De
Dieu et de la Création
Emmanuel
Swedenborg
Extrait de l'ABRÉGÉ DES OUVRAGES D'EMMANUEL SWEDENBORG
Contenant la
doctrine de la nouvelle Jérusalem Céleste, précédé
d'un discours où
l'on examine la vie de l'auteur, le genre de ses écrits, et leur
rapport au temps présent
par Daillant de La Touche
Stockholm, 1788, (p.1 à 8)
DE DIEU
[1] Il n'y a qu'un Dieu, qui est incréé, infini, et qui seul
peut dire ce qu'il a dit : Je suis celui qui est.
Dieu est hommes ; les anges ne le voient que sous la forme humaine ; les
hommes sur la terre le représentent : aussi dit-il, faisons l'homme
à notre image. L'idée de Dieu homme, adoptée par les
anciens, et par le simple peuple de tous les temps, est influée du
ciel ; c'est l'orgueil et l'amour propre qui ont fait penser autrement.
Il n'y a même que le Seigneur qui soit homme, proprement dit ; et
entre ceux qu'il a créés, ceux-là seuls sont hommes,
qui reçoivent sa divine émanation.
Dieu est la vie, parce que Dieu est amour ; lui seul est la vie : la vie
est une, et deux êtres ne peuvent l'avoir en propre ; autrement ce
seraient deux Dieux. La vie de l'homme est dérivative, et il n'a
en propre que la mort.
En Dieu être et exister sont la même chose ; l'amour est son
être, la sagesse est son existence ; Dieu est donc amour et sagesse.
L'amour divin et la sagesse divine sont substance et forme ; dans le ciel
l'amour divin et la sagesse divine se manifestent dans un soleil spirituel,
qui n'est pas Dieu, mais le premier procédant de Dieu ; la chaleur
de ce soleil est l'amour ; la lumière est la sagesse [2]. Ce soleil
paraît éloigné des anges, et placé à une
hauteur moyenne, comme le soleil de notre monde.
DE LA CRÉATION
[3] L'amour divin, et la sagesse divine, qui en est la forme, ne peuvent
être et exister seuls, car le propre de l'amour n'est pas de s'aimer
soi-même. Il fallait à Dieu, qui est amour, un objet, c'est-à-dire,
des créatures qu'il aimât : il a donc créé l'univers,
de son amour, par sa sagesse [4] ; il l'a créé immédiatement
par le soleil spirituel ; et de là, par le soleil naturel, celui-ci
étant l'instrument de l'autre. Le spirituel est vivant, le naturel
est mort ; il faut donc que l'un procède de l'autre, que l'un soit
créé, et l'autre incréé. Par ses atmosphères
spirituelles, qui sont les réceptacles du feu divin, et de la lumière
divine, et qui ont trois degrés, le divin de l'amour, le divin de
la sagesse, et le divin de l'usage ; par ses atmosphères le soleil
spirituel produit les objets spirituels qui sont dans les cieux, et qui
ont l'apparence des nôtres. L'extrémité de ces atmosphères
spirituelles a produit notre soleil naturel, lequel a aussi ses atmosphères,
qui ont produit, par trois degrés, les substances matérielles.
Ces atmosphères, ou agents, décroissant en activité
et en expansion, leur dernier terme forme des masses dont les parties sont
rapprochées par la compression, des substances lourdes, fixes, et
en repos, que nous voyons sur la terre, et que nous appelons matière.
La progression qui se trouve dans les degrés de l'amour divin, et
de la sagesse divine, est aussi dans leurs effets, qui sont les créatures.
Tout corps va progressivement du premier au dernier ; ainsi dans le corps
humain les fibres deviennent tendons, ensuite cartilages, enfin os, où
elles se terminent et se reposent, pour se maintenir. L'état, ou
la manière d'être des corps, passe de même, par degrés,
de la lumière dans l'ombre, et de la chaleur au froid.
