PENSÉE 3
LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN


Je viens me présenter aux portes du temple de mon Dieu, et je ne quitterai point cette humble place de l'indigent, que le père de ma vie ne m'ait distribué mon pain de chaque jour. Le voici qui s'avance, ce pain de chaque jour ; je l'ai reçu, je l'ai goûté, et je veux annoncer sa douceur aux races futures.

L'éternel Dieu des êtres ; le titre sacré qu'il a pris pour se faire connaître aux nations visibles et invisibles ; celui qui s'est fait chair ; l'esprit de celui au nom de qui tout doit fléchir le genou au ciel, sur la terre et dans les enfers : voilà les quatre éléments immortels qui composent ce pain de chaque jour. Il se multiplie sans cesse comme l'immensité des êtres qui s'en nourrissent, et à quelque terme que parvienne leur nombre, ils ne pourront jamais en diminuer l'abondance, ni se trouver dans la disette ; ce pain de chaque jour a développé en moi les germes éternels de ma vie et les a mis à même de faire passer dans mon sang la sève sacrée de mes racines originelles et divines.

Les quatre éléments qui le composent ont fait disparaître du chaos de mon cœur les ténèbres et la confusion ; ils y ont rétabli une vivante et sainte lumière, au lieu de la froide obscurité qui l'enveloppait ; leur force créatrice m'a transformé dans un nouvel être, et je suis devenu le dépositaire et l'administrateur de leurs saints caractères et de leurs signes vivifiants. Alors, pour manifester la gloire de celui qui a choisi l'homme comme son ange et son ministre, je me suis présenté à toutes les régions ; j'ai considéré et comme passé en revue tous les ouvrages de ses mains, et j'ai distribué sur chacun d'eux ces caractères qu'il avait imprimés sur moi pour les transmettre à toutes ses créatures, et pour leur confirmer les propriétés et la puissance du nom qu'elles avaient reçues.

Je n'ai point borné mon ministère à agir ainsi sur les ouvrages réguliers de l'éternelle sagesse ; je me suis approché de tout ce qui était difforme, et j'ai laissé tomber sur ces fruits du désordre les signes de justice et de vengeance attachés aux secrets pouvoirs de mon élection. Ceux de ces fruits que j'ai pu arracher à la corruption, je les ai offerts en holocauste au Dieu suprême, et j'ai composé mes parfums des pures louanges de mon esprit et de mon cœur, afin que tout ce qui respire reconnaisse qu'à ce seul Dieu suprême sont dus tous les hommages, toute la gloire et tous les honneurs, comme étant l'unique source de toute puissance et de toute justice ; et je lui ai dit dans les transports de mon amour : Heureux l'homme, puisque tu as bien voulu le choisir pour en faire le siège de ton autorité, et le ministre de ta gloire dans l'univers !

Heureux l'homme, puisque tu as permis qu'il sentît jusque dans les profondeurs de ton essence, la pénétrante activité de ta vie divine ! Heureux l'homme, puisque tu as permis qu'il osât t'offrir un sacrifice de reconnaissance puisé dans le sentiment ineffable de toutes les vertus de ta sainte universalité.

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