres inanimés, et sans une action qui leur
soit propre, et qui puisse, par analogie, s'unir à l'action de la Divinité.
Aussi ne manqueront-ils pas de chercher à se saisir du nouvel homme qui,
par toutes ses réponses, les fera sans cesse tomber en confusion ; mais
comme ils appréhendent le peuple, ils enverront vers ce nouvel homme,
des personnes qui contreferont les gens de bien, pour lui tendre des pièges,
et le surprendre dans les paroles, afin de le livrer au magistrat, et au pouvoir
du gouverneur.
Ils lui demanderont donc s'il leur est permis ou non, de payer le tribut à
César. Mais le nouvel homme, voyant leur malice, leur dira : " Pourquoi
me tentez-vous ? Montrez-moi un denier. De qui est l'image et l'inscription
qu'il porte ? De César ? Rendez donc à César ce qui est
à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ", réponse
qui les rendra muets, et honteux, sans qu'ils percent cependant dans toute la
profondeur qu'elle renferme ; car de même qu'ils n'ont pas pu dire si
le baptême de Jean était des hommes ou s'il était du ciel,
attendu qu'ils ne connaissent point les rapports de l'âme humaine avec
Dieu, de même ils ne verront pas pourquoi ils doivent rendre à
Dieu le tribut qui appartient à Dieu, puisqu'ils ignorent que le tribut
n'est dû à Dieu que parce que l'âme humaine porte l'image
de ce suprême souverain, comme le denier portait l'image et l'inscription
de César.
Ils ne s'en tiendront pas là. Ils enverront vers lui les Saducéens
qui nient la résurrection. Ils s'approcheront de lui, et lui proposeront
la question des sept maris. Mais comme les ténèbres des Saducéens,
ne viennent que de ce que leur esprit n'est rempli que d'idées mortes,
il leur fera connaître comment il est possible que la résurrection
ait lieu sans que la difficulté qu'ils opposent, et qui les arrête,
puisse avoir la moindre valeur.
Il leur dira : " Les enfants de ce siècle-ci épousent des
femmes, et les femmes des maris. Mais pour ceux qui seront jugés dignes
d'avoir part au siècle à venir, et à la résurrection
des morts, ni les hommes n'épouseront plus de femmes, ni les femmes de
maris ; car, alors, ils ne pourront plus mourir, parce qu'ils deviendront égaux
aux anges, et qu'étant enfants de la résurrection, ils seront
enfants de Dieu ; et quant à ce que les morts doivent ressusciter un
jour, Moïse le déclare assez lui-même, lorsqu'étant
auprès du buisson il appelle le Seigneur le d'Abraham, le Dieu d'Isaac,
le Dieu de Jacob ; or, Dieu n'est point le Dieu des morts, mais des vivants,
parce que tous sont vivants devant lui. "
Voilà par quels moyens le nouvel homme repoussera sans cesse les insinuations,
et les ruses de ses adversaires, et traversera ainsi la mort avec la vie. Car
il est écrit qu'il passa au milieu l'eux. Mais ce sera toujours par les
lumières de la raison, et de l'intelligence la plus saine, et la plus
pure, qu'il saura s'en défendre, et les combattre ; car le nouvel homme
est un être qui doit, à tout moment, faire développer en
lui, et hors de lui les abondances de la justice, les abondances de la miséricorde,
et les abondances de la lumière.
58.
Les réponses de ce nouvel homme n'auraient pas tant de force, et tant
de justesse, si l'esprit de sagesse ne fût parvenu à lui communiquer
la plénitude de son activité. Ce n'est qu'avec douleur que cette
communication peut s'opérer, vu l'affaissement où sont tous les
interstices de notre être, dans lesquels l'action de l'esprit doit se
glisser avec violence ; mais cette violence n'est rien en comparaison de celle
que la renaissance doit nous occasionner ; car après que cette action
de l'esprit nous a ainsi pénétrés, il faut qu'elle nous
emmène, et nous fasse sortir avec elle hors de cette prison, et de cette
demeure ténébreuse où nous ne jouissions ni de la respiration,
ni d'aucun des autres avantages de la vie.
Or, c'est là où nous concevons le prix de l'amour qui avait bien
voulu venir s'ensevelir avec nous dans nos abîmes, afin de nous saisir,
et de nous en arracher avec lui. Nous sentons, dis-je, alors l'immensité
de cet amour, par l'immensité des souffrances que nous éprouvons,
et qu'il ne craint pas de partager avec nous ; souffrances que nous ne pouvons
pas évaluer avant l'opération de notre renaissance ; parce qu'avant
ce moment, nous ne savons comment l'action divine est venue nous pénétrer,
et si elle n'agit pas secrètement en nous par le pouvoir des droits éternels
qu'elle a de pénétrer toutes les substances, et de tout remplir,
et cela cependant en concours avec cette vie immortelle, innée dans notre
être, et qui s'y conserve dans l'ombre, et le 1e silence, jusqu'au moment
où elle reçoit l'ordre, et la puissance du maître.
Il n'en est pas moins vrai que ce n'est qu'au moment où cette puissance,
et cet ordre ont pris forme en nous, que notre renaissance est commencée,
et qu'elle peut nous être sensible ; comme il est vrai aussi que dès
que cette puissance d'action, et d'ordre spirituel a pris forme en nous, nous
devons nous remplir d'espérance que l'uvre arrivera à son
terme ; vérités dont un oeil attentif pourra même trouver
de nombreux exemples dans la nature. C'est alors que nous nous sentons successivement
sanctifiés dans tout notre être, pourvu que nous ayons grand soin
de recueillir précieusement ces actions pures, vives, et initiatives
lorsqu'elles se font connaître en nous, et pourvu que nous ayons toujours
présent devant les yeux que l'activité est leur principal caractère,
qu'ainsi toutes les frayeurs que nous pouvons recevoir, ne doivent tourner qu'au
profit de notre sainte et spirituelle activité, et que tant que nous
ne portons pas toutes nos forces vers cette activité complète
et constante dans laquelle seule, l'uvre de notre renaissance peut véritablement
se manifester, loin de renaître, nous mourons de nouveau, et nous faisons
mourir l'esprit avec nous.
Quelles sont donc les conditions sans lesquelles nous ne pouvons espérer
de découvrir où sont les prairies si abondantes, réchauffées
par le vrai soleil ? C'est d'être animés du zèle de maison
du Seigneur, c'est-à-dire, du zèle de notre propre maison. Et
quelle est la voie par laquelle nous pouvons espérer voir naître
en nous le zèle de notre propre maison ? C'est de nous défendre
avec des efforts constants, et perpétuels du zèle la maison étrangère.
Si nous marchons avec cet humble et vivant désir d'être animés
du zèle de notre propre maison, le Seigneur marchera vers nous par la
voie rapide de son amour, et de ses innombrables richesses, qui consistent dans
une universelle activité ; et il ne tardera pas de nous associer à
cette universelle activité, puisqu'il nous associera avec lui-même.
Malheur à ceux qui auront laissé semer en eux le germe de la froideur,
et de l'inaction ; il ne pourra manquer de produire un jour des fruits amers
et couverts de ronces, dont tous leurs membres seront transpercés ; il
ne pourra manquer de livrer tout leur être à des maladies inguérissables.
Malheur à ceux qui ne saisiront pas, avec une ardente vigilance, ces
éclairs passagers qui nous sont envoyés de temps en temps dans
nos ténèbres ! La vie spirituelle qui descend en nous est déjà
si faible, en raison de ce corps mortel où nous sommes renfermés
! Elle y vient si rarement ! Elle s'en retire si vite, après avoir allumé
en nous le flambeau de notre pensée, que sans la plus active attention,
nous devons craindre que la flambeau s'éteigne, avant qu'elle revienne,
si nous n'avons pas soin de le nourrir et de l'entretenir !
Car ce n'est que par ces longues et pénibles gradations, que nous pouvons
obtenir la renaissance de cet état divin où nous serons, comme
si nous nous sentions renaître continuellement, et à la fois dans
toutes les sources des innombrables, et douces affections de notre pensée,
et de tous nos désirs spirituels. Seigneur, que le feu du ciel vienne
en moi consumer les iniquités d'Israël et de Juda ! Que les secousses
de ma fragile terre ébranlent les colonnes de Babylone, jusque dans leurs
fondements ! Qu'une guerre universelle embrase tout mon être ! Que les
astres corruptibles qui l'éclairent perdent leur lumière ! Que
les cieux, et la terre périssables qui me composent, soient retournés
comme un vêtement ! Qu'il se forme en moi de nouveaux cieux, et une nouvelle
terre ! Et que, du sein des débris de cet ancien univers, je voie élever
dans les airs le signe de l'éternelle alliance, et l'étendard
du triomphateur dans sa gloire !
Comment l'homme peut-il s'abuser si longtemps sur la destination de son être
? C'est qu'il la cherche ailleurs que dans lui-même, tandis que c'est
là où il apprendrait tous les secrets. Une voûte épaisse
semble se former entre l'esprit de l'homme et sa région inférieure.
Mais il devrait siéger sur cette voûte, comme sur un trône,
pour établir l'ordre dans toutes ses possessions, et y manifester à
la vue de toutes les puissances l'agent suprême dont il est l'image. Il
pourrait être assis sur ce trône comme ayant déjà
ses ennemis sous ses pieds ; et comme, ayant fermé le puits de l'abîme,
après y avoir précipité tous les prévaricateurs.
Voilà où le conduirait l'activité de l'esprit, s'il y répondait
avec fidélité ; elle lui ferait sentir physiquement ce but sublime
pour lequel la nature et lui, ont reçu l'existence, et là, il
apprendrait à reconnaître comment il fut établi pour être
le ministre, et le roi de la nature.
Le malheureux ! Il a vu miner son trône par les vapeurs du puits de l'abîme.
L'ennemi s'est élevé sur ces vapeurs comme sur des nuages ; et
à la faveur de ces nuages, il s'est fait porter jusqu'aux plus hautes
régions de la pensée de l'homme. Du sommet de ces sublimes régions
il dit à l'homme : " Prosterne-toi devant moi. C'est à moi
à siéger sur le trône dont tu t'étais emparé,
et désormais tu seras mon serviteur et mon esclave ". Le malheureux
! Et dans ce honteux esclavage, il diffère travailler à rompre
ses fers ! Que dis-je, il murmure des secousses qui lui sont envoyées
pour coopérer à sa délivrance !
Quel est l'objet des agitations et des tourbillons des vents de l'atmosphère
? N'est-ce pas de faire tomber des arbres les bourgeons gourmands, fruits d'une
sève trop abondante ? ou d'en dessécher les eaux de pluies et
les vapeurs des brouillards, qui auraient trop attendri leur écorce,
et auraient fait pourrir leurs feuilles et leurs fleurs ? ou enfin n'est-ce
pas d'en précipiter les insectes venimeux et malfaisants qui auraient
corrodé leurs tendres branches ?
Homme, ne te plains point des secousses de ta région. La main qui les
dirige n'a sur toi que des plans de bienfaisance. Si la coupe d'amertume a été
versée sur la terre, n'est-ce pas pour nettoyer les yeux de notre intelligence,
comme la coupe médicinale rend nos organes corruptibles à leur
pureté naturelle ? Plus cette coupe amère t'abîmera dans
le feu de la douleur, et plus tu dois remercier celui qui te la présente
; parce qu'il n'en peut résulter pour toi qu'une grande purification,
si tu es coupable, ou une grande gloire et une grande récompense si tu
es employé à l'uvre sacrée...
Mais il n'y a que les agitations opérées par la main de Dieu qui
soient salutaires ; car les esclaves de l'ennemi sont aussi dans l'agitation,
sans qu'ils en retirent aucun profit. Cet ennemi, après avoir remporté
presque universellement la victoire, agit en maître et en tyran sur ses
sujets. Il les vexe par des vives douleurs, pour leur faire sentir que la matière
est son royaume. Il les punit d'avoir eu l'imprudence d'agir sans leur Dieu,
en les tourmentant sur cette terre, comme dans un lieu où Dieu n'agit
point.
Seigneur, qu'elle est donc l'immensité du crime qui a pu si fort irriter
ta justice ? Toute la postérité humaine est dans les souffrances.
Tu la vois ; elle est à tes pieds, et tu ne peux pas te permettre de
la délivrer. Est-ce la voix de l'impie qui t'arrête ? Ils disent
qu'il n'y a point de mal ; ils n'osent pas t'attribuer celui qui existe, ils
aiment mieux le nier que d'en chercher la source dans la dépravation
volontaire d'une créature libre. Comment voudrais-tu les guérir
puisqu'ils ne se croient pas malades, et qu'ils ne t'appellent point ? Au moins
si leur ignorante impiété n'influait pas sur la famille entière
! Mais si c'est cette famille entière qui t'a offensé, ne faut-il
pas que tous ses membres se réunissent pour t'implorer, et pour te fléchir
! Et une seule voix discordante ne peut-elle pas rompre le concert de nos supplications
?
Malheureux, quand cesserez-vous vos blasphèmes ? Vous n'en pouvez proférer
un qui ne coûte la vie ou la santé à nos frères.
Mais le Dieu de paix et d'amour sera plus grand que leurs blasphèmes.
Il inclinera ses yeux sur notre triste postérité, et sur notre
propre maison, et malgré les malédictions des insensés,
il laissera descendre jusqu'à nous la frange de son vêtement. Pour
peu que nous venions seulement à la toucher, nous serons guéris
de notre perte de sang.
Justifie-toi donc, homme de désir, ou plutôt ne te laisse point
ébranler sur ta base. Ta vie procède de la vie. Que ta seule existence
démontre que tu es le fils de Dieu. La vie ne procède-t elle pas
toujours ? Qui pourrait nuire à ta stabilité si tu ne perdais
jamais de vue que tu es le fils de Dieu, et que tu es sa pensée, sa parole,
et son opération, et si par ta constance, et par la force de ta foi tu
parvenais à en donner la preuve à l'ignorance ? Quand tu te sentiras
affaibli, tourne les yeux vers celui qui vient te consacrer jusque dans ton
intérieur, pour être prêtre selon l'ordre de Melchisédech,
et tu te verras alors élevé jusqu'aux cieux.
59.
Comment le nouvel homme est-il devenu si actif, si clairvoyant ? C'est en ne
cessant point de se remplir du zèle de sa propre maison. C'est en ne
redoutant point la démolition du temple antique, ou du vieil homme dont
il est dit qu'il ne doit pas rester pierre sur pierre ; parce qu'il sait qu'il
sera rebâti dans trois jours, ou que ce triple caractère divin
qui le constitue image, et ressemblance de son éternel principe, doit
être par là, rétabli dans sa splendeur, et, dans la libre
manifestation de ses titres les plus sacrés.
Mais plus il a acquis de lumières, plus il se croit obligé d'éclairer
toutes les régions de son être sur tous les dangers qui peuvent
accompagner leur régénération. Il leur dira donc comme
le Réparateur aux apôtres :
" Prenez garde que personne ne vous séduise, parce que plusieurs
viendront, sous prétexte de vous instruire, et de vous soulager ; mais
comme ils seront eux-mêmes remplis de ténèbres, ils ne feront
que vous égarer davantage ; et le signe auquel vous les reconnaîtrez,
c'est lorsqu'ils vous proposeront d'autres Dieu, son esprit, et vous, et qu'ils
voudront vous épargner travail pénible de puiser constamment et
sans relâche dans celui qui vous a donné l'existence, et qui a
mis en vous une universelle représentation de lui-même et de toutes
ses oeuvres. "
" Vous entendrez aussi parler de guerres, et de bruits de guerres, vous
verrez en vous-mêmes se soulever, peuple contre peule, royaume contre
royaume, vous y verrez des pestes, des famines, des tremblements de terre ;
mais que cela ne vous trouble point, car tout cela ne sera que le commencement
des douleurs. Alors on vous livrera, dans vous-mêmes, à mille ennemis
pour être tourmentés, et pour vous faire mourir, et vous serez
haïs de toutes les nations à cause de mon nom. Prenez garde que
cela ne vous devienne des occasions de scandale, et de chute ; car il s'élèvera
en vous des faux prophètes, et parce que l'iniquité sera accrue,
la charité de plusieurs pourrait se refroidir, mais celui-là sera
sauvé qui persévérera jusqu'à la fin. Et cet Evangile
du royaume sera prêché dans tout votre être, pour y servir
de témoignage à toutes les nations qui l'habitent. "
" Quand vous verrez que l'abomination de la désolation qui a été
prédite par le prophète Daniel, sera dans le lieu saint, et que
l'ennemi sera dans ses jours de triomphe, par la puissance qui lui sera donnée
d'en haut sur vous, à cause de la justice, et pour lui laisser combler
la mesure de ses iniquités, fuyez alors sur les montagnes de la Judée.
Si vous êtes sur le toit, n'en descendez point pour emporter quelque chose
de la maison, et si vous êtes dans le champ, ne retournez point pour prendre
vos vêtements. Mais faites comme Elie, cachez-vous dans la caverne jusqu'à
ce que le temps de la colère soit passé ; " car ces jours
où ces épreuves sont telles, que si elles n'avaient été
abrégées, nul homme n'aurait été sauvé, mais
elles sont abrégées en faveur des élus. "
" Ne prenez pas même pour les signes infaillibles de votre régénération
les choses étonnantes, et les grands prodiges que vous pourrez opérer
; car il peut s'élever en vous de faux christs, et de faux prophètes
qui en opèrent de semblables, jusqu'à séduire, s'il était
possible, les élus mêmes. Ne vous rendez donc point à toutes
les voix qui vous diront intérieurement : " Je suis le Christ ;
car comme un éclair qui sort de l'orient, paraît jusqu'à
l'occident, ainsi sera dans votre être l'avènement du fils de l'homme.
" Chassez seulement de vous avec le plus grand soin tous les corps morts,
car partout où le corps mort se trouvera, les aigles s'y assembleront.
