Ce que c'est que la Charité, et ce que c'est que la Foi chez l'homme.

DOCTRINE DE LA CHARITE
PAR EMMANUEL SWEDENBORG
EXTRAITE DES ARCANES CELESTES
TRADUITE DU LATIN PAR J.-F.-E. LE BOIS DES GUAYS
1885

SWEDENBORG


Il faut dire maintenant ce que c'est que la Charité et ce que c'est que la Foi chez l'homme. La Charité est une affection interne, qui consiste en ce que l'homme veut de Cœur faire du bien au prochain, et que c'est là le plaisir de sa vie ; et cela sans rémunération.
La Foi est une affection interne, qui consiste en ce qu'on veut de cœur savoir ce que c'est que le vrai et ce que c'est que le bien, et cela non pour la doctrine comme fin, mais pour la vie : cette affection se conjoint avec l'affection de la charité par cela qu'on veut faire selon le Vrai, par conséquent faire le Vrai lui-même.
Ceux qui sont dans l'affection réelle de la charité et de la foi croient que par eux-mêmes ils ne veulent rie du bien, et que par eux-mêmes ils ne comprennent rie dis vrai, mais que la volonté du bien et l'entendement du vrai viennent du Seigneur.
Voilà donc la charité, et voilà la foi ; ceux qui sont dans la charité et dans la foi ont en eux le Royaume du Seigneur et le Ciel ; et en eux est l'église ; et ce sont ceux qui ont été régénérés par le Seigneur, et ont reçu de Lui une nouvelle volonté et un nouvel entendement.
Ceux qui ont pour fin l'amour de soi et l'amour du monde ne peuvent nullement être dans la charité et la foi ; ceux qui sont dans ces amours ne savent pas même ce que c'est que la foi, et ne comprennent nullement que vouloir du bien au prochain sans rémunération, ce soi le ciel dans l'homme, et qu'il y ait dans cette affection une aussi grande félicité que celle des Anges, qui est ineffable ; car ils croient que, s'ils étaient privés de joie qu'ils tirent de la gloire des honneurs et des richesses, il n'y aurait plus rien de la joie, et cependant c'est seulement alors que commence la joie céleste, qui surpasse infiniment toute autre joie.

XIV.
En quoi consiste la Charité à l'égard du prochain.
On croit que la Charité envers le prochain consiste à donner aux pauvres, à secourir l'indigent, et à faire du bien à chacun; mais toujours est-il que la charité réelle consiste à agir avec prudence, afin qu'il en résulte du bien ; celui qui secourt quelque pauvre ou quelque indigent malfaisant fait par lui du mal au prochain, car par le secours qu'il lui donne il le confirme dans le mal, et lui fournit la faculté de faire du mal aux autres ; il en est autrement de celui qui vient au secours des bons.
Mais la Charité à l'égard du prochain s'étend beaucoup plus loin qu'aux pauvres et aux indigents : la Charité à l'égard du prochain consiste à agir avec droiture dans tout ouvrage, et à faire son devoir dans toute fonction. Si le juge fait justice pour la justice, il exerce la charité à l'égard du prochain ; s'il punit le coupable et absout l'innocent, il exerce la charité à l'égard du prochain, car ainsi il pourvoit aux intérêts du concitoyen, aux intérêts de la patrie et aussi à ceux du royaume du Seigneur : aux intérêts du Royaume du Seigneur, en faisant justice pour la justice ; à ceux du concitoyen, en absolvant l'innocent; et à ceux de la patrie en punissant le coupable. Le prêtre qui enseigne le Vrai , et conduit au bien, pour le vrai et le bien, exerce la charité ; mais celui qui agit ainsi pour lui-même et pour le monde, n'exerce pas la charité, parce qu'il n'aime pas le prochain, mais il s'aime lui-même.
Il en est de même de tous les autres, soit qu'ils remplissent quelque fonction, soit qu'ils n'en remplissent point ; par exemple, des enfants à l'égard des parents, et des parents à l'égard des enfants ; des serviteurs à l'égard des maîtres, et des maîtres à l'égard des serviteurs; des sujets à l'égard du roi, et du roi à l'égard des sujets; celui d'entre eux qui remplit le devoir d'après le devoir, et exécute le juste d'après le juste, exerce la charité.
Que ce soit là ce qui constitue la Charité à l'égard du prochain, c'est parce que chaque homme est le prochain, mais d'une manière différente ( Article III ) et qu'une société, petite et grande, est davantage le prochain, la patrie encore davantage, l'église encore davantage, le Royaume du Seigneur encore davantage, et le Seigneur par-dessus tous (même Article) ; et que dans le sens universel le bien qui procède du Seigneur est le prochain ( Article II ), conséquemment aussi le Juste et la Droit. Celui donc qui fait un bien quelconque pour le bien, et le juste pour le juste, aime le prochain et exerce la charité, car il agit d'après l'amour du juste, et ainsi par amour pour ceux dans lesquels il y a le bien et le juste : au contraire celui qui, pour un profit quelconque, fait l'injuste, hait le prochain.
Chez celui qui est dans la charité à l'égard du prochain par affection interne, il y a la charité à l'égard du prochain dans chacune des choses qu'il pense et prononce, et qu'il vent et fait ; on peut dire qu'un homme Ou un ange, quant à ses intérieurs, est la charité, lors que le bien est pour lui le prochain. C'est d'une telle manière large que s'étend la Charité à l'égard du pro-
-chain.


