Joseph de Maistre, l'homme qui aimait les bourreaux
Le
personnage dont il va être question, Paul Valéry le définissait
comme étant " noble, pur, pourfendeur de conviction, tendrement
sévère ( ? !), et pour qui les véritables miracles étaient
les bonnes actions faites en dépit de notre caractère et de
nos passions ". On peut se demander si ce tableau ne concerne pas un
personnage autre que celui dont nous allons parler ! !
Ce " pourfendeur " pour reprendre le mot a eu une certaine influence
au XIXe siècle sur les débats d'idées qui ont imprégné
et orienté le futur européen. Décédé depuis
près de 200 ans, on le déterre, on le ressuscite régulièrement
pour le vilipender, le porter aux nues, les deux à la fois bien entendu
!
Il apparaît comme la clé de voûte des débats idéologiques
qui animent les grands questionnements politiques, qui n'ont pas fini d'agiter
nos sociétés modernes : les Droits de l'homme, la Démocratie,
les liens du Politique et du Religieux, la Peine de mort. Il est montré
du doigt par certains comme un proto-fasciste, comme l'inspirateur idéologique
des totalitarismes modernes. Voyons quelques noms qui nous sont familiers
et qui se sont positionnés admiratifs de cet " ultra conservateur
" : Lamennais, Ballanche Sainte-Beuve, qui nous en fera un portrait inattendu,
Barbey d'Aurevilly, Lamartine, Baudelaire, Gérard de Nerval, Vigny,
Auguste Comte qui va concéder que sa pensée mérite d'être
intégrée à la doctrine du Positivisme ; Balzac est fasciné
et salue en ce personnage " un aigle penseur " Chateaubriand se
dit " son admirateur le plus sincère ". Taine, Renan, Suarès,
Claudel, Maurras, Mauriac ! François Mauriac ce grand croyant qui écrit,
outre, " les morts seraient embarrassants s'ils revenaient ", "
sa pensée religieuse s'oppose à plusieurs égards, au
sens étroit d'un certain catholicisme dévoyé [
]
Il dresse avec puissance la figure d'un catholicisme intraitable, incroyable,
odieux, tel que peut le souhaiter un homme qui l'exècre ". Léon
Bloy, n'hésite pas à voir en lui " un génie presque
surnaturel ".
A leur suite, Alain le juge comme un " penseur sans hypocrisie ",
Albert Camus le voit comme " le premier sociologue de langue française
", citons un dernier admirateur : Carl Schmitt intellectuel catholique
allemand, et nazi ! J'allais oublier Emil Cioran que certains ont vu comme
le révélateur de toutes les " tentations brunes ".
Son jugement à lui est particulier, c'est ainsi qu'il écrit
: " Il est au nombre des grands provocateurs. Son nom résonne
comme celui d'un croque-mitaine idéologique qu'on lit pour se faire
peur
C'est un repoussoir au style éblouissant mais qu'on ne peut
décemment suivre ". Il poursuit " C'est précisément
par le côté odieux de ses doctrines qu'il est vivant. Vivante
sa pensée l'est sans conteste, mais dans la mesure seulement où
elle rebute et déconcerte : plus on la fréquente, plus on songe
aux délices du scepticisme ou à l'urgence d'un plaidoyer pour
l'hérésie ". Parmi ses détracteurs aussi excessifs
on compte : Edgar Quinet qui dira qu'il fut le " Robespierre du clergé
" ; Samuel Sylvestre de Sacy le considère comme " un génie
de la décadence "; Huysmans le juge " vide ", Sartre
de la terrasse du café de Flore le rejette sans appel ! Si nous devions
résumer d'un trait le pourquoi célèbre de notre personnage
nous pourrions dire qu'il est surtout célèbre par les critiques
qu'il attire, plus que par la pertinence de ses écrits. Que d'excès
dans tous ces jugements, qu'ils soient pour ou contre !
Savoyard, Joseph de Maistre est né le 1er avril 1753 à Chambéry,
deuxième ville du Duché de Savoie. Il sera l'aîné
d'une fratrie de dix enfants. Le père est juriste, second Président
du Sénat de Savoie. Famille aisée. Il fut élevé
écrit-il " dans toute la sévérité antique
et abîmé dès le berceau dans les études sérieuses
". Il fait ses humanités au Collège Royale de sa ville
natale, études qui sont complétées par un préceptorat
jésuite. A 15 ans il fait partie de la " Confrérie de la
Sainte Croix et de la Miséricorde " où le " Pénitent
noir " fait vu d'assistance aux malades, aux estropiés,
aux condamnés, et est invité à méditer sur les
fins dernières et la misère de l'homme.