"
" Quand est-ce que le signe du fils de l'homme paraîtra dans votre
ciel particulier ? Quand viendra-t-il en vous avec une grande puissance, et
une grande majesté ? Quand enverra-t-il ses anges faire entendre la voix
éclatante de leur trompette dans toutes vos régions, et rassembler
ses élus des quatre coins de votre propre monde, depuis une extrémité
de votre ciel jusqu'à l'autre ? C'est quand votre soleil d'apparence
sera rentré dans son obscurité, c'est quand votre lune ne donnera
plus sa lumière, c'est quand les étoiles de votre faible firmament
tomberont, c'est quand les vertus de vos cieux individuels seront ébranlées
; et que tous les peuples de votre terre de douleur déploreront leur
misère, qu'ils s'enfonceront dans les fentes des montagnes, et qu'ils
diront à l'univers : couvrez-nous, et dérobez-nous à la
colère et à la vengeance du Seigneur. "
" Il n'y a personne qui puisse vous apprendre quand est-ce que ce jour
et cette heure arriveront ; car il est écrit que nul autre que notre
père ne sait ce jour et cette heure, et que les anges mêmes du
ciel ne les savent point. Mais il vous est donné d'en connaître
les signes, et de savoir que le fils de l'homme sera près de vous et
qu'il sera à votre porte lorsque ces signes se seront manifestés
en vous ; comme vous jugez que l'été est proche quand les branches
du figuier sont déjà tendres, et qu'il pousse ses feuilles. "
" Vous ne connaîtrez point ce temps par aucune des révolutions
de votre être naturel et physique, puisque c'est lui qui doit être
immolé aux ténèbres et leur servir de victime ; aussi comme
il ne connaît rien aux choses de l'esprit, il suivra aveuglément
sa voie obscure jusqu'au jour de son sacrifice, comme au temps de Noé,
un peu avant le déluge, les hommes suivaient toutes les lois de la matière,
sans penser seulement à ce qui allait arriver. Mais lorsque votre heure
sera arrivée, des deux hommes qui vous composent, l'un sera pris et l'autre
laissé. Des deux femmes qui sont occupées à moudre en vous,
l'une sera prise et l'autre laissée, parce que dans vous l'une de ces
deux femmes, ou l'un de ces deux hommes est le partage de l'esprit et de la
lumière, et l'autre le partage de la matière et des ténèbres.
Veillez donc parce que vous ne savez à quelle heure votre Seigneur doit
venir, " car sachez que si le père de famille était averti
de l'heure à laquelle le voleur doit venir, il est sans doute qu'il veillerait,
et qu'il ne laisserait pas percer sa maison. "
" Soyez comme un serviteur fidèle et prudent, que son maître
a établi sur tous ses serviteurs pour leur distribuer dans le temps la
nourriture dont ils ont besoin. Si votre maître, à son arrivée,
vous trouve agissant de la sorte, il vous établira sur tous ses biens,
mais si vous dites dans votre cur : mon maître n'est pas près
de venir : si vous vous mettez à battre vos compagnons au lieu de les
nourrir, et que vous mangiez et buviez avec des ivrognes, le maître viendra
au jour que vous ne vous y attendez point, et à l'heure que vous ne savez
point, il vous séparera, il vous donnera pour partage d'être puni
avec les hypocrites, et c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements
de dents. "
" Il y a aussi en vous cinq vierges folles, et cinq vierges sages, parce
que telle a été la division qui s'est faite dans les puissances
lors de la chute du premier prévaricateur, et qui s'est répétée
lors de la prévarication de l'homme ; les unes non seulement on consumé
leur huile, mais elles cherchent encore à consumer celle que les vierges
sages ont conservée, et à les entraîner avec elles dans
leurs ténèbres et dans leurs funestes imprudences, comme a fait
votre ennemi envers l'homme lorsqu'il l'engagea à lui livrer sa force,
sa puissance et sa parole ; et si vous ne veillez avec le plus grand soin, cet
ennemi peut répéter chaque jour envers vous cette ancienne et
criminelle entreprise, et vous séduire comme il a séduit le premier
homme, jusqu'à vous faire dissiper en vain toute votre huile, et vous
faire éteindre votre lampe. Alors vous serez confondus avec les vierges
folles elles-mêmes, et lorsque vous vous présenterez pour entrer
aux noces avec l'époux, la porte sera fermée, et l'époux
vous dira qu'il ne vous connaît point. "
" Tâchez au contraire de surpasser encore s'il est possible les vierges
sages de l'Evangile, et de procurer par vos travaux et vos efforts une suffisante
provision d'huile aux vierges folles pour qu'elles soient admises aux noces
de l'époux avec vous ; car c'est là le dernier terme de la charité,
puisque c'est celle que l'esprit même exerce à votre égard,
n'ayant pas craint de pénétrer dans tous les abîmes de votre
existence pour venir partager son huile avec vous, et rétablir par là
la perfection de ce nombre de dix talents que vous aviez altérés
dans l'origine, et que la sagesse suprême désire si ardemment revoir
briller dans sa justesse, et dans toute sa vertu. "
" Aussi que fera le fils de l'homme lorsqu'il viendra dans sa majesté
accompagné de tous ses saints anges, qu'il s'assoira sur le trône
de sa gloire, et que toutes les nations de la terre seront assemblées
devant lui ? Il séparera les uns d'avec les autres, comme un berger sépare
les brebis d'avec les boucs. Il mettra les brebis à sa droite, et les
boucs à sa gauche, et il dira à ceux qui seront à sa droite
: venez, vous qui êtes bénis par mon père, possédez
comme votre héritage le royaume qui vous a été préparé
dès le commencement du monde... Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné
à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ;
j'ai eu besoin de logement, et vous m'avez logé ; j'ai été
sans habit, et vous m'avez revêtu ; j'ai été malade et vous
m'avez visité ; j'ai été en prison, et vous m'êtes
venu me voir. Alors les justes lui diront : Quand est-ce que nous vous avons
fait toutes ces choses ? Et le roi leur répondra : Je vous dis, en vérité,
qu'autant de fois que vous avez rendu ces devoirs de charité aux moindres
de mes frères, c'est à moi-même que vous les avez rendus.
Parce que ces petits enfants ne font qu'un avec moi par leurs souffrances. "
" De même aussi lorsque les cinq vierges sages qui sont en vous parviennent
par leurs travaux et leur vive charité à procurer une suffisante
provision d'huile à vos cinq vierges folles pour que leurs imprudences
soient effacées, et que le nombre des dix talents que ces dix vierges
représentent se trouve réintégré en vous dans sa
perfection, c'est coopérer à la gloire, et à la satisfaction
de la sagesse elle-même, puisque c'est concourir au rétablissement
de son image. "
" Le roi dira ensuite à ceux qui sont à gauche : Retirez-vous
de moi, maudits, et allez au feu éternel qui est préparé
pour le diable et pour ses anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné
à manger, j'ai eu besoin de logement et vous ne m'avez pas logé,
j'ai été sans habit et vous ne m'avez pas revêtu, j'ai été
malade et en prison et vous ne m'êtes pas venu voir. Et les méchants
lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons refusé toutes
ces choses ? Et il leur répondra : Je vous dis en vérité
qu'autant de fois que vous avez manqué à rendre ces assistances
aux moindres de ces petits, vous avez manqué à me les rendre à
moi-même, parce que ces petits ne faisant qu'un avec moi dans leurs souffrances,
n'auraient aussi fait qu'un avec moi dans leurs joies, et parce que si vos vierges
sages ne concourent pas au rétablissement du nombre représentatif,
en corrigeant les imprudences de vos vierges folles, et en subvenant à
leurs nécessités, vous contrariez directement le désir,
la faim et la soif de la sagesse éternelle. "
60.
La fête des pains sans levain approche ; cette fête annonce au nouvel
homme une nourriture qui n'est point sujette à la fermentation et à
la corruption de la matière. Or, comme cette fête se nomme le passage
; et comme c'est au passage de la renaissance spirituelle que se trouvent les
plus grands dangers pour l'âme humaine, c'est aussi le moment de ce passage
que choisissent les princes des prêtres et les docteurs de la loi, pour
se saisir de la personne du nouvel homme, et où son ennemi s'offre à
eux pour le leur livrer moyennant le prix dont ils conviennent ensemble, et
qui remplit de joie ces princes des prêtres et les capitaines, parce qu'ils
craignent le peuple, et ne peuvent employer que des ruses et des trahisons...
Le nouvel homme n'ignore pas cette trahison qui se trame contre lui, puisqu'il
a dit d'avance aux siens : Vous savez que la Pâque se fait dans deux jours,
et que le fils de l'homme sera livré pour être crucifié.
Mais comme il sait aussi que le complément de sa régénération
est attaché à ce sacrifice, comme il sait en outre que ce sacrifice
doit rendre la vie aux habitants de son propre royaume, il dit à quelques-uns
des siens : " Allez-nous apprêter ce qu'il faut pour la Pâque.
Lorsque vous entrerez dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une
cruche d'eau, suivez-le dans la maison où il entrera, et dites au maître
de cette maison que le maître vous envoie dire : Où est le lieu
où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera
une grande chambre haute toute meublée. Préparez-nous-y ce qu'il
faut. "
Qu'est-ce que c'est que cet homme portant une cruche d'eau ? C'est le précurseur
de la sainte alliance qui ne peut se contracter qu'après la purification
parfaite. Qu'est-ce que c'est que cette chambre haute où la Pâque
doit se célébrer ? C'est la pensée de l'homme qui est revêtue
du privilège de se montrer parmi les nations comme la région la
plus sublime du temple immortel que l'esprit saint s'est proposé d'habiter.
Qu'est-ce que c'est que ce maître qui envoie demander où est le
lieu où il mangera la Pâque avec ses disciples ? C'est l'esprit
du nouvel l'homme lui-même, qui vient visiter l'âme humaine pour
lui rendre la vie et la lumière, mais qui sachant que cette âme
humaine est un être libre, ne veut habiter chez elle que de son propre
consentement, malgré tous les biens et toutes les richesses dont il vient
la favoriser.
Il attend l'heure favorable pour venir opérer dans l'âme ce salutaire
sacrifice, parce que son amour pour nous l'a engagé même à
s'assujettir à la loi des heures ; mais quand cette heure est arrivée,
il se met à table avec nous, et il nous dit : " J'ai souhaité
avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous
déclare que je n'en mangerai plus désormais jusqu'à ce
qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. " Parce qu'après
la consommation du grand sacrifice du Réparateur, il fallait encore un
temps pour la ratification, et pour que les fruits de ce sacrifice parvinssent
à leur terme.
" Alors l'esprit qui est à table avec nous prend le pain, et ayant
rendu grâce, il le rompt en disant : Ceci est mon corps qui est donné
pour vous, faites ceci en mémoire de moi. " Parce que de même
que la rupture du pain annonce la rupture de son corps, de même la rupture
de son corps annoncera la rupture et les douleurs de son esprit qui daigne abandonner
le lieu de sa gloire pour venir habiter dans le séjour de notre misère.
Il prend le calice, et ayant rendu grâce, il nous dit : " Ce calice
est la nouvelle alliance en mon sang, lequel sera répandu pour vous.
Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu'à ce
jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon père
; toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe,
vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. " Parce
que le sang de cette coupe, annonce l'effusion du sang matériel du Réparateur,
que l'effusion de son sang matériel annonce l'effusion de son sang spirituel,
et qu'en même temps cette coupe annonce l'effusion du sang corporel de
l'homme pour l'abolition du péché, et l'effusion de son sang spirituel
pour sa régénération particulière.
C'est pourquoi le nouvel homme n'aurait pas été régénéré
si le Réparateur ne s'était pas fait homme, parce que sans cela
les voies de notre sang n'auraient jamais été ouvertes, et ce
sang n'aurait jamais pu couler, malgré la mort corporelle que nous subissons
tous les jours, et malgré tous les massacres de la terre. C'est aussi
par ce moyen qu'il a fait de l'âme des hommes un agneau pascal semblable
à lui ; et que cet agneau doit être immolé dans chacun d'eux,
pour en faire autant de nouveaux hommes, comme il a dû être immolé
lui-même pour le renouvellement, et la régénération
de toute l'espèce humaine.
Car la plus belle fonction de ce prophète éternel et divin qui
est venu verser le sang de son corps et de son esprit, pour nous mettre à
portée de rentrer par lui, dans notre état naturel, et primitif,
a été de rendre notre sang efficace, et de nous donner, par là,
une seconde vie après celle que nous avions perdue. Or, cette seconde
vie qu'il nous donnait par là était la vie de la douleur, et devait
infiniment plus lui coûter que la vie de l'amour, qui est celle qu'il
nous avait donnée la première fois.
En effet la prophétie doit-elle se borner à prédire, et
à annoncer des événements ? Ne peut-elle pas les prévenir
par la prière de la douleur, s'ils sont funestes, et les avancer s'ils
sont salutaires, et ne serait-ce pas là un de ses caractères les
plus importants ? Larmes du prophète, désobstruez les voies de
la cité sainte, opérez vous-mêmes les manifestations de
cette nouvelle Jérusalem que les prédictions ne font qu'annoncer.
Le Réparateur a-t-il prédit beaucoup d'événements
? Non, il n'a presque prédit que ceux qui devaient se réaliser
incessamment, et ouvrir les yeux aux nations sur son oeuvre. Je vous dis ceci
dès maintenant, avant qu'il arrive, afin que, lorsqu'il arrivera, vous
reconnaissiez qui je suis (Jean 23:19, 14:29, 16:4). Mais il a employé
sa vie entière à aplanir, par ses sacrifices, et par son amour,
les voies de notre retour vers notre patrie.
Aussi à son imitation, l'esprit qui vient s'immoler en nous pour nous
régénérer, ne craint point de " mettre la main au
plat avec celui même qui le trahit, et qui soit le livrer au prince des
prêtres ; " parce que cet esprit " qui vient s'immoler en nous,
s'en va, selon ce qui a été écrit de lui... Mais malheur
à celui par qui ce fils de l'homme est trahi ! Il vaudrait mieux pour
lui qu'il ne fût jamais venu au monde... Mais pour vous, je vous prépare
le royaume comme mon père me l'a préparé. "
Quelle affliction pour cet esprit qui vient s'immoler dans nous, de savoir qu'il
est trahi non seulement par celui qui doit concourir à lui faire consommer
son sacrifice, mais encore par celui pour qui même il vient s'immoler,
c'est-à-dire, que ce Simon qui est en nous, par cette pierre fondamentale
sur laquelle se doit bâtir l'Eglise ! Car l'esprit lui dit en nous : "
Simon, Simon, Satan vous a demandé pour vous cribler comme on crible
le froment, mais j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille
point. Lors donc que vous aurez été converti, ayez soin d'affermir
vos frères. "
Dans l'ardeur de notre zèle, et dans l'ignorance où nous sommes
de toute l'étendue de l'épreuve, nous lui disons : Seigneur, je
suis tout prêt d'aller avec vous, et en prison, et à la mort même.
Mais l'esprit qui nous connaît bien mieux que nous ne pouvons nous connaître,
nous répond : " Pierre, je vous déclare que d'aujourd'hui
le coq ne chantera que vous n'ayez nié par trois fois que vous me connaissiez,
parce que l'esprit voit à découvert tous les plans des mouvements
des êtres, parce que cet esprit voit notre faiblesse, et le penchant que
nous avons à lui être infidèles, et que comme le péché
primitif a eu un triple caractère, et qu'il a opéré en
nous une triple mort, nous répétons ce triple péché,
ou cette triple infidélité dans nos épreuves particulières,
jusqu'à ce que le coq, ayant chanté trois fois, comme pour annoncer
ce malheureux triomphe de la matière sur nous, nous rentrions en nous-mêmes,
et que, comme fit Pierre, nous versions des larmes sur notre péché
et sur notre lâcheté.
Mais l'esprit ne s'éloigne pas de nous, quoiqu'il voie ainsi en nous
tous les plans de notre infidélité. Il continue son oeuvre ; il
continue même de nous y associer, et nous dit : " Lorsque je vous
ai envoyé sans sac, sans bourse, sans souliers, avez-vous manqué
de quelque chose ? Non, mais maintenant, que celui qui a un sac ou une bourse
les prenne, et que celui qui n'en a point, vende sa robe pour acheter une épée,
car je vous assure qu'il faut encore qu'on voie accompli ce qui est écrit
de moi : il a été mis au rang des scélérats ; parce
que ce qui a été prophétisé de moi, est prêt
d'arriver. "
C'est donc en effet le moment de réunir nos forces pour aider à
notre maître de consommer son sacrifice. C'est le moment de transformer
toutes nos facultés en courage pour résister à l'ennemi
qui le doit attaquer, et pour obtenir que les forces d'en haut l'accompagnent,
et le soutiennent dans le pénible combat qui va se livrer entre sa nature
éternelle, et sa nature passagère et apparente ; de même
que dans la terrible épreuve que va subir sa charité, quand il
va être livré tout entier pour la délivrance de ses frères,
et qu'il faudra faire couler, goutte-à-goutte, tout le sang de son être,
et de son amour pour faire parvenir jusqu'à nous le fleuve de la vie.
Aussi l'esprit nous dit : " Mes petits enfants, je n'ai plus que peu de
temps à être avec vous, vous me chercherez, et comme j'ai dit aux
Juifs qu'ils ne pouvaient venir où je vais, je vous le dis aussi maintenant,
parce que l'esprit est le maître, que nous ne sommes que les disciples,
que nous ne pouvons recevoir que ce qui vient de lui, tandis que la source dans
laquelle il demeure nous est toujours impénétrable, et parce que
cet esprit va opérer l'uvre de la délivrance des captifs
que nous pouvons ensuite répéter sur nous-mêmes, et sur
nos frères en son nom, mais que nous n'aurions jamais pu opérer
sans lui, et s'il n'avait commencé par l'opérer en nous. C'est
pour cela qu'il avait dit aux siens précédemment : Vous pourrez
boire le calice que je boirai. C'est pour cela aussi qu'il venait de les admettre
à la participation du calice, et à la manducation de son corps
dans le passage, pour les préparer à participer ensuite à
toute l'activité de son oeuvre, parce que toutes ces paroles sont esprit
et vie.
Aussi l'uvre étant déjà commencée pour lui,
puisque le traître ayant reçu son morceau était déjà
sorti, il annonce que maintenant le fils de l'homme est glorifié, et
que Dieu est glorifié en lui ; et c'est alors qu'il leur donne les principales
instructions relatives à l'uvre qu'il va consommer, et qu'ils doivent
partager avec lui : " Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer
les uns et les autres, afin que vous vous entr'aimiez comme je vous ai aimés.
C'est en cela que tous connaîtrons que vous êtes mes disciples,
si vous avez de l'amour les uns pour les autres. " Afin qu'ils comprissent
que l'uvre de ce maître était l'uvre de l'amour, et
qu'ils ne pouvaient jamais être image et ressemblance de leur principe,
qu'autant qu'ils se rendraient par leurs oeuvres, et par leur sacrifice, l'image
et la ressemblance de cet amour.
61.
