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TROIS VERTUS THÉOLOGALES
les trois vertus théologales
sont comme la couronne de
la conscience humaine: la " Kether " des intelligences créées.
Constant CHEVILLON(26
X 1880 - 25 III 1944)
Celui qui sait, voit et sent ne peut pas ne pas croire, il a la Foi. Il
donne sans retour son adhésion à l'objet de sa connaissance
et ne peut plus la retirer sans se mentir à lui-même. La Foi
est un roc inébranlable; implantée au coeur de l'homme, elle
le rend fort contre toutes les contingen-ces: "Impavidum ferient ruinae",
car les ruines sont l'expression du néant. Le mot foi dérive
du latin "fides", qui signifie confiance. Le croyant met toute
sa confiance en Dieu comme vérité et comme véracité
; il se confie à la parole, au Verbe de Dieu, c'est donc bien par
Jésus que la Foi pénètre dans notre esprit, car elle
est la vertu fondamentale de l'entendement et Jésus est l'incarna-tion
de la Sagesse divine. Sans le Christ, notre foi fût restée
humaine et n'eût jamais dépassé la confiance que nous
avons en nous-mêmes. Par la foi, en effet, nous croyons non seulement
à la Parole de Dieu en ce que notre raison peut en connaître
et peut restituer, mais encore en ce que nous ne comprendrons jamais. C'est
pourquoi la Foi, vertu positive et agissante, repose sur une base négative
nécessaire, sur l'humilité. Un fidèle, en présence
de la vérité infinie de Dieu, s'agenouille et s'humilie, il
apprécie son néant, mais, de cette humilité agrandie
par la foi, naît immédiatement une vertu, une force plus formidable
encore, c'est le deuxième aspect de la Foi: l'Espérance.
Dans les Evangiles, Jésus parle de la Foi et de l'Amour, jamais de
l'Espérance. Il n'ignore pas l'espérance: il nous l'a donnée
dans toute son étendue. Lorsqu'il dit aux infirmes: " votre
foi vous a sauvés ", il parle de l'Espérance ; lorsqu'il
dit à ses apôtres: " Si vous aviez de la foi gros comme
un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne: jette-toi
dans la mer et elle obéirait ", il parle de l'Espérance.
L'Espé-rance, c'est la foi en la Bonté toute puissante de
Dieu, elle est le désir, elle est le courage et le principe de l'action.
Si l'homme n'avait aucune espérance, jamais il ne penserait, ne parlerait,
n'agirait; le doute et le désespoir sont d'éternels immobiles,
repliés sur eux-mêmes.
Jésus exalte notre foi humaine sur le plan surnaturel et la métamorphose
en espérance. Il attribue à celle-ci, sans qu'il soit permis
d'en douter, la puissance de réaliser des miracles. En effet, le
Christ, et après lui, le prophète et 1e thaumaturge, accomplissent
leurs miracles par l'Espérance, expression de la volonté rendue
invincible dans la foi.
Si vous espérez, vous croyez sans défaillance aux miracles
de l'Evangile, aux miracles des saints et à la possibilité
d'en faire surgir sur votre propre route; rien ne pourra vous étonner
ou vous laisser sceptiques. Mais vous accomplissez encore une ascèse
plus haute dans la confiance, votre être deviendra immuable dans la
certitude du salut et de la béatitude éternelle.
Alors, de la Foi conjuguée avec l'Espérance, jaillit la troisième
forme de la vertu théologale, la Charité. Le chrétien
sait par la Foi, agit et réalise par l'Espérance, il possède
par la Charité. Charité et Amour sont une seule et même
chose, elle peut s'exprimer sous le couvert d'un seul mot: désir.
Le désir se disperse et se souille peu à peu s'il est dirigé
vers la matière, il est sublimé dans le sens de l'unité
s'il s'adresse à Dieu. La Charité commence où l'Espérance
finit, car elle est le désir et déjà la possession
de la béatitude. La Charité est comme un instinct, une appétition
inéluctable de l'esprit, surnaturalisée par la Foi et conçue
comme réalisable au nom de l'Espérance: c'est le désir
du bonheur. Lorsque le Christ nous rappelle le principe de la loi primordiale
de l'antique révélation, il souligne donc la Charité,
dans sa racine et ses ultimes conséquences. " Tu aimeras le
Seigneur plus que toi-même et ton prochain comme toi-même pour
l'amour de Dieu ".
L'homme aime le bonheur plus que lui-même, puisqu'il ne peut vivre
sans être heureux et préfère le néant à
la douleur continue. Or, Dieu c'est le Bien et nous sommes heureux dans
le Bien; la parole est claire. La seconde partie de cette loi, du reste,
est semblable à la première, comme nous l'affirme Jésus.
Nous devons aimer notre prochain, non pas dans son individualité
sensible ni même dans sa personnalité spirituelle, mais en
Dieu et pour Dieu, c'est-à-dire en vue de sa fin dernière
qui est bien et bonheur. Si nous préférons le bonheur situé
dans la lumière et l'harmonie du Saint-Esprit, ainsi devons-nous
faire pour le prochain et toutes les règles de notre conduite envers
lui seront limpides. Ici, comme pour l'espérance, tout résulte
de la foi qui nous emporte vers le Verbe, car nous avons en nous trois harmonies,
l'harmonie sensible, l'harmonie de la conscience humaine et l'harmonie suprême
de la foi surnaturelle, à laquelle les deux autres doivent être
subordon-nées.
Ainsi, la Foi est une, comme le veut St-Paul, mais elle se développe
en un triple rameau suivant la loi de succession directrice de notre entendement;
elle se confirme en Espérance, elle s'épanouit en Charité.
La Foi proprement dite s'en va vers le Fils, l'Espérance s'adresse
au Père et la Charité au Saint-Esprit. Trois dans leur essence
apparente, elles sont une dans leur réalité, puisque les trois
hypostases divines sont un seul et même être; le triple aspect
de la foi se perd dans l'unité de Dieu.
Ce troisième don du Christ est la base de notre vie spirituelle et
divine. Il nous rend accessibles à la grâce apportée
par lui sur la terre dans la vêture de son humanité.
(Extrait de " Et Verbum caro factum est ", Éd. Derain,
pp. 84-87)