Tradition Historique De L'ordre Du Temple.


Ce fut à cette époque que se forma la Grande Loge de Strasbourg des maçons-libres d'Allemagne ; puis vers la fin du douzième siècle, on voit la plupart des Loges de maçons administrées par l'Ordre du Temple[5] ; le Grand Maître Provincial des Templiers anglais devient en même temps patron de la confrérie maçonnique ! - Qu'était l'Ordre du Temple ? Un Ordre puissant de chevalerie fondé en 1118. En 1127, le pape Honorius II déclara leur chef, Grand Maître par la Grâce de Dieu, pour indiquer qu'il ne serait permis à aucune puissance, ni spirituelle, ni temporelle, de décider sur ses droits et sur ceux de son Ordre.
On les nommait templiers en souvenir de ce que leur premier établissement, à Jérusalem, avait été établi sur l'emplacement du Temple de Salomon (depuis Mosquée d'Omar). La tradition veut que la plupart de leurs Commandeurs aient été initiés à la maçonnerie mahométane et aux mystères anciens.
Le point triangulaire dont nous faisons un si fréquent usage dans nos planches d'architecture, s'est retrouvé dans un des manuscrits de la règle secrète du Temple. On fermait et on ouvrait les chapitres suivant un cérémonial spécial ; même il était permis au frère Maçon et au frère-Chapelain du Chapitre Templier de porter des gants blancs, privilège que réclamaient à cette époque tous les Maçons constructeurs d'églises. Par leurs rapports fréquents avec les mahométans, ils acquirent une liberté de pensée et d'action inconnue d'ailleurs dans leur siècle[6].
Sous le règne de Philippe le Bel, l'Ordre ne comptait pas moins de neuf mille seigneuries et couvents, la plupart situés en France, rapportant annuellement 112 millions de notre monnaie, ce qui était énorme pour l'époque. Le roi de France demanda son affiliation honorifique. Cela lui fut refusé. Cet événement et l'envie de leurs richesses causèrent la perte des Templiers ; ils furent arrêtés, leurs biens confisqués, après un procès où on leur reprocha de se recruter parmi les Chevaliers frappés d'excommunication, de célébrer la messe dans les lieux interdits, de cracher sur la croix et d'adorer une tête montée sur quatre pieds portant des cornes et une grande barbe ; enfin on les accusait de débauches[7].
En résumé, la puissance temporelle des Chevaliers Templiers fut anéantie (1312). Ceux d'entre eux qui purent se sauver, et ils furent nombreux dans tous les pays, se réfugièrent principalement en Ecosse, à la cour du roi Robert Bruce.
Et ici, je fais appel à la fidélité maçonnique de tout franc-maçon digne de ce nom : que feriez-vous si, d'un jour à l'autre, on écrasait dans tous les pays l'Ordre Maçonnique ? Pour mon compte personnel, rien ne pourrait m'empêcher de transmettre la lumière symbolique et de parfaire l'œuvre de la Maçonnerie Universelle.
Eh bien, c'est ce qu'ont fait les Templiers proscrits. C'est aussi ce qui nous explique pourquoi l'Ordre du Temple, supprimé en France, devint, après sa chute, plus puissant par ses idées symboliques et son opposition systématique au pape et à la royauté, qu'il ne l'avait jamais été, alors qu'il était favorisé par la fortune et jalousé par les puissants de la terre. Ce que les Templiers modernes glorifient dans leurs éminents devanciers, ce ne sont pas leurs richesses accumulées inutilement dans les châteaux ou les Commanderies de leur Ordre, mais leurs richesses morales mises à découvert par leur procès inique, c'est la glorification de leur Symbole Unitaire et plus tard de leur Grand Architecte qu'ils ont su opposer, un jour de Lumière, au dogmatisme du pape tout puissant. C'est à cause de leur haute conception humanitaire d'un état fondé sur la tolérance religieuse et sur la bravoure personnelle, à cause aussi, de leur chaîne d'union avec les Maçons Constructeurs[8], qui avaient les mêmes idées et des droits analogues, c'est parce qu'ils étaient à la noblesse, ce que les Maçons Constructeurs étaient aux hommes libres, qu'actuellement ils nous sont particulièrement chers et que nous respectons leur mémoire. Nous ne glorifions pas seulement en eux la philosophie[9] qu'ils ont pratiquée : mais surtout tant de choses pour lesquelles leurs chefs sont morts en martyrs.