" Que votre cur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez
aussi en moi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père. Si
cela n'était pas, je vous l'aurais dit, car je m'en vais vous préparer
le lieu. Et après que je m'en serai allé, et que je vous aurai
préparé le lieu, je reviendrai, et vous retirerai à moi,
afin que vous soyez où je serai. " Cette demeure qu'il devait préparer
était celle que la puissance perverse avait usurpée dans l'univers,
et dans l'homme à qui l'esprit venait la rendre pour l'accomplissement
des décrets de l'amour, et de la justice du souverain être. Ces
différentes demeures qui sont dans la maison de son père, sont
les différents dons, et les différentes récompenses qui
sont promises à ceux qui les auront fait valoir.
Vous savez bien où je vais, et vous en savez la voie. Je suis la voie,
la vérité, et la vie. Nul ne vient au père que par moi.
Parce que nous avons vu que s'il ne naissait pas un fils en nous, jamais notre
être ne serait ni connu, ni manifesté ; et tous les êtres
de désir qui s'élèvent en nous, n'atteindraient jamais
jusqu'à notre être fondamental et constitutif, sans l'intermède
de ce fils qui doit naître en nous, si nous voulons que l'harmonie universelle
s'y rétablisse.
" Ne croyez-vous pas que je suis dans mon père, et que mon père
est en moi ? Ce que je vous dis, je ne vous le dis pas de moi-même, mais
mon père qui demeure en moi, fait lui-même les uvres que
je fais. Ne croyez-vous pas que je suis dans mon père, et que mon père
est dans moi ? Croyez-le au moins à cause des oeuvres que je fais. "
Comment ne croirions-nous pas à notre être essentiel, et fondamental,
si nous lui voyons naître un fils en nous ? En même temps ce fils
peut-il offrir de réels témoignages de son père, s'il n'est
pas continuellement dans ce père, et si son père n'est pas continuellement
en lui ? Observation qui aurait pu agir sur ceux qui doutent de la divinité
du Réparateur, et qui dans le vrai, ne doutent tant de la divinité
de ce Réparateur, que parce qu'ils ne doutent pas assez de la divinité
de la matière, et parce qu'ils n'ont pas eu soin de travailler à
faire naître un fils en eux, puisque si l'homme ne renaît de nouveau,
il ne peut entrer dans le royaume des cieux.
Mais s'ils avaient travaillé à faire naître un fils en eux,
c'est à eux que s'adresserait cette parole : " Quoique vous demandiez
à mon père en mon nom, je le ferai afin que mon père soit
glorifié ; en vérité, en vérité, je vous
le dis, celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais, et en fera encore
de plus grandes, parce que je m'en vais à mon père, " et
que par ce moyen (comme il a été indiqué dans L'Homme de
désir), l'action que ce Réparateur enverra, sera plus abondante
et plus puissante dès qu'elle proviendra à la fois de l'action
du père et de l'action du fils réunies, puisque sur la terre il
n'a agi que comme homme, dans la puissance de l'esprit, au lieu que par sa réunion
avec son père, il agira comme Dieu, et par la puissance de l'unité
même, image parfaite de deux lois que nous avons déjà souvent
observées, et dont la dernière est celle qui peut seule compléter
notre réconciliation, en nous réunissant à notre vraie
source, comme le Réparateur, après son oeuvre temporelle, s'est
réuni avec son père.
" Si vous m'aimez, gardez mes commandements, et je prierai mon père,
et il vous donnera un autre consolateur afin qu'il demeure éternellement
avec vous, l'esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce
qu'il ne le voit point, et qu'il ne le connaît point ; mais pour vous,
vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous, et qu'il sera dans
vous " ; c'est ce même fils spirituel, né de nous, et en nous
par l'opération divine, qui devient notre consolateur, comme il est devenu
notre libérateur, et cela en imitation, et en conformité du consolateur
universel, et du libérateur éternel qui veut que nous répétions
tous en nous-mêmes l'uvre qu'il a opérée dans tout
notre cercle ; ce consolateur doit en effet demeurer éternellement avec
nous dès qu'il est né de l'esprit de Dieu, au lieu que les autres
enfants que nous laissons naître journellement dans nous-mêmes,
ne voient point subsister leur race, parce qu'ils ont des enfants du monde.
Voilà pourquoi ce consolateur particulier ne peut être reçu
du monde, parce qu'il est étranger au monde, comme la lumière
est étrangère aux ténèbres, et parce que le monde
ne le voit point, et ne le connaît point.
" Je ne vous laisserai point orphelin, je viendrai à vous. Encore
un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais pour vous, vous me verrez
parce que je vis, et que vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous connaîtrez
que je suis en mon père, et vous en moi, et moi en vous. " L'âme
de l'homme nourrit son propre fils. Car comme le père a la vie en lui-même,
il a donné aussi au fils d'avoir la vie en lui-même. Aussi ce consolateur
ne doit laisser en nous aucun orphelin, parce qu'il a la vie en lui, et qu'il
peut la communiquer à tous les siens ; aussi tout ce qui est en nous
peut voir ce consolateur puisqu'il vit, et qu'il donne à tout ce qui
est en nous le pouvoir de vivre comme lui. C'est alors que tout ce qui est en
nous reconnaît que le consolateur est dans son père, que tout ce
qui est en nous est dans ce consolateur, et que ce consolateur est dans tout
ce qui est en nous.
Celui qui a reçu mes commandements, et qui les garde, est celui qui m'aime.
Celui qui m'aime sera aimé de mon père ; et je l'aimerai aussi,
et je me découvrirai à lui. Tout ce qui en nous est fidèle
à la voix de notre consolateur particulier, et observe ses commandements,
aime ce consolateur, et sera aimé du père de ce consolateur, et
ce consolateur l'aimera, et se découvrira à lui. Mais comme ce
consolateur, ou le fils qui doit naître en nous, possède tout ce
qui est dans son père, quelles merveilles ne doit-il pas communiquer
à ceux à qui il veut bien se découvrir en nous, c'est-à-dire,
à tous ceux qui l'aiment, et qui observent ses commandements ?
Le mot de conscience a sans doute de grands droits à nos hommages, et
c'est le plus grand mot que la sagesse vulgaire puisse employer ; mais il est
infiniment inférieur au nom de ce fils, et de ce consolateur spirituel
qui peut naître en nous, et nous éclairer.
" Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon père l'aimera,
et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. Celui qui
ne m'aime point ne garde point mes paroles, et la parole que vous avez entendue
n'est point ma parole, mais celle de mon père qui m'a envoyé.
" Non seulement ce consolateur ou ce fils spirituel qui doit naître
en nous se découvre à tout ce qui l'aime en nous, non seulement
il communique à ce qui l'aime en nous, et qui observe ses commandements,
tout ce qu'il reçoit de son père ; mais il fait que le père
aime lui-même en nous tout ce qui aime ce consolateur, et qu'ils viennent
ensemble en nous, et qu'ils y font leur demeure. Car la parole de ce consolateur,
ou de ce fils qui doit naître en nous n'étant point sa parole,
mais la parole de son père, il ne peut se montrer nous, que son père
ne s'y montre, et n'y naisse avec lui.
" Je vous ai dit ceci demeurant encore avec vous. Mais le consolateur qui
est le Saint-Esprit que mon père enverra en mon nom, vous enseignera
toutes choses, et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. "
Ce nouveau consolateur qui nous est annoncé, est le même que celui
qui est déjà né dans le nouvel homme ; mais la différence
qu'il y a entre l'un et l'autre, c'est que le premier est né en nous
dans l'amertume et dans la douleur, et que le second y doit naître dans
la jubilation, ce qui ne peut arriver qu'autant qu'il réalise et effectue
en nous physiquement toutes ces consolations, tous ces développements,
toutes ces vertus, toutes ces lumières qu'il n'avait fait que nous annoncer
pendant le travail pénible de son oeuvre, et pendant le séjour
qu'il a bien voulu faire dans nos ténèbres, et dans nos abîmes
; et c'est alors qu'il nous fait ressouvenir lui-même de tout ce qu'il
nous a dit d'avance.
" Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas
comme le monde la donne... Que votre cur ne se trouble et ne s'épouvante
point... Vous avez ouï que je vous ai dit : Je m'en vais et je reviens
à vous. " Il nous laisse la paix de l'espérance, et cette
paix est réelle, puisque c'est la sienne elle-même. Il ne nous
la donne point comme le monde la donne, puisque la paix du monde n'est qu'une
obscurité qui nous conduit toujours par des routes ténébreuses
pour ne nous faire arriver qu'à des déceptions ; au lieu que la
paix du consolateur ou de l'esprit qui naît en nous est une paix vive,
une paix de feu qui devient chaque jour plus claire, et qui ne doit se terminer
que par la splendeur de la lumière.
Aussi ne redoutons point la suspension où cet esprit nous laisse pour
quelques moments. Nourrissons-nous de la paix et de l'espérance qu'il
nous a données, et soyons sûrs qu'il ne retourne à son père
que pour revenir vers nous chargé de plus nombreuses richesses et de
plus grands trésors. Notre ennemi ne va-t-il pas lui-même chercher
sept autres esprits pour s'emparer de la maison qu'il a laissée ? Comment
le consolateur, et le prince de la paix et de la puissance n'aurait-il pas les
mêmes pouvoirs dans l'ordre de la vérité ?
" Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vous ai dit,
que je m'en vais à mon père, parce que mon père est plus
grand que moi. " Désirons que notre consolateur particulier ou l'esprit
qui doit naître en nous retourne promptement vers son père, puisque
son père est plus grand que lui, et puisque par là nous devons
obtenir de nouvelles forces, de nouvelles faveurs et de nouvelles consolations.
Si nous l'aimons, nous devons désirer ce retour vers son père,
puisque non seulement il doit par là faire notre bonheur, mais qu'il
doit aussi faire le sien propre par son union avec sa source.
Désormais je ne vous parlerai plus guère, car le prince du monde
va venir, et il n'a rien en moi qui lui appartienne. La voix de la vérité
ou de notre consolateur se tait lorsque la voix du mensonge s'approche pour
nous faire subir notre épreuve ; elle se tait pour nous faire développer
nos forces ; elle se retire parce que ce n'est point avec elle que l'ennemi
a affaire, c'est avec nous.
Mais je m'en vais afin que le monde connaisse que j'aime mon père, et
que je fais ce que mon père m'a ordonné. Si nous aimons notre
consolateur ou l'esprit qui doit naître en nous, nous ne cesserons de
retourner vers lui, afin que tout ce qui est en nous connaisse que nous l'aimons,
et que nous sommes fidèles au commandement qu'il nous a fait de le regarder
comme la source de nos joies et le salutaire agent de notre délivrance.
Nous ne cesserons de lui rendre des actions de grâces pour tous ses bienfaits,
et c'est en nous approchant de lui le plus, qu'il nous sera possible que nous
lui donnerons de véritables témoignages de notre reconnaissance
et de notre amour.
62.
Je suis la vraie vigne, et mon père est le vigneron. Il retranchera toutes
les branches qui ne portent point de fruit en moi, et il taillera toutes celles
qui portent du fruit, afin qu'elles en portent davantage. Ce que le Réparateur
opère sur toute la famille humaine, l'esprit l'opère sur notre
fils spirituel pour lui procurer une saine et robuste constitution, et pour
lui faire produire des fruits nombreux ; et à son tour ce fils spirituel
le doit opérer en nous sur tout notre être. Car ce fils spirituel
est notre vraie vigne dont nos facultés sont les branches, comme tout
notre être est une branche de la vigne universelle ou de l'éternel
Réparateur.
Vous êtes déjà purs à cause de la parole que je vous
ai dite : Demeurez en moi, et moi en vous. De la part de la vérité,
cette simple invitation a un effet actif, parce qu'elle ne peut avoir lieu que
par la manifestation de la parole, et que la parole de la vérité
ne se prononce point sans répandre autour d'elle la pureté dont
elle est le principe ; aussi c'est être déjà pur que d'avoir
entendu la parole ; voilà pourquoi celui qui l'a entendue, et qui ne
la pratique pas sera sans excuse, puisqu'il n'aura été ni sans
lumière ni sans moyens. L'esprit nous fait aussi entendre journellement
cette parole :
" Comme la branche de la vigne ne peut point porter de fruit par elle-même,
mais qu'il faut qu'elle demeure attachée au cep ; ainsi vous n'en pouvez
point porter si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep de la vigne, et vous
en êtes les branches. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure,
porte beaucoup de fruits, car vous ne pouvez rien faire sans moi. " C'est
une chose douce et consolante de sentir véritablement que c'est de notre
adhérence à l'esprit et à la parole que dépend notre
fructification ; de sentir qu'il doit se former en nous un mariage réel
de la parole avec notre être divin, et que c'est de là que résulte
ce fils spirituel, et ce nouvel homme qui nous fait revoir les belles campagnes
de la terre promise.
Mais toujours fidèles à la nature, ne comptons sur la solidité
de cette alliance, et sur les longs jours de celui qui doit en recevoir en nous
la naissance, qu'autant que la vie divine vient s'établir en nous comme
à notre insu, et qu'il s'y forme comme dans le secret une source vivante
et intarissable dont tous les ruisseaux vont à leur tour former des alliances
particulières avec toutes les formes et toutes les propriétés
de notre être.
Nous ne pouvons sentir cette délicieuse et active vérité
sans reconnaître la certitude de ces paroles : " Vous ne pouvez rien
faire sans moi... celui qui ne demeure pas en moi sera jeté dehors comme
un sarment inutile. Il sèchera, il sera ramassé et jeté
au feu, et il brûlera. " Voulez-vous éviter cet effroyable
danger ? Evitez que tout votre être ne passe ses jours dans la stérilité,
et dans la sécheresse. Voulez-vous, dis-je, éviter ce danger ?
Placez devant vous le nom du Seigneur ; que cet autel soit toujours dressé,
et toujours prêt à recevoir vos offrandes. Ne prenez pas une résolution,
n'accordez pas un mouvement à votre être sans venir auparavant
le présenter au temple, comme la loi des Hébreux l'ordonnait pour
les prémices de toutes les productions de la terre ; ayez sans cesse
l'encensoir à la main pour honorer celui de qui vous tenez ce fils de
l'homme, ce premier-né en vous qui devient votre guide pendant vos pénibles
voyages, et qui doit vous apprendre à célébrer ce nom du
Seigneur, dans vos triomphes, dans vos besoins, dans vos consolations, dans
vos détresses, puisque sans lui toutes les branches de votre arbre spirituel
demeureraient dans la sécheresse et seraient condamnées au feu,
et que sans lui vous seriez sans activité, sans pénitence, sans
courage, sans humilité, sans amour, sans confiance ; puisqu'enfin sans
lui, tout en vous serait sans parole.
Au contraire " Si nous demeurons en lui, et si ses paroles demeurent en
nous, nous demanderons tout ce que nous voudrons, et il nous sera accordé,
parce que la gloire de son père est que nous rapportions beaucoup de
fruits et que nous devenions ses vrais disciples. "
" Si vous gardez mes commandements vous demeurerez dans mon amour; comme
j'ai gardé aussi les commandements de mon père, et que je demeure
dans son amour. " Telle est en effet la véritable demeure du nouvel
homme, parce qu'il ne peut habiter qu'avec son père, puisque c'est de
lui qu'il reçoit continuellement la vie, et c'est une semblable demeure
que le nouvel, homme ou notre fils spirituel nous promet si nous demeurons dans
son amour, comme il demeure dans l'amour de son père. Or demeurer dans
l'amour du Seigneur, c'est n'en pas sortir, c'est ne pas aller ailleurs, c'est
ne pas même bouger de la place ; et si cet amour du Seigneur pouvait demeurer
en nous avec la même constance, notre félicité ne serait-elle
pas dès lors imperturbable ? Oh combien sont grands et puissants ceux
qui sont calmes, fixes, et paisibles comme l'est la vie de l'unité et
dans l'unité?
Je vous ai dit ceci afin que ma joie demeure en vous, et que votre joie soit
pleine et parfaite. Si le nouvel homme nous communique la joie dont il est rempli,
et qu'il puise sans interruption dans la joie de son père, notre joie
sera pleine et parfaite, parce qu'elle sera le fruit divin de la vie éternelle,
lequel fruit ne peut manifester sa maturité et toute la douceur de ses
sucs si salutaires, que quand il est parvenu jusque dans l'âme de l'homme,
et qu'il en a tellement vivifié et pénétré toutes
les facultés, qu'elles soient devenues à leur tour des arbres
superbes et fertiles, à l'imitation de cet arbre dont elles doivent être
les représentants sur la terre.
" Nul ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.
Vous serez mes amis si vous faites tout ce que je vous commande. " Qu'est-ce
que l'esprit nous commande ? C'est de le laisser passer en nous, et se manifester
par nous afin qu'il soit connu des nations, et que tout soit rempli de sa lumière
et de sa plénitude. La manière dont nous devenons ses amis est
qu'il ne peut passer en nous, sans y laisser des rayons de la vie dont il est
la source, et sans se prononcer lui-même en nous selon notre propre mode,
et selon toutes les formes de notre être. "
" Je ne vous appellerai plus maintenant serviteurs, parce que le serviteur
ne sait ce que fait son maître, mais je vous appellerai mes amis parce
que je vous ai fait savoir tout ce que j'ai appris de mon père. Ce n'est
pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis, et je vous ai
établis afin que vous portiez beaucoup de fruits. " Voilà
le véritable but de l'esprit sur nous, et tel est aussi celui du nouvel
homme, et c'est pour cela que l'amour se propage, et que quand tout est ami
en nous, nous devenons les amis du Seigneur.
" Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous
étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui. Mais parce
que vous n'êtes point du monde, je vous ai choisis et séparés
du monde. " Nouveau tableau de la destination primitive de l'homme par
laquelle il devait planer au-dessus de ce monde, et puiser continuellement sa
mission divine dans la source supérieure et éternelle.
" Le serviteur n'est pas plus grand que le maître ; s'ils m'ont persécuté,
ils vous persécuteront. Mais ils vous feront tous ces mauvais traitements
à cause de mon nom ; parce qu'ils ne connaissent point celui qui m'a
envoyé. " L'ennemi qui s'est emparé du royaume de ce monde
comprend dans sa haine tous ceux qui se rangent du parti de celui dont il s'est
rendu l'adversaire ; et si nous considérons comment il en a traité
les ouvrages, nous ne serons plus étonnés de la manière
dont il en traite les ouvriers. Mais que pourrons-nous craindre si nous savons
nous rallier à cette vérité ? L'ennemi dans ses projets
n'a agi que contre lui-même, et n'a jamais rien pu contre elle, il ne
pourra donc rien contre nous si nous nous unissons à elle, et qu'à
son exemple nous planions au-dessus de la région des destinées.