Il entreprend des études de Droit à Turin, obtient son diplôme
en 1772. De retour à Chambéry en 1773, passant outre la bulle
du pape Clément XII : " In Eminenti apostolatum specula "
il se fait initier à la Franc Maçonnerie dans la Loge "
Saint Jean des Trois Mortiers " où il occupera la fonction de
Grand Orateur. Il quitte les " Trois Mortiers ", en 1778, Loge trop
festive à son goût, et passe dans une Loge " écossaise
", la " Sincérité " organisée autour d'une
doctrine spécifique, celle de la Réintégration. Elle
dépend de la Province d'Auvergne dont le siège est à
Lyon. Le 6 novembre 1778 il est armé chevalier sous le nom de "
Josephus, Eques a floribus ". Il se rend dans la capitale des Gaules
pour y rencontrer Jean-Baptiste Willermoz, fondateur du Rite Ecossais Rectifié,
personnage qui donnera à l'Orient lyonnais un rayonnement européen.
Chez Willermoz, de Maistre se lie avec Martinès de Pasqually et Louis
Claude de Saint Martin " le prophète de l'espérance "
; une profonde amitié va le lier au philosophe d'Amboise, des différences
n'entameront pas cette relation. Outre les doctrines mystiques enseignées
au Rectifié Maistre y voit certainement et surtout un contrepoids à
l'irréligion qui gangrènent l'Epoque.
En 1782 il adresse au duc Ferdinand Brunswick-Lunebourg Grands Maître
de l'Ordre Ecossais de la " Stricte Observance Templière "
un long mémoire dans lequel il définit les trois missions essentielles
du maçon, missions qui n'ont pas changé, bien que souvent mises
à mal !
· Bienveillance,
· Conseiller du prince et du gouvernement,
· Christianisme transcendant ".
Il conçoit la Maçonnerie comme devant être au service
" du trône et de l'autel " Il invite ses Frères à
travailler discrètement, sereinement à la réunion des
Eglises au sein des temples, ils devront s'efforcer dit-il d'aplanir progressivement
les différents qui opposent les Chrétiens entre eux. Il affirme
que l'Ordre maçonnique est prédisposé par sa nature cosmopolite
et chrétienne à prendre en charge la réunion des Eglises.
Il se marie en 1786 avec une demoiselle Morand de Saint Sulpice de 6 ans sa
cadette, qui lui donnera trois enfants.
Jean Marc Vivenza avance avoir trouvé la preuve que Joseph de Maistre
a été initié " Elu Coën "
Qu'il
ait été invité à assister à Lyon à
une ou plusieurs Tenues c'est tout à fait possible, voir probable,
puisque d'un naturel curieux, comme Saint Martin il était attentif
et en recherche de tout ce qui était initiations, mais qu'il soit passé
à la pratique est une autre affaire ! Je ne vois pas ce catholique
fervent, stricte, réciter des formules, même si on veut y voir
une " Magie Divine " : " Je te conjure Satan, Belzébuth,
Baran, Léviathan à vous tous les êtres formidables, êtres
d'iniquité, de confusion et d'abomination, à vous tous, alerte,
terreur et frémissement, prompts à ma voix et commandement,
à vous tous Grands et Puissants Démons des quatre régions
démoniaques
" Cette Invocation fut adressée par Louis
Claude de Saint Martin, dans une correspondance à un Maître maçon
qui postulait pour entrer chez les Elus Coëns. Je suis donc réticent
quant à cette appartenance. A suivre !
Lorsque les soubresauts qui secouent la France sont connus en Savoie, ceux
qui admettaient que certaines réformes étaient nécessaires,
de bon aloi, entendent des récits de massacres. Une invasion du petit
duché par les troupes de la Révolution paraît inévitable
! Le 21 septembre 1792 effectivement l'évènement se produit.
