La
Nuée sur le sanctuaire
Karl von Eckartshausen
Deuxième
lettre
Il est nécessaire, mes frères bien-aimés dans le Seigneur,
de vous donner une idée pure de l'église intérieure,
de cette communauté lumineuse de Dieu qui est dispersée dans
tout le monde, mais qui est gouvernée par une vérité
et liée par un esprit. Cette communauté de la lumière
existe depuis le premier jour de la création du monde, et sa durée
sera jusqu'au dernier jour des temps. Elle est la société
des élus qui connaissent la lumière dans les ténèbres,
et la séparent dans ce qu'elle a de propre.
Cette communauté de la lumière possède une école
dans laquelle l'esprit de sagesse instruit lui-même ceux qui ont soif
de la lumière ; et tous les mystères de Dieu et de la nature
sont conservés dans cette école pour les enfants de la lumière.
La connaissance parfaite de Dieu, la connaissance parfaite de la nature
et la connaissance parfaite de l'humanité sont les objets de l'instruction
de cette école. C'est d'elle que toutes les vérités
viennent dans le monde ; elle était l'école des prophètes
et de tous ceux qui cherchent la sagesse ; et il n'y a que dans cette seule
communauté qu'on trouve la vérité et l'explication
de tous les mystères. Elle est la communauté la plus intérieure
et possède des membres de plusieurs mondes ; voici les idées
qu'on doit avoir d'elle. De tout temps, l'extérieur avait pour base
un intérieur duquel l'extérieur n'était que l'expression
et le plan.
C'est ainsi que, de tout temps, il y a eu une assemblée intérieure,
la société des élus, la société de ceux
qui avaient le plus de capacité pour la lumière et qui la
cherchent ; et cette société intérieure était
appelée le sanctuaire intérieur ou l'église intérieure.
Tout ce que l'église extérieure possède en symboles,
cérémonies et rites, est la lettre de laquelle l'esprit et
la vérité sont dans l'église intérieure. Ainsi
l'église intérieure est une société de laquelle
les membres sont dispersés dans tout le monde, mais qu'un esprit
d'amour et de vérité lie dans l'intérieur, et qui de
tout temps fut occupée à bâtir le grand temple à
la régénération de l'humanité, par laquelle
le règne de Dieu sera manifesté. Cette société
est dans la communion de ceux qui ont le plus de capacité pour la
lumière, ou des élus.
Ces élus sont liés par l'esprit et la vérité,
et leur chef est la lumière du monde même : Jésus-Christ,
l'oint de la lumière, le médiateur unique de l'espèce
humaine, la voie, la vérité et la vie ; la lumière
primitive, la sagesse, l'unique médium par lequel les hommes peuvent
revenir à Dieu. L'église intérieure naquit tout de
suite après la chute de l'homme, et reçut de Dieu immédiatement
la révélation des moyens par lesquels l'espèce humaine
tombée sera relevée à sa dignité, et délivrée
de sa misère. Elle reçut le dépôt primitif de
toutes les révélations et mystères ; elle reçut
la clef de la vraie science, aussi bien du divin que du naturel.
Mais lorsque les hommes se multiplièrent, la fragilité de
l'homme et sa faiblesse rendirent nécessaire une société
extérieure qui tînt cachée la société
intérieure, et qui couvrît l'esprit et la vérité
par la lettre. Car, comme le multiciple, la foule, le peuple n'étaient
pas capables de comprendre les grands mystères intérieurs,
et que le danger aurait été trop grand de confier aux incapables
le plus saint, on enveloppa les vérités intérieures
dans des cérémonies extérieures et sensibles, pour
que l'homme, par le sensible et l'extérieur qui est le symbole de
l'intérieur, soit peu à peu rendu capable d'approcher davantage
des vérités intérieures de l'esprit.
