La
Propagande
Voile d'Isis (août 1907)
Sedir
De tous côtés se forment des associations de recherches psychiques
et de diffusion ésotérique; leurs fondateurs et leurs adhérents
sont tous animés de la ferveur la plus louable, et quoi qu'en disent
les contempteurs de l'idéalisme, bien peu, parmi les nombreux chefs
de ces phalanges d'avant-garde, pensent à leur bénéfice
pécunier ou honorifique. Ils sont donc tous dignes d'éloges;
mais leur enthousiasme les rend quelquefois imprudents: ils se pressent
peut être un peu trop.
Je ne veux pas dire qu'il ne faille pas aller de l'avant, mais l'explorateur
ne court pas à l'aveuglette dans une forêt vierge; il se renseigne,
il essaie d'éviter marécages et fondrières et tribus
hostiles, le chercheur de mystères psychiques doit donc prendre certaines
précautions. Il met le pied dans un domaine que toute la tradition
dépeint comme foisonnant d'erreurs et de mirages; et il n'est pas
bien sûr que la recherche absolument désintéressée
du vrai, soit son seul mobile; chez presque tout le monde, il y a la curiosité
et la satisfaction d'être expert en des choses qui ne sont pas à
la portée de tout le monde.
Or, les effets du monde moral sont très importants. L'acte le plus
commun peut acquérir une grande influence en bien ou en mal, suivant
l'intention qui était au fond du cur de son auteur. Le semblable
appelle le semblable. Le manque de sincérité vis à
vis de soi-même fait venir l'erreur; le manque de simplicité
appelle la complication. Je dirai plus, celui qui se croit supérieur
appelle involontairement et inconsciemment des esprits d'orgueil; et ainsi
de suite pour tous les états de notre âme, et tous les modes
de notre vie.
L'expérimentateur des choses psychiques devrait donc, pour diminuer
eu principe toutes les chances d'erreur, devenir d'abord un saint. Mais
comme ce travail là est terriblement long, celui qui l'entreprendrait
à fond, n'aurait plus guère de temps pour cataloguer les fluides,
bâtir de pompeuses théories et se donner la réputation
d'un pionnier: ce retard apparent du progrès de la science ne serait
pas mauvais, car l'homme se croit toujours plus avisé que les êtres
qui le guident; il ne peux se mettre dans la tête l'idée que
sa nourriture intellectuelle est assurée, malgré lui, pour
ainsi dire et qu'il lui suffit d'obéir à la loi .
Sans pousser aussi loin, la prudence, les chercheurs en psychisme doivent
se rendre compte qu'ils manient des forces dangereuses; elles sont imprégnées
de vie à une haute tension, c'est vrai; mais il ne s'ensuit, pas
que cette vie soit assimilable dans l'état actuel de développement
du genre humain. Tel phénomène qui va faire un pas énorme
à la science, ne peut être obtenu qu'en violant plusieurs des
lois cosmiques, qu'en sacrifiant un grand nombre d'existences, qui pour
n'être pas visibles n'en sont pas moins réelles. Aucun homme
n'est assez instruit pour établir la balance d'une telle comptabilité.
Et comme les chercheurs en question croient d'ordinaire à l'existence
de Dieu , ils doivent comprendre que toute créature, saint, ange,
ou démon est susceptible de se tromper; qu'il ne faut donc pas demander
de l'aide et de l'inspiration à aucune d'elles; qu'il ne faut pas
se lier par pacte avec aucune; qu'il ne faut obéir à aucune
mais à Dieu seul, de qui la volonté est connue et sait toujours
se faire connaître indubitablement.
SEDIR