Les vaincus se rallient, collaborent, les autres fuient, c'est cas de Joseph
de Maistre, qui reste fidèle à son roi : Victor Amédée
III. Cette " Révolution satanique " l'accable, il y voit
" la fin d'une civilisation fondamentalement religieuse ". "
Ce moment, ne ressemble à rien !".
Commence alors pour lui et sa famille une longue errance à travers
une Europe sous le choc. Cette errance s'achèvera par une halte de
10 ans à Saint Petersbourg à la cour du Tzar Alexandre Ier,
où il va occuper les fonctions " d'ambassadeur sans moyens "
du petit royaume de Sardaigne. Cette promotion pour laquelle il montre quelques
réticences va éclater la famille. La trésorerie du petit
royaume ne peut pas pourvoir au train de vie de cinq personnes, elle peut
à peine accorder quelques maigres subsides à son ambassadeur
qui a pour mission d'obtenir des fonds du Trésor russe pour survivre!
Grâce au duc de Capriola envoyé extraordinaire des Bourbons de
Naples et d'un admirateur du " Philosophe d'Amboise " le baron de
Stedding ambassadeur de Suède, Joseph de Maistre devient rapidement
un familier de la Cour.
Il va jouer un rôle important, celui de conseiller occulte du Tzar,
on prétend même qu'il eût le rôle de " devin
catholique "
c'est un peu étonnant
, Elu Coën,
Cartomancien, Voyant missionné
il laisse entendre qu'il est porteur
d'un message à transmettre sans s'étendre plus !
Ce qui
est avéré c'est qu'il se fait l'apôtre de la pensée
Saint martinienne et maçonnique traditionnelle à la Cour. Son
acuité intellectuelle, sa culture font merveilles, séduisent
jusqu'à ses ennemis, il est convié dans toutes les grandes familles,
il devient entre autre l'ami de Tolstoï, " c'est un invité
né ". Nous, sans festin, sans cérémonie invitons-le
à se dévoiler, invitons-le à nous révéler
l'homme qu'il fut, tentons de mieux le cerner : fit-il partie des " Lumières
de son temps " ? En tous les cas il se défend d'être un
philosophe, pour preuve il n'hésite pas à écrire "
Le plus grand fléau de l'Univers a toujours été, dans
tous les siècles ce qu'on appelle Philosophie, attendu que la Philosophie
n'est que la raison humaine agissant toute seule, et que la raison humaine
réduite à ses forces individuelles n'est qu'un brute dont toute
la puissance se réduit à détruire ". Fut-il seulement
un " Penseur " ?... En tous cas, si oui, un penseur hautain et tragique
sans originalité ; un prophète du malheur plus sûrement
! " Chaque goutte de sang de Louis XVI en coûtera des torrents
à la France " Il est tentant de le voir par delà ses éclats
de style, plus simplement, comme un chroniqueur virulent et partial, un pamphlétaire
brillant, comme un grand prosateur, un politicien, en tous les cas comme un
des plus fermes partisans de la " Contre Révolution ", une
Contre Révolution qu'il teinte de mysticisme. Il s'érige en
théoricien des " Contre Lumières ", il dénonce
avec virulence l'illusion des droits de l'homme et de la démocratie.
Il
est à voir pour beaucoup comme un " réactionnaire intégral
", ou comme un malade mental obsédé par le sang ! Il donna
une apologie de la théocratie pontificale, au spirituel comme au temporel,
qui fit de lui c'est certain un des grands inspirateurs de l'ultramontanisme.
Sainte-Beuve, nous y voilà, nous livre sa vision du personnage, dans
ses " Causeries du lundi ", il perçoit en lui " un philosophe
politique de premier ordre " qui sous des apparences guerrières,
cache " une silhouette douce et attrayante, amicale, un père de
famille, qu'il se montre dans toute la vivacité du naturel, dans tout
le piquant de l'humeur et, si l'on dire, dans toute la gaîté
et la cordialité du génie ". Cette " gaîté
" se transforme en grimace quand il brosse l'Histoire de l'humanité
enchaînée au Péché originel, Histoire où
seule la volonté divine agit, les hommes n'étant que les outils
de Dieu, et tout particulièrement les souverains " Le Mal a tout
souillé, et, dans un sens très vrai, tout est mal puisque rien
n'est à sa place.[
] Tout les êtres gémissent et
tendent avec effort vers un autre ordre des choses ".[
] "
Qu'on remonte jusqu'au berceau des nations; qu'on descende jusqu'à
nos jours; qu'on examine les peuples dans toutes les positions possibles,
depuis l'état de barbarie jusqu'à celui de la civilisation la
plus raffinée, toujours on trouvera la guerre [
] La main destructrice
de l'homme n'épargne rien; il tue pour se nourrir, il tue pour se vêtir,
il tue pour attaquer, il tue pour se défendre, il tue pour s'instruire,
il tue pour s'amuser, il tue pour tuer ; il a besoin de tout, et rien ne lui
résiste ". Le monde est " un chaos plein de tueries ".