Mais l'intérieur a toujours été confié à
celui qui, de son temps, avait le plus de capacité pour la lumière
; et celui-là seul était le possesseur du dépôt
primitif comme grand prêtre dans le sanctuaire. Lorsqu'il devint nécessaire
que les vérités intérieures fussent enveloppées
dans des cérémonies extérieures et symboliques, à
cause de la faiblesse des hommes qui n'étaient pas capables de supporter
la vue de la lumière, le culte extérieur naquit ; mais il
était toujours le type et le symbole de l'intérieur, c'est-à-dire
le symbole du vrai hommage rendu à Dieu en esprit et en vérité.
La différence entre l'homme spirituel et l'homme animal, ou entre
l'homme raisonnable et l'homme des sens, rendit nécessaire l'extérieur
et l'intérieur. Les vérités intérieures et spirituelles
passèrent dans l'extérieur, enveloppées dans des symboles
et des cérémonies, pour que l'homme animal ou des sens puisse
être rendu attentif et conduit peu à peu aux vérités
intérieures. De là, le culte extérieur était
un type symbolique des vérités intérieures, des vrais
rapports de l'homme avec Dieu avant et après la chute, dans l'état
de sa dignité, de sa réconciliation et de sa réconciliation
la plus parfaite. Tous les symboles du culte extérieur sont bâtis
sur ces trois rapports fondamentaux. Le soin du culte extérieur était
l'occupation des prêtres, et chaque père de famille était
dans les premiers temps chargé de cette occupation. Les prémices
des fruits et les premiers-nés des animaux étaient offerts
à Dieu ; les premiers, comme symbole que tout ce qui nous nourrit
et nous conserve vient de lui ; et les seconds, comme symbole que l'homme
animal doit être tué pour faire place à l'homme spirituel
et raisonnable.
L'adoration extérieure de Dieu n'aurait jamais dû se séparer
de l'adoration intérieure ; mais comme la faiblesse de l'homme le
porte si facilement à oublier l'esprit par la lettre, l'Esprit de
Dieu éveilla toujours, chez toutes les nations, ceux qui avaient
le plus de capacité pour la lumière, et se servit d'eux comme
de ses agents pour allumer partout la vérité et la lumière,
selon la capacité des hommes, afin de vivifier la lettre morte par
l'esprit et la vérité. Par ces instruments divins, les vérités
intérieures du sanctuaire étaient portées parmi les
nations les plus éloignées, et modifiées symboliquement,
d'après leurs usages, leur capacité de culture, leur climat,
et leur susceptibilité de recevoir. De manière que les types
extérieurs de toutes les religions, leurs cultes, leurs cérémonies
et leurs saints livres en général, ont plus ou moins clairement
pour objet les vérités intérieures du sanctuaire par
lesquelles l'humanité sera conduite, seulement dans les derniers
temps, à l'universalité de la connaissance d'une vérité
unique.
Plus le culte extérieur d'un peuple est resté uni avec l'esprit
des vérités intérieures, plus sa religion a été
pure ; mais plus la lettre symbolique se sépara de l'esprit intérieur,
plus la religion devint imparfaite, jusqu'à dégénérer
chez quelques-uns en polythéisme, lorsque la lettre extérieure
perdit entièrement son esprit intérieur et qu'il ne resta
plus que le cérémonial extérieur sans âme et
sans vie. Lorsque les germes des vérités les plus importantes
eurent été portés chez tous les peuples par les agents
de Dieu, Dieu choisit un peuple déterminé pour élever
un symbole vivant destiné à manifester le moyen par lequel
il voulait gouverner toute l'espèce humaine dans son état
actuel, et la porter à sa plus haute purification et perfection.
Dieu lui-même donna à ce peuple sa législation extérieure
religieuse ; et, pour signe de sa vérité, il lui donna tous
les symboles et toutes les cérémonies, lesquelles contenaient,
comme une empreinte, les vérités intérieures et grandes
du sanctuaire. Dieu consacra cette église extérieure dans
Abraham, lui donna des commandements par Moïse, et lui assura sa plus
haute perfection par le double envoi de Jésus-Christ existant personnellement
dans la pauvreté et dans la souffrance, et par la communication de
son esprit dans la gloire du ressuscité.