" Si je n'étais point venu, et que je ne leur eusse point parlé,
ils n'auraient point de péché, mais maintenant ils n'ont point
d'excuse de leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon père.
" Voir le fils et ne pas reconnaître le père, c'est manquer
à la fois, et d'intelligence et de volonté. C'est manquer d'intelligence,
parce que qui voit le fils, voit le père ; puisqu'il en est de cette
manifestation comme de celle de notre parole, dans laquelle ceux à qui
nous la manifestons peuvent voir notre pensée qui est le père
; c'est manquer de volonté, puisque cette parole qui
se présente sous la forme humaine nous annonce assez clairement quels
sont nos droits et nos privilèges, et ce qu'ils pourraient nous faire
obtenir pour peu que nous voulussions en user.
C'est pour cela que le Réparateur ajoute : " Si je n'avais point
fait parmi eux des oeuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de
péché ; mais maintenant ils les ont vues, et ils ont haï
et moi, et mon père. " Puisque si celui qui voit le fils, voit le
père, si celui qui aime le fils, aime le père, il est impossible
par la même raison de haïr le fils sans haïr le père,
attendu que le père est dans le fils, comme le fils est dans le père.
" Mais quand le consolateur que je vous enverrai de la part de mon père
sera venu, comme l'esprit de vérité qui procède du père,
il rendra témoignage de moi. " Malheureusement ceux qui n'auront
pas vu le père dans le fils, pourront n'y pas voir l'esprit davantage,
et c'est alors que leur faute sera tellement constatée et confirmée,
qu'ils seront sans aucune excuse, et que pour eux la justice, au lieu de se
convertir en miséricorde et en amour, se convertira en jugement (Ps.
93:15).
Mais pour vous, vous en rendez aussi témoignage, parce que vous êtes
dès le commencement avec moi. Comment ceux qui auront vu le fils, et
qui auront été avec lui dès le commencement ne lui rendraient-ils
pas témoignage devant le consolateur, puisqu'ils peuvent même,
ayant vu le fils, rendre également témoignage du père ?
Et c'est un semblable témoignage que le nouvel homme attendra de tout
ce qui est en lui, puisque sa pensée, sa parole, et son action seront
intimement liées, et que rendre témoignage à l'une, c'est
nécessairement rendre témoignage aux deux autres.
63.
" Je vous ai dit ces choses pour vous préserver des scandales et
des chutes. lis vous chasseront de leurs synagogues, et le temps va venir que
quiconque vous fera mourir, croira faire un sacrifice à Dieu. Ils vous
traiteront de la sorte parce qu'ils ne connaissent ni mon père, ni moi.
" Le scandale est la honte de l'intelligence, tant de la part de celui
qui le donne, que de la part de celui qui le reçoit, parce que celui
qui a les yeux ouverts s'observe dans ses propres mesures, et discerne trop
bien celles des autres pour ne leur pas rendre ce qui leur appartient, soit
l'intérêt du dévouement lorsqu'elles sont justes, soit celui
de la condescendance et de la pitié lorsqu'elles ne le sont pas.
" Je ne vous les ai pas dites dès le commencement parce que j'étais
avec vous ; maintenant je m'en vais à celui qui m'a envoyé et
nul de vous ne me demande où je vais ; mais parce que je vous ai dit
ces choses, la tristesse a rempli votre cur. " Ces scandales ne peuvent
arriver que quand l'esprit de vérité est à demeure dans
l'homme, parce qu'il éclaire tout ; c'est pourquoi l'homme s'afflige
quand il prévoit des suspensions où il aura de la peine à
démêler en lui-même la lumière d'avec les ténèbres
parce qu'il sera seul. Mais il ne prévoit pas que ces suspensions ne
sont que pour lui préparer les voies à l'accomplissement de son
oeuvre, sans quoi il se remplirait de consolations.
" Il vous est utile que je m'en aille, car si je ne m'en vais point, le
consolateur ne viendra point à vous, mais si je m'en vais, je vous l'enverrai.
" Comment le consolateur, ou l'uvre effectif naîtrait-il en
nous si la volonté, l'amour, et la parole, ne nous l'envoyaient ? Et
comment cette parole nous l'enverrait-elle si elle ne rentrait dans son père
dont elle est née elle-même ?
" Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché,
touchant la justice, et touchant le jugement. Touchant le péché,
parce qu'ils n'ont pas cru en moi, " malgré qu'ils eussent en eux
une parole qui leur prouvait l'existence de leur pensée, comme ma parole,
et mes oeuvres leur prouvaient l'existence de mon père.
Touchant la justice, parce que je m'en vais vers mon père, et que vous
ne me verrez plus, attendu que je n'ai paru près de vous que pour vous
délivrer de votre esclavage, et de vos chaînes, et qu'il faut maintenant
vous laisser développer vos forces pour que vous atteigniez le but, et
que vous obteniez les récompenses qui sont promises à tous les
fidèles serviteurs.
Touchant le jugement, parce que le prince du monde est déjà jugé,
et que la présence du consolateur fera connaître à ce prince
du monde qu'il n'a plus rien à espérer, que ses projets sont déconcertés,
que ses forces sont détruites, que la honte, la confusion, et les plus
horribles châtiments vont tomber sur lui, et sur ses adhérents
; tandis que la lumière, et les consolations vont remplir ceux qu'il
a voulu rendre ses victimes. Vous ne pouvez douter de l'existence de ces trois
témoignages de l'esprit, puisque le nouvel homme qui est l'image de cet
esprit peut vous les faire trouver tous les trois en vous-mêmes.
" J'ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez
pas les porter maintenant. Quand l'esprit de vérité sera venu,
il vous enseignera toute vérité ; car il ne parlera pas de lui-même,
mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à
venir. " Le nouvel homme découvre en lui chaque jour de nouvelles
clartés dont les diverses intelligences de son être ne sont point
encore susceptibles ; il est obligé de les renfermer en lui-même
jusqu'à ce que ces intelligences aient acquis plus de forces, et plus
de consistance, c'est-à-dire, jusqu'à ce que les rayons de l'esprit
aient transformé leur substance incomplète, en une substance de
réalité, et de vérité ; mais aussi il se remplit
chaque jour d'une nouvelle espérance que ces salutaires effets s'accompliront,
parce qu'en combattant ardemment l'apparence dont il est environné lui-même,
il parvient à sentir en lui, comme le contact de la vie même, comme
ce punctum saliens, dont il a tout lieu de croire qu'avec le temps, il ne peut
résulter que des fleuves abondants qui ne laisseront dans la stérilité
aucune des régions de son être.
" C'est lui qui me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est en moi,
et il vous l'annoncera ; tout ce qu'a mon père est à moi, c'est
pourquoi je vous ai dit qu'il prendra de ce qui est à moi, et qu'il vous
l'annoncera. " Lorsque l'esprit prendra de ce qui est au fils, il prendra
de ce qui est au père, puisque tout ce qui est au père, est au
fils ; voilà pourquoi il glorifiera le fils, puisqu'il développera,
et manifestera comme appartenant au fils, les merveilles dont le père
est le dépositaire et la source. Voilà pourquoi la gloire du nouvel
homme sera si grande quand toutes ses facultés auront été
renouvelées par l'esprit, puisque cet esprit témoignera par là
que le nouvel homme est lui-même rempli des merveilles du père,
et que cette Divinité suprême a réellement passé
en lui tout entière.
Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps,
et vous me verrez, parce que je m'en vais à mon père. La première
apparition du nouvel homme en vous est une apparition voilée, et couverte
des nuages de la région figurative et passagère, aussi elle ne
peut avoir qu'un temps, et quand ce temps est accompli, elle doit cesser ; mais
elle ne cesse que pour revenir avec plus de splendeur, puisque le nouvel homme,
se rapprochant de la source d'où il est émané, y prend
une nouvelle vie, et une existence toute spirituelle, paroles que les apôtres
ne pouvaient comprendre.
En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez,
et vous gémirez vous autres, et le monde sera dans la joie ; vous serez
dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. Pourquoi le monde
sera-t-il dans la joie quand le nouvel homme sera disparu ? C'est qu'il croira
ce nouvel homme disparu pour jamais, et que ce nouvel homme est pour lui un
être scandaleux, et qui, par sa seule présence, lui reproche son
néant, et son impiété. C'est que le monde fait alors envers
ce nouvel homme, ce qu'Hérode a fait envers le précurseur à
Jérusalem.
" Lorsqu'une femme enfante, elle est dans la tristesse parce que son heure
est venue, mais après qu'elle a enfanté un fils, elle ne se souvient
plus de ses maux dans la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans
le monde. " C'est cette joie que le nouvel homme seul peut connaître
quand il sent qu'il est sorti de l'esclavage, et du lieu de ténèbres,
et que l'esprit lui a donné la naissance ; il la sentira cette joie bien
plus vivement encore lorsque cette naissance sera confirmée en lui par
la présence du consolateur.
" Vous êtes donc maintenant, vous autres, dans la tristesse, mais
je vous verrai de nouveau, et votre cur se réjouira, et nul ne
vous ravira votre joie. " Parce que l'homme que vous aurez mis au monde
ne sera né ni de la chair, ni du sang, ni de la volonté de l'homme,
mais de la volonté de l'esprit, et qu'ainsi cet homme sera nommé
le fils de Dieu.
En ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus de rien. Car comment pourriez-vous
avoir besoin de m'interroger, puisque celui qui doit venir et vous enseigner
toute vérité sera pour vous la continuelle expression du père,
et du fils, et qu'il développera sans cesse à votre cur
et à votre esprit tous les trésors de la sagesse, et toutes les
merveilles de l'unité.
" Je vous ai dit ceci en paraboles. Le temps, vient que je ne vous entretiendrai
plus en paraboles, mais que je vous parlerai ouvertement de mon père.
En ce temps-là vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis point que
je prierai mon père pour vous, car mon père vous aime lui-même,
parce que vous m'avez aimé, et que vous avez cru que je suis sorti de
Dieu. " Le temps des paraboles est celui où nous sommes encore sous
les ombres de notre région ténébreuse qui, comme l'ancienne
alliance, ne nous permet de voir que des éclairs de la vérité
; lorsque l'âge de la maturité de l'esprit est arrivé pour
le nouvel homme, il est au-dessus des paraboles, puisque la parole ou la bouche
du père est ouverte pour lui, et que le père cherche à
le récompenser de l'avoir reconnu dans la parole et la bouche de son
fils.
Je suis sorti de mon père, et je suis venu dans le monde ; maintenant
je laisse le monde, et je m'en vais vers mon père. Comment le nouvel
homme pourrait-il se montrer à nous aux ténèbres qui nous
composent, s'il ne sortait de son père ? Comment la lumière supérieure,
et les ténèbres inférieures pourraient-elles habiter ensemble
? Mais aussi puisque la lumière supérieure, et les ténèbres
inférieures ne peuvent demeurer ensemble, comment le nouvel homme, après
être sorti de son père pour venir dans nous ou dans ce bas monde,
ni quitterait-il pas ce bas monde pour s'en retourner vers son père ?
" Vous croyez maintenant, mais le temps va venir et il est déjà
venu que vous serez dispersés, chacun de son côté, et que
vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, parce que mon père
est avec moi. " La présence du nouvel homme réjouit pour
un temps nos facultés ténébreuses ; mais quand il se retire
pour retourner vers son père, elles restent livrées à leurs
ténèbres, et ne se souviennent plus de lui, jusqu'à ce
qu'il revienne pour les régénérer de nouveau. Mais elles
ont beau le laisser seul ; il ne peut être seul, puisqu'il est un témoignage
vivant de l'existence et de la présence de son père auprès
de lui.
" Je vous ai dit ceci afin que vous trouviez la paix en moi vous aurez
des afflictions dans le monde, mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde. "
Le nouvel homme ne vient au milieu de nous que pour rompre nos liens, et pour
vaincre le monde qui est en nous ; ainsi les ténèbres qui nous
environnent encore après son retour vers son père, ne sont plus
vivantes comme elles l'étaient auparavant, et elles doivent finir par
s'éclairer infailliblement, puisque la racine en est coupée, et
que le nouvel homme a vaincu le monde. C'est sous ce rapport que ce nouvel homme
est si précieux pour nous, puisque sans lui toutes nos substances spirituelles
auraient conservé à jamais et leurs ténèbres, et
la racine de ces mêmes ténèbres.
64.
Rassemblons ici toutes nos puissances, précipitons-nous avec ardeur dans
le torrent qui porte avec lui la conviction, parce que sans la conviction, il
n'y a point de force et de courage, et que sans la force et le courage, il n'y
a point de bonté ni dans notre cur, ni dans nos oeuvres. Rassemblons,
dis-je, toutes nos puissances, et disons avec le Réparateur :
Mon père, l'heure est venue, glorifiez votre fils, afin que votre fils
vous glorifie, parce que la gloire, et l'intérêt de la louange
de notre père, et notre maître doivent nous animer plus que notre
propre gloire, et malheur à celui qui dans sa pensée, dans son
amour, ou dans ses oeuvres, se compte lui-même un seul instant, puisque
cet instant est perdu pour lui comme pour son maître ! Les temps antérieurs
ont été sacrifiés à la consommation de notre vanité
; mais l'heure est venue où doivent se faire connaître à
la fois la puissance du maître, la faiblesse de l'ennemi, la fidélité
du serviteur.
" Vous lui avez donné puissance sur tous les hommes, afin qu'il
donne la vie éternelle à tous ceux que vous lui avez donnés.
Or, la vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui
êtes le seul Dieu véritable, et le Réparateur que vous avez
envoyé. " La puissance n'est donnée au nouvel homme sur toutes
les régions de son être, qu'afin qu'il leur communique la vie éternelle
dont il est rempli ; et cette vie éternelle peut-elle être autre
chose que de connaître le suprême auteur de la vie dans celui qu'il
a envoyé pour le manifester, et de sentir en nous-mêmes, comme
cela est donné à tous, l'uvre effectif de cette naissance
spirituelle par la naissance du nouvel homme en nous ; merveille qui pourrait
nous combler de joie, mais qui ne devrait pas nous surprendre, si nous avions
présent à la pensée, que nous devons être sous tous
les rapports, l'image, et la ressemblance de Dieu.
" Je vous ai glorifié sur la terre.... maintenant, glorifiez-moi
en vous-mêmes, de cette gloire que j'ai eue en vous avant que le monde
fût. " Le nouvel homme sent aisément qu'il y a deux gloires,
celle qu'il a droit d'attendre de nous quand il nous manifeste la lumière
éternelle de la vie, et celle que cette lumière éternelle
doit recevoir lorsqu'elle agit elle-même directement en lui. L'une de
ces gloires semble être plus réversible à lui-même,
qu'à la source dont il descend ; l'autre semble plus réversible
à cette source elle-même, voilà pourquoi il désire
tant être glorifié de cette gloire-là, parce qu'il brûle
uniquement du zèle de la maison de son maître.
" J'ai fait connaître votre nom aux hommes que vous m'avez donnés
après les avoir séparés du monde ; ils étaient à
vous, et vous me les avez donnés, et ils ont gardé votre parole
; maintenant ils connaissent que tout ce que vous m'avez donné vient
de vous, parce que je leur ai donné les paroles que vous m'avez données,
et ils les ont reçues, ils ont reconnu véritablement que je suis
sorti de vous, et ils ont cru que vous m'avez envoyé. " Cette gloire
que le Réparateur a eue dans son père avant que le monde fût,
est si grande, que le nouvel homme la demande comme une récompense de
ses travaux, comme un lieu de repos pour avoir manifesté la parole ;
cette gloire doit en effet être le véritable lieu de repos pour
l'esprit de l'homme qui, selon la loi de tout ce qui existe, ne peut trouver
de repos que dans la génération de sa propre source en lui-même.
" C'est pour eux que je prie ; je ne prie point pour le monde, mais pour
ceux que vous m'avez donnés, parce qu'ils sont à vous. Tout ce
qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est
à moi, et je suis glorifié en eux. " Comment le nouvel homme
prierait-il pour le monde, puisque le monde dont il s'agit ici n'est point composé
d'hommes, mais du temps, et de l'apparence qui ne peuvent ni enfanter la prière,
ni participer aux douceurs de ses fruits ?
" Je ne suis plus maintenant dans le monde, mais ils sont encore dans le
monde, et je m'en vais à vous. Père saint, conservez en votre
nom ceux que vous m'avez donnés, afin qu'ils soient un comme nous. "
Le nouvel homme quoique sorti du monde en esprit, s'occupe des siens qui sont
encore dans le monde parce qu'il sait qu'ils y sont encore en danger, jusqu'à
ce que l'uvre soit entièrement accomplie sur eux ; et comme il
sait ne pouvoir vivre que par son père, il emploie tout son amour auprès
de ce même père qui les lui a donnés, et sans lequel il
sait qu'ils ne peuvent pas plus vivre que lui-même.
" Lorsque j'étais avec eux dans le monde, je les conservais en votre
nom. J'ai conservé ceux que vous m'avez donnés, et nul d'eux ne
s'est perdu, mais celui-là seulement qui était enfant de perdition,
afin que l'Ecriture soit accomplie. " La présence du nouvel homme,
parmi les siens, est suffisante pour les préserver, aussi si l'homme
veillait dans la sainteté sur son cercle, il ne perdrait aucun de ceux
qui sont en lui, excepté le fils de perdition qui est également
en nous, qui doit même assister à notre régénération,
comme il a assisté à notre perte, mais qui ayant assisté
avec triomphe à notre perte ne doit pouvoir assister qu'avec honte et
confusion à notre délivrance, afin que la justice prononcée
contre lui dès l'instant du crime, et promulguée par les Ecritures,
soit exécutée dans notre sanctification, comme cela est arrivé
à Iscariot qui assista bien à la cène célébrée
par le Réparateur, et qui triompha en le livrant aux princes de la synagogue,
mais pour qui le sacrifice glorieux de ce Réparateur, ne fût ensuite
qu'une honte, et qu'un fléau de plus.
" Maintenant je viens à vous, et je dis ceci étant encore
dans le monde, afin qu'ils aient en eux, la plénitude de ma joie. Je
leur ai donné votre parole, et le monde les a haïs... Je ne vous
dis point de les ôter du monde, mais de les garder du mal... Sanctifiez-les
dans votre vérité... Je me sanctifie moi-même pour eux,
afin qu'ils soient aussi sanctifiés dans la vérité. "
Que serait la sanctification du nouvel homme, si elle ne s'étendait à
tout notre être ? Et que serait la sanctification de tout notre être,
si elle ne s'étendait qu'à notre propre cercle ?
