DES REVES
(Manuscrit original de Louis-Claude de Saint-Martin)


Dans les réves, nous nous trouvons sous le joug des passions matérielles qui nous dominent pendant la veille, parce qu'ils nous prennent dans l'état où ils nous trouvent et que les passions matérielles qui sont identifiées avec notre substance ne peuvent servir de base à l'action ou l'influence qui peut nous stimuler pendant nos rêves, sans lui présenter en même temps cette substance avec laquelle elles sont identifiées, sauf toutefois les modifications qui se calculent selon notre plus ou moins de sagesse.

Il n'en est pas de même des dangers dont on nous présente quelquefois des tableaux dans nos rêves. Nous nous trouvons communément plus courageux encore, dans ces dangers que nous présentent nos rêves, que nous ne le sommes dans les dangers réeIs; et même on a beau nous tuer dans les rêves, nous ne nous sentons point mourir, ou plutôt nous sentons que nous ne mourons point, parce qu'en effet ces dangers et cette mort ne sont qu'en figure et n'ont pas sur nous le même empire que pendant la veille; enfin ils ne sont pas identifiés avec nous comme nos passions et, par conséquent, ne nous attaquant que figurativement, ils laissent à peu près intactes notre confiance, notre bravoure et notre sécurité.

Je me suis trouvé pendant un rêve dans une grande salle où plusieurs batteries de canons croisées tiraient à boulets rouges, et où je voyais ces boulets traverser l'étendue de cette salle et passer sur ma tête et autour de moi; et cependant je n'avais pas peur. Aurais-je répondu de moi si je m'étais trouvé en réalité dans une semblable position?

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