Le Temps dans le Régime Écossais Rectifié
Dans le Régime
écossais rectifié et plus précisément dans sa
classe maçonnique, il existe un rythme temporel qui est donné
à l'ouverture et à la clôture de la loge par ces 4 temps
:
o Midi
o Midi plein
o Minuit
o Minuit plein
Plus précisément voici ce qu'en dit l'Instruction par demandes
et réponses du Grade d'Apprenti :
D : Combien y a-t-il de temps ou intervalles dans le jour maçonnique
?
R : Il y en a quatre, qui sont : depuis six heures du matin où commence
la journée jusqu'à midi ; depuis midi jusqu'à six heures
du soir ; depuis six heures du soir jusqu'à minuit ; et depuis minuit
jusqu'à six heures du matin.
D : Comment désigne-t-on ces quatre intervalles dans la Loge ?
R : Par midi et midi plein en commençant le travail, et par minuit
et minuit plein en le finissant.
D : Combien comprenez-vous d'heures dans chaque intervalle ?
R : Il y a six heures et un temps, en similitude des six années qui
furent employées pour la construction du Temple, et du septième
temps ou année qui fut employée par Salomon pour en faire
la dédicace, et aussi des sept jours de la semaine dont le septième
est consacré au Seigneur
Il est souvent dit en Maçonnerie que le début et la fin de la tenue marque l'entrée et la sortie d'un temps " sacré ". Cette expression m'a toujours un peu perturbé parce qu'à mon sens, le temps est sacré depuis l'incarnation du Verbe au moins. Ainsi c'est tout le temps dans lequel nous vivons qui est sacré et pas seulement celui durant lequel nos travaux se déroulent. Parce que si l'on accepte l'expression " temps sacré " comme exclusivement celui dans lequel s'inscrivent nos travaux, que ferons nous du reste du temps, de tout ce temps, largement majoritaire, que nous passons en dehors de nos tenues ? Autre problématique que soulève cette notion de temps dans le Régime Rectifié, c'est le choix de quatre jalons temporels où s'inscrivent notre ouverture et notre clôture. En effet pourquoi avoir choisi ces midi, midi plein, minuit et minuit plein pour signaler le début et la fin des travaux ?
Face à
cette double problématique, une piste intéressante m'est venu
à l'esprit il y a quelques temps et je n'ai pas eu réellement
le temps de la creuser, alors un autre l'a fait pour moi : X. B*** a publié
une étude dans le dernier numéro de Acta Macionica avec comme
titre " Le temps sacré au RER " (1) . Dans son étude,
notre Frère explore la piste que je " subodorais ", celle
de Martines de Pasqually. En effet, il signale l'existence d'une règle
ascétique parmi d'autres imposées par Martines à ses
émules dans l'Ordre des Élus Coëns. Cette règle
s'impose aux membres de l'Ordre et plus particulièrement aux détenteurs
de son dernier grade, celui de Réau Croix. Cette règle est
celle des prières (2) à dire de 6 heures en 6 heures soit
4 fois par jour ce qui donne :
o 6 heures du matin
o Midi
o 6 heures du soir
o Minuit
Le Traité de la Réintégration évoque les 4 temps
et 4 intervalles dans plusieurs passages relevés par X. B*** (3)
: on retiendra qu'on y évoque à travers les âges 4 intervalles
et 4 opérations spirituelles. L'une des Leçon de Lyon signalée
par notre auteur (4) indique que les 4 cultes que doit effectuer l'homme
sont indiqués dans la Nouvelle Loi par les " 4 prières
journalières ".
Ce qu'il est
enfin intéressant de noter est que ces 4 prières journalières
des Élus Coëns récitées par nos fondateurs sont
inspirés des prières catholiques du XVIIIème siècle
et Jérôme Rousse-Lacordaire, un dominicain qui étudie
la Maçonnerie de près, n'a pas hésité à
commencé son étude (5) récemment publiée dans
Renaissance Traditionnelle :
"À la lecture, on remarque assez vite la parenté de ces
prières avec celles en usage dans l'Église catholique, soit
dans des ouvrages liturgiques à l'usage des laïcs, soit dans
des ouvrages de dévotion ce qui n'a rien d'étonnant dans un
Ordre comme celui des Coëns où " la théurgie [
]
participe essentiellement du christianisme [Robert Amadou, introduction
aux Leçons de Lyon, p. 21] ".
Et le dominicain de conclure (6) son étude ainsi :
"Ainsi le formulaire des Élus Coëns e situe à la
charnière ou à l'intercession de deux courants du XVIIIe siècle
finissant : le courant théosophique ou illuministe français
d'une part, et le courant dévotionnel de la piété laïque
de l'autre - intersection qui prend une couleur particulière du fait
de la nature sacerdotale et cultuelle de l'Ordre coën, sans sortir
cependant tout à fait des grands courants du christianisme occidental
(
). Les prières Coëns sont donc un exemple de la manière
dont un corpus exotérique peut être repris, interprété
et vécu dans une perspective ésotérique (
)".
(1) Xavier
B***, Le Temps sacré au RER, Acta Macionica (Grande Loge Régulière
de Belgique), volume 16, 2006
(2) René Désaguliers, Les 4 prières des E.C.D.L.U.,
Renaissance Traditionnelle, N°42 et sq., à partir d'avril 1980
(3) Op. cit. pp. 218-219
(4) Op. cit. p. 219
(5) J. Rousse-Lacordaire, La journée chrétienne des Élus
Coëns, Renaissance Traditionnelle, N°142, avril 2005, pp. 131
(6) Op. cit., pp. 156-157