" Je ne prie pas seulement pour eux, mais encore pour ceux qui doivent
croire en moi par leur parole. Afin qu'ils soient un, tous ensemble, comme vous,
mon père, êtes en moi, et moi en vous, qu'ils soient de même
un en nous, afin que le monde croie que vous m'avez envoyé. " Quel
autre désir que celui de l'expansion de l'unité peut se faire
connaître à celui qui est plein de la vie de l'unité ? Aussi
les traits les plus vifs que le nouvel homme éprouve dès qu'il
entre dans la voie de sa régénération, ce sont ceux du
zèle, et de l'ardeur pour cette expansion de l'unité ; c'est la
douleur qui lui occasionne la vue des campagnes d'Israël abandonnées
et désertes, de même que le spectacle de tous ceux de ses frères
qui sont emmenés en captivité, et languissants dans l'esclavage,
et c'est sur lui-même qu'il trouve à éprouver toutes ces
diverses impressions, puisque nous ne devons plus oublier que l'homme est à
lui seul un univers tout entier, et nous ne devons plus douter que si, à
l'image du Réparateur universel, il se trouve en chacun de nous un libérateur
particulier, ce n'est que parce qu'il s'y trouve aussi des rois d'Égypte,
et de Babylone, qui ne manquent pas de trouver également en nous un peuple
coupable qu'ils emmènent journellement en servitude ?
" Je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin
qu'ils soient un comme nous sommes un. Je suis en eux, et vous en moi, afin
qu'ils soient consommés en l'unité, et que le monde connaisse
que vous m'avez envoyé, et que vous les aimez comme vous m'avez aimé.
" C'est là cette unité effective, et connue en effectivité
de ceux qu'elle aime, et qui la cherchent comme l'a fait le nouvel homme. C'est
là ce qui les met dans le cas de convaincre le monde que la gloire de
cette unité est venue jusqu'à eux, et que par conséquent
la voie qui la devait apporter est venue aussi, et a été montrée
aux nations.
" Mon père, je désire que là ou je suis, ceux que
vous m'avez donnés y soient aussi avec moi, afin qu'ils contemplent ma
gloire que vous m'avez donnée, parce que vous m'avez aimé avant
la création du monde. " Nouvel homme, contemple ici la gloire que
te prépare le Réparateur, afin que tu la prépares toi-même
à ton tour à tous les tiens. Ce n'est rien moins que d'être
là où est le Réparateur lui-même ; ce n'est rien
moins que de contempler sa propre gloire, de percer par là jusqu'à
cette lumière qui est au-dessus des temps, de sentir en t'élevant
jusqu'à lui, ce que c'est que d'avoir été aimé de
Dieu avant la création du monde ; et de reconnaître par ce moyen,
l'immensité du vaste champ que peut embrasser ton antique origine, et
ta sainte immortalité.
" Père juste, le monde ne vous a point connu, mais moi, je vous
ai connu, et ceux-ci ont connu que vous m'avez envoyé. Je leur ai fait
connaître votre nom, et le leur ferai connaître encore, afin que
l'amour par lequel vous m'avez aimé soit en eux, et que je sois moi-même
dans eux. " Nouvel homme, ne cesse point de faire remarquer à tous
les tiens ces dernières paroles du Réparateur, avant qu'il soit
livré pour aller consommer son sacrifice ; ne cesse point de leur dire
que le terme de tous ses désirs est que l'amour par lequel son père
l'a aimé soit dans ses disciples, et qu'il cherche qu'à être
en eux pour leur faire parvenir cet amour dont il est aimé de son père,
et dont il aime toute la famille humaine. Ne cesse point de leur faire observer
qu'il ne leur montre ainsi son amour comme le terme final de toutes ses oeuvres
et de toutes ses entreprises, que parce que cet amour en est le principe éternel
et universel.
65.
Après avoir ainsi terminé ses instructions, le Réparateur
se retire dans la vallée de Gethsemani, ou la vallée de l'Huile,
et il entre dans le jardin des Oliviers où il allait ordinairement avec
ses disciples. Ce nom de vallée d'Huile est lui-même analogue à
l'uvre de paix que ce Réparateur venait opérer ; et c'est
dans ce jardin de pacification où il va être trahi et livré,
comme le fut autrefois le premier homme dans le jardin d'Eden, ou de délices,
afin que, par ces frappantes correspondances, l'homme intelligent aperçoive
les rapports qui existent entre ces diverses époques, et qu'il ne puisse
plus douter que le Réparateur n'ait voulu absolument marcher par les
mêmes voies que l'homme coupable, mais dans un autre esprit, et dans l'intention
de rectifier ces voies, et de rétablir ce que cet homme coupable avait
détruit.
C'est ici, nouvel homme, que le poids de l'uvre te va paraître accablant
; tu vas commencer à être saisi de tristesse, tu diras à
ceux des tiens qui sont les plus près de toi : Mon âme triste jusqu'à
la mort, demeurez ici et veillez avec moi. Mais comme l'homme coupable pécha
seul, tu les croiras encore trop près de toi, dans l'expiation que tu
vas subir, et tu travailleras seul à cette terrible expiation. Tu concentreras
toutes tes facultés en toi-même, en raison de la criminelle concentration
où l'homme se réduisit par son crime. Cette expiation te paraîtra
redoutable que tu diras : Mon père, faites s'il est possible que ce calice
passe et s'éloigne de moi. Mais la soumission l'emportant sur ta faiblesse,
tu ajouteras : Néanmoins que votre volonté s'accomplisse, et non
la mienne !
Tu reviendras jusqu'à trois fois vers les tiens, et les trouvant chaque
fois endormis, comme s'endormirent jadis les trois facultés du premier
coupable, tu leur diras : Voici l'heure qui proche, et le fils de l'homme va
être livré entre les mains pêcheurs. Dès lors tu recevras
le baiser de Juda ; baiser semblable à celui que le premier coupable
reçut de l'ennemi dans les fausses promesses d'une grandeur illusoire
dont il berça son espérance ; et tu tomberas comme ce premier
homme coupable, de celui qui te trahit. Mais le premier homme ne tomba ainsi
au pouvoir de ses ennemis que parce qu'il suspendit ses puissances ; et toi,
nouvel homme, c'est pour retomber au pouvoir de Dieu que tu vas suspendre les
tiennes afin, que tous les ressorts de l'expiation puissent être mis en
mouvement.
Tu n'ignorais pas la loi : quiconque frappera de l'épée périra
par l'épée, puisque tu la rappelles à celui qui veut te
défendre, et que tu ne veux pas même recourir au secours de ton
père qui t'enverrait douze légions d'anges, parce que ton sacrifice
doit être volontaire pour t'être utile, puisque le crime du premier
homme ne lui a été funeste que parce qu'il avait été
volontaire.
C'est même pour prouver à tes ennemis ton volontaire dévouement
que tu les renverseras d'abord par cette seule parole : c'est moi, et qu'ensuite
tu te livreras entre leurs mains pour leur montrer d'un côté ta
redoutable puissance ; et de l'autre l'énormité de leur crime,
puisque malgré ces témoignages évidents de ta puissance
ils ont la criminelle impiété de se saisir de toi, et de continuer
leurs atrocités contre toi : aussi c'est là ce qui les rendra
à jamais indignes de pardon, puisque l'ignorance ne pourra pas leur servir
d'excuse. Mais tout cela se fait afin que les paroles des prophètes s'accomplissent.
Et même alors les tiens t'abandonnant, s'enfuiront tous, comme dans une
énorme douleur, et dans les maux extrêmes, inévitables,
et qui tombent déjà sur nous, toutes nos puissances se suspendent,
et semblent se retirer de nous.
Mais devant qui vas-tu paraître ? C'est devant le grand prêtre de
la loi du temps, et où se trouvent assemblées toutes les ténèbres,
c'est-à-dire, les docteurs de la loi, et les sénateurs, qui, tourmentés
par les rayons de vérité qui sont sortis de toi, et qui les humilient,
cherchent partout des faux témoignages contre toi pour te faire mourir.
Tant que le grand prêtre n'emploiera avec toi que la voix de ces faux
témoignages, tu garderas le silence, non seulement parce que tu t'es
dévoué, mais encore parce que tu sais que l'homme ayant lui-même
faussé le témoignage qu'il devait rendre autrefois à la
Divinité suprême, c'est une loi de la justice qu'il éprouve
la peine du talion, et qu'il soit l'objet des faux témoignages. Mais
quand le grand prêtre te commandera par le Dieu vivant, de lui dire si
tu es le Christ fils de Dieu, tu montreras ton respect pour ce nom ineffable,
et tu lui répondras que tu es l'oint du Seigneur pour opérer ta
régénération particulière, comme le Réparateur
est l'oint du Seigneur pour la régénération universelle.
Tu ajouteras même pour lui faire connaître ta tranquillité
au milieu de ses menaces, et ton espérance au milieu de tes tribulations,
qu'un jour il verra le fils de l'homme assis à la droite de la majesté
de Dieu, qui viendra sur les nuées du ciel.
Ce grand prêtre de la loi du temps, feindra d'être scandalisé
de tes paroles. Dans son hypocrite ignorance, il déchirera ses vêtements
en disant : il a blasphémé, qu'avons-nous plus besoin de témoins
? Vous venez vous-mêmes de l'entendre blasphémer. Qu'en jugez-vous
? En étant remplis de l'esprit de leur chef, ils répondront :
Il a mérité la mort. Alors tous les adhérents de ce chef
ambitieux et jaloux se réuniront contre toi ; ils t'accableront d'insultes
et d'outrages ; ils multiplieront contre toi les accusations afin de te troubler
dans ton oeuvre, et surtout afin de t'empêcher de manifester les titres
de la véritable royauté.
Les ennemis de la paix et de la lumière, en te traitant de la sorte,
auront grand soin d'observer quelques points de la loi, afin de parenté
fidèles à la justice, tout en égorgeant l'innocence. C'est
ainsi que les Juifs, en conduisant le Réparateur chez Pilate pour le
livrer à la mort, ne voulurent point entrer dans le palais de ce gouverneur
qui n'était pas de leur religion, de peur qu'étant impurs, ils
ne pussent manger la Pâque.
Il y aura bien en toi un homme naturel, dirigé par sa simple raison qui
condamnera toutes les injustices que tes ennemis intérieurs dirigeront
contre toi. Il essaiera même, comme Pilate, de ne point se prêter
à la fureur de tes adversaires, et de leur persuader que c'est injustement,
et sans sujet qu'ils t'accusent, et qu'ils te condamnent : mais cet homme même,
tu seras obligé de le réduire au silence, parce que c'est le moment
où la puissance des ténèbres doit régner, afin que
ton sacrifice puisse s'accomplir ; c'est là le moment où le pacifique
dévouement du nouvel homme doit se manifester ; et c'est là où
il doit sentir ce qu'il en a coûté à la vérité
suprême lorsqu'elle s'est vue outragée par l'homme prévaricateur,
et où il reconnaîtra qu'il faut qu'il éprouve la même
espèce d'injustice qui a été commise lors de la chute.
Néanmoins, cet homme naturel qui est encore en toi, et qui ne s'aveugle
point sur les injustices qui se commettront intérieurement contre toi,
se séparera de tes accusateurs, et dira comme Pilate lorsqu'il fit apporter
de l'eau, et qu'il se lava les mains devant le peuple : je suis innocent du
sang de ce juste ; ce serait en vain qu'il s'opposerait à ta condamnation,
ce serait en vain que les rois de la terre, tout en te méprisant, comme
Hérode méprisa le Réparateur, diraient cependant qu'ils
ne trouvent rien en toi qui mérite la mort ; ce serait en vain qu'ils
offriraient de te délivrer au moment de la Pâque, selon l'usage
où était le gouverneur de délivrer un criminel à
cette époque. Tes ennemis intérieurs ne se contentent pas de te
dénoncer comme criminel, ils veulent encore que tu sois crucifié
comme tel, tandis qu'au contraire, ils veulent qu'on délivre Barabbas,
c'est-à-dire, qu'ils veulent que la grâce tombe sur le coupable,
et toute la fureur de la vengeance qu'ils appellent justice, sur l'innocent.
Nouvel homme, nouvel homme, admire ici cette sainte et profonde économie
que la sagesse emploie pour accomplir les desseins qu'elle a formés en
faveur de la postérité de l'homme.
Porte des yeux intelligents sur tous ces faits que le Réparateur a présentés
à ta pensée. Pour quel objet était venu ce Réparateur
? N'était-ce pas pour sauver le coupable ? N'était-ce pas pour
délivrer l'esclave ? N'était-ce pas pour arracher ta parole aux
abîmes qui la retenaient renfermée ? Eût-ce été
pour se délivrer lui-même, puisqu'il n'était point sous
la loi du péché ?
Mais la délivrance du coupable ne pouvait avoir lieu sans le sacrifice
de l'innocent, puisqu'il fallait présenter un appât à l'ennemi
sur lequel il pût décharger sa rage afin de le forcer par là
à lâcher sa proie. Voilà pourquoi le Réparateur suspend
toutes ses puissances spirituelles pour se livrer à la puissance temporelle
des hommes. Il suspend toutes ses puissances spirituelles par son amour et par
le désir qu'il a de rendre la vie à ses frères, comme le
premier homme avait suspendu les siennes par un cupide orgueil, et par un inique
aveuglement ; il se livre à la puissance temporelle des hommes dans un
temps marqué où leur loi et leur coutume les autorise à
délivrer un criminel ; et tandis qu'il a en lui tous les moyens pour
s'arracher aux mains de ses ennemis, il se laisse condamner par eux, et laisse
délivrer le voleur. Image temporelle de la délivrance spirituelle
qu'il allait opérer sur toute la postérité humaine par
la consommation de son sacrifice.
C'est donc à toi, nouvel homme, de puiser ici les instructions salutaires
que cette marche du Réparateur a présentées à ton
intelligence ; suspends en toi-même toutes tes puissances spirituelles
d'empire et d'autorité, pour ne mettre en oeuvre que tes puissances de
résignation ; immole sans cesse dans toi l'homme innocent pour la délivrance
de l'homme coupable, ou du Barabbas que tu portes dans ton sein. Enfin livre
courageusement l'homme illusoire et passager aux mains de tes ennemis ; ils
seront eux-mêmes les victimes des maux qu'ils lui feront souffrir ; son
sang retombera sur eux et sur leurs enfants ; parce qu'en exerçant leur
rage sur l'homme illusoire et passager, ils ouvriront la voie à l'homme
réel et régénéré dans la vie, et c'est cet
homme réel et régénéré dans la vie qui les
couvrira de honte, et les précipitera dans les abîmes.
66.
Après que ce Réparateur a été couvert d'outrages,
après qu'il a été revêtu de toutes les marques de
la dérision, après que dans cet état d'humiliation Pilate
l'a présenté au peuple et a dit : Voilà l'homme, comme
pour nous retracer ce dépouillement ignominieux de toute notre puissance
et de toute notre gloire où le crime primitif nous a entraînés,
après, dis-je, que tous ces types préparatoires sont accomplis,
le Réparateur est livré entre les mains de ses ennemis pour qu'ils
le crucifient, et aussitôt ils le conduisent au supplice avec deux voleurs
qui doivent être crucifiés en même temps.
Nouvel homme, pourquoi le Réparateur marche-t-il ainsi au supplice au
milieu de deux voleurs, si ce n'est pour montrer qu'il ne venait que pour briser
l'iniquité ? Mais quelle est cette iniquité qu'il doit briser
? C'est toi-même, ô âme de l'homme qui t'es transformée
en mensonge et en abomination ; car c'est par toi qu'il doit passer aujourd'hui
pour aller attaquer l'ennemi comme autrefois il aurait passé par toi
pour lui porter des secours et des lumières ; la loi n'a pas changé
quoique l'objet de la loi ne soit plus le même. Et toi malheureux mortel,
toi que le Réparateur ne craint pas de traverser quoique tu ne sois plus
qu'iniquité, tu craindrais de traverser avec lui les iniquités
qui t'environnent, ces iniquités que tu ne peux briser et dissoudre sans
lui, ces iniquités qu'il vient lui-même dissoudre de concert avec
toi, tandis qu'il ne te demande que de se laisser entrer en toi sous la figure
d'un criminel, et marcher au supplice avec toi !
Non, imitons le Cyrénéen qui l'aide à porter sa croix afin
que le fardeau en soit moins pesant pour lui. Ouvrons-lui en nous une voie large
et spacieuse, laissons-le marcher à son gré au milieu de tous
les voleurs qui sont en nous, et baisons dans une sainte et tremblante désolation
tous les pas qu'il voudra bien faire en nous, jusqu'à notre Calvaire,
afin que par lui et avec lui nous puissions briser et dissoudre toutes les iniquités
qui nous environnent, et devenir ensuite des types de sa gloire et de sa lumière,
après avoir été si honteusement les instruments de ses
humiliations et de ses souffrances.
Nouvel homme, s'il y a en toi un peuple qui t'accuse et te condamne, il y en
aura aussi en toi qui s'attendriront sur ton sort, et qui pleureront de te voir
traité, comme scélérat ; mais tu te retourneras vers ce
peuple et tu leur diras : " Filles de Jérusalem, ne pleurez point
sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes, et sur vos enfants, car le temps
s'approche auquel on dira : heureuses les stériles, et les entrailles
qui n'ont point porté d'enfants, et les mamelles qui n'en ont point nourri.
Ils commenceront alors à dire aux montagnes : tombez sur nous, et aux
collines, couvrez-vous. Car si le bois vert est ainsi traité, que sera-ce
du bois sec ? "
Marche donc sur les pas du Réparateur dans ta résignation et dans
ta confiance jusque sur ton Calvaire ; laisse-toi crucifier entre les voleurs
qui sont dans toi. Si ton exemple et ta douceur ne les convertissent pas tous,
peut-être au moins s'en peut-il trouver un qui soit touché de te
voir si maltraité malgré ton innocence, et de te voir prier pour
tes bourreaux. Peut-être fera-t-il alors un retour sur lui-même,
et méritera-t-il par sa récipiscence d'entrer dès aujourd'hui
avec toi dans le paradis préparatoire.
Tu te rempliras donc de l'esprit de l'intelligence pour pénétrer
dans l'uvre et le sacrifice du Réparateur, et pour en faire ensuite
l'application à ton sacrifice particulier. Tu verras pourquoi il y avait
un jardin où ce Réparateur fut crucifié (Jean 19:41). Puisque
tu as déjà compris pourquoi c'est dans un jardin qu'il fut arrêté,
comme c'est dans un jardin que le premier homme est devenu coupable.