Maintenant, comme Dieu posa lui-même le fondement de l'église
extérieure, la totalité des symboles du culte extérieur
forma la science du temple ou des prêtres de ces temps, et tous les
mystères des vérités les plus saintes et intérieures
devinrent extérieures par la révélation.
La connaissance scientifique de cette symbolique sainte était la
science pour relier l'homme tombé avec Dieu, et de là, la
religion reçut son nom comme étant la doctrine pour rattacher
l'homme séparé et éloigné de Dieu, à
Dieu qui est son origine. On voit facilement par cette idée pure
du mot religion en général, que l'unité de la religion
est dans le Sanctuaire le plus intérieur, et que la multiplicité
des religions extérieures ne peut jamais changer ni affaiblir cette
unité qui est la base de tout extérieur.
La sagesse du temple de l'ancienne alliance était gouvernée
par les prêtres et par les prophètes. L'extérieur, la
lettre du symbole, de l'hiéroglyphe, étaient confiés
aux prêtres. Les prophètes avaient soin de l'intérieur
de l'esprit et de la vérité, et leur occupation était
de rappeler toujours le prêtre de la lettre à l'esprit, lorsqu'il
leur arrivait d'oublier l'esprit et de ne se tenir que dans la lettre. La
science des prêtres était la science de la connaissance des
symboles extérieurs.
La science des prophètes était la science et la possession
pratique de l'esprit et de la vérité de ces symboles. Dans
l'extérieur était la lettre ; dans l'intérieur l'esprit
vivifiant. Ainsi, il y avait dans l'ancienne alliance une école des
prêtres et une école des prophètes. Celle-là
s'occupait des emblèmes, et ceux-ci des vérités qui
étaient comprises sous les emblèmes. Les prêtres étaient
dans la possession extérieure de l'Arche, des pains de proposition,
du chandelier, de la manne, de la verge d'Aaron, et les prophètes
étaient en possession des vérités intérieures
et spirituelles qui étaient représentées extérieurement
par les symboles dont il vient d'être parlé. L'église
extérieure de l'ancienne alliance était visible ; l'église
intérieure était toujours invisible, devait être invisible,
et cependant gouvernait tout, parce que la force et la puissance étaient
confiées à elle seule.
Quand le service divin extérieur abandonnait le service intérieur,
il tombait, et Dieu constatait par une suite des circonstances les plus
remarquables que la lettre ne peut pas subsister sans l'esprit ; qu'elle
n'est là que pour conduire à l'esprit et qu'elle est inutile
et rejetée même de Dieu, si elle abandonne sa destination.
Comme l'esprit de la nature se répand dans les fonds les plus stériles
pour vivifier, pour conserver, et pour donner la croissance à tout
ce qui en est susceptible, c'est ainsi que l'esprit de la lumière
se répand dans l'intérieur parmi toutes les nations, pour
animer partout la lettre brute par l'esprit intérieur.
C'est ainsi que nous trouvons un Job parmi les idolâtres, un Melchisédech
chez les nations étrangères, un Joseph chez les prêtres
égyptiens, et Moïse dans le pays de Madian, comme preuve parlante
que la communauté intérieure de ceux qui sont capables de
recevoir la lumière était unie par un esprit et une vérité
dans tous les temps et chez toutes les nations. A tous ces agents de lumière
de la communauté intérieure et unique, s'unit le plus important
de tous les agents, Jésus-Christ lui-même, dans le milieu du
temps comme un roi prêtre, selon l'ordre de Melchisédech.
Les agents divins de l'ancienne alliance ne représentèrent
que des perfections particulières de Dieu ; dans l'enveloppe ou le
milieu du temps, une action puissante devait se produire, qui montra tout
d'un coup tout dans un. Un type universel apparut, qui donna au trait actuel
du tableau la pleine unité, qui ouvrit une nouvelle porte, et qui
détruisit le nombre de l'esclavage humain. La loi d'amour commença
lorsque l'image émanée de la sagesse même montra à
l'homme toute la grandeur de son être, le vivifia de nouveau par toutes
les forces, lui assura son immortalité et éleva son être
intellectuel pour être le vrai temple de l'Esprit.
