essai de definitions : martinesisme, martinism
LE POINT AUJOURD'HUI.


Nous trouvons souvent les termes de Martinésisme, écrit parfois Martinézisme, Martinisme chez de nombreux auteurs. La proximité de leur signification reste une source de confusion…


Proximité, différence ou filiation ?
Aujourd'hui nous nous devons de " différencier ", ces dénominations de : Martinésisme (Martinézisme), Martinisme, et pour cela nous devons faire un retour en arrière, de quelques 233 ans, en 1774. L'origine commune de ces termes se trouve chez Martinès de Pasqually puis chez de son disciple Louis-Claude de Saint-Martin. Martinès de Pasqually vient de mourir, Saint Martin est à Lyon chez Willermoz pour les premières " Leçons aux Elus Coëns " (7 janvier), des Erreurs et de la Vérité est en cours d'écriture. Willermoz est en pleine gestation du Régime Ecossais Rectifié.


MARTINES DE PASQUALLY. LE MARTINESISME OU MARTINEZISME.
En 1774, Martinès de Pasqually vient de mourir. Il deviendra lui l'éponyme du Martinésisme (ou Martinézisme). Ce terme concernera tout ce qui se rapproche à Martinès de Pasqually, à sa doctrine et à l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers.
LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN. LE MARTINISME.
Qu'entendons -nous par martiniste ? L'affaire semble maintenant se corser quelque peu, mais revenons à l'histoire qui nous éclairera sûrement.
Le Martinisme de Saint-Martin
Il faut prendre l'appellation Martinisme, par rapport à Louis-Claude de Saint-Martin. Cette dernière amène à deux termes, aussi semblables que différents :
1. Cette appellation de Martinisme s'applique aux " disciples " du philosophe qu'était Louis-Claude de Saint-Martin. Je dis bien philosophe et je ne parle pas du " Philosophe Inconnu " dans sa dimension spirituelle et initiatique.
2. Martinisme s'appliquera aux Maçons rectifiés russes qui ont connu et suivi la doctrine de Saint Martin, tant sur un plan " philosophique " que sur un plan d'une " praxis ", d'une " opérativité spirituelle ".
Nous retrouvons ces deux notions encore aujourd'hui.
Saint-Martin, au-delà de ses ouvrages, a-t-il fondé quelque " ordre initiatique structuré ", c'est-à-dire comme on pouvait en rencontrer au XVIIIe siècle, d'influence maçonnique : avec un statut, un " rituel ", une " doctrine "… ou aurait-il créé un " ordre initiatique de désir " purement spirituel ?


Avant de répondre à cette question il faut se pencher rapidement sur la démarche initiatique de Saint-Martin. Il était Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte, eques a Leone Sidero, membre du Régime Ecossais Rectifié jusqu'en 1790 : " Tout le régime maçonnique devient chaque jour pour moi plus incompatible avec ma manière d'être et la simplicité de ma marche ", écrit-il à Antoine Willermoz (Lettre du 4 Juillet 1790). Mais il a soin de préciser qu'il reste lié comme Coën et par l'initiation.
Saint-Martin n'a jamais appartenu au Rite des Philalèthes, quoique, selon Savalette de Lange, il y ait été candidat, en 1782 ( ?), à la douzième classe. Invité à leur Convent de 1785, il ne s'y rendit pas.
Saint-Martin a appartenu aux sociétés para-maçonniques suivantes :
" La Société Philanthropique, dont il fut membre fondateur en 1780 et sur l'annuaire de laquelle son nom figure jusqu'à sa mort ;
" La Société de l'Harmonie, de Mesmer ; reçu le 4 février 1784 ;
" La Société des Initiés, fondée sur les instructions de l'Agent Inconnu. Il y est reçu le 4 juillet 1785, après avoir été adoubé Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte ;