Tu verras pourquoi les soldats qui le crucifièrent prirent ses vêtements,
et les divisèrent en quatre parts, mais ne voulurent point diviser sa
robe, parce que la robe du premier homme n'aurait jamais dû être
divisée ; et qu'elle aurait pu répandre l'éclat de sa céleste
lumière dans les quatre régions de l'univers.
Tu verras pourquoi les trois Marie se trouvent au pied de sa croix pendant son
supplice comme représentant les trois premiers principes élémentaires
dont l'esprit de l'homme qui se régénère est censé
être entièrement séparé pour entrer dans la région
de l'esprit, la seule qui lui soit naturelle, puisque s'il ne l'avait pas abandonné
autrefois, il ne serait jamais né des femmes.
Tu verras pourquoi les princes des prêtres, les sénateurs, les
soldats, et tout le peuple qui passait par là l'accable de mépris,
en lui disant que s'il était l'élu de Dieu envoyé pour
sauver les autres, il se sauverait lui-même, et que s'il voulait qu'ils
crussent en lui, il n'avait qu'à descendre de la croix ; parce qu'ils
ignorent qu'il n'a que cette voie cruelle pour accomplir l'uvre de notre
délivrance, puisque nous avons laissé crucifier par le sang et
par la matière ce qui était à lui, et ce qui était
sorti de lui, et parce que si le Réparateur descendait de la croix, l'uvre
spirituelle serait manquée, quand même les yeux corporels de la
multitude se promettraient d'être convaincus par ce prodige.
Tu n'écouteras donc point cette voix mensongère qui voudrait t'arrêter
dans ton oeuvre, et te faire descendre de ta croix, et tu t'animeras d'un zèle
ardent qui ne connaîtra aucun obstacle et qui ne se donnera aucun repos,
que ton oeuvre ne s'accomplisse, et que tes yeux spirituels ne soient dessillés
par des prodiges cent fois au-dessus de tous ceux que la matière pourrait
t'offrir. Par là tu déconcerteras entièrement les projets
de l'ennemi de toute vérité, lequel ne cherche qu'à arrêter
le progrès des mesures vraies, pour faire procéder ses mesures
fausses.
Comment pourrait-il avancer son oeuvre quand il attaque le diamant vif, puisqu'en
croyant agir pour son propre avantage, il agit presque toujours contre ? Il
a poussé les Juifs à faire mourir le Réparateur, et c'est
cette mort qui devait le tuer. Il a poussé les Juifs à demander
que le sang de ce Réparateur retombât sur leur tête parce
qu'il comptait les perdre par cette imprécation, et c'est ce sang qui
devait les sauver. N'ayant pu réussir dans ces deux entreprises, il essaie
de le faire tenter par eux en lui demandant de se délivrer lui-même
pour les convaincre, et c'est au contraire ce sacrifice qu'il fait de lui-même
qui doit les amener à la conviction.
Nouvel homme, tu étudieras toutes ces sagesses, et tu verras où
est la source et le foyer de l'intelligence.
Tu sauras pourquoi l'inscription qui fut mise au-dessus de la tête du
Réparateur, portait : Jésus de Nazareth roi des Juifs, et pourquoi
ces mêmes Juifs demandaient que l'on mit seulement qu'il s'était
dit : roi des Juifs, parce qu'il eussent été choqués de
l'apparence de leur crime si le nom positif était resté, tandis
qu'ils ne l'étaient pas du crime même pourvu que la victime eût
l'apparence d'être criminelle.
Tu découvriras aussi des traits de lumière dans cette triple inscription
en hébreu, en grec et en latin, parce que cet objet tient particulièrement
à la marche que la vérité a voulu suivre sur la terre ;
ce n'était point en vain que ces trois langues étaient connues
et comme familières à Jérusalem ; et ce n'eut point été
seulement pour être entendues des trois nations qui les parlaient, que
cette inscription eût été mise ainsi dans les trois langues,
si la sagesse n'avait eu des desseins secrets sur ces trois nations ; car il
y avait encore à Jérusalem d'autres nations et d'autres tangues
; et ces desseins secrets de la sagesse se sont expliqués en partie aux
yeux des hommes les moins attentifs, puisqu'ils ont pu voir l'expulsion des
Juifs et la vocation des Grecs et des Romains ; nouvelle image de cette unité
qui est continuellement sacrifiée pour la destruction de l'iniquité
et pour la délivrance des malheureux qui font leur séjour dans
les ténèbres. Mais abandonnant cette recherche particulière
à l'histoire spirituelle des peuples dans laquelle doivent se trouver
aussi d'immenses trésors d'intelligence et de vérité, tu
poursuivras tes observations sur le sacrifice du Réparateur.
Tu verras pourquoi il dit : J'ai soif. Paroles qui avaient moins de rapport
à la soif matérielle que son corps pouvait éprouver, qu'à
la soif de la justice, de la force et de la lumière dont, comme homme,
il sentait le besoin. Cette soif ne t'étonnera point, parce que te représentant
sans cesse dans quelle détresse l'homme dut se trouver depuis qu'il eut
abandonné la source éternelle de la vie, il n'est pas surprenant
que cette même détresse se fasse sentir à celui qui venait
prendre la place de l'homme pour opérer ce que l'homme n'aurait pu opérer
seul.
C'est en ne t'écartant point de la contemplation de ces principes que
tu comprendras pourquoi on lui donne du vinaigre à boire, car indépendamment
de ce que les interprètes nous apprennent que c'était un usage
de donner une potion amère aux criminels, tu verras que l'homme n'en
pouvait trouver d'autre après s'être séparé de la
source éternelle des eaux vives et pures ; et que le Réparateur
en subissant corporellement une loi si rigoureuse à sa matière,
donnait en même temps une profonde instruction à la pensée,
et traçait la route à l'esprit de ceux qui désirent marcher
dans les voies de la régénération.
C'est même là la dernière épreuve qui termine l'uvre
visible de ce Réparateur ; et il semble que c'est à goûter
cette amertume spirituelle, comme on l'a vu au commencement de cet écrit,
que consiste réellement le sacrifice et tout le prix de l'expiation,
puisque le Réparateur, après avoir pris le vinaigre qui lui fut
présenté dans une éponge au bout d'un bâton d'hysope,
dit : Tout est accompli. Et ayant baissé la tête, rendit l'esprit.
67.
Nouvel homme, applique promptement sur toi tous ces types que tu viens de parcourir.
La mort corporelle du Réparateur devait être volontaire pour rendre
à ton esprit la force de mourir volontairement à son tour ; et
elle t'offre une oeuvre plus grande que celle de ta mort corporelle même
; aussi avait-il dit : Vous ferez de plus grandes oeuvres que les miennes.
Les premiers prévaricateurs firent mourir de mort le premier homme envoyé
pour les régénérer ; ils le firent mourir de mort, parce
que n'étant pas matière, il ne pouvait pas mourir autrement. Les
Juifs ont fait mourir le Réparateur qui venait les sauver ; mais ils
ne l'ont pas fait mourir de mort, parce qu'il était au-dessus du péché.
Mais toi nouvel homme, toi à qui le Réparateur vient de rendre
la puissance sacerdotale pour immoler la victime, ne perds pas un instant pour
exercer ton ministère. Tu. vois que les premiers prévaricateurs
ont fait mourir de mort le premier homme envoyé pour les régénérer.
Il faut donc que tu meures de mort une seconde fois, si tu veux payer le tribut
à la justice, et si tu veux rentrer dans la vie de ton esprit, et cela
sans attendre même la mort de ton corps laquelle doit, à la vérité,
être toujours prête et résignée de ta part, mais qui
ne doit point être volontaire, puisque celle du corps du Réparateur
l'a été, et puisque ce n'est pas ton corps qui a péché.
C'est donc à l'holocauste et à la mort de ton esprit que doivent
être consacrés tous tes efforts, et c'est à l'accomplissement
de ce grand oeuvre que doivent s'employer sans cesse toutes tes intelligences
et toutes tes puissances ; car si tu meures de mort dans ton esprit avant la
mort de ton corps, tu dois craindre qu'après la mort de ton corps, ton
esprit ne puisse plus vivre que de mort au lieu de vivre de la vie. Il faut
donc qu'après avoir été le jouet du peuple ignorant qui
est en toi, après avoir été conduit au supplice au milieu
des voleurs et de l'iniquité dont tu t'es rapproché autrefois,
enfin après avoir été appliqué sur la croix, et
après avoir pris le vinaigre qui t'es présenté, tu dises
comme le Réparateur : tout est accompli, et qu'ayant baissé la
tête, tu rendes l'esprit comme lui.
Tes bourreaux ne rompront point tes os, comme ils n'ont point rompu ceux du
Réparateur, ils ne diviseront point non plus ta robe, parce que tu es
toi-même le sens et l'esprit dont toutes ces choses étaient le
type et la lettre ; mais ils perceront ton côté, comme ils ont
percé celui de son corps, afin que ton sang spirituel soit répandu,
et que tu rendes à Dieu ce que tu avais pris à Dieu, comme le
Réparateur rendit à la terre le sang matériel qu'il avait
reçu de la terre. Mais de même que le sang matériel du Réparateur,
vu sa pureté, a rectifié toutes les puissances des éléments
universels, de même ton sang spirituel en se répandant doit couler
sur toute ta personne et sur toutes tes puissances, pour leur rendre leur première
vertu et leur premier caractère.
Voilà cet agneau sans tache qui est immolé en toi dès le
commencement de ton monde particulier, comme l'agneau divin a été
immolé depuis le commencement du monde général pour la
rédemption de l'universalité des humains ; voilà cet agneau
qui est engendré en toi par l'esprit, comme le Réparateur était
engendré par Dieu ; enfin voilà cet agneau dont la crucifixion
t'est aussi nécessaire et aussi indispensable pour opérer ta reconnaissance
particulière, que la crucifixion corporelle du Réparateur pouvait
l'être pour opérer la renaissance de toute la famille humaine.
Car sans cette crucifixion du Réparateur, la famille humaine n'eut jamais
pu entrer dans les sentiers qui devaient la conduire à la vie, et sans
ta crucifixion particulière, celle du Réparateur même devient
inutile à ta guérison spirituelle, comme le serait à la
guérison de tes plaies corporelles un baume qui te serait offert, mais
dont tu ne voudrais pas faire usage.
Dans l'ancienne loi il était permis de se retirer du combat pour vaquer
à ses occupations, parce que ce n'était encore que le temps des
dons partiels ; aussi les officiers devaient-ils crier à la tête
de l'armée (Deut. 20:5) : " Y a-t-il quelqu'un qui ait bâti
une maison neuve, et qui n'y ait pas encore logé ? Qu'il s'en aille et
s'en retourne en sa maison, de peur qu'il ne meure dans le combat, et qu'un
autre ne loge le premier dans sa maison. Y a-t-il quelqu'un qui ait planté
une vigne, laquelle ne soit pas encore en état que tout le monde ait
la liberté d'en manger ? Qu'il s'en aille, et qu'il retourne en sa maison,
de peur qu'il ne meure dans le combat, et qu'un autre ne fasse ce qu'il devait
faire. Y a-t-il quelqu'un qui ait été fiancé à une
fille, et qui ne l'ait pas encore épousée ? Qu'il s'en aille et
qu'il s'en retourne en sa maison, de peur qu'il ne meure dans le combat, et
qu'un autre ne l'épouse. Y a-t-il quelqu'un qui soit timide et dont le
cur soit frappé de frayeur ? Qu'il s'en aille et qu'il retourne
en sa maison, de peur qu'il ne jette l'épouvante dans le cur de
ses frères, comme il est déjà lui-même tout effrayé
et saisi de crainte. "
Dans la loi nouvelle, nul homme n'est dispensé de se trouver à
l'armée, parce que chacun y doit combattre pour son propre compte. Les
victoires de l'un sont à part des victoires de l'autre, et si quelqu'un
se retire du combat, soit par faiblesse, soit par un intérêt quelconque
qui l'attire ailleurs, comme il n'aura point participé aux dangers ni
aux fatigues, il ne participera point non plus aux récompenses ; car
le don général que le Réparateur est venu apporter sur
la terre, devant appartenir à tous, nous sommes tous obligés à
la même uvre, puisque le temps des subdivisions est écoulé
et que nous pouvons renaître, vivre et agir dans l'unité.
Aussi ceux qui n'auront pas consommé l'uvre de leur crucifixion
ne seront point admis au festin de l'agneau, et ne goûteront point de
ce nouveau jus de la vigne qui est préparé pour le Réparateur,
et pour tous ceux qui auront fait mourir leur esprit en son nom, et qui l'auront
fait ensevelir dans ce sépulcre nouveau où personne avant lui
n'avait encore été mis, parce qu'il n'y avait que lui qui pût
pénétrer ainsi le premier jusque dans les sombres demeures de
la mort, afin qu'après en avoir dissipé les ténèbres
et la corruption, ceux qui voudraient ensuite mourir en lui, et s'ensevelir
en lui n'y rencontrassent plus que la lumière, la pureté, et la
vie.
Nouvel homme, si à l'exemple de ce Réparateur tu marches ainsi
à ton sacrifice, et que tu aies le bonheur de l'accomplir, tu verras
en toi s'opérer les mêmes prodiges qui parurent au moment où
il subit la mort corporelle. Le soleil de la matière s'obscurcira, parce
que ce soleil n'opère en toi que la mort de la vie, et que cet esprit
qui naît en toi doit opérer la mort de la mort.
Le voile de ton temple se déchirera en deux depuis le haut jusqu'en bas,
parce que ce voile est l'image de l'iniquité qui sépare ton âme
de la lumière où tu as pris ton origine ; et comme en se divisant
en deux parts il laisse à tes yeux un accès libre à cette
lumière qui t'était inaccessible auparavant, c'est assez clairement
t'indiquer que c'était la réunion de ces deux parts qui avait
formé ta prison, et qui te retenait dans les ténèbres ;
nouvelle image de cette iniquité que le Réparateur n'a pas craint
de traverser en paraissant sur le Calvaire au milieu de deux voleurs, afin de
te donner la force et les moyens de briser en toi à ton tour cette iniquité.
Ta terre tremblera, parce que le sang de l'agneau particulier qui est égorgé
en toi depuis le commencement de ton monde individuel va pénétrer
jusqu'aux racines et aux fondements de tout ton édifice spirituel ; et
comme ce sang est pur, en tant qu'il est engendré de l'esprit, il ne
pourra tomber sur ces fondements, et sur ces racines qui sont impures, sans
leur occasionner une violente fermentation, et un choc dont l'ébranlement
se communiquera à tout ton être.
Les pierres se fendront, parce que le crime ayant tout épaissi, et comme
coagulé en toi, le sang de l'esprit qui est beaucoup plus puissant que
le crime, dissoudra par son approche toutes ces substances pétrifiées
et les rompra, afin qu'après avoir renversé en toi le temple de
Baal, il puisse se procurer par tout ton être un libre cours.
Les sépulcres s'ouvriront, et plusieurs corps des saints qui sont dans
le sommeil ressusciteront, et sortant de leurs tombeaux après leur résurrection,
ils viendront dans la ville sainte, et seront vus de plusieurs personnes. Tu
sentiras tes substances spirituelles renaître en toi, et sortir de leurs
tombeaux où elles te paraissaient ensevelies dans le sommeil de la mort
; elles reprendront leur activité, et viendront se réunir à
l'action de ton esprit pour y puiser continuellement de nouvelles forces et
une nouvelle vie. Elles viendront se promener dans les rues de cette Jérusalem
sainte, qui a été construite en toi dès l'origine, mais
dont toutes les avenues avaient été fermées par l'iniquité,
et qui ne pouvaient être rendues libres que par la puissance de celui
qui vient d'expirer en toi, et qui n'a pu y expirer, sans y opérer une
explosion universelle.
Toutes tes autres substances qui auront été témoins de
ton sacrifice seront dans l'étonnement ; et à l'image de ce centenier,
et de ceux qui étaient avec lui pour garder le corps du Réparateur,
elles diront : Cet homme était vraiment le fils de Dieu. Car ayant vu
le tremblement de terre, et tout ce qui se passera en toi, elles seront saisies
d'une extrême crainte. Il n'y a pas une portion de toi-même qui
ne doive éprouver cette extrême crainte à la vue des prodiges
qui s'opéreront à ton supplice, et qui ne doive dire : Cet homme
était vraiment le fils de Dieu, puisque lors de la prévarication,
il n'y a pas eu une portion de toi-même qui n'ait été dans
une orgueilleuse sécurité, et qui n'ait refusé alors de
reconnaître Dieu pour ton père.
68.
Pierre nous apprend (Epître 1ère ch. 3:19) : " que le Réparateur
étant ressuscité par l'esprit, alla prêcher aux esprits
qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été
incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à
la patience et à la bonté de Dieu... " Puisque le nouvel
homme doit être pour lui-même un réparateur particulier à
l'imitation de celui qui est venu lui tracer la voie et qui a opéré
pour l'universalité, il faut donc que ce nouvel homme après avoir
consommé son sacrifice, descende dans ses propres abîmes pour y
opérer un jugement terrible sur tous les prévaricateurs qui en
lui ont été incrédules, et ne se sont pas maintenus fidèles
à la vérité ; et ce jugement ne sera pas le moment le moins
pénible de son oeuvre. Car, quelle est l'éponge qu'il ne faille
pas presser après qu'elle a été imbibée des eaux
corrompues ? Et sans cela la nature serait-elle l'éponge du péché
? L'homme serait-il l'éponge de la nature ? Le Réparateur serait-il
l'éponge de l'homme ?
Aussi ce nouvel homme qui, par les pouvoirs de la réparation universelle,
est devenu son propre réparateur est censé avoir pris en lui,
et sur lui les iniquités de tout son être, et s'il descend au fond
de lui-même, ce sera pour faire une entière séparation entre
lui, et celle de ses substances qui ne se seront pas purifiées de leurs
iniquités.
Voyons-le donc ce juge terrible descendre dans ses propres abîmes, voyons-le
interroger successivement toutes les facultés qui le constituent, condamner
à une exclusion absolue celles qui seront réfractaires à
sa parole, et qui ne voudront pas profiter des grâces qu'il leur apporte
; voyons-le imprimer sur ces facultés réfractaires, l'impression
de l'effroi, et de la terreur, comme étant armé de tous les pouvoirs
de la vengeance ; voyons-le condamner à des suspensions, et à
de nouvelles épreuves celles qui, sans être incrédules,
auront été chancelantes, et auront différé de se
renouveler dans l'esprit ; voyons-le exécuter lui-même tous ses
jugements, rassembler autour de lui toutes les iniquités, et toutes les
prévarications que le vieil homme a commises, et prononcer sur chacune
d'elles, un arrêt sévère, et rigoureux, sans pouvoir se
permettre d'user envers elles de la plus légère indulgence, sans
quoi il ne remplirait pas sa mission, et mériterait d'être traité
lui-même comme un serviteur infidèle.