Cet agent le plus grand de tous, ce sauveur du monde et ce régénérateur
universel fixa toute son attention sur cette vérité primitive,
par laquelle l'homme peut conserver son existence et recouvrer la dignité
qu'il possédait. Dans l'état de son abaissement, il posa la
base de la rédemption des hommes et promit de l'accomplir parfaitement
un jour par son esprit. Il a aussi montré véritablement en
petit, parmi ses apôtres, tout ce qui devait se passer un jour avec
ses élus.
Il continua la chaîne de la communauté intérieure de
la lumière parmi ses élus, auxquels il envoyait l'esprit de
vérité, et leur confia le dépôt primitif et le
plus élevé de toutes les vérités divines et
naturelles, en signe qu'ils n'abandonneraient jamais sa communauté
intérieure. Lorsque la lettre et le culte symbolique de l'église
extérieure de l'ancienne alliance eurent passé en vérité
par l'incarnation du Sauveur et qu'ils se furent vérifiés
dans sa personne, de nouveaux symboles devinrent nécessaires pour
l'extérieur, qui nous montrèrent dans la lettre l'accomplissement
futur ou entier de la rédemption.
Les symboles et les rites de l'église extérieure chrétienne
furent disposés d'après ces vérités invariables
et fondamentales, et annoncèrent des choses d'une force et d'une
importance qui ne peuvent se décrire, et qui n'étaient révélées
qu'à ceux qui connaissaient le sanctuaire le plus intérieur.
Ce sanctuaire intérieur resta toujours invariable, quoique l'extérieur
de la religion, la lettre, reçût par le temps et les circonstances
différentes modifications, et s'éloignât des vérités
intérieures, qui seules peuvent conserver l'extérieur ou la
lettre.
La pensée profane de vouloir civiliser tout ce qui est chrétien,
et de vouloir christianiser tout ce qui est politique, changea l'édifice
extérieur, et couvrit avec les ténèbres et la mort
ce qui était dans l'intérieur, la lumière et la vie.
De là naquirent des divisions et des hérésies : et
l'esprit sophistique voulait expliquer la lettre lorsqu'il avait déjà
perdu l'esprit de vérité. L'incrédulité porta
la corruption au degré le plus élevé, on chercha même
à attaquer l'édifice du christianisme dans ses premières
bases, et on mêla l'intérieur saint avec l'extérieur,
qui était assujetti aux faiblesses et à l'ignorance des hommes
fragiles. Ainsi naquit le déisme ; celui-ci engendra le matérialisme
qui regarda comme une imagination toute union de l'homme avec des forces
supérieures ; et enfin naquit, en partie par l'entendement, en partie
par le cur, l'athéisme, le dernier degré d'abaissement
de l'homme. Au milieu de tout cela, la vérité resta toujours
inébranlable dans l'intérieur.
Fidèles à l'esprit de vérité qui permit de ne
jamais abandonner sa communauté, les membres de l'église intérieure
vécurent en silence et en activité réelle, et unirent
la science du temple de l'ancienne alliance avec l'esprit du grand Sauveur
des hommes, l'esprit de l'alliance intérieure ; attendant humblement
le grand moment dans lequel le Seigneur les appellera et assemblera sa communauté
pour donner à toute lettre morte la force extérieure et la
vie. Cette communauté intérieure de la lumière est
la réunion de tous ceux qui sont capables de recevoir la lumière
des élus, et est connue sous le nom de " communion des saints
". Le dépôt primitif de toutes les forces et de toutes
les vérités a été confié de tout temps
à cette communauté de la lumière ; elle seule, comme
dit saint Paul, était dans la possession de la science des saints.
Par elle, les agents de Dieu furent formés dans chaque époque,
lesquels passèrent de l'intérieur dans l'extérieur,
et communiquèrent l'esprit et la vie à la lettre morte, comme
nous l'avons déjà dit.