Robert Amadou ne pensait pas que Saint-Martin ait fondé aucun régime, aucun rite, aucun ordre maçonnique - ni aucun ordre ou société initiatique d'aucune sorte. Le texte suivant exprime assez bien le sentiment et l'opinion à peu près constants au fond de Saint-Martin, s'agissant de la Franc-Maçonnerie : " Les personnes qui ont du penchant pour les établissements et sociétés philosophiques, maçonniques et autres, lorsqu'elles en retirent quelques heureux fruits sont très portées à croire qu'elles le doivent aux cérémonies et à tout l'appareil qui est en usage dans ces circonstances. Mais avant d'assurer que les choses sont ainsi qu'elles le pensent, il faudrait avoir essayé de mettre aussi en usage la plus grande simplicité et l'abstraction entière de ce qui est forme et si alors on jouissait des mêmes faveurs, ne serait-on pas fondé à attribuer cet effet à une autre cause; et à se rappeler que notre Grand Maître a dit : Partout où vous serez assemblés en mon nom, je serai au milieu de vous ".


(Mon livre vert, article inédit).
Saint-Martin n'a pas conféré d'initiation rituelle sui generis, soit qu'il en ait été le créateur, soit qu'il ait modifié une initiation à lui conférée. L'invraisemblance psychologique de l'hypothèse contraire est extrême. Et, en toute hypothèse, pas le moindre indice documentaire.
Le Martinisme de Papus, le Dr Gérard Encausse.
Le nom de Martiniste recouvre, en second lieu, la fondation réalisée par un occultiste de la Belle Epoque : Gérard Encausse dit Papus (1865-1916) avec un autre occultiste Augustin Chaboseau (1868-1946). Papus a créé l'Ordre Martiniste à partir d'une double volonté, d'abord celle de faire comprendre l'enseignement de Louis-Claude de Saint Martin et de Martinès de Pasqually. Une " nouvelle Maçonnerie " fondée sur le message d'intériorité d'élévation spirituelle, d'élévation spirituelle qui est celui de Saint-Martin.
Selon les mots de Robert Amadou, " ils se persuadent et persuadent beaucoup dans leur milieu d'avoir l'un et l'autre, selon deux généalogies différentes, reçu une initiation, quelque influx émané du Philosophe inconnu, alors qu'il s'agissait, au départ et au mieux, d'une ouverture informelle au martinisme ".
Papus procède aux premières initiations Martinistes en 1884-1885, fonde la première loge à la fin de 1887, puis un Ordre Martiniste avec des cahiers en 1887-1890.


En 1891 est constitué un Suprême Conseil de douze membres : Papus, président, Augustin Chaboseau, Stanislas de Guaita, Barlet, Maurice Barrès (après son retrait, Emmanuel Lalande-Marc Haven), Chamuel, Julien Lejay, Montière, Joséphin Péladan (après son retrait, Victor-Emile Michelet), Paul Adam, Burget, Yvon Le Loup-Sédir.
En 1893, Papus a été mis en possession, à Lyon, de la plupart des archives de Willermoz et l'événement prit à ses yeux une valeur initiatique pour le moins exagérée. Il fit alors un rapprochement entre Saint-Martin et Martinès. Rapprochement spirituelle, philosophique et " éponymique ".
(Sources Robert AMADOU)
L'Ordre Martiniste de Papus prétend transmettre une initiation spécifique dite : de Saint-Martin, qu'il aurait lui-même reçu de Martinès de Pasqually. Saint-Martin, Martinès, la boucle semble être bouclée, mais qu'en est-il vraiment ? Cette " initiation " aurait-elle pu se transmettre, avant 1891 et même depuis cette date, en dehors de l'Ordre martiniste. Qu'en est-il ?
Voici le point actuel des différentes filiations selon Robert Amadou (in Documents Martinistes). Il reste toutefois possible qu'un jour au détour de la découverte de papiers familiaux, de documents oubliés dans une bibliothèque ces trois versions se voient totalement confirmées ou infirmées…
1. La version Papus. Ordre Martiniste.
L'impossible filiation de Papus, soi-disant initié en 1882 (le journal intime de ses 17 ans n'en souffle mot). Aucune tradition familiale ou autre ne résiste à l'examen. En particulier la pseudo-filiation :
Chaptal,
Henri Delaage (âgé de 7 ans à la mort de Chaptal : un chaînon fictif manque donc) avec son legs de deux lettres et quelques points.
S et I viennent de la Stricte Observance Templière (Supérieur Inconnu), de Martines (Souverain Juge) et de Saint-Martin (Société des Indépendants), plus haut de Khunrath (le serpent sur la croix); les six points (A) sont chez Saint-Martin (Des nombres, § 20), dans la figure qualifiée pantacle par Papus.