Car c'est là le moment d'opérer dans toutes les régions
de son essence le renouvellement qui s'est déjà opéré
en lui-même, et qui devait commencer à partir de son cur,
ou de son propre centre, pour s'étendre ensuite aux extrémités
les plus éloignées, comme la réparation universelle est
partie du cur de Dieu pour se répandre ensuite sur toutes les nations.
Aussi pourquoi le Réparateur universel fût-il resté trois
jours dans le tombeau, si ce n'était pour purifier, et scruter rigoureusement
les trois régions qui composent tout l'univers visible et invisible ?
Le nouvel homme restera donc également ignoré des siens pendant
un temps, et tandis qu'ils le croiront séparé d'eux pour jamais,
il sera occupé à revivifier, et scruter tout ce qu'il y aura encore
d'impur et d'irrégulier dans les substances de son propre ternaire, et
il ne cessera point de siéger parmi elles, qu'il ne les ait fait passer
tout entières par la corruption du tombeau. Si lui-même a subi
la mort pour opérer sa propre régénération, comment
tout ce qui est en lui pourrait-il recouvrer la vie sans subir la même
loi, et sans passer par l'horreur de la mort, et de la putréfaction qui
en est la suite ? Si tout a été coupable en lui, comment tout
n'y serait-il pas soumis au jugement, et à la condamnation ?
Mais il se conduira à leur égard, comme l'esprit s'est conduit
au sien, et comme le Réparateur s'est conduit à l'égard
de ces esprits retenus en prison auxquels il est allé prêcher (1ère
Saint Pierre, 3:19). Il les engagera, comme on l'a engagé lui-même
à s'immoler volontairement, et à reconnaître à la
fois, et la justice, et la nécessité de leur sacrifice, de façon
que tout son être entre librement dans la voie de son jugement et de sa
régénération, puisque tout son être est entré
librement autrefois dans la voie de l'injustice, de l'iniquité, et des
ténèbres.
En les ranimant ainsi par la chaleur de son propre feu, il ne fera que répéter
ce que le Réparateur universel a fait envers lui, et ce qu'il fait continuellement
envers toute l'espèce humaine, à qui il ne cesse d'envoyer des
rayons de son feu Divin pour les déterminer à leur sacrifice.
Car non seulement ce Réparateur est resté trois jours dans le
tombeau, non seulement il est resté quarante jours sur la terre après
sa résurrection, mais il doit encore rester dans le monde jusqu'à
la consommation des siècles.
Or, quel autre objet peuvent avoir ces différentes stations, si ce n'est
de ramener, s'il est possible, jusqu'aux derniers restes des tribus éparses
d'Israël, en leur faisant naître le désir d'entrer librement
dans la voie de leur délivrance, de se précipiter avec courage
dans la Mer Rouge, et de traverser douloureusement tous les déserts qui
leur restent à parcourir, pour rentrer du lieu de leur esclavage, et
de leur servitude dans la terre promise, et dans la Jérusalem sainte
qu'ils ne pourront jamais occuper tant qu'ils ne se seront pas livrés
avec ardeur, et résignation à ces pénibles voyages, et
à ces périlleuses entreprises. Car si la nature est l'éponge
du péché, si l'homme est l'éponge de la nature, si le Réparateur
est l'éponge de l'homme, Dieu seul est le lieu de repos de tous les êtres,
et c'est là cette Jérusalem à laquelle sont convoquées
toutes les tribus d'Israël, tant dans l'ordre universel de l'espèce
humaine, que dans l'ordre particulier des individus.
Dans toutes les stations, et dans tous les repos du Réparateur universel,
soit pendant les trois jours qu'il est resté dans le tombeau, soit pendant
les quarante jours qu'il est resté ensuite sur la terre, soit pendant
le temps qui s'écoulera jusqu'à la consommation des siècles,
et qu'il a promis de passer dans le monde, il a marché par des mesures
fixes, et des nombres exacts, parce qu'il était lui-même l'archétype
de toutes les régularités, qu'il n'a eu d'autre but, que de rapporter
le poids, le nombre, et la mesure dans toutes les classes où nous les
avions altérés, et comme brisés.
Le nouvel homme, à son image, va chercher à rapporter aussi la
justesse, et les proportions dans toutes les régions de son être
; mais comme il n'est que l'image du Réparateur, comme d'ailleurs les
mélanges si divers dont il était composé avant sa régénération
doivent introduire mille variétés dans son oeuvre, dans les fruits
de son oeuvre, et dans les temps de son oeuvre, personne ne peut indiquer le
nombre, le poids, et la mesure qui lui seront prescrits, soit pendant le séjour
qu'il fera dans le tombeau, soit pendant celui qu'il fera sur la terre après
sa résurrection ; soit pendant celui qu'il fera jusqu'à la consommation
des siècles, chaque individu qui se régénère ayant
à remplir des proportions particulières.
Pour toi, homme vulgaire, toutes tes mesures sont encore plus incertaines, puisqu'elles
sont toutes brisées, et que tu les brises encore plus tous les jours.
Tu n'es occupé qu'à repousser sans cesse ce poids, ce nombre,
et cette mesure qui te cherchent, et à devenir le jouet journalier des
puissances irrégulières qui fuient comme toi la régularité,
et la voie du retour, et qui impriment continuellement sur toi le poids injuste,
le nombre faux, et la mesure inexacte qui sont devenus leur seul élément.
Aussi qui pourra jamais calculer ton retour vers la lumière, et la durée
des épreuves qu'il te faudrait subir si tu formais le désir de
rentrer dans la régularité !
Et toi, nature, tu es encore moins à notre portée, tu as aujourd'hui
plus que ton poids, puisque tu es l'éponge du péché, tu
as moins que ta mesure puisque tes puissances ont été altérées
par le crime, et que ta durée a été abrégée
par la miséricorde ; comment pourrions-nous donc trouver ton nombre juste
relativement à tes purifications futures, puisque ce nombre ne peut se
découvrir qu'en passant par ta mesure et par ton poids ?
Nouvel homme, nouvel homme, voilà les douleurs que tu éprouveras
dans le tombeau pendant le séjour plus ou moins long que tu y feras.
Mais comme tu as mis le pied dans la voie, tu sauras à qui tu dois demander
des secours pour t'y maintenir ; et celui qui t'a donné lui-même
l'exemple, et le moyen d'entrer dans le tombeau de l'esprit sera aussi celui
dont tu attendras toutes tes consolations, et tous tes développements.
Oui, divin Réparateur, tu es le seul qui aies conservé dans sa
justesse tous ces éléments de la régularité, et
de la perfection, aussi ce n'est que dans toi seul, et par toi seul que nous
pouvons être instruits de la marche des êtres, et de leurs différentes
lois progressives pour retourner vers la lumière.
69.
Quand le nouvel homme aura ainsi prononcé le jugement au fond de ses
propres abîmes, qu'il aura condamné à être exterminés
devant lui tous ceux qui se seront rendus les ennemis de sa parole, et de son
nom, et qu'il aura rendu la liberté à ceux qui l'auront désirée,
il rentrera dans la région de son être apparent, et là il
se montrera à ceux des siens qui sont encore dans cette région,
afin de les convaincre qu'il est vivant, et qu'il est ressuscité puisqu'il
a été mort ; il les convaincra en même temps des avantages
qu'il a acquis par cette mort, et par cette résurrection.
Ô combien l'homme régénéré, ou le nouvel homme
est au-dessus de l'homme encore enseveli dans les illusions des éléments,
puisque son corps aura acquis une agilité extraordinaire, et supérieure
à tout ce que la loi de ces éléments peut manifester !
Et en effet, il est animé de la vie de l'esprit, et cette vie de l'esprit
ne peut l'animer sans prolonger ses reflets, et ses rayons jusque dans son être
apparent, pour lui offrir au moins quelques indices de cette primitive activité
dont nous aurions joui si le crime ne nous avait pas appesantis.
En même temps l'intelligence ne doit point être étonnée
de voir le nouvel homme rentrer dans tous les droits de cet être apparent
qui avaient semblé comme suspendus pendant le supplice, les épreuves
et la mort de ce nouvel homme ; l'intelligence, dis-je, ne doit point être
étonnée de voir le nouvel homme passer de nouveau dans son être
apparent, après en avoir comme disparu, parce que lorsqu'il a semblé
comme séparé de cet être apparent, ça n'a été
que pour descendre encore au-dessous de cette apparence, afin d'aller exercer
le jugement dans les abîmes ; mais comme son séjour, et sa demeure
ne sont point dans ces abîmes, comme il est né d'en haut, et qu'il
lui faut retourner vers le royaume de son père, il ne peut se rendre
à ce royaume de son père, sans passer de nouveau par cet être
apparent au-dessous duquel il était descendu pour un temps.
Mais en passant de nouveau par cet être apparent, il fera comme le Réparateur
que Dieu avait ressuscité le troisième jour ; il se montrera vivant,
non à tout le peuple (actes 10:41), mais aux témoins choisis avant
le temps de sa mission particulière ; afin que les témoins puissent
prêcher, et attester ensuite devant tout le peuple, que c'est ce nouvel
homme qui a été établi de l'esprit pour être dans
son royaume individuel le juge des vivants et des morts. Il ne se montrera point
à tout le peuple, qui est en lui, car tout le peuple qui est en lui n'est
pas en état de contempler sa gloire, et de mettre à profit ses
trésors.
C'était là un des principaux sens de cette loi lévitique
par laquelle les Juifs vivaient séparés des nations, et par laquelle
il leur était défendu d'admettre les nations parmi eux, à
moins qu'elles ne se soumissent à toutes les ordonnances cérémonielles
de leur alliance. Mais comme ils ont violé eux-mêmes les lois,
et les ordonnances qui les avaient rendus la lumière des nations, comme
ils se sont montrés imprudemment aux nations étrangères,
et qu'ils les ont admises à leur culte, au mépris de leur loi
qui s'y opposait, ils ont été chassés de leur héritage,
ils ont été réduits à solliciter à leur tour
l'alliance des nations étrangères, ils ont été réduits
à abjurer leur propre loi pour être supportés parmi les
nations.
Or, si les Juifs, si ce peuple de l'Ancienne Alliance, et de la loi matériellement
figurative, devait vivre séparé des nations, combien l'homme de
la nouvelle loi doit-il encore plus en vivre éloigné ? Est-ce
que les nations peuvent le saisir, et le comprendre ? Est-ce que les nations
peuvent être admises à sa sublime alliance, avant d'en avoir conçu
les lois et les ordonnances, et avant de les avoir accomplies ? Oh monde, oh
monde! Oui, il existe des vérités superbes, douces, consolantes,
et capables de dissiper toutes les ténèbres et tous tes ennuis,
mais il n'est pas encore temps qu'elles soient vraies pour toi, et si un homme
de la nouvelle loi se pressait de t'ouvrir les trésors de ton alliance,
il tomberait bientôt dans la disette comme les Juifs, et serait condamné
comme eux à recourir à l'assistance, et à la charité
des nations.
Tu les sens cependant, ces vérités, quand elles s'approchent de
toi, et si tu n'es pas coupable, et qu'elles n'opèrent pas ta réprobation
à cause de tes crimes, elles te réchauffent, mais à ton
insu, à cause de ton ignorance, et de tes ténèbres ; tu
marches auprès d'elles, et avec elles, comme les disciples d'Emmaüs
marchaient, et s'entretenaient avec le Réparateur sans le connaître,
et sans savoir que c'était lui-même qu'ils cherchaient ; et ce
n'est que quand ton heure est arrivée, et que tes facultés ont
été ouvertes par le pouvoir de l'esprit que tu t'aperçois
de ton illusion, et que tu te dis comme ces disciples d'Emmaüs : Notre
cur n'était-il pas tout brûlant en nous lorsqu'il nous parlait
durant le chemin, et qu'il nous expliquait les Ecritures ? Or, cette heure n'arrive
jamais pour toi tant que tu t'établis à demeure dans tes ténèbres,
puisqu'il faut que tu sortes de ta propre illusion pour que cette lumière,
elle-même, ne te paraisse pas une illusion.
Ce n'est qu'à mesure que les âmes se séparent de leur propre
région apparente qu'elles conçoivent complètement le règne
du Seigneur, et qu'elles entendent sa parole ; ce n'est qu'à chacune
des brisures de notre être, que nous atteignons quelques rayons du nom
vivificateur, et que nous pouvons acquérir des témoignages de
sa gloire, et de sa puissance, comme ce n'est qu'à la rupture du pain
que le Réparateur fut reconnu de ces mêmes disciples avec qui il
s'était entretenu dans le chemin.
Le nouvel homme sachant donc que le monde ne le peut connaître, loin de
se montrer au monde après sa résurrection, ne se montrera même
d'abord que par les deux précurseurs qui l'ont assisté lors de
sa glorification ; ils ne cesseront point de se joindre à son oeuvre,
pendant et après sa résurrection, pour instruire l'âme simple
et aimante qui sera dans la consternation, dans l'attente de sa venue, et qui,
saisie de frayeur, tiendra les yeux baissés contre terre, " parce
que ces deux précurseurs lui seront apparus tout d'un coup, avec des
robes brillantes. " Ces précurseurs diront donc à cet ami
: " Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n'est
point ici, mais il est ressuscité ; souvenez-vous de quelle manière
il vous a parlé, lorsqu'il était encore en Galilée, et
qu'il disait : Il faut que le fils de l'homme soit livré entre les mains
des pécheurs, qu'il soit crucifié, et qu'il ressuscite le troisième
jour. "
Quand cette âme simple et aimante aura été ainsi préparée
par l'influence et les discours des précurseurs, le nouvel homme se montrera
lui-même à elle, et en l'appelant par son nom, il lui communiquera
assez de sa propre lumière, pour qu'elle le reconnaisse, et lui dise
: Rabboni, mon maître. C'est cette âme simple qui, avec ses compagnes,
ira annoncer aux disciples, la résurrection de ce nouvel homme, et les
préparera, à leur tour, à soutenir l'aspect de sa gloire,
et les merveilles de sa puissance ; car depuis qu'il est ressuscité de
l'esprit, son action s'est étendue et a acquis le pouvoir de ne se manifester
que par des prodiges.
Mais ce nouvel homme, ce fils de l'esprit, et de la sagesse éternelle,
ce fils divin que l'âme humaine a le pouvoir d'engendrer, et par la naissance
duquel elle doit se sauver, comme ses femmes qui, selon Paul à Timothée,
se sauveront par les enfants qu'elles mettront au monde, ce nouvel homme, dis-je,
sera bien plus empressé de régner sur l'âme humaine par
son amour, que par des prodiges.
Aussi il lui dira avec attendrissement : M'aimez-vous ? Elle lui répondra
: Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Le nouvel homme lui dira : Paissez
mes brebis. Il lui demandera de nouveau : M'aimez-vous ? Elle lui répondra
: Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Il lui dira : Paissez mes brebis.
Il lui demandera pour la troisième fois : M'aimez-vous ? Elle sera touchée
de ce qu'il lui demande pour la troisième fois m'aimez-vous, et lui dira
: Seigneur, vous savez toutes choses, vous connaissez que je vous aime. Il lui
dira : Paissez mes brebis.
Ame humaine, ne t'afflige point si le nouvel homme te presse ainsi de lui déclarer
ton amour, il n'a d'autre but que de t'unir à lui par cet amour, comme
il est uni par ce même amour, à l'esprit dont il est le fils ;
il ne répète cette tendre, et touchante question, que parce que
tu lui as donné lieu avant son sacrifice, de suspecter ton amour pour
lui ; et il la répète trois fois, parce que trois fois tu l'as
renié lorsque tu l'as vu livré aux mains de ses adversaires, et
que tu as craint de partager avec lui les épreuves et les dangers.
Si donc tu as fait comme le premier homme qui, au lieu de s'unir invariablement
à son chef suprême, s'est soumis au joug des trois actions élémentaires,
si le pouvoir de ces trois actions inférieures s'est fait sentir sur
toi dans les trois attaques qui t'ont été portées, n'est-il
pas juste que tu manifestes trois fois ta fidélité à celui
qui t'a toujours aimé, et qui ne s'est immolé que pour te rendre
la vie ?
N'oublie pas ensuite de remarquer quelle est la preuve qu'il te demande de ton
amour pour lui, c'est de paître ses brebis, c'est de maintenir dans toutes
les facultés, et les régions qui sont dans ta dépendance
particulière, l'ordre, la mesure, et l'harmonie qu'il va désormais
puiser à la source vive, pour les transmettre à toi, et à
tous les tiens ; c'est de les engager à suivre son exemple et à
s'immoler à leur tour, comme il s'est immolé à l'exemple
du Réparateur, s'ils veulent recouvrer la vie, et voir renaître
parmi eux l'universelle unité.
70.
Ame humaine, ton réparateur particulier, ou le nouvel homme t'a ouvert
l'esprit pour entendre l'accomplissement de ce qui a été dit de
lui dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes.
Car lorsque le Réparateur universel disait : c'est de moi qu'ils ont
tous prophétisé ; il ne parlait pas seulement de lui-même,
et il faisait entendre par ces paroles qu'ils avaient aussi prophétisé
de toutes les âmes de désir, de tous ceux qui veulent devenir de
nouveaux hommes, puisqu'il s'est nommé ton frère, et le frère
de tous les élus.
En t'ouvrant l'esprit sur ta destination, il t'apprend que tu dois prêcher
journellement en toi-même en son nom la pénitence, et la rémission
des péchés dans toutes, les nations, en commençant par
Jérusalem. C'est-à-dire, en commençant par cette pierre
fondamentale qui est en toi, et d'où doivent rejaillir des sources vives
capables de désaltérer tous tes peuples.
Ce nouveau fils qui t'est né va poursuivre son cours. Il a descendu dans
les abîmes, il s'est remontré dans ton être apparent ; à
présent le moment est venu où il va remonter vers son père
pour envoyer sur toi le don qui t'a été promis, et au moyen duquel
tu pourras instruire tous les peuples qui sont en toi, et les baptiser au nom
du Père, et du fils, et du Saint-Esprit, et leur apprendre à observer
toutes les choses qui t'ont été commandées. C'est pourquoi,
tu ne sortiras point de ta propre Jérusalem que tu ne sois revêtue
de la force d'en haut, et que le consolateur ne soit venu te remplir de la force
divine, comme tu l'as pu être de la force spirituelle par toutes les opérations
précédentes, afin que tu sois sûre que ce fils qui t'est
né, et qui s'est immolé pour toi, sera toujours avec toi jusqu'à
la consommation des siècles.