Cette communauté de la lumière a été de tout
temps la vraie école de l'Esprit de Dieu ; et, considérée
comme école, elle a sa chaire, son docteur ; elle possède
un exemplaire dans lequel ses disciples étudient ; elle possède
des formes et des objets qu'ils étudient, et enfin une méthode
d'après laquelle ils étudient. Elle a aussi ses degrés
d'après lesquels l'esprit peut se développer successivement
et s'élever toujours de plus en plus.
Le premier degré, et le plus bas, consiste dans le bien moral par
lequel la volonté simple, subordonnée à Dieu, est conduite
au bien par le motif pur de la volonté qui est Jésus-Christ,
qu'elle a reçu par la foi. Les moyens dont l'esprit de cette école
se sert sont appelés inspirations. Le second degré consiste
dans le raisonnable intellectuel, par lequel l'entendement de l'homme de
bien, qui est uni avec Dieu, est couronné avec la sagesse et la lumière
de la connaissance ; et les moyens dont l'esprit se sert pour celui-ci sont
appelés des illuminations intérieures. Le troisième
degré enfin, et le plus élevé, est l'ouverture entière
de notre sensorium intérieur, par lequel l'homme intérieur
arrive à la vision objective des vérités métaphysiques
et réelles. Celui-ci est le degré le plus élevé
dans lequel la foi passe en vision, et les moyens dont l'esprit se sert
pour cela sont les visions réelles.
Voilà les trois degrés de la vraie école de sagesse
intérieure, de la communauté intérieure de la lumière.
Le même esprit, qui mûrit les hommes pour cette communauté,
distribue aussi ses degrés par la coaction du sujet mûri. Cette
école de la sagesse a été de tout temps l'école
la plus secrète et la plus cachée du monde, car elle était
invisible et soumise au seul gouvernement divin. Elle n'a jamais été
exposée aux accidents du temps et aux faiblesses des hommes. Car
il n'y eut de tout temps que les plus capables qui furent choisis pour cela,
et l'esprit qui les choisissait ne pouvait pas se tromper sur le sujet.
Par cette école, se développèrent les germes de toutes
les sciences sublimes qui furent d'abord reçus par les écoles
extérieures, et revêtus d'autres formes, et quelquefois rendus
difformes. Cette société intérieure de sages communiqua,
suivant le temps et les circonstances, aux sociétés extérieures,
leur hiéroglyphie symbolique pour rendre attentif l'homme extérieur
sur les grandes vérités de l'intérieur. Mais toutes
les sociétés extérieures ne subsistent qu'autant que
cette société intérieure leur communique son esprit.
Aussitôt que les sociétés extérieures voulaient
être indépendantes de la société intérieure,
et transformer le temple de la sagesse en un édifice politique, la
société intérieure se retirait, et il ne restait que
la lettre sans esprit. C'est ainsi que toutes les écoles extérieures
secrètes de la sagesse n'étaient que des rideaux hiéroglyphiques,
la vérité même resta toujours dans le sanctuaire pour
qu'elle ne puisse jamais être profanée.
Dans cette société intérieure, l'homme trouve la sagesse,
et avec elle tout ; non pas la sagesse du monde, qui n'est qu'une connaissance
scientifique, qui tourne autour de l'enveloppe extérieure et ne touche
jamais au centre, dans lequel sont contenues toutes les forces ; mais la
vraie sagesse et des hommes qui lui obéissent. Toutes les disputes,
toutes les controverses, tous les objets de la prudence fausse du monde,
tous les idiomes étrangers, les vaines dissertations, les germes
inutiles des opinions qui répandent la semence de la désunion,
toutes les erreurs, les schismes et les systèmes en sont bannis.
On ne trouve ici ni calomnies, ni médisances ; tout homme est honoré.
La satire, l'esprit qui aime à se jouer au désavantage du
prochain, y sont inconnus ; et on n'y connaît que l'amour.