L'Homme, être déchu ne trouve pas grâce à ses yeux,
il le dit : " Je ne connais pas l'âme d'un criminel, mais je connais
l'âme d'un honnête homme, et c'est bien noir ". " L'homme
entier n'est qu'une maladie ". Ce passage encore,
c'est bon pour
le moral ! " La terre entière continuellement imbibée de
sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être
immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la
fin des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort
de la mort ". " Jamais le christianisme, si vous y regardez de près,
ne vous paraîtra plus sublime, plus digne de Dieu, et plus fait pour
l'homme qu'à la guerre ". Son concept de l'Histoire est éminemment
hématologique, il ne la voit qu'en rouge, en violences, en guerres,
en sacrifices, et vices, il la ramène à un écoulement
continu de sang, il ne pose à aucun moment son regard sur les Arts
qui fécondent et ennoblissent la pensée, enluminent, et illuminent
les civilisations. Qui ne serait pas tenté de voir en lui un "
atroce catholique ".
Continuons sur le registre sanguinolent, c'est un apologiste de la peine de
mort. " Il y a dans tous les pays des hommes dont ne saurait acheter
les services trop cher : les bourreaux "
" Malheur à
la nation qui abolirait les supplices [...] Rouer, écarteler, mutiler
c'est accomplir la volonté de dieu, pourquoi s'en cacher? Quand Dieu
se retire des affaires humaines les hommes n'ont plus la même ferveur
à se punir les uns les autres ". Et son avis sur l'Inquisition
Espagnole, un chef d'uvre, un sommet!! " Il ne peut y avoir dans
l'Univers rien de plus calme, de plus circonspect, de plus humain par nature
que le tribunal de l'Inquisition. C'est un tribunal appartenant à une
Nation pleine de sagesse et d'élévation
[
] C'est
une institution qui a eu pour mission de prévenir les germes de la
division et de la confusion qui menaçaient la chrétienté.[
]
Le judaïsme avait jeté de si profondes racines en Europe, qu'il
menaçait de suffoquer entièrement la plante nationale [
].le
mahométisme augmentait considérablement le danger
"
Voltaire ironise : " Ce tribunal, c'est une invention admirable et tout
à fait chrétienne ! ". Faut-il voir une amorce d'excuse
quand il concède : " Rien d'humain ne serait être parfait,
il n'y a pas d'institution qui n'entraîne quelques abus ". Il se
reprend, " Possible qu'un homme envoyé au supplice pour un crime
qu'il n'a pas commis, l'ait réellement mérité pour un
autre crime absolument inconnu ". !!!
Quand on a été initié dans une Maçonnerie chrétienne,
qu'on fait appel au Christ, ces prises de position laissent quelque peu pantois,
et même, en tout état de cause elles sont insupportables. Mais
la coupe n'est pas encore pleine, alors il proclame : " Tous les grands
hommes ont été intolérants, et il faut l'être.
Si l'on rencontre sur son chemin un prince débonnaire, il faut lui
prêcher la tolérance afin qu'il tombe dans le piège, et
que le parti écrasé ait le temps de se relever par la tolérance
qu'on lui accorde, et d'écraser son adversaire à son tour ".
Il s'en prend à Voltaire qui écrit-il : " rabâche
sur la tolérance, son sermon est fait aux sots, ou aux dupes ".
Il est lointain le temps où ce même Voltaire l'inspirait pour
raisonner et écrire, c'était avant que n'éclate "
la Tragédie " de 1789 ! Dans la foulée il ajoute : "
Quant- à celui qui parle ou écrit pour ôter un dogme naturel
au peuple, il doit être pendu comme un voleur domestique car il n'est
pas un dogme qui n'est sa racine dans la nature intime et dans une Tradition
aussi ancienne que le genre humain ".