XV.
De la Vie de la Charité et de la Vie de la Piété.
Chez l'homme de l'église il doit y avoir la vie de la Piété et la vie de la Charité ; elles doivent être conjointes: la vie de la Piété sans la vie de la Charité De conduit à rien; mais, avec elle, elle conduit à tout.
La vie de la Piété est de penser pieusement, et de parler pieusement, de s'adonner beaucoup à la prière, de se comporter alors avec humilité, de fréquenter les temples et d'y entendre les prédications avec attachement, d'assister souvent chaque année au sacrement de la cène, et pareillement aux autres cérémonies du culte selon les statuts de l'église. Mais la vie de la Charité, c'est de vouloir du bien et de faire du bien au prochain, d'agir dans tout ouvrage d'après le juste et l'équitable et d'après le bien et le vrai, d'agir pareillement dans toute fonction ; en un mot, la vie de la charité consiste à faire des usages.
Le culte même du Seigneur consiste dans la vie de la charité, mais non dans la vie de la piété sans la vie de la charité ; la vie de la piété sans la vie de la charité est de vouloir s'occuper seulement de soi et non du prochain ; mais la vie de la piété avec la vie de la charité est devouloir s'occuper de soi pour leprochain ; la première vient de l'amour à l'égard de soi mais la seconde vient de l'amour à l'égard du prochain.
Que faire le bien, ce soit rendre un culte au Seigneur c'est ce que prouvent ces paroles du Seigneur dans Matthieu :
´ Quiconque entend mes paroles et les fait, je le comparerai à un homme prudent, mais quiconque entend mes paroles, et ne les fait point est comparé à un homme insensé. - VII. 24, 26.
L'homme, en outre, est tel qu'est sa vie de la charité mais non tel qu'est sa vie de la piété sans la vie de charité : de là, la vie de la charité reste pour l'éternité chez l'homme, mais non la vie de la piété, si ce n'est qu'autant que celle-ci concorde avec celle-là : que la de la Charité reste pour l'éternité chez l'homme, c'est aussi ce qu'on voit par les paroles du Seigneur dans Matthieu : ´ Le filsde l'homme doit venir dans gloire de son Père avec ses Anges, et alors il rend à chacun selon ses œuvres. XVI.27 ; et dans Jean : ´ Ceuxqui auront fait de bonnes œuvres seront pour une résurrection de vie, mais ceux qui en auront fait de mauvaises, pour une résurrection de jugement. - V. 29 puis par les paroles qui, sont dans Matthieu, - Chap. XXV. 31 à 46.
Par la Vie, d'après laquelle il est principalement rendu un culte au Seigneur, il est entendu la vie selon ses préceptes dans la Parole, car par ces préceptes l'homme connaît ce que c'est que la foi et ce que c'est que la charité ; cette vie est la vie Chrétienne et est appelée spirituelle: la vie selon les lois du juste et de l'honnête sans cette vie, est la vie civile et morale ; celle-ci fait que l'homme est citoyen du monde, mais celle-là fait qu'il est citoyen du ciel.



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