Tout ce qui est créé a de l'aptitude à recevoir l'amour
divin, et la sagesse divine, et en est le réceptacle. Toutes les
substances présentent l'image de l'infini ; l'image de l'homme est
aussi dans toutes ; elles ont toutes été formées pour
l'usage, afin que par l'usage l'homme arrive au Seigneur, son principe.
Les matières, quoique venant de Dieu, n'ont rien de divin ; mais
elles ont de la substance du soleil spirituel, par continuation, ce qu'elle
avait de divin, c'est-à-dire la vie, ou la force qui tend à
la reproduction. Elle y tend par les usages ; les usages passent aux formes,
par une succession continuelle d'effets, provenus d'autres effets qui descendent
d'une première cause, et qui y remontent, pour redescendre, et reproduire
encore. Les usages de la création sont donc dans les formes ; et
ces formes ou productions, offrent une image de la création divine.
Ces formes sont de trois sortes, celles du règne minéral,
celles du règne végétal, et celles du règne
animal.
1°. Les premières formes du règne minéral sont
les matières subtiles et ténues de la terre.
Les secondes formes consistent dans l'assemblage ou composé de ces
parties.
Les troisièmes sont la poudre qui résulte de la destruction
des végétaux et des animaux, ainsi que des corpuscules qu'ils
exhalent pendant leur vie, et après leur mort.
Dans ces formes on voit trois degrés, qui représentent la
création, en ce que le soleil, médiatement par la chaleur
et par la lumière qu'il répand dans l'atmosphère, produit
les masses connues sous le nom de minéraux, et donne à chacun
la forme qui le distingue, ce qui fut l'objet de la création à
leur égard. La même progression s'observe dans les végétaux,
par la semence, laquelle, en se développant, pousse une tige qui
produit des fruits. Les formes du règne animal sont produites comme
dans le végétal. La semence est le principe, dans la matrice,
ou dans l'uf, qui fait office de la terre. La semence parvenue à
l'état de ftus est la racine ; l'animal sorti du sein de la
mère, ou éclos de l'uf, est, jusqu'au temps de la prolification,
comme le progrès de la pousse du végétal, jusqu'à
ce qu'il porte des fruits. La même progression est dans les formes
organiques de l'homme : son cerveau est parsemé de petites masses
desquelles dérivent des fibres, qui, par la substance médullaire,
s'étendent et se prolongent jusqu'aux extrémités, d'où
elles retournent à leur principe, par les vaisseaux sanguins. Ce
n'est pas la chaleur, la lumière, et l'atmosphère naturelles
(parce qu'elles sont mortes), mais bien celles du monde spirituel, spirituel,
qui opèrent les effets vivifiants et reproductifs des trois règnes.
Mais ces effets montrent l'uniformité et la simplicité des
lois établies par le créateur pour la formation, la conservation,
et la propagation des êtres de ce monde. Cette création naturelle
est une pure correspondance, une image, un symbole de la création
spirituelle, qui est la vraie : celle-là nous est offerte pour nous
rappeler celle-ci. Voyez les trois règnes de la nature, où
il y a des milliards de causes dans un effet, quoiqu'il paraisse simple
; des milliards de forces agissent dans chaque action, quoiqu'il n'en paraisse
qu'une ; tout cela pour nous représenter l'infini de l'amour et de
la sagesse de Dieu, pour nous prouver que les objets qu'il a créés
sont les innombrables formes de ses affections et de ses perceptions [5],
pour nous faire croire que l'univers présente une image de l'homme,
que l'homme est fait à la ressemblance de Dieu, et que Dieu lui-même
est homme.
Celui qui a dit, Je suis celui qui est, ne peut connaître la succession
des temps ; ses vertus et ses uvres, tout ce qui existe et peut exister
dans l'ordre divin, est toujours en sa présence, et l'on ne peut
avoir une idée de la création de l'univers, qu'en faisant
abstraction de l'espace et du temps. Si vous la faites, vous concevrez que
le plus grand et le plus petit de l'espace ne diffèrent pas ; et
l'idée que vous vous formerez de la création de l'univers
sera semblable à celle que vous aurez de la création de chaque
être en particulier.
