L'Amour
est une force qui tend à unir les êtres.
Son idéal est l'unité; son moyen d'action est le sacrifice.
Il procède du Père, et il est ce que l'Église appelle
spécialement le Saint-Esprit.
En tant qu'Esprit il est vrai; mais il se déforme en pénétrant
dans les domaines sombres de la matière, qui est le faux; la vie matérielle
lutte sans cesse pour son avantage personnel, elle est donc l'antithèse
de la vie spirituelle, et l'amour qu'on trouve en elle, est une force pervertie,
car il ne cherche que lui-même; tels sont les attraits magnétiques
des pierres, des plantes, des animaux, des hommes; l'amour est chez nous un
aiguillon qui nous force à agir, et un philtre qui, nous enivrant,
nous aveugle sur les conséquences de nos actes, conséquences
douloureuses pour nous, dont la prévision nous ferait reculer vers
l'immobilité, c'est-à-dire vers la mort véritable.
A mesure que l'Amour se dégage de la matière, il devient plus
vrai, plus fort et apprend à s'occuper plus de 1'être aimé
que de l'être aimant.
Dans les êtres inférieurs à l'homme, il est instinct;
dans les êtres supérieurs, il est sentiment pur; chez l'homme,
il peut être sympathie instinctive, sentimentale, intellec-tuelle, etc.;
mais quelle que soit sa nature, il n'est sain qu'autant qu'il amène
ses prison-niers à s'oublier réciproquement pour la joie l'un
de l'autre.
Dans un homme, toutes les facultés physiques, psychiques, magnétiques,
astrales, mentales, spirituelles, etc., qu'il contient peuvent devenir les
sujets de l'Amour. En plus, la Nature, au cours des réincarnations,
nous amène dans toutes les situations sociales possibles, pour que
nous apprenions à connaître l'amitié, l'amour filial,
l'amour paternel et maternel, le fraternel, le sexuel, le conjugal; après
seulement que nous avons expérimenté tous ces états et
toutes leurs combinaisons, le véritable Amour nous prend.
Selon la nature de cet Amour, la création tout entière devrait
ne former qu'un seul être collectif, vivifié par la même
force, uni par la même pensée, absorbé dans la joie du
même travail: les milliards des êtres seraient alors tous, les
serviteurs de tous; un tel état universel constitue le royaume des
cieux; entre deux éternités, dans le domaine du temps, chacune
des planètes en reçoit à son heure un avant-goût;
le paradis catholique est la prévision d'une de ces périodes
transitoires de béatitude relative.
C'est pourquoi tous les événements et tous les contacts de la
vie quotidienne ont pour but de nous apprendre à nous abaisser, à
servir, à donner; à l'inverse de nos tendances matérielles
qui sont de dominer, de commander, de recevoir et même de prendre; c'est
là un des aspects les plus larges du Binaire universel, autant toutefois
que l'on peut s'en rendre compte; et cette constatation prouve une fois de
plus que, pour notre intellect, le nombre est la loi la plus haute, et que
par suite, tous les mystères placés au-dessus de celui du nombre
nous demeurent scellés, jusqu'à ce que nous puissions arriver
à connaître autrement que par le cerveau.
(Article paru en Mai 1906 dans le journal "LE VOILE D'ISIS")