2. La version Chaboseau.
Soi-disant initié en 1886, paraît plausible. Il s'agit d'une chaîne :
Saint-Martin,
Abbé de La Noue,
Antoine-Marie Hennequin,
Henri de Latouche,
Adolphe Desbarolles,
Amélie de Boisse-Mortemart, sa parente,
Augustin Chaboseau.
Un document requiert une mention spécial : il apporte le témoignage de Jean Chaboseau, fils d'augustin, qui, dans sa lettre de démission en Septembre 1947, de la Grande Maîtrise de l'Ordre Martiniste Traditionnel, affirme que son père n'a jamais reçu d'initiation rituelle des mains d'Amélie Boisse-Mortemart et ce d'après une note d'Augustin Chaboseau, résumée par Jean Chaboseau, " il s'agissait uniquement de la transmission orale d'un enseignement particulier et d'une certaine compréhension des lois de l'Univers et de la vie spirituelle, ce qui, en aucun cas, ne saurait être considéré comme une initiation à forme rituélique ". Philippe Encausse rappelle un échange d'initiations, dès la rencontre des deux prétendus initiés, en 1888, mais, dans une autre note autographe, Chaboseau se vante d'avoir initié Papus cette même année. Or, d'initiation à échanger ou à donner, il n'y en avait pas qui remontât en deçà des deux initiateurs.
Amadou croyait, en 1946, qu'il y avait là une initiation issue de Saint-Martin. C'est que G. van Rijnberk l'avait publié et cautionné et Amadou pensait que ce témoignage qu'il garantissait avait été vérifié. Mais lors d'une visite à Van Rijnberk en 1953, ce dernier lui apprit qu'il n'avait fait que de reproduire le récit d'Augustin Chaboseau, sans autre forme de procès !
Nous sommes donc certains, à l'heure actuelle et en l'état des documents connus, que ces deux " filiations " sont " mythiques ".
3. La version Russe Novikov, dite SAINT-MARTINIENNE.
Il s'agirait de la troisième filiation, troisième ou première, car si l'on utilise le terme de " Saint-Martinienne " pour celle-ci c'est qu'elle serait peut-être la plus proche, la plus fidèle à la praxis spirituelle de Saint-Martin.
Les Maçons rectifiés russes nous rattrappent…
Ceux que l'on nomme " Martinistes ", au XVIIIe siècle en Russie sont les Maçons Ecossais Rectifiés, des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte et/ou des disciples de Saint-Martin, maçons ou non. Martinites qui aurait suivi une certaine forme de " pratiques spirituelles " transmises par Saint-Martin.


Après la Révolution le groupe tombe en disgrâce, les " martinistes " russes se réunirent donc au domicile des uns et des autres, secrètement. Nombre d'entre eux durent s'exiler et venir en France.
Mais probablement que la rencontre, que les retrouvailles, fin XIXe, des Maçons Martinistes (Rectifiés) russes et du Martinisme (Papus) français permis de revivifier, voire de donner forme à cette idée d'une " transmission Saint-Martinienne " alliant la pureté d'un rectifié martinésiste et d'une voie martiniste cardiaque…
Cette riche filiation spirituelle donnera naissance aujourd'hui à la Société des Indépendants, " Société imaginée et espérée jadis par Saint-Martin lui-même, de manière à ce que puisse s'y effectuer, loin du bruit et du monde, le lent processus de purification, de régénération et de sanctification et de réconciliation, processus essentiel fondé sur la prière intérieure, nourri par l'oraison et sous-tendu par l'humilité du cœur […] Elle s'est édifiée ainsi, dans le respect des principes saint-martiniens, non un " Ordre " Martiniste de plus parmi les innombrables Ordres se déclarant et se présentant comme tels, mais la petite " Société " désirée par le Philosophe Inconnu, à savoir la réunion des Serviteurs Inconnus, de ces " Indépendants " qui ont accueilli le message de l'Evangile et se considèrent, simplement, comme des pauvres disciples du Christ Jésus, hvwhy, Notre Divin Maître Réparateur et Seigneur. "
(Philosophe Inconnu, de la Société des Indépendants du G.P.D.G.)


