MYSTERIUM
MAGNUM
Jacob Boehme
Extrait du chap. II, trad. Nicolas Berdiaeff
6. Si je ramasse une pierre ou une motte de terre et que je les regarde, j'y aperçois le supérieur et l'inférieur, j'y aperçois même le inonde entier, à cela près que dans chaque chose isolée prédomine une propriété d'après laquelle elle est d'ailleurs nommée. Mais toutes les autres propriétés s'y trouvent également mélangées, avec cette réserve qu'elles le sont clans différentes proportions et principes. Néanmoins, toutes les proportions et molécules ne forment qu'une molécule unique : et c'est une racine unique de laquelle tout provient et elle ne se distingue que par la manière plus ou moins compacte dont elle est coagulée : son origine est pour ainsi dire une vapeur ou un bouillonnement du grand Mystère du Verbe exprimé qui est en tous lieux réexprimé et qui représente chaque fois qu'il résonne à nouveau une figure de Lui-même, un être d'après l'esprit.
7. Mais nous ne pouvons dire par contre que le monde extérieur est
Dieu ou le Verbe parlant, lequel existe en soi sans avoir besoin d'un tel
être, pas plus que ne l'est l'homme extérieur ; mais tout cela
n'est que le Verbe exprimé qui, en se ressaisissant lui-même
(pour parler lui-même), s'est ainsi coagulé et reste coagulé
avec les quatre éléments, grâce à l'esprit du
désir (ou des étoiles) et pénètre dans une telle
existence et vie, de même que le Verbe éternellement parlant
accomplit en lui un Mystère (qui est spirituel), lequel Mystère
représente la cellule-mère de la nature éternelle,
étant donné que le Verbe éternellement parlant s'engendre
et crée en lui-même un monde spirituel, de la même manière
que nous sommes, dans le Verbe exprimé, un monde matériel.
8. Car je dis que le monde intérieur est le ciel dans lequel habite
Dieu et que le monde extérieur est exprimé à partir
du monde intérieur et qu'il e une autre origine que le monde intérieur
et que pourtant il provient de ce dernier. Il a été exprimé
à partir du monde intérieur (par un mouvement du Verbe éternellement
parlant) et a été posé entre un commencement et une
fin.
9. Et le monde intérieur se trouve dans le Verbe éternellement
parlant : le Verbe éternel l'a de toute éternité fait
passer en Être - et ceci est un grand Mystère - à partir
de sa force, de sa couleur et de sa vertu (grâce à la sagesse)
; lequel être n'est d'ailleurs autre qu'une exhalation du Verbe dans
la sagesse, Verbe qui possède en lui-même (pour sa génération)
son ressaisissement et avec ce saisissement se coagule également
et prend des formes, semblablement à la génération
du Verbe éternel; de même que les forces, couleurs et vertus
s'engendrent dans le Verbe (par la sagesse) ou, si je puis m'exprimer ainsi,
naissent de la sagesse dans le Verbe.
10. C'est pourquoi aux yeux de Dieu rien n'est près et rien n'est
loin, un monde est dans l'autre et tous ne représentent pourtant
que le monde unique ; mais l'un est spirituel, l'autre est corporel, de
même que l'organisme et l'âme sont l'un dans l'autre, de même
qu'également le temps et l'éternité ne sont qu'une
seule et même chose, niais avec des commencements différents.
Le inonde spirituel à l'intérieur a un commencement éternel
et l'extérieur un temporel : Chacun a sa naissance en soi ; mais
le Verbe éternellement parlant règne par tout el ne veut se
laisser étreindre ni saisir par le monde spirituel pas plus que par
le monde extérieur au point de s'arrêter. Il agit d'éternité
en éternité et c'est son produit qui est saisi. Car ce dernier
est le Verbe qui a pris forme et le principe agissant est sa vie - donc
insaisissable - car il est hors de tout être, il est uniquement une
intelligence ou une force qui pénètre dans des êtres.
11. Dans le monde intérieur spirituel le Verbe se saisit pour former
un être spirituel qui se présente comme un élément
unique dans lequel quatre éléments sont latents. Mais lorsque
Dieu, en tant que Verbe, a agité cet élément unique,
ces propriétés latentes se sont révélées
et sont apparues comme les quatre éléments.
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