Pour lui la monarchie est seule apte à ré harmoniser les disfonctionnements
de la société. Il les perçoit ces disfonctionnements
au travers l'Illuminisme.
Pressentiment ? Il avoue se dire impressionné par ce qui lui apparaît
sourdre comme une attente universelle, l'attente de " quelque chose d'extraordinaire
". Il pense que le christianisme va être rajeuni par " une
nouvelle effusion de l'Esprit saint " Il met en garde : " Il faut
nous tenir prêt pour un évènement immense dans l'ordre
divin vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée
qui doit frapper tous les observateurs. Des oracles redoutables annoncent
déjà que les temps sont arrivés ". Oui ! Satan allait
donner le signal d'un bal, il allait donner sa cadence à la "
Carmagnole " et au " Ah ! ça ira, ça ira ". Bal
sinistrement populaire qui se perpétue lamentablement jusqu'à
nous en bal des pompiers! Dès les premiers troubles révolutionnaires,
de Maistre va exprimer sa répulsion à ces désordres,
il craint qu'un torrent de sang ne s'en vienne à submerger l'Europe.
Il à cette conviction : " Dieu créateur, ordonnateur qui
existe nécessairement, ne peut voir le mal, c'est donc que la Révolution
est un châtiment mérité, c'est un arrêt de la Providence
contre la décadence de l'Eglise le pourrissement de l'aristocratie,
la décadence morale de la France, c'est un châtiment qui prend
son ampleur dans une vaste lutte entre le Christianisme garant de l'autorité
royale et la Philosophie des Lumières, mais c'est aussi la promesse
d'une résurgence d'un catholicisme purifié ".
Son ami Saint Martin tient à peu prés le même discours,
mais sans craindre de faire appel à ce qu'il y a de meilleurs en l'homme
: l'admiration, l'amour, la solidité des rapports humains. Il voit
dans la Révolution la main de la Providence, qui si elle châtie,
féconde aussi l'Histoire en la mettant sur la voie du Progrès.
Comme le Philosophe d'Amboise, dans une envolée, Maistre se dit à
la recherche de l'Unité perdue, une réminiscence du " Traité
de la Réintégration ?" Il va nous surprendre encore quand
il dit : " La Révolution française et tout ce qui se passe
en Europe en ce moment est tout aussi merveilleux, dans son genre que la fructification
instantanée d'un arbre au mois de janvier : cependant les hommes, au
lieu d'admirer, regardent ailleurs et déraisonnent ". A un autre
moment, une nouvelle humeur lui fait déclarer : " La Révolution
est une impureté d'où ne peut naître la liberté
et la vertu. [
.] " Ce qui distingue la révolution française,
et ce qui en fait un évènement unique dans l'histoire, c'est
qu'elle est mauvaise radicalement ; aucun élément de bien n'y
soulage l'il de l'observateur ; c'est le plus haut degré de la
corruption connu ; c'est la pure impureté ". Dans sa logique,
du moins peut-on le supposer, Joseph de Maistre envisage que la Révolution,
puisqu'elle est là, que rien ne pourra l'arrêter, a pour tâche
d'assurer l'extinction des corps corrompus et de faire germer sur un sol redevenu
sain la monarchie contre-révolutionnaire; la Révolution à
la fois maladie et remède !
Nous voici en 1820, le Tzar expulse les Jésuites, établis depuis
1800 à Saint-Pétersbourg, ils sont accusés d'un prosélytisme
trop voyant, trop agressif, conversion au catholicisme du neveu de l'empereur
! Sous la pression et malgré son amitié il prie Joseph de Maistre
de demander son rappel celui-ci ayant embrassé ouvertement la cause
de l'Ordre proscrit. L'Europe vacille à nouveau, c'est le retour à
Turin, après un bref séjour touristique en France, le nouveau
roi de Sardaigne Victor Emmanuel Ier nomme Maistre Ministre d'Etat Régent
de la Grande Chancellerie. Il est épuisé par le travail, sa
santé décline, dans une lettre au vicomte de Bonald il écrira
: " Je meurs avec l'Europe ". Il meurt le 26 février 1820,
il est inhumé dans la crypte de Pères Jésuites sous "
l'église des Saints Martyrs de Turin ".
Jean M.