ET ALORS AUJOURD'HUI ?
Le Martinisme.
Il faut entendre par là : le ou les différents Ordres Martinistes. Ordres qui sont tous descendants d'une même et unique origine : Papus - Teder / Blanchard - Ambelain.
L'Ordre Martiniste a bien rempli le rôle que lui donna sans le savoir Martinès et Saint-Martin d'être un ferment pour la prière et la pratique d'un hermétisme chrétien des plus intérieur.
Le Martinésisme.
L'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers.
Il faut entendre par là : la doctrine de Martinès de Pasqually et l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns. Ce dernier n'existant plus dans sa forme originelle, celle voulue, espérée par Martinès. L'Ordre en tant que tel a disparu avec Martinès en 1774. Ses deux successeurs n'ayant que " liquidé " l'Ordre Coën.


Que des pratiques théurgiques, venant directement ou indirectement de l'Ordre des Elus Coëns, aient perdurées au sein de groupes informels issus du RER (Grande Profession), ou par d'autres mouvements dits " Rose-Croix " cela semble très probable, que ces groupes aient conservés et transmis ces pratiques jusqu'à aujourd'hui, cela semble aussi probable, mais sous quelle forme et dans quel contexte ? Certains témoignages directs et contemporains semblent accréditer cette thèse parlant de " Cérémonies théurgiques coënnes " se passant encore vers 1930.
La Résurgence de 1942-43 de l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers.
Le 24 Septembre 1942 à minuit (solaire), dix cercles, sept cercles sont allumés à Paris et en périphérie, en pleine Occupation par quelques Frères comprenant Apollonius, Aurifer, Baphometos, Cornelius, Fidelius, Hieroklès, Iakos, Ignifer, Phalgus et Raphaela. Trois opérateurs bénéficièrent des Passes (dont Aurifer et Ignifer).
" La validité de la résurgence coën qu'on peut, au vu de la chronologie précédente dater de 1942 /
1943, a
été vérifiée sans ambages et dès avant la lettre, en 1942, par la grâce de la chose, qui ne se démentit point par la suite. La filiation rituelle issue de cette résurgence en tire sa propre validité ". Ignifer R+C, Equinoxe d'automne 1944.
Le 9 décembre 1944, l'Ordre est déclaré à la Préfecture de Police de Paris.
Robert Ambelain intègrera à son Ordre Martiniste Initiatique la voie Théurgique de la Résurgence, la menant de parallèle avec la voie cardiaque de Saint-Martin.


En 1971/72 Yvan Mosca mettra la " Résurgence de l'Ordre Coën " en sommeil.
Quant à la permanence, du corps ou de l'esprit ( ?), aujourd'hui, de l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers, il faut se souvenir de la réponse que Jean-Baptiste Willermoz fit au baron de Turkheim lorsque celui-ci lui le questionnait en 1822 pour savoir s'il existait encore des Réau-Croix.
C'est en quelque sorte le mot de la fin ou …
" De tous les Réaux-Croix que j'ai connus particulièrement,
il n'en reste point de vivant.
Aussi il me serait impossible de vous en indiquer aucun pour après moi.
Je doute même que le temps présent soit propre à en préparer,
mais nous savons tous que le Tout-Puissant
plein d'amour et de miséricorde peut,
quand il le voudra,
faire naître des pierres mêmes des enfants d'Abraham ".
(Lettre du 21-31 mars 1822 de Jean-Baptiste Willermoz)


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