La variété des êtres créés vient de ce
que Dieu-homme est infini, et que dans lui sont une infinité de choses.
L'indéfini se trouve dans le soleil spirituel, premier procédant
de lui ; de sorte que ces choses, en nombre indéfini, existent dans
l'univers créé, comme dans une image : c'est pourquoi on ne
peut trouver dans le monde deux êtres absolument semblables. Il en
résulte cette variété d'êtres matériels
dans ce monde, et d'êtres spirituels dans le monde spirituel. Cette
variété s'observe non seulement dans chacun d'eux, mais même
dans les différents composés qui résultent de leur
assemblage.
On ne peut pas dire que l'univers ait été créé
dans des espaces distincts, ni dans des temps qui se sont succédé
; l'Écriture le dit, relativement à nous, et pour accommoder
la lettre à nos perceptions terrestres. Il faut dire que la création
a été faite par l'Éternel, et par l'infini, non de
toute éternité, considérée comme éternité
de temps, laquelle est inconcevable sans commencement, puisque le temps
est dans l'éternité, puisque l'éternité c'est
Dieu, qui seul n'a point eu de commencement, et qui a créé
ce que nous appelons le temps ; il faut croire aussi que le monde a été
créé, non par l'infini dans l'espace, mais par l'infini sans
espace, car il n'y a pas d'autre infini. Alors on aura une juste idée
de la création, et on sera éloigné de l'opinion insensée
qui fait la nature, ou la matière, éternelle ; on concevra
que Dieu existe, non par lui-même, ce qui lui donnerait un principe,
mais en lui-même.
Notes :
[1] Vera christiana Religio, 12. 13. 14. 25. 28. 135. Apocalypsis revela,
29. 31. 53. 58. 173. Doctrina novæ Hierosolymæ de Domino, 19.
ad 28. 51. Eadem de Scriptura sacra, 80. ad 90. Sapientià angelica
de divino amore et divina sapientia, 4. 11. 28. 83. 86 ad 112. De cælo
et inferno 78 ad 86. Arcana cælestia, 6700. 6716. 8541 ad 47, 9303.
Deliciæ sapientiæ de amore conjugali, 132 and 136.
[2] " La sagesse est la vapeur de la vertu de Dieu. C'est une certaine
émanation pure de la clarté du Tout-puissant ; c'est la blancheur
de la lumière éternelle : elle est une ; elle peut tout ;
stable en elle-même, elle renouvelle tout. Chez les nations elle se
répand dans les âmes saintes ; elle constitue les amis de Dieu,
et les prophètes ". Sp. 7 : 25. 26. 27.
[3] Apocal. rev. 31. 70. Sap. ang. de div. am. et div. sap. 23. 47 ad 65.
69 ad 76. 262 ad 327. Arcana cælestia, 313. 3061. 4240. De cælo
et inferno, 103 ad 115. Vera Christiana Religio, 78. De commercio animæ
et corporis, 4. 5. 9. 10.
[4] " Dieu nous a engendrés de sa volonté, par sa parole
de vérité ", Epist. cath. Jac. 1 : 18.La volonté,
c'est l'amour, la parole, c'est la sagesse. L'apôtre affirme donc
que Dieu nous a créés de son amour, par sa sagesse ; l'ecclésiastique
le dit aussi :" les uvres du Seigneur sont dans sa parole ".
Eccli. 42 : 15. " Dieu a fait les cieux dans son entendement, dit le
prophète David ". Ps. 135. v. 5.
[5] Le Seigneur a répandu sa sagesse sur toutes ses uvres et
sur toute chair. Eccli. 1 : 10. - L'âme de tout être vivant
est sortie de la face de Dieu. Eccli. 16 : 31.