De
l'Incarnation de Jésus Christ
Jacob
Boehme
Exposée
en trois parties, savoir :
1. Comment le Verbe éternel est devenu homme, et de la Vierge Marie
;
2. Que nous devenons entrer dans les souffrances, l'agonie et la mort de
Christ ;
3. De l'arbre de la foi chrétienne
Extrait du Chapitre XIV -1 ère partie du livre
De la nouvelle naissance ; en quelle substance, essence, être ou propriété,
la nouvelle naissance ou l'enfant de la vierge se trouve pendant qu'il gît
encore dans le vieil Adam.
1. Puisque nous nageons en chair et en sang terrestres dans cette mer d'afflictions,
et sommes devenus une source terrestre où nous sommes renfermés
dans l'obscurité et le reflet, la noble base affective ne cesse de
chercher sa vraie patrie où elle doit aller. Elle dit toujours :
Où donc est Dieu, ou quand me sera-t-il pourtant permis de voir la
face de Dieu ? Où donc est ma noble perle ? Où est l'enfant
de la vierge ? Je ne le vois pourtant pas ; comment se fait-il donc que
je m'angoisse ainsi après lui, puisque je ne puis le voir ? Je ressens
bien la grande envie, le grand désir après lui, mais je ne
puis rien voir qui apaise mon cur ; je suis toujours comme une femme
qui aimerait bien enfanter ; combien j'aimerais à voir mon fruit,
qui m'est promis par mon Dieu ! Elle soupire toujours après le moment
; un jour appelle l'autre, le matin appelle le soir, la nuit de nouveau
le jour ; elle espère dans la privation de voir enfin se lever la
brillante étoile du matin qui amènera à la base affective
son repos ; elle est comme une femme en travail d'enfant, qui espère
toujours de voir son fruit, qui désire et soupire après le
moment.
2. Ainsi nous en va-t-il, mes chers enfants de Dieu, nous nous en croyons
éloignés encore et sommes pourtant dans ce travail ; nous
engendrons ainsi avec grand désir, dans les tourments, et ne connaissons
point la semence que nous engendrons, car elle est renfermée. Nous
n'engendrons pas à ce monde ; comment donc voulons-nous voir le fruit
des yeux de la chair, puisqu'il n'appartient pas à ce monde ?
3. Mais puisque nous avons obtenu la vraie connaissance de cet être,
non selon l'homme extérieur, mais selon l'intérieur, nous
nous en tracerons une ressemblance, tant pour le lecteur que pour notre
propre satisfaction.
4. Lorsque nous considérons comme nous sommes doubles, avec double
sens et volonté, nous ne pouvons mieux arriver à la connaissance
qu'en considérant la création : Dans la grossière pierre
qui gît sur le sol se trouve souvent le meilleur or ; là nous
voyons donc comment l'or brille dans la pierre, qui est inerte cependant,
et ne sait qu'elle renferme un si noble or. Ainsi en est-il de nous : nous
sommes un soufre terrestre ; mais avec un soufre céleste dans le
terrestre ; chacun retenant sa propriété. Ils sont bien mêlés
dans ce temps, mais n'inqualifient point ensemble ; l'un est seulement l'habitacle
et le contenant de l'autre, comme nous le voyons à l'or : la pierre
grossière n'est pas l'or, mais son contenant (gangue) seulement.
La grossièreté ne produit pas non plus l'or ; c'est la teinture
du soleil qui l'engendre dans la pierre grossière : celle-ci est
la mère et le soleil le père ; car le soleil engrosse la pierre
brute, parce qu'elle renferme le centre de la nature d'où le soleil
tire son origine. Si nous voulions poursuivre jusqu'au centre, nous l'exposerions
; mais comme cela a été suffisamment développé
dans d'autres écrits, nous en restons là.
5. Ainsi en est-il de l'homme : l'homme terrestre représente la grossière
pierre, et le Verbe qui devint homme, le soleil ; celui-ci engrosse l'homme
corrompu pour cette cause-ci : l'homme corrompu pour cette cause-ci : l'homme
corrompu est bien terrestre, mais il tient de l'éternité le
centre de la nature ; il soupire après le soleil divin, car, lors
de sa création, ce soleil entra dans la formation de son être.
Mais la pierre grossière a débordé et englouti en soi
le soleil, de façon qu'il est actuellement mêlé au soufre
grossier et ne peut lui échapper, à moins d'une purification
par le feu, qui fondant ce qu'il y a de grossier, met à nu le soleil.
Applique cela au mourir et à la corruption : la grossière
chair terrestre se fond et il ne reste uniquement que la chair virginale
spirituelle.
6. Et comprenez bien ce que nous entendons ; nous parlons précieusement
et véridiquement, comme nous le connaissons ; le nouvel homme n'est
point un esprit seulement ; il est chair et sang ; de même que l'or
dans la pierre n'est pas un pur esprit, mais qu'il a un corps ; non un corps
de même nature que la pierre grossière, mais un corps qui résiste
au feu du centre de la nature ; car le feu ne peut pas dévorer son
corps, parce que l'or est d'un autre principe. Que ne sais-tu cela, ô
homme terrestre ! Mais c'est et demeure à bon droit scellé,
car la terre n'est pas digne de l'or, bien qu'elle le porte et l'engendre.
L'homme terrestre n'est de même pas non plus digne du joyau qu'il
renferme, et bien qu'il coopère à l'engendrer, il n'en est
pas moins une terre sombre au prix de l'enfant de la vierge né de
Dieu.
7. Et de même que l'or a un vrai corps, caché et prisonnier
dans la grossière pierre ; ainsi a la teinture virginale, dans l'homme
terrestre, un brai corps céleste, divin, en chair et en sang. Mais
non une telle chair et un tel sang comme le terrestre : cela résiste
au feu, traverse la pierre et le bois et n'est pas saisissable. Tout comme
l'or pénètre la pierre grossière, sans la rompre ni
se rompre soi-même, et sans que la pierre ait aucune perception de
l'or ; ainsi en est-il du vieil homme terrestre : quand il reçoit
le Verbe de la vie qui en Christ devint homme, il le reçoit dans
le soufre corrompu de sa chair et de son sang, dans le centre virginal prisonnier
de la mort, centre dans lequel Adam était une image virginale, avant
que la terre sauvage lui couvrit son or de la claire substantialité
divine, où alors le céleste dut demeurer dans la mort, dans
le centre du feu. Dans ce centre, dis-je, et dans ce soufre, se mut le Verbe
de la vie qui en Marie devint homme ; alors la substantialité prisonnière
de la mort reçut une teinture vivante. Ici commence le noble or ou
la céleste substantialité à reverdir de la mort et
il a aussitôt en soi, dans le Verbe de la vie, l'Esprit saint qui
là sort du Père et du Fils ; et la sagesse ou vierge céleste,
fait comme un miroir ou une ressemblance de la divinité devant soi,
comme un soufre pur, une chair et un sang purs, dans lesquels habite le
Saint-Esprit ; non d'essence terrestre, mais bien divine, de la substantialité
céleste. C'est là la vraie chair et le vrai sang du Christ,
car ils croissent dans l'esprit de Christ, dans le Verbe de la vie qui devint
homme, qui brisa la mort, alors que la teinture divine reverdit et engendra
de soi l'être, car tout est né et provenu du désir de
Dieu. Mais puisque Dieu est feu et lumière, il nous est assez reconnaissable
d'où chaque chose tire son origine ; nous ne pouvons disconvenir
que du bon et aimable ne soit provenu du bon ; car une bonne volonté
désirante reçoit dans son imagination son égalité,
elle se fait soi-même par la faim de son désir son similaire.