Parmi les multiples filons[10] qui nous rattachent à eux, il en est trois que nous mentionnerons :
§ Le premier concerne Pierre d'Aumont, Grand Maître Provincial d'Auvergne et d'autres Templiers français déguisés en ouvriers maçons, qui, selon la tradition, assistèrent au supplice de leur Maître J. Molay, puis se réfugièrent en Ecosse, chez le roi Robert Bruce, comme nous l'avons déjà dit.
§ Un second filon, différent en tous points des précédents, consiste en une Charte de transmission que Jacques Molay, avant de mourir, aurait délivrée à Jean de Larménius. Cette Charte, qui fit tant parler d'elle et qui est si discutée, est actuellement entre les mains d'un Maç\ anglais distingué.
§ Un troisième filon aurait subsisté jusqu'à la Révolution et aurait fait parler de lui durant les règnes de Louis XV et de Louis XVI. Le duc d'Orléans Régent, en fut le Grand Maître ; le duc de Cossé-Brissac, alors qu'il en était le Grand Maître en charge, sous la Révolution, fut guillotiné.
La tradition historique qui nous est la plus chère est la première, qui nous transporte en Ecosse, à la suite des templiers proscrits, à la cour du roi Robert Bruce. L'Ordre du Temple avait vécu. Celui des Templiers spéculatifs commençait. Ces derniers sont donc à l'Ordre du Temple ce que nous autres Francs-Maçons sommes aux anciens Maçons libres, constructeurs d'églises. Avec ceci de curieux, c'est que les Maçons libres de jadis fraternisaient avec les anciens Templiers, comme nous l'avons vu, et qu'actuellement les grades Templiers modernes constituent les grades les plus élevés de la Franc-Maçonnerie spéculative. Nier l'influence des uns sur les autres, vouloir ternir les uns pour avantager les autres, c'est toucher à tout l'édifice maçonnique et donner des armes à nos ennemis ! - Revenons donc en Ecosse où son roi, Robert Bruce, après sa grande victoire de Bannockburn, le 24 Juin 1314, à laquelle prirent glorieusement part les Templiers, institua l'Ordre de Saint André du Chardon, en leur faveur, pour les protéger et récompenser leurs services signalés.
Que ces Templiers aient transmis à d'autres les traditions de leur ancien Ordre, en se servant de l'Ordre de Saint André du Chardon, il n'y a aucune impossibilité et tout concourt à le prouver ; les cérémonies d'armement de cet Ordre commémorent d'une façon symbolique l'ancien Ordre déchu. Il est probable que cet Ordre de Saint André se recruta dans la suite pour une grande part chez les dignitaires de la Maçonnerie libre du royaume d'Ecosse.
Les Rois d'Ecosse en étaient Grands Maîtres. La Réformation mit fin à cet Ordre de Saint André dont les biens furent confisqués.
Les Stuarts furent proscrits une première fois, et entre temps, il se forma avec les restes de l'Ordre de Saint André, un Ordre secret royaliste, celui de Maître Ecossais, qui prit plus tard le nom de Maître Ecossais de Saint André, voulant ainsi perpétuer son origine templière. Ce fut dans cet Ordre que le Général Monk, membre de la Grande Loge d'Edimbourg, fut initié, et c'est là, à n'en pas douter, que s'est élaborée la campagne qui aboutit à la défaite de l'armée du Parlement et au rétablissement, en 1660, de Charles Il sur le trône d'Angleterre. Ce fut le malheur des Stuarts d'avoir si peu compris l'évolution des esprits en Angleterre, qu'ils virent dans leur restauration, celle du catholicisme dans le Royaume-Uni.
L'inéluctable arriva, Jacques Il, proscrit, dut prendre le chemin de l'exil en 1688, avec son ordre de Saint André.
Son gendre, Guillaume d'Orange, se fit initier chez les F\M\ d'Angleterre constructeurs d'églises.

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