Louis-Claude de Saint-Martin, le Philosophe "missionné" III
Se cacher derrière la Providence , le Bonheur du genre humain, pour
tout excuser, cela conduira à bien des tragédies sanglantes
d'une autre ampleur que celle de la Révolution qui ne fit si on peut
dire que 60.000 victimes ! L'évêque constitutionnel Pierre
Pontard, cette connaissance, lui, cherche dans l'Apocalypse, les Prophéties
d'Isaïe la preuve d'une volonté divine dans ces évènements,
il les interprète tout comme vous comme le prélude à
une " Régénération universelle ". Dans la
lignée de Rousseau vous condamnez la propriété, vous
proclamez: " Qui ne travaille point n'est pas digne de vivre ! "
Bien entendu vous êtes contre la peine de mort, vous vous en expliquez
malgré certaines approbations !! Je vous cite : " La peine de
mort n'est pas une punition, mais une destruction qui devient inutile au
coupable et qui n'est guère plus profitable aux méchants qui
en sont les témoins.- " Tuer est une punition qui n'effraye
que l'homme de matière et amende rarement l'homme moral ". Vous
n'êtes pas tellement " chaud " pour l'abolition de l'esclavage
Et puis vous affichez une curieuse attitude à l'égard du peuple,
un certain mépris, presque épidermique. Vous êtes en
fait un homme pétri de contradictions !
Votre nom est si célèbre, si reconnu mon cher Maître,
si respecté, que l'Assemblée Constituante va vous nommer avec
Sieyès, Bernardin de Saint Pierre et Berquin précepteur potentiel
de l'enfant royal! Vous devez donc, quitter votre exile provincial, et vous
rendre à Paris, votre ville " purgatoire ". On vous assigne
en première mission de monter la garde à la porte Temple.
Curieusement il n'est nulle part à ma connaissance, fait état
des sentiments que vous avez pu éprouver en regard du drame de cet
enfant
puis vous êtes " geôlier " dans le donjon.
Si vous nous parliez de votre première rencontre
une parole
murmurée: " Sire." ? Le son de sa voix, son visage n'ont-ils
jamais hanté vos souvenirs, ne vous ont-ils jamais réveillé
en sursaut ?... Vous n'exprimez rien
Combien de fois vos regards se
sont-ils croisés, votre estomac ne sait-il jamais noué à
la pointe de l'aube ? Aucune hésitation à affirmer que vous
percevez la Révolution à l'évidence comme faisant partie
d'un scénario providentiel qui se déchiffre comme le signe
éminemment positif de l'entrée dans une ère nouvelle.
Vous accomplirez avec sérieux, je n'ose pas dire avec bonne conscience,
votre devoir de citoyen mandaté. Dans la petite pièce qui
vous est allouée, dans le donjon du Temple, transformée en
oratoire, vous méditez pendant vos longues heures de garde, vous
priez
pour l'enfant ?
Vous êtes fier dans le fond d'appartenir à la noblesse, même
si vous la décriez,
nous sommes d'accord ? Votre présence
à la prison du Temple,
est connue, faut-il croire que personne
ne cherche à vous contacter dans le but de faire évader l'enfant
royal ? Vous ne faîtes aucun geste vers l'extérieur ? Avez-vous
eût vent de complots? Vous n'étiez pas sans vous apercevoir
que cette prison n'était pas absolument étanche ! Les prisonniers
mêlés à une foule bigarrée en sortent, y rentrent
de leur propre gré pour y subir leur funeste sort ! ! Le 27 germinal
de l'an II, 1794, un décret de la Convention vous relève de
votre fonction. Votre dernière garde vous inspire une curieuse réflexion
: " La dernière garde que j'ai monté avant de quitter
paris, l'an II de la République, a été au Temple dans
la cour intérieure, et au pied de la tour où est enfermé
le petit capet. Je ne pus m'empêcher de faire des réflexions
sur l'état des choses politiques dans le moment actuel, de regarder
ce lieu où je me trouvais, comme le point de mire sur lequel portait
à la fois tous les yeux de l'Europe, et de me rappeler que lorsqu'on
m'avait mis sur la liste de ceux parmi lesquels on se proposait de choisir
le gouverneur du dauphin d'alors, on ne pensait pas que je le garderais
un jour d'une autre manière qu'on l'imaginait. " Que vouliez-vous
dire par là exactement ? Il me vient une étrange idée
peut-être étiez-vous, l'instrument d'une confrérie secrète
d'Illuminés chrétiens, vengeresse d'un crime inique, la mort
sur le bûcher de Jacques de Molay
Voyez-vous Maître, je
suis étonné de voir de tels passages, où le mot "
missionné ", est écrit sans qu'il soulève des
réactions interrogatives ! Je m'excuse, mais cette prose qu'a-t-elle
d'intéressant si elle n'est pas la clé d'une porte ou de portes
à forcer? ! Vous n'exprimerez aucune compassion sur le sort de la
famille royale, et curieuse est encore cette phrase qui semble vouloir justifier
votre passivité : " Je voue un éternel silence, une fidélité
et une obéissance inviolables à tous les supérieurs
et aux statuts de l'Ordre. Dans ce qui est l'objet de ce même Ordre
je renonce à mon propre jugement
" Cette phrase laisse
entendre que vous obéissez en cette période à une puissance
supérieure
qui est ? Vous écrivez, c'est en toutes lettres,
que vous êtes " missionné ", que vous avez un rôle
à jouer
lequel ? Vous êtes missionné par la "
Providence !" Vous parlez aussi de " commissaires divins "
qui sont ces commissaires, comment reconnaître ces êtres privilégiés
qui sont appelés à régénérer la société,
à conduire les peuples vers l'accomplissement de leur destinée
? Vous avez cette réponse : " On les reconnaîtra à
plusieurs signes, d'abord quoique semblables, par leur nature, aux autres
hommes, ils s'en distingueront d'eux par la supériorité de
leurs facultés et de leurs lumières. Le spectacle de l'iniquité
et de l'anarchie les fera souffrir davantage, et ils éprouveront
à un plus haut degré le besoin de l'ordre et de la justice,
ils auront une foi inébranlable dans leur autorité ou dans
leur mission, et ils emploieront toute leur énergie à la faire
accepter au nom de la justice même. " Je m'exclame : SYNARCHIE
!! "
les peuples, croyant voir en eux leurs libérateurs,
se soumettront volontairement à leur empire, auront une foi inébranlable
dans leur autorité, courrons au devant d'eux, ils s'abandonneront
à leur volonté et à leur sagesse, persuadés
qu'elles attireront sur eux les dons de la bonté et de sagesse divines
". Ces lignes sont-elle de vous ou de Joseph de Maistre ?!