La calomnie, ce monstre ! n'élève jamais, parmi les amis de
la sagesse, sa tête de serpent ; les égards mutuels sont ici
seuls connus ; ici on n'observe pas les fautes du prochain ; ici on ne fait
pas de reproches amers sur les défauts. Indulgents et pleins d'amour,
on conduit le voyageur sur le chemin de la vérité, on cherche
à persuader, à toucher, et à abandonner la punition
à la vue claire et à la lumière. On soulage le besoin,
on protège la faiblesse, on se réjouit de l'élévation
et de la dignité que l'homme acquiert.
Le bonheur, qui est le don du hasard, n'élève personne au-dessus
l'un de l'autre ; celui-là seul s'estime le plus heureux, auquel
l'occasion se présente de faire du bien à son prochain ; et
tous ces hommes, qu'un esprit d'amour et de vérité unit, forment
l'église invisible, la société du règne invisible
de l'intérieur sous un chef unique qui est Dieu. On ne doit se représenter
par cette communauté, aucune société secrète
se rassemblant dans de certains temps, se choisissant ses chefs et ses membres
et se fixant de certains buts. Toutes les sociétés, telles
qu'elles soient, ne viennent qu'après cette communauté intérieure
de la sagesse ; elle ne connaît point de formalités qui sont
l'ouvrage de l'enveloppe extérieure, l'ouvrage des hommes. Dans le
règne des forces, toutes les formes extérieures disparaissent.
Dieu lui-même est le chef toujours présent. Le meilleur homme
de son temps, le premier chef, ne connaît pas lui-même tous
ses membres ; mais, dans l'instant où le but de Dieu rend nécessaire
qu'il apprenne à les connaître, il les trouve certainement
dans le monde pour agir vers un but déterminé. Cette communauté
n'a point de rideaux extérieurs. Celui qui est choisi pour agir devant
Dieu est le premier ; il se montre aux autres sans présomption, et
il est reçu par les autres sans envie. S'il est nécessaire
que de vrais membres s'unissent, ils se trouvent et se connaissent certainement.
Aucun déguisement ne peut avoir lieu ; aucune larve d'hypocrisie,
aucune dissimulation ne couvrent les traits caractéristiques de cette
communauté ; car ils sont trop originaux. Le masque, l'illusion,
sont ôtés ; tout apparaît dans sa vraie forme.
Aucun membre n'en peut choisir un autre ; l'esprit de tous s'en réserve
le choix. Tous les hommes sont appelés ; les appelés peuvent
être choisis s'ils sont devenus mûrs pour l'entrée. Chacun
peut chercher l'entrée, et tout homme qui est dans l'intérieur
peut apprendre à l'autre à chercher l'entrée. Tant
qu'on n'est pas mûr, on n'arrive pas dans l'intérieur. Des
hommes non mûrs occasionneraient des désordres dans la communauté,
et le désordre n'est pas compatible avec l'intérieur. Celui-ci
repousse tout ce qui n'est pas homogène.
La prudence du monde épie en vain cet intérieur, en vain la
malice cherche à pénétrer les grands mystères
qui y sont cachés ; tout est hiéroglyphe pour celui qui n'est
pas mûr : il ne peut rien voir, rien lire dans l'intérieur.
Celui qui est mûr s'ajoute à la chaîne, peut-être
souvent là où il le croyait le moins, et souvent où
il n'en sait rien lui-même. Chercher à devenir mûr doit
être l'effort de celui qui aime la sagesse. Mais il y a aussi des
moyens pour se mûrir. Dans cette communauté sainte est le dépôt
primitif des sciences primitives les plus anciennes de l'espèce humaine,
avec les mystères primitifs de toutes les sciences. Elle est l'unique
et vraie Communauté de la Lumière qui est en possession de
la clef de tous les mystères et connaît l'intérieur
de la nature et de la création. Elle est une société
qui s'unit à des forces supérieures, et qui compte des membres
de plus d'un monde. Elle est la société dont les membres forment
une république théocratique qui sera un jour la régente
mère du monde entier. [...]