Tu ne peux douter en effet qu'il ne soit avec toi jusqu'à la consommation
des siècles, puisque c'est sans sortir de toi qu'il accomplit toutes
ses oeuvres, et qu'il en observe dans tout son cours les différentes
époques, à l'imitation du Réparateur universel qui, malgré
la diversité de ses opérations, n'a jamais été détaché
de celui qui l'a engendré, qui l'engendre, et qui l'engendrera éternellement.
Ainsi donc si ce nouvel homme trouve en toi sa mère, ses enfants, ses
frères, et son père, c'est sans sortir de toi qu'il va remonter
vers ce même père d'où doivent dériver toutes les
consolations que l'éternelle source qui t'a engendrée ne cherche
qu'à verser sur toi en le prenant pour son organe.
C'est sous ce rapport que tu dois te considérer comme une sorte d'universalité,
ainsi qu'il te l'a été annoncé en plusieurs endroits de
cet écrit, puisque tu trouves en toi le monde divin, le monde spirituel,
le monde naturel, et que par là tu es l'image de celui qui a tout produit,
et qui est tout. Mais tu n'es ainsi l'image de celui qui a tout produit, et
qui est tout, qu'autant que tu demeures en lui, et qu'il donne lui-même
la forme à toutes tes facultés, et à toutes tes substances,
car comment serais-tu une universalité partielle, si tu n'étais
pas continuellement connue, engendrée, et nourrie par la grande universalité
?
Ne balance pas à croire que tel soit l'objet de cette grande universalité
à ton égard ; et que tous ses plans, et toutes ses oeuvres ne
tendent à donner à toute ton existence le caractère de
sa grandeur, et de son immensité.
Juges-en par les comparaisons que tu peux faire entre ton être, et toutes
les vastes puissances qui t'environnent, et qui dominent au-dessus de toi. Contemple
l'immense étendue de l'univers relativement à ta débile
forme. Contemple l'immensité de l'espace, et du temps en comparaison
de tous ces êtres partiels qui n'ont qu'une si petite fraction de sa durée,
et reconnais que tous les efforts de la suprême puissance, ne tendent
qu'à agrandir ton être par la réflexion que ces rapports
peuvent faire naître en toi, et à donner le cours le plus vaste
à la pensée, c'est-à-dire à lui donner l'empreinte
de cette immense universalité.
Car quelque faibles, et quelque méprisables que soient les mortels en
apparence, ils ne peuvent nier que c'est pour eux que tous ces grands présents
sont envoyés, puisqu'il n'y a qu'eux qui soient dans le cas de les contempler,
et d'en nourrir leur pensée, tandis que tous les autres êtres en
reçoivent les secours, qu'ils les emploient, et les opèrent même
sans les comprendre.
Ame humaine, si par l'organe de ce nouvel homme qui est né en toi, tu
peux élever tes yeux encore plus haut que ce monde passager, et corruptible,
tu découvriras dans ta région supérieure, une immensité
bien plus vaste, et des dons infiniment plus abondants, et tu apprendras alors
à t'agrandir de plus en plus avec les bienfaits de celui qui a tout produit,
et qui est tout.
Tu apprendras à évaluer cette semence précieuse dont il
a formé l'âme humaine, et qui lui est si chère, que malgré
ses ingratitudes, il ne peut détourner les yeux de dessus elle.
Tu verras cet Etre infini verser continuellement sur nous dans tous les genres,
l'abondance de ses puissances, de sa majesté, et de son infinité
; car notre volonté pestilentielle a beau faire, l'Eternel ne cesse de
nous en démontrer la borne, et l'impuissance en nous faisant constamment
nager dans son universelle immensité. Ne t'afflige donc point, âme
humaine, si ton nouvel homme, après t'avoir bénie, s'est séparé
de toi, et a été enlevé au ciel. Imite l'exemple des disciples
du Réparateur universel qui après l'avoir " vu se séparer
d'eux, et monter au ciel, s'en retournèrent comblés de joie à
Jérusalem, où ils se tinrent sans cesse dans le temple, louant
et bénissant Dieu, " parce qu'ils étaient pleins de confiance
en ses promesses.
Ne sois point étonnée non plus de ce que le nouvel homme après
être retourné vers son père, et y être demeuré
le temps prescrit par tes nombres particuliers va te donner de nouvelles marques
de sa présence, et de son intérêt pour toi. Car, "
lorsque les jours de ta Pentecôte seront accomplis, tous tes disciples
étant ensemble dans un même lieu, tu entendras tout d'un coup un
grand bruit comme d'un vent violent, et impétueux qui viendra de ton
ciel, et qui remplira toute la maison où ils seront assis. En même
temps tu verras paraître comme des langues de feu qui se partageront,
et s'arrêteront sur chacun d'eux. Aussitôt ils seront tous remplis
du Saint-Esprit, et ils commenceront à parler diverses langues selon
que le Saint-Esprit leur mettra les paroles en la bouche. "
En effet tu connaîtras les langues de toutes les substances qui te constituent
; tu entendras leur langage, et elles entendront le tien, afin que vous concouriez
toutes ensemble à manifester chacune les dons particuliers qui vous sont
propres, pour étendre de plus en plus le règne de votre Dieu,
il ne se passera pas un mouvement en toi dont tu n'aies l'intelligence, et auquel
tu ne sentes en même temps le jugement que tu en dois porter, et l'usage
que tu dois en faire. Si ces mouvements sont faux, ils entendront ta langue
aussi bien que les mouvements vrais, mais ils ne l'entendront que pour leur
condamnation, car ta langue deviendra l'épée à deux tranchants.
Lors donc que ces mouvements faux se feront connaître en toi, tu n'auras
qu'à dire un mot, et ils seront précipités dans leurs abîmes,
et tu auras le droit de dire aux Saphires et aux Ananies qui seraient en toi,
et qui chercheraient à te tromper : " Comment Satan a-t-il tenté
votre cur pour vous porter à mentir au Saint-Esprit, et à
détourner une partie de votre fond de terre ? Ne demeurait-il pas à
vous si vous l'aviez voulu garder... ? Ce n'est pas aux hommes que vous avez
menti, mais à Dieu ; voilà ceux qui viennent pour vous enterrer
qui sont à la porte. Et à ta parole, ces imposteurs rendront l'esprit
et seront portés en terre. "
Mais tu auras aussi le pouvoir de verser les consolations sur les affligés,
et sur les malades, lorsqu'ils auront dans le cur une sainte espérance,
et une vive confiance dans les puissances du Seigneur, au point que ton ombre
même les délivrera de leurs maladies.
Lors donc qu'en allant au temple, selon ta coutume, tu rencontreras de pauvres
estropiés tu les regarderas pour juger de leur foi, et quand par le mouvement
intérieur de l'esprit tu croiras pouvoir employer tes richesses en leur
faveur, tu leur diras : Je n'ai ni or, ni argent, mais ce que j'ai je vous le
donne, soyez guéris au nom du Réparateur et marchez. Alors ils
se lèveront, ils se tiendront fermes sur leurs pieds, et entreront avec
toi dans le temple, en marchant, en sautant et en louant Dieu.
Tu seras affranchie des entraves de la loi dès que tu seras admise au
règne de l'esprit et si ta pieuse délicatesse te laisse encore
des inquiétudes sur les ordonnances lévitiques, il te sera répondu
par l'esprit comme à saint Pierre (Actes 10:15) : N'appelez pas impur
ce que Dieu a purifié.
Lorsque les ennemis qui sont en toi chercheront à te saisir, et qu'ils
croiront t'avoir vaincu, après t'avoir emprisonné dans leurs ténèbres
pour t'empêcher de répandre la parole de vérité dans
le temple, l'ange du Seigneur ouvrira à leur insu la porte de ta prison
et te dira : Allez dans le temple, et prêchez-y hardiment au peuple toutes
les paroles de cette doctrine de vie. Et tes ennemis frappés d'étonnement
de ne point te trouver dans la prison, frémiront de rage de voir la parole
se répandre malgré eux.
Tu ne devras point être surprise si, lorsque tu parleras avec foi et confiance
aux peuples qui sont en toi et qui t'écouteront, l'esprit descend sur
eux, comme il est descendu sur toi, à la parole du nouvel homme, et s'ils
deviennent par là susceptibles de recevoir le baptême de ta main,
comme tu l'as reçu de la main de ton Réparateur particulier, en
raison de ce que tu es dépositaire des sept sources sacramentelles qui
doivent jaillir de ta pierre fondamentale : car la promesse a été
faite à toi et à tes enfants, et à tous ceux qui sont éloignés,
autant que le Seigneur ton Dieu en appellera. (Actes 2:39).
71.
Ce n'est point assez que le nouvel homme ait parcouru toutes les époques
temporelles de la régénération, et qu'il ait passé
par toutes les progressions particulières attachées à la
restauration de la postérité humaine, il faut qu'il atteigne d'une
manière temporelle spirituelle au complément particulier de cette
restauration, si ce n'est à demeure, vu la défectuosité
de notre région, au moins en aperçu, et comme par initiation à
cette réintégration permanente dont il jouira, quand, après
avoir été représenté ici-bas son principe d'une
manière limitée, il pourra le représenter dans les cieux
d'une manière aussi vaste que durable.
Il faut donc qu'indépendamment de ce jugement particulier que nous lui
avons vu prononcer, lorsqu'il est descendu dans ses abîmes, il prononce
encore, prophétiquement, le jugement final qui doit décider du
sort des prévaricateurs, et faire la séparation de ceux qui dans
lui-même ayant échappé, par la pénitence, à
la première mort, seront préservés de la seconde mort,
d'avec ceux qui seront les victimes de l'une et de l'autre de ces deux morts.
Voyons-le ainsi tracer d'avance en lui le tableau de ces derniers temps, où
l'espérance sera abolie, et où il ne restera que la consolation
ou le désespoir, que la jouissance parfaite ou la privation absolue.
Voyons-le prendre les sept trompettes pour appeler en lui au jugement dernier
toutes les nations qui sont soumises à sa puissance, pour examiner celles
" qui auront adoré la bête ou son image, qui en auront reçu
le caractère sur leur front ou dans la main, afin qu'elles boivent du
vin de la colère de Dieu, de ce vin tout pur, préparé dans
le calice de sa colère, et qu'elles soient tourmentées dans le
feu et dans le soufre devant les saints anges, et en présence de l'agneau.
"
Voyons-le d'un autre côté " debout sur la montagne de Sion,
et avec lui les cent quarante-quatre mille personnes qui auront le nom de l'agneau
et le nom de son père écrits sur le front, et qui chanteront le
cantique nouveau devant le trône, comme ayant été rachetés
de la terre ; car leur voix sera semblable à un bruit des grandes eaux,
et au bruit d'un grand tonnerre, et ne formera que comme un seul son de plusieurs
joueurs de harpe qui touchent leurs harpes. Et il ne s'est point trouvé
de mensonge dans leur bouche parce qu'ils sont purs et sans tache devant le
trône de Dieu. "
Voyons-le volant par le milieu de son ciel, " portant l'Evangile éternel
pour l'annoncer à ceux qui sont sur la terre, à toute nation,
à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple, et disant
d'une voix forte : Craignez le Seigneur, et rendez-lui gloire, parce que l'heure
de son jugement est venue, et adorez celui qui a fait le ciel et la terre, la
mer et la source des eaux. "
Voyons-le ensuite prendre dans le temple du tabernacle du témoignage
les sept coupes d'or pleines de la colère de Dieu qui vit dans les siècles
des siècles.
Voyons-le verser les quatre premières coupes sur la terre, sur les fleuves,
et sur le soleil pour opérer la dissolution de la région fantastique
et illusoire qui le retient dans les ténèbres, et pour faire "
que les hommes qui auront le caractère de la bête soient frappés
d'une plaie maligne et dangereuse, que la mer devienne comme le sang d'un mort,
que les fleuves et les sources des eaux soient changés en sang ; et les
hommes étant frappés d'une chaleur dévorante, blasphèmeront
le nom de Dieu, qui a ces plaies en son pouvoir, refusant de faire pénitence
pour lui donner gloire. La cinquième coupe se répandra sur le
trône de la bête, et son royaume deviendra ténébreux.
La sixième coupe se versera sur le grand fleuve d'Euphrate, et son eau
sera séchée pour ouvrir le chemin aux rois qui doivent venir de
l'Orient. La septième coupe se répandra dans l'air, et une forte
voix se fera entendre du temple comme du trône, et qui dira : c'en est
fait. "
Alors il se fera dans le nouvel homme, " des éclairs, des bruits,
des tonnerres, et un grand tremblement de terre, et si grand qu'il n'y eut jamais
un tel depuis que les hommes sont sur la terre. La grande ville sera divisée
en trois parties, et les villes des nations tomberont, toutes les îles
s'enfuiront, et les montagnes disparaîtront. "
Après tous ces effroyables prodiges le nouvel homme " prendra la
bête et avec elle le faux prophète, et les jettera tout vivants
dans l'étang de feu et de soufre " et il sortira du trône
une voix qui dira : " Louez notre Dieu, vous tous qui êtes ses serviteurs,
et qui le craignez, petits et grands, parce que ses jugements sont véritables
et justes, qu'il a condamné la grande prostituée, qui a corrompu
la terre par sa prostitution, et qu'il a vengé le sang de ses serviteurs
que ses mains ont répandu.
Ame humaine, quand ces redoutables jugements seront prononcés, et exécutés
en toi, c'est alors qu'il y aura pour toi un nouveau ciel, et une nouvelle terre,
car le premier ciel, et la première terre auront disparu, et la mer ne
sera plus ; alors tu verras " la ville sainte, la nouvelle Jérusalem,
qui venant de Dieu descendra du ciel en toi, étant parée comme
une épouse qui se pare pour son époux ; et tu entendras une grande
voix qui viendra du trône, et qui dira : Voici le tabernacle de Dieu avec
les hommes, et il demeurera avec toi, et tu seras son peuple, et tes yeux, et
la mort ne sera plus. " Ame humaine, veux-tu connaître les proportions
de cette ville sainte, de cette Jérusalem qui descendra en toi, étant
parée comme une épouse qui se pare pour son époux, transporte-toi
sur la grande, et haute montagne qui est en toi. Tu verras que cette ville sainte
est illuminée de la clarté de Dieu, que la lumière qui
éclaire, est semblable à une pierre précieuse, à
une pierre de jaspe transparente comme du cristal.
Tu verras qu'elle est bâtie en carré, qu'elle est égale
dans sa longueur, et dans sa largeur, et que la mesure de la muraille est de
cent quarante-quatre coudées de mesure d'homme, pour te faire comprendre
que c'est sur les propres dimensions à la fois ternaires, quaternaires,
et septenaires de ton essence sacrée, que doit s'élever cette
ville éternelle de la paix, et des consolations ; parce que tu es la
seule avec qui l'éternelle source de toutes les mesures, et de tous les
nombres, ait des rapports assez rapprochés, pour avoir voulu faire de
toi son représentant parmi les peuples, et parmi toutes les régions
de l'univers visible, et invisible ; tu reconnaîtras que tu es toi-même
le tabernacle de Dieu avec tous ceux qui habitent en toi, et que c'est pour
cela qu'il veut demeurer en toi, afin que tu sois son peuple, et que, demeurant
lui-même en toi, il soit ton Dieu.
" Aussi tu ne verras point d'autre temple dans cette ville sainte, et dans
cette céleste Jérusalem, parce que le Seigneur Dieu est tout puissant,
et l'agneau en est le temple ; et cette ville n'a point besoin d'être
éclairée par le soleil ou par la lune, parce que c'est la lumière
de Dieu qui l'éclaire, et que l'agneau qui est en toi en est la lampe.
Les nations marcheront à la faveur de sa lumière, et les rois
de la terre y porteront leur gloire et leur honneur. "
Ame humaine, tu vois les hommes qui n'en sont encore qu'au règne terrestre
et matériel, fermer les portes de leurs villes de guerre, après
avoir eu soin d'en faire sortir les ennemis et les malfaiteurs. Les hommes dans
le règne spirituel en font autant, sans quoi ils courent le risque d'être
les victimes de leur négligence ; car s'ils ont laissé des ennemis
dans la place, après en avoir fermé les portes, combien de ces
ennemis les dévoreront à leur insu pendant leur sommeil ? Combien
l'aurore leur découvrira d'afflictions, en ne leur ouvrant les yeux que
pour leur laisser voir leur captivité ?
Mais dans ce règne divin que le nouvel homme établit en toi "
on ne fermera plus chaque jour les portes de la ville sainte, parce qu'il n'y
aura point là de nuit ; qu'il n'y aura rien de souillé ni aucun
de ceux qui commettent l'abomination ou le mensonge, mais seulement ceux qui
sont écrits dans le livre de vie ".
Tu verras aussi dans la ville sainte un fleuve d'eau vive, claire comme du cristal,
qui coulera du trône de Dieu et de l'agneau, car tu n'ignores plus que
l'homme est lui-même un ruisseau émané de ce fleuve, et
devant par conséquent couler éternellement comme celui qui lui
donne sans interruption la naissance.
" Tu trouveras également au milieu de la place de la ville, des
deux côtés du fleuve, l'arbre de la vie qui porte douze fruits,
et donne son fruit chaque mois, et les feuilles de cet arbre sont pour guérir
les nations. " Car cet arbre de vie, c'est cette lumière de l'esprit
qui vient de s'allumer dans la pensée du nouvel homme qui doit désormais
remplir de toutes ses sagesses l'universalité du temps. Ces feuilles
qui doivent guérir les nations, ces sont les oeuvres de ce nouvel homme
qui répandront sans cesse autour de toi et l'harmonie et le bonheur,
comme tu aurais dû les répandre autrefois en vertu de ces trois
dons sacrés qui te constituent à la foi l'image et le fils du
Dieu des êtres.
Ne te donne donc point de relâche que cette ville sainte ne soit rebâtie
en toi, telle qu'elle aurait dû toujours y subsister, si le crime ne l'avait
renversée, et souviens-toi tous les jours de ta vie que le sanctuaire
invisible où notre Dieu se plaît d'être honoré, que
le culte, les illuminations, l'encens dont la nature et les temples extérieurs
nous offrent des images instructives et salutaires, qu'enfin toutes les merveilles
de la Jérusalem céleste peuvent se retrouver encore aujourd'hui
dans le cur du nouvel homme, puisqu'elles y ont existé dès
l'origine.