Il vous apparaît que vous faîtes l'objet d'une " protection
vigilante " vous mettant à l'abri des purges... Il y a du vrai
si on considère bien les évènements ! Un mandat d'arrêt
est délivré contre vous ! Vous allez devoir la vie, à
un complot mystico délirant
Eclate ce qu'on a appelé
" l'affaire Catherine Théot Barenton ". Elle n'est nullement
noble, elle est née tout simplement à Barenton, c'est au moment
des faits une vieille femme totalement illettrée, se disant la mère
de Dieu et qui catéchise dans son quartier, la Contrescarpe. Elle
fut arrêtée une première fois sur plaintes et passa
plus de trois années internée avec quelques adeptes. Relâchée
" la martyre " fut recueillie presque aveugle par la femme Godefroid,
modeste couturière qui se fit sa servante et secrétaire. Leur
vie commune n'était troublée que par les visites de Dieu à
son élue. Catherine Théot devenue " la mère du
verbe " lisait dans les tarots, surtout pour les " politiques
" inquiets de leur avenir, et elle acquit une certaine notoriété.
Mais vous la connaissiez !
chez la Duchesse de Bourbon ! Théot
et sa charitable secrétaire vécurent 10 ans en toute tranquillité
jusqu'à ce que sur une dénonciation en 1793 la soupçonneuse
police de Chaumette perquisitionne le petit logement que les deux femmes
occupaient. On y trouva des brouillons de lettres, L'un de ceux-ci entre
autre déclancha tout, et vous sauva ! Je lis : " J'ai l'honneur
de vous écrire ceci, comme j'ai beaucoup de confiance en vous et
que vous aimez à faire les uvres de Dieu, c'est pourquoi que
Dieu de confiance en vous et que vous aimez à faire les uvres
de Dieu, c'est pourquoi que Dieu vous a choisi pour être l'ange de
son conseil, et pour être le guide de sa police, et pour être
le guide de sa milice pour les conduire dans la voie de Dieu
Je vous
prie de prier l'assemblée de faire faire des processions, afin que
le Seigneur nous envoie de la pluie
et faire faire un mandement qui
soit signé de l'assemblée
" Si l'on suppose, et
pourquoi pas que cette requête était adressée à
" l'Incorruptible " qui fréquentait, et c'est avéré,
la soupente, il y avait matière pour ses ennemis à le railler,
n'était-il pas aussi appelé dans certains feuillets "
ange du Seigneur " " guide des milices célestes "
On dit Maître que vous aussi vous vous faisiez tirer les cartes par
la prophétesse
Vous y avez rencontré forcément
dom Gerle, moine chartreux, brillant orateur, médium et guérisseur
qui avait été député du Tiers Etat, il ne jurait
que par " dame Catherine ". Vous y avez croisé le "
guide des milices célestes " dont la célèbre mademoiselle
Lenormand, autre voyante renommée, racontait à qui voulait
l'entendre qu'il frissonnait et pâlissait à la vue du 9 de
Pique! Votre adhésion à cette " secte ", ce "
cercle " n'aurait rien d'étonnant car vous avez toujours recherché
à recevoir des initiations, à droite, à gauche. Cette
Catherine Théot " La mère de Paris " comme tout
le monde la surnommait alors, proclamait qu'elle était la nouvelle
Eve, la mère de Dieu, Jésus Christ ! Elle se disait destinée
à enfanter à 70 ans le nouveau Messie dont le trône
devait s'élever en face de l'église Ste Geneviève à
Paris et qui serait vu de tout l'univers. Loin d'étouffer l'affaire
les ennemis de l'Incorruptible donnèrent à ces ragots démentiels
les proportions d'une conspiration de fanatiques qui avait à sa tête
le " colosse " de la Révolution. Marc GuillaumeAlbert Vadier,
ennemi juré de Robespierre n'hésite pas à rattacher
le tyran à la vieille prophétesse, il brandit les brouillons
trouvés où il est dit entre autre également que Robespierre
a pour mission de proposer une " Constitution surnaturelle " en
prélude à la " Régénération universelle
" . Ce complot rocambolesque monté en épingle marque
la " chute " du " Grand Moïse ", son parti est
décapité
au sens propre, c'est la fin de la Terreur.
Avecce qu'on a appelé la " retraite de Robespierre ", et
la réaction thermidorienne, votre inculpation tourne court, on oublie
les chefs d'accusation vous concernant vous serez même nommé
enseignant à l'Ecole Normale dont le but est de former les professeurs
de la nouvelle France. CetteEcole vous apparaît bientôt comme
ayant un but sinistre, " l'établissement de l'athéisme
et la doctrine de la